JACQUES BAINVILLE
SE TROUVE
A LA CITÉ DES LIVRES
26, BOULEVARD MALESHERBES, 26
PARIS
MCMXXIII
IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE :
15 EXEMPLAIRES NUMÉROTÉS DE 1 A 15,
SUR JAPON DES MANUFACTURES IMPÉRIALES ;
30 EXEMPLAIRES NUMÉROTÉS DE 16 A 45,
SUR VERGÉ A LA FORME DES PAPETERIES D’ARCHES ;
950 EXEMPLAIRES NUMÉROTÉS DE 46 A 999,
SUR VÉLIN PUR VIL DES PAPETERIES LAFUMA ;
ET 5 EXEMPLAIRES MARQUÉS DE A A E,
HORS COMMERCE, SUR PAPIERS DIVERS.
A CHARLES MAURRAS.
Notre amitié aura tantôt ses noces d’argent. Je ne compte plus vos bienfaits. Et pourtant, avant de vous offrir ces fables chétives, jamais je ne vous avais dédié la moindre page. Peut-être vous en êtes-vous étonné, et le public peut-être aussi. Laissez-moi donc vous dire pourquoi je me décide si tard à vous apporter ce médiocre bouquet.
… Vous rappelez-vous un dialogue que nous eûmes ensemble, il y a plus de vingt ans ? Vous l’avez mis par écrit, vous y parlez sous le nom de Pierre et moi sous le nom de Paul et vous y prêtez, aux gauches objections que je vous adressais, une richesse digne de votre générosité. Ce dialogue, vous ne l’avez pas réuni dans vos œuvres et c’est dommage. Il exprime quelques-unes de vos idées essentielles sur l’art et la poésie. Je l’ai gardé. J’espère que vous le publierez un jour. Et, puisque nous remuons des souvenirs, voici comment il s’ouvrait :
Ce n’était pas sous un olivier du Céphise, ni sous un platane de l’Illissus. Ce n’était pas non plus sous les astres de la Néva où la barque des Maistre traîne sa cargaison de pensées et de rêveries. Toutes les fois que j’ai songé à tenter les difficultés du dialogue philosophique, la vraie place de mes interlocuteurs me semblait établie de toute éternité sur un de ces brillants rivages de Claude Lorrain, devant le soleil qui se couche, entre les colonnades des palais de marbre poli qui répètent les feux du ciel et de la mer. Le souci de la vérité me contraint cependant à loger autre part la discussion dont j’ai été le témoin jeudi.
Mes deux jeunes amis, amis entre eux, Paul, vingt-deux ans, et Pierre, trente, échangeaient leurs vues différentes dans un cabinet assez vaste, tout peuplé de vieux livres et de livres nouveaux. Deux ou trois statuettes, quelques bustes, une haute lampe de bronze faisaient le décor de la scène ; on la verra quand j’aurai dit que les personnages se tenaient debout près d’une porte battante, dont le rideau tremblait un peu…
De quoi parlions-nous dans ce lieu que vous n’avez pas oublié plus que moi ? Je tenais des propos légers, et, comme vous dites souvent, impies. En vérité, je blasphémais les Muses. Je m’étonnais (vous connaissant encore mal) de « votre goût fâcheux pour certains sommets » auxquels je préférais les « coteaux modérés ». Je risquais un éloge impertinent de l’ironie chez les poètes et vous me répondiez avec un enthousiasme grave par l’apologie du haut lyrisme. Malgré les pensées ingénieuses dont vous l’orniez, le pauvre Paul n’avait pas l’avantage. Et, à la fin, vous écrasiez ainsi le triste amant de la muse pédestre :
La prose est l’expression naturelle du monde qui n’est probablement qu’une vaste ironie. Mais, en poésie, nous faisons (ou nous voyons faire) tout autre chose que le monde. Nous fixons le meilleur de nous-mêmes au-dessus de nous. Comment y aurait-il place dans le poème, qui est l’acte par excellence, pour le signe évident et le souvenir de tous nos malheurs, œuvre naturelle, inhumaine et dans laquelle nous ne sommes pour rien ? Non, non, c’est l’ironie qu’il en faut bannir avant tout. Elle est la terre. Et la poésie, c’est le ciel. Aimez-vous le ciel, ami Paul ?
— Vous ne me répondez pas ? Vous faites la moue indécise ou réprobative, peut-être ?… Vos yeux m’interrogent ? Quoi !… Vous me demandez si j’aime le ciel des poètes ? Non. Je ne l’aime pas. Car, en vérité, je l’adore.
Je n’ai perdu la mémoire ni de ce dialogue ni de cette leçon. J’en ai toujours gardé le sentiment d’une sorte d’indignité. Ma sécheresse native a sa pudeur. Laissez-moi vous dire que j’en rougis devant vous et c’est peut-être pour cela qu’il n’est pas tout à fait faux de m’appeler votre disciple. Et vous comprenez maintenant, si vous ne l’aviez déjà compris, pourquoi j’ai tant tardé à inscrire votre nom en tête de livres que leur imperfection n’empêche pas de vous devoir à peu près tout. Vous me pardonnerez encore de vous offrir celui-ci. Il ne pousse pas d’autres fleurs dans mon aride jardin.
Si la faute en est à quelqu’un, ce n’est pas à vous. D’ailleurs sais-je à qui ? Étant ainsi fait, m’en prendrai-je à mon esprit, à mon sang ou à ma terre ? Il y a quelque chose de rude dans cette Ile-de-France dont le ciel (nul n’en a parlé mieux que vous) est pourtant gris, même quand il est « gris perle ». Mais vous m’avez révélé une poésie méridionale, que je regarde comme un domaine inaccessible autour duquel l’homme du Nord peut seulement tourner. Les premières fois que je l’approchai, j’en eus comme une ivresse de la raison.
Je pense depuis longtemps qu’on vous connaît mal et même qu’on ne vous connaît pas du tout. J’ai lu sur vous beaucoup de pages : aucune ne m’a satisfait. Aucune n’a dit l’essence de votre pensée. Henri Rambaud la pénètre, mais je ne sais s’il est paresseux ou s’il désespère de la rendre : il n’en finit pas de donner à la Revue Universelle l’article qu’il m’a promis. Vous ne cachez pourtant pas votre secret. Vous l’avez dit en vers et en prose. Vous en livrez la clef quand vous répétez : « Ce qui m’étonne, ce n’est pas le désordre, c’est l’ordre. » Mais je crois que vous n’êtes pas entendu. C’est à ces moments d’intense clarté qu’il semble qu’on cesse de vous suivre.
De là l’étrange reproche qu’on adresse à vos doctrines et surtout à vos doctrines littéraires. On les accuse d’être desséchantes. J’en prends à témoin le dialogue de Pierre et de Paul : je touchais la vérité, je vous rendais justice, lorsque, contre vos cimes, je défendais effrontément mes coteaux.
Votre ciel est celui des poètes, celui qu’il y a vingt ans vous me disiez non pas aimer mais adorer. Et le cortège de vos idées en descend. Nous sommes nombreux à les accueillir dans la plaine, ravis si nous apercevons quelquefois vos sommets. Savoir qu’ils existent, c’est déjà beaucoup. Mais, je le confesse, et l’on s’en apercevra, depuis notre vieux dialogue tel est mon seul progrès.
Ne vous l’ai-je pas dit ? C’est à Martigues, chez vous, devant votre lagune, que j’ai peut-être avancé encore un peu dans la connaissance de vos principes. Je veux évoquer aussi ce souvenir. Il est double, une fois joyeux, une fois de deuil. Ainsi se croisent et se nouent les fils de l’amitié…
29 décembre 1922.
Jean-François Gobemouche était un habile tisserand de Reims, ville célèbre, entre autres choses, par l’excellence de ses drapiers. On était, chez les Gobemouche, tisserand de père en fils. On y naissait aussi avec une disposition naturelle à écouter les bourdes, fables et contes de ma mère l’Oie qui couraient l’air du temps. De là était venu le nom de la famille depuis les âges anciens.
Lorsque Jean-François était assis à son métier, il n’avait que des idées justes et claires. Il lançait sa navette d’une main exercée et il formait avec art la trame des plus riches tissus. Sa vie était simple et rangée et il s’adonnait à l’épargne. Il fuyait les tavernes et les pots, et il élevait dans la crainte de Dieu les nombreux petits Gobemouche que le ciel donnait à son foyer. S’il n’avait subi sa tendance héréditaire à la naïveté, Jean-François eût été sans reproche et sans défaut.
Sa faiblesse était de croire les marchands d’orviétan, vendeurs d’almanachs, avaleurs de sabre, charmeurs de serpents et diseurs de bonne aventure qu’il rencontrait sur les places publiques. Il n’était nouvelle merveilleuse qui ne trouvât en lui une oreille crédule et complaisante. Il ne s’étonnait pas d’apprendre que le Grand Turc avait épousé la République de Venise. Un jour qu’un arracheur de dents promettait d’enlever sans douleur, à l’aide de son sabre enchanté, les molaires les plus résistantes, Jean-François, qui souffrait d’un certain chicot, s’empressa de monter sur l’estrade. Là, en présence du peuple ébahi, tandis que la musique faisait rage, le charlatan, retroussant les manches de sa robe de docteur, tira de la bouche large ouverte du tisserand une dent bien creusée et bien noire.
« T’ai-je fait mal ? » demanda l’opérateur en exécutant, d’un air avantageux, un vaste moulinet avec son sabre.
Jean-François s’empressa d’assurer qu’il n’avait pas même senti le fer de l’instrument.
« Je prends la noble assistance à témoin de la déclaration du malade », s’écria le saltimbanque. Et, se penchant à l’oreille de Jean-François, il ajouta :
« Rentre chez toi, et, si tu tiens à la vie, ne mets ni le doigt ni la langue à la place où était ta dent avant qu’une journée entière n’ait passé, sinon il surviendra un flux de sang dont tu mourrais sur l’heure. »
Jean-François promit, et, ayant allégé sa bourse d’une pièce de vingt sols, rentra au logis en prenant grand soin de ne pas remuer la langue, quelque curiosité qu’il eût de savoir où en était sa gencive. Et quand le lendemain fut venu, il s’aperçut que le chicot était toujours dans sa bouche.
Mais cette mésaventure ne le guérit pas de sa crédulité, car l’expérience profite peu aux hommes quand leur esprit est ainsi fait qu’il aime à se nourrir de chimères et de mensonges.
Or, ceci se passait au temps illustre où le roi Louis XIV avait pour ministre un drapier de Reims, le sieur Colbert. Élevé à l’enseigne du Long Vêtu, Colbert voulait que le commerce du royaume fût prospère. Il soutenait les gens de métier et il favorisait leur établissement. Étant des mieux connu pour son habileté et sa bonne conduite, Jean-François obtint une des bourses par lesquelles le ministre du roi aidait à fonder des manufactures. Rempli de joie et d’espérance, il vint se fixer à Vouziers en Champagne, ville désignée pour recevoir des drapiers et des filateurs.
Ce jour-là, Jean-François Gobemouche s’applaudit d’avoir toujours cru aux merveilles. Mais il ne voyait pas que le seul miracle était de vivre sous un prince et des ministres appliqués au bien public. Ses années de labeur, son assiduité, son honnêteté trouvaient la récompense qui doit échoir aux bons travailleurs dans un État bien réglé.
Il ne remarquait pas non plus, tant la chose, ainsi qu’à ses contemporains, avait fini par sembler ordinaire, qu’il vivait en paix entre des frontières bien gardées, à l’abri des invasions, quoique les reîtres, pandours et lansquenets, qui, jadis, venaient ravager Lorraine et Champagne, fussent seulement à quelques étapes de la ville. Jean-François, dans cette sécurité, tissait des draps réputés pour leur finesse. Il les vendait aux marchands tailleurs de Paris, lesquels les cédaient avec bénéfice aux personnes de qualité. C’est ainsi que M. Jourdain, dont le père tenait boutique près le Pont Neuf et qui finit dans l’extravagance, tout bourgeois qu’il était, de se croire gentilhomme, avait acquis sa fortune.
Cependant le tisserand champenois accroissait la sienne et son commerce s’étendait à travers le royaume. Lorsque son fils aîné en prit la suite, il s’associa à des armateurs de Marseille dont les navires visitaient les Échelles du Levant, et ses étoffes furent recherchées des vizirs et des sultanes. Car, en ce temps-là, notre pavillon régnait sur la mer, notre marine était florissante et les marchands français n’avaient pas de rivaux en Orient.
Le drap se vendit si bien qu’à la troisième génération la descendance de Jean-François, récompensée de son application et participant à la grandeur et à la prospérité de l’État, parvint à l’opulence. Sous le roi Louis XV, dit le Bien-Aimé, Louis Gobemouche, qui avait hérité d’un beau domaine voisin de Vouziers, acheta une charge de magistrature, et bientôt, par lettres patentes, il eut droit de s’appeler M. de Gobemouche.
D’autres membres de la famille, ajoutant à leur patronyme des appellations de terres, se répandirent dans toutes les charges. On en vit à l’armée et même à la Cour. Mais qu’ils fussent comtes ou marquis, lieutenants généraux ou intendants de provinces, les Gobemouche restaient toujours Gobemouche. Et s’ils n’écoutaient plus les arracheurs de dents aux carrefours, comme leur humble ancêtre, ils restaient prompts à croire sur parole les rhéteurs, les sophistes et, en général, tous les charlatans de l’écritoire qui se vantent de réformer l’État et d’assurer le bonheur du genre humain.
Vers l’année 1780, M. de Gobemouche, fermier général, tenait table ouverte dans son hôtel de la rue Saint-Honoré. Inconsolable d’être arrivé trop tard pour donner asile à Jean-Jacques Rousseau et pour abriter sous son toit, à l’exemple des plus grands seigneurs, le citoyen de Genève, notre financier hébergeait de son mieux l’école philosophique. Il nourrissait dans sa vaisselle plate, servie par une armée de laquais en livrée, des philanthropes qui déclamaient contre le luxe et la servitude, et célébraient dans leurs livres le brouet noir à la mode spartiate, seul mets digne d’une République d’hommes affranchis et égaux entre eux, tels que la nature les crée. M. de Gobemouche s’émerveillait de ces discours. Il faisait imprimer à ses frais les ouvrages les plus hardis de ses auteurs familiers. Lui-même composait en secret, sur un bureau qui était un chef-d’œuvre de Boule, un traité de l’Égalité selon la loi naturelle.
Mme de Gobemouche, qui avait de la raison, du bon sens et de l’ironie, comme presque toutes les femmes de France, s’impatientait de ce carnaval.
« Pauvre sot », disait-elle à son mari (car elle avait le franc parler d’autrefois), « tu ne vois donc pas que ces pique-assiettes te tournent la tête ? Il te sied bien de trouver le monde mal fait. Ton aïeul le tisserand et ton grand-père le drapier n’étaient-ils pas sortis du peuple ? Les a-t-on empêchés de s’enrichir ? Toi et tes pareils, avec vos histoires à dormir debout, vous ferez si bien qu’à force de vouloir que les choses soient autrement qu’elles ne sont, vous mettrez le feu au royaume. Alors on pourrait bien voir Monsieur le fermier général à la lanterne. »
M. de Gobemouche se fâchait de ce langage. Il répliquait à sa femme qu’elle n’entendait rien au progrès des lumières. Quant à lui, il se ferait toujours gloire d’être philosophe.
D’ailleurs, s’il était l’ennemi des abus en général, il s’accommodait de ceux dont il profitait en particulier. Les finances étaient assurément ce qui demandait la réforme la plus pressante dans le royaume de France. Mais M. de Gobemouche se souciait peu de cette réforme-là et ses commis faisaient rentrer sans pitié les impôts qu’il prenait à ferme.
C’est ainsi qu’on parvint à la grande Révolution, dont M. de Gobemouche fut tout de suite un fervent adepte. Il fut député à l’Assemblée constituante et, par enthousiasme civique, il renonça à la particule. Le citoyen Gobemouche n’en fut pas moins porté, en 1793, sur une liste de suspects, ayant été dénoncé comme aristocrate par la section de son quartier. Sa femme, qui prévoyait depuis longtemps que ces aventures et ces désordres finiraient mal, lui procura un habit grossier et, sous ce déguisement, il réussit à quitter Paris.
M. de Gobemouche n’avait jamais vu la campagne que dans les allées de son parc et la nature que dans les livres de Jean-Jacques Rousseau. C’est pourquoi il se sentit tout gauche et vite harassé lorsqu’il se trouva sur la grand route, obligé de demander asile dans les granges. Il ne fit pas comme son ancien collègue, le savant Condorcet, qui fut pris pour n’avoir pas su dire, à l’auberge, de combien d’œufs il voulait son omelette. Mais, au moment où le fugitif traversait un village, son air embarrassé éveilla les soupçons. Il dut montrer ses papiers qui le présentaient comme un charron du Perche rentrant au pays. Cependant ses mains blanches témoignaient qu’elles n’avaient jamais manié que la plume dont il avait écrit le traité de l’Égalité selon la loi naturelle. Les sans-culottes du lieu s’étonnèrent d’un charron qui n’avait pas les paumes calleuses. Ils lui posèrent sur son prétendu métier des questions auxquelles il fut incapable de répondre, car il ne connaissait l’art de construire les voitures que par l’Encyclopédie de M. d’Alembert. Ainsi le progrès des idées philosophiques avait perdu M. de Gobemouche et la philosophie ne servait pas à le sauver.
Ramené à Paris, il fut traduit devant le tribunal révolutionnaire où siégeaient plusieurs réformateurs de la société qu’il avait jadis nourris à sa table et qui le condamnèrent à mort de peur d’être accusés d’avoir fréquenté un aristocrate. Quelques jours plus tard, il fut conduit à la guillotine, et la charrette passa rue Saint-Honoré devant son hôtel. Alors l’infortuné Gobemouche évoqua ses illusions anciennes et le souvenir de son aïeul Jean-François qui, lui aussi, avait cru sur parole les mensonges du charlatan.
« Encore, se dit-il, la crédulité n’avait-elle coûté que vingt sols à mon arrière-grand-père. S’il avait gardé sa mauvaise dent, il gardait sa tête sur ses épaules, tandis que j’ai fait tout ce que j’ai pu pour que la mienne fût coupée. O naïveté funeste ! O don fatal de ma race ! Plus nous sommes grands, et plus nos sottises se paient cher ! »
La Révolution fut une mauvaise affaire pour la famille Gobemouche. Lorsque le fils du fermier général guillotiné voulut entrer en possession de son héritage, la fortune des drapiers était partie en fumée. Ce qui n’avait pas été confisqué ne représentait plus qu’un paquet d’assignats sans valeur. Quant au domaine de Vouziers, il se trouvait dans le voisinage de l’Argonne, et les Prussiens, à leur entrée en France, l’avaient ravagé. C’était leur première invasion, et ils ne devaient pas revenir moins de quatre fois par la suite.
Pour tout patrimoine, le jeune Gobemouche avait sa bonne mine, de la bravoure et le prénom de Lycurgue que lui avait donné son père, en signe d’admiration pour les héros républicains de l’antiquité. Comme la Révolution était entrée dans des guerres qui devaient durer plus de vingt ans, on avait besoin de soldats. Lycurgue Gobemouche s’engagea et il fit de nombreuses campagnes. Il eut le typhus à Toulon, la peste à Jaffa et il était capitaine quand un boulet lui emporta une jambe à Essling, à deux pas du brave Lannes.
— Comment t’appelles-tu ? lui demanda l’Empereur.
— Gobemouche, Sire, répondit le blessé.
— Voilà la sorte d’hommes qu’il me faut, murmura Napoléon pensif. Et il retint ce nom. En effet, pour ses batailles, aussi stériles que glorieuses, il lui fallait ces Français naïvement enthousiastes dont il prodiguait le sang.
Napoléon Ier a laissé la France appauvrie et plus petite qu’il ne l’avait trouvée. Mais il avait pour principe de récompenser le soldat. Le capitaine Gobemouche entra dans l’administration et, devenu préfet, put restaurer son domaine.
Cette nouvelle splendeur dura peu. Les mauvais jours de l’Empire arrivèrent. De nouveau, l’étranger en armes envahit notre pays, pillant ce qu’il rencontrait sur son passage. En 1814 et en 1815, Vouziers, décidément placé sur une route dangereuse, fut ravagé deux fois. Le temps n’était plus où les habitants de la ville vivaient en paix, élevant leur famille dans la sécurité de l’existence et des biens.
Tout ce que Lycurgue Gobemouche avait gagné aux guerres de l’Empire, c’était, avec sa jambe de bois, ses souvenirs de campagne. Il les écrivit pendant ses années de vieillesse, pestant et jurant contre le retour de la monarchie légitime et contre la sagesse du roi Louis XVIII, qui relevait la France de ses désastres et de ses ruines, la mettait à l’abri des invasions et se regardait comme chargé, avant toute chose, d’éviter des batailles de Waterloo.
Le fils du capitaine à la jambe de bois s’appelait Agénor. Il débuta dans le monde comme poète romantique. Il avait la taille élancée, de longs cheveux, un front rêveur et des gilets de couleur éclatante. Il composait des ballades où l’on voyait des chevaliers, des châtelaines prisonnières, des pages fidèles, sujets qui ornent encore les pendules de nos vieilles maisons de campagne. Le poète élégiaque releva la particule abandonnée par son grand-père et il y eut de grands succès dans les salons de Paris pour Agénor de Gobemouche. C’est ainsi qu’il épousa une héritière au cœur poétique dont la famille avait fait fortune dans le sucre de betterave, au temps du blocus continental.
Vers la trente-cinquième année, sous le règne de Louis-Philippe, le comte Agénor de Gobemouche commença à devenir chauve, ce qui donnait du sérieux à sa physionomie, et à prendre de l’embonpoint, ce qui ajoutait de la gravité à sa démarche. Il avait renoncé depuis quelque temps à la poésie lyrique, mais, avec la fortune, d’autres ambitions lui étaient venues et il fut élu député de l’arrondissement de Vouziers.
A la Chambre, le comte Agénor de Gobemouche siégea sur les bancs du parti libéral, et, plus il allait, plus ses opinions étaient avancées. Il est vrai qu’il ne croyait pas aux chemins de fer. Il pensait, avec M. Thiers, que ce joujou n’irait jamais au delà de Saint-Germain et, avec M. Arago, que les voyageurs prendraient des fluxions de poitrine en sortant des tunnels, par suite de la différence des températures. Mais il croyait énergiquement que les peuples étaient faits pour s’entendre comme des frères et pour former une Sainte-Alliance d’où sortiraient les États-Unis d’Europe. Il s’intéressait aux Hongrois, aux Polonais, aux Italiens et même aux Allemands, qui comptaient alors parmi les nationalités opprimées et souffrantes, et dont le sort le touchait beaucoup plus que l’avenir de la nation française. Il était convaincu, enfin, que toute vérité réside dans la démocratie et que la foule a toujours raison.
Aussi la Révolution de 1848 trouva-t-elle Agénor de Gobemouche disposé à l’enthousiasme. Il fit bénir un arbre de la liberté sur la pelouse de son château de l’Argonne, nouvellement reconstruit. Aux élections, il se présenta comme ouvrier de la pensée, ayant occupé sa vie à l’étude de la question sociale. Cependant, il eut la mortification de se voir préférer un prolétaire véritable et, le soir du vote, la foule chanta sous ses fenêtres :
L’ancien député libéral fut troublé par ces événements et plus encore par ceux qui suivirent. En effet, le neveu de l’empereur Napoléon s’empara du pouvoir et le peuple, par sept millions de suffrages, l’approuva d’avoir pris la dictature et relevé l’Empire. Le comte Agénor ne savait plus s’il devait exécrer l’auteur du coup d’État qui avait renversé la République, ou vénérer en lui l’élu et l’oint de la démocratie.
Dans ce doute, il achevait de vieillir, en attendant l’heure où les peuples libérés se donneraient la main et se traiteraient en frères, lorsqu’il devint évident que les Allemands n’étaient pas animés pour nous de sentiments fraternels. M. de Gobemouche se figurait encore une Allemagne peuplée de burgraves, d’ondines et de philosophes fumeurs de pipes pacifiques, lorsque des légions d’hommes roux, coiffés du casque à pointe et armés de fusils à aiguille, s’abattirent sur la France comme les hordes des temps barbares. Plus les invasions se multipliaient et plus elles étaient cruelles, plus elles laissaient la France dévastée. Le règne de Napoléon III finissait encore plus mal que celui de Napoléon Ier et jamais la famille Gobemouche n’avait été à ce point victime de sa crédulité traditionnelle.
Les fils du comte Agénor, — car la famille était toujours brave, — s’étaient engagés pour défendre la patrie. L’un d’eux fut tué à Bapaume. L’autre suivit, quoique blessé, la retraite de Bourbaki dans la neige et par le terrible hiver, et n’échappa que par miracle à la mort. Quant à M. de Gobemouche lui-même, pris comme otage par les Allemands, il fut contraint de monter sur les locomotives, sous prétexte que les francs-tireurs attaquaient les trains. Dans ces conditions, qu’il n’avait pas prévues, non plus que M. Arago, il prit une fluxion de poitrine dont il mourut.
Ainsi, d’âge en âge, les Gobemouche se montraient pareils à eux-mêmes : braves et loyaux, laborieux et spirituels, mais toujours naïfs et dupés. Qu’ils fussent artisans, grands seigneurs, financiers ou soldats, ils savaient faire leur devoir aussi bien que leur fortune. Mais ils ne raisonnaient pas sur la chose publique. Ils étaient incapables de rattacher les effets aux causes et de comprendre pourquoi ils souffraient dans leur personne des événements de l’histoire. Tour à tour guillotinés, amputés, ruinés, envahis, fusillés, ils continuaient à subir ces malheurs et même à les appeler sur leur tête par la déplorable inclination qui les portait à admettre comme vérités révélées toutes les sottises de leur époque et jusqu’aux mensonges de l’ennemi.
Un vieux proverbe de nos campagnes dit que l’expérience des pères est perdue pour les enfants. En effet, l’histoire de la famille aurait dû, surtout après la démonstration si cruelle de 1870, mettre les Gobemouche en garde et leur apprendre à être méfiants. Il n’en était rien.
Dans les premières années de notre siècle, un des maîtres de forge les plus puissants de la région des Ardennes avait coutume de dire, au moins deux fois toutes les vingt-quatre heures, en se frottant les mains, qu’il « marchait avec son temps ». M. Degobemouche (il avait donné à son nom cet aspect de haute bourgeoisie, plus convenable à un âge d’égalité et aux grandes affaires), administrait de nombreuses sociétés anonymes. En effet, le nord-est de la France, grâce à la découverte des mines de fer, était devenu d’une activité et d’une prospérité prodigieuses.
Ce qui était inquiétant, c’était que les Allemands eussent cette richesse à portée de la main : le bassin de Briey-Longwy renferme à lui seul des milliards de minerai de fer et ce minerai, justement, s’épuisait en Allemagne, qui en avait grand besoin. Aussi les métallurgistes de là-bas cherchaient-ils les occasions de se mettre dans les bonnes grâces de leurs confrères français, pour mieux dériver vers les usines Krupp l’acier qui servirait à fondre des obus et des canons géants.
M. Degobemouche, qui marchait avec son temps, savait bien que la guerre était impossible. Les Allemands n’avaient aucun intérêt à la déclarer et un peuple d’une « culture » aussi avancée ne commettrait jamais ce forfait contre la cause humanitaire. D’ailleurs, la France ne ferait jamais la guerre non plus. Donc il était absurde de craindre un conflit. M. Degobemouche réprouvait les réactionnaires qui s’hypnotisaient sur les souvenirs de 1870 et qui perpétuaient la défiance et l’hostilité entre deux peuples également épris de progrès et faits pour s’entendre. Aussi donnait-il lui-même l’exemple du rapprochement franco-allemand et il ouvrait toutes grandes les portes de ses usines et même de ses conseils d’administration aux ouvriers, aux ingénieurs et aux banquiers d’outre-Rhin. Quand on marche avec son temps, on n’a pas de préjugés, on ne connaît pas de frontières et l’on n’a pas de préférence pour les prolétaires de tel ou tel pays.
Il y avait depuis longtemps, dans les vastes ateliers et les hauts fourneaux qu’administrait M. Degobemouche, un certain docteur Kindermorder qui possédait la confiance du patron. Le docteur Kindermorder, délégué de la Deutschfranzœsische Bank de Berlin, n’était pas joli à voir. Il avait l’œil fuyant derrière ses lunettes d’or. A table, il mangeait d’une façon pénible pour ses voisins. Il formait sur son couteau des pyramides de viande et de légumes qu’il introduisait d’un seul coup dans sa bouche, la tête renversée en arrière. Il se curait les dents avec sa fourchette, qui lui servait ensuite à peigner sa barbe jaune et rude, tandis qu’il citait la Paix perpétuelle de Kant et qu’il déclamait des strophes idéalistes de Schiller. M. Degobemouche l’écoutait avec attendrissement et il rêvait de donner sa fille en mariage à ce noble fils de la Germanie, dans l’idée qu’une femme française corrigerait vite ses légers défauts d’éducation.
Mais les jeunes Degobemouche appartenaient à une génération nouvelle qui n’aimait pas les Allemands ; Guy, l’aîné, en voulait à Kindermorder qui lui avait cruellement tiré les oreilles quand il était petit. Guy savait que l’ingénieur brimait les ouvriers français, surtout les vieux, ceux qui portaient le ruban vert de 1870. C’est pourquoi Guy surveillait le délégué de la Deutschfranzœsische Bank dans l’espoir de le prendre en défaut et de se venger.
Un jour, le jeune homme se crut sûr de son fait.
— Papa, dit-il à M. Degobemouche, Kindermorder est un espion. J’en ai la preuve. Il va toujours se promener avec son appareil photographique du côté des forts et il a toutes sortes de calepins qu’il remplit de notes en langage convenu.
M. Degobemouche reprocha vivement à Guy de s’être méfié d’un collaborateur de son père qui était en même temps un hôte. Il lui dit que, par là, il s’était fait espion lui-même et qu’au surplus le docteur Kindermorder était une nature trop élevée et trop idéale pour exercer un si vil métier.
Mais Guy n’abandonnait pas son idée, et il continuait d’observer l’ingénieur. Celui-ci avait construit sa villa sur un plateau qui domine Vouziers. Dans l’été de 1913, il fit installer deux vastes plates-formes bétonnées sous prétexte de disposer un jeu de tennis.
— Cette fois, se dit Guy, je le tiens. Il prépare des emplacements de canons pour la guerre future. Et il s’empressa de communiquer ses soupçons à son père. Mais M. Degobemouche s’emporta.
— Je vois ce que c’est, dit-il. On persécute mon meilleur collaborateur. Un vent d’espionnite et de délation souffle sur ce pays, toute la jeunesse est empoisonnée par les idées romanesques de l’auteur de l’Avant-Guerre. Où irions-nous si l’on écoutait M. Daudet ! Les affaires ne seraient même plus possibles. En attendant, je me charge de faire respecter le docteur Kindermorder dont j’ai éprouvé la loyauté.
Guy se tut. Mais il avait le cœur gros en voyant l’ingénieur prussien faire la loi dans les conseils d’administration, décider des marchés et de la disposition des usines. La société Degobemouche et Cie était seule en France à fournir à l’artillerie un explosif dont la fabrication exigeait des chambres de plomb spéciales. Peu à peu, sous l’influence de Kindermorder, cet agencement compliqué et coûteux fut centralisé tout près de la frontière. Ainsi, dès les premières heures de l’invasion, nous devions être privés d’un des éléments les plus précieux de notre défense.
Or, au milieu du mois de juillet 1914, Kindermorder annonça qu’il allait passer ses vacances en Allemagne.
— J’aurai le plaisir de vous revoir bientôt, dit-il à M. Degobemouche avec un sourire bizarre dans sa barbe en broussaille.
Et comme Guy le regardait, il répéta avec plus de dureté :
— Mais oui, bientôt, mon jeune ami. Nous nous reverrons bientôt.
La mobilisation générale était déjà ordonnée, et Guy avait répondu à son ordre d’appel, que M. Degobemouche refusait de croire à la guerre.
— Ce n’est pas possible, disait-il, tout va s’arranger d’ici quelques heures. Le pays de Kant et de Schiller ne peut pas combattre le pays de Victor Hugo et de Pasteur. Et puis, Kindermorder m’a dit cent fois que les intérêts financiers de la France et de l’Allemagne étaient trop étroitement unis pour que cette lutte ne fût pas une lutte fratricide.
Le maître de forge des Ardennes attendait que la paix se rétablît sur l’ordre des banquiers de Berlin quand les soldats allemands apparurent nombreux comme des nuées de sauterelles, accompagnés de canons monstrueux qui lançaient d’énormes marmites à vingt kilomètres. M. Degobemouche était à peine remis de sa stupéfaction lorsqu’un officier prussien se présenta.
— Je vous avais promis que nous nous reverrions bientôt, dit Kindermorder en ôtant son casque. Il avait toujours ses lunettes, mais il avait rasé sa barbe et, de sa mâchoire brutale, il ne scandait plus des strophes de Schiller.
Sans plus attendre, il expliqua à M. Degobemouche ce qu’il voulait. Les hauts fourneaux, les usines devaient continuer à travailler pour l’Allemagne. Le directeur serait personnellement responsable de tout arrêt de la production.
A ces mots, les dernières illusions de M. Degobemouche s’envolèrent. Dans sa poitrine, un cœur nouveau s’anima.
— Jamais, répondit-il à Kindermorder, en le regardant avec mépris. L’Allemand se contenta de répliquer durement qu’il savait ce qu’il lui restait à faire.
Le métallurgiste le savait pareillement. Une pensée ne le quittait plus : contre son fils soldat, l’ennemi voulait le contraindre à forger des armes. Eh bien ! lui aussi, à sa manière, il combattrait. Il savait le moyen d’inonder la plus riche et la plus prochaine de ses mines. La nuit venue, il s’y rendit à pas de loup. Mais les abords en étaient gardés et les sentinelles l’arrêtèrent.
Aussitôt Kindermorder fit déporter M. Degobemouche dans un camp d’otages de la Prusse orientale. Il y est mort de mauvais traitements.
Le lieutenant Guy Degobemouche est revenu de la guerre avec le ruban rouge, une croix de guerre couverte de palmes et deux graves blessures dont il souffrira toujours. Il a perdu son père et combien de ses parents et de ses camarades ! Sa fortune, tout entière en pays occupé, a disparu.
— Me voici aussi pauvre que l’avait été mon aïeul le tisserand de Reims, dit-il un jour en souriant à l’infirmière qui l’avait soigné et guéri. Toute ma vie est à recommencer.
Et il ajouta en soupirant :
— Quelle femme sera assez courageuse pour la recommencer avec moi ?
Mais elle ne craignait pas plus la pauvreté, le travail et la peine qu’elle n’avait craint l’hôpital, et c’est pourquoi elle répondit :
— La France aussi a sa fortune à refaire. Pourtant les Français ont confiance en elle. Nous aurons confiance comme eux.
Ainsi s’avoua leur amour. Mais, une fois, Guy lui avait raconté l’histoire de sa famille, par manière de plaisanterie. Et il reprit en rougissant :
— Si seulement je pouvais donner à mes enfants un nom moins ridicule.
— Oh ! dit-elle, la seule chose que je n’aurais pas voulue, c’eût été de m’appeler Apfelblum ou Schweinhans. Tous les noms de chez nous sont beaux, et il y aura encore des Gobemouche. Mais nous leur apprendrons à ne pas l’être comme leurs ancêtres l’ont été.
Quand j’ai connu M. Athanase Larive, il était déjà bien vieux. On aurait dit qu’il était tordu comme un cep de vigne s’il n’avait vécu au pays du cidre. Mettons qu’il ressemblait à un pommier antique et moussu, courbé vers la terre à force d’avoir porté le poids de ses pommes.
M. Larive était bossu, bossu autant qu’on peut l’être. Sous le règne de Louis-Philippe, le receveur de l’enregistrement qui avait la manie des calembours et dont la femme jouait du piano, avait donné au jeune Athanase le surnom de « dos dièse ». Le sobriquet en était resté au bossu, dont la colonne vertébrale piquait le ciel suivant l’angle capricieux de la note chère à Beethoven. A trois lieues à la ronde, M. Larive était connu sous le nom de Dos-Dièse, bien que la connaissance de la musique ne soit pas le fort des fermières et des herbagers.
C’est peut-être parce qu’il avait été frappé dans sa stature et raillé par le receveur de l’enregistrement que M. Larive en voulait à la Providence. L’amertume rongeait son cœur. Pourtant, si elle l’avait planté de travers, la Providence ne s’était pas montrée avare de tous ses biens. M. Larive était un bourgeois à son aise. Il avait de la terre, du vin dans sa cave et, après celle du notaire, sa maison était la plus belle du bourg.
Ces faveurs de la fortune ne le consolaient pas de sa bosse. Il montrait le poing au ciel en l’accusant de ses malheurs. Il se réjouissait d’être sacrilège lorsqu’il appelait la divinité, comme il l’avait entendu autrefois d’un vieux sans-culotte : « Le brigand qui est là-haut. » En cela, M. Dos-Dièse tombait dans l’hérésie de Marcion qui, au IIe siècle de notre ère, prêchait mensongèrement aux fidèles des églises de Syrie l’existence d’un dieu malfaisant, injuste et cruel. Vers l’époque de la guerre de Crimée, le vénérable curé doyen dénonça, du haut de la chaire, M. Larive comme marcionite. Mais M. Larive se vantait de ne pas aller au prône. Au surplus, il n’avait jamais entendu parler de Marcion qui, lui-même, après tout, était peut-être bossu.
La disgrâce la plus sensible de M. Dos-Dièse lui vint du projet qu’il forma, un peu après l’élection du prince-président, de prendre femme. A la vérité, il avait bien choisi. Adélaïde, ou, comme on dit dans le Cotentin, Dlaïde était droite comme un I et ses joues étaient fraîches comme un pommier en fleurs. C’était une simple paysanne mais habile au ménage, au soin des bêtes et de la laiterie. Et sa parole rustique avait du bon sens et de la gaîté.
Sa mère fut flattée de la demande de M. Larive, parce qu’elle considéra que le bossu avait du bien. Mais, au premier mot de mariage, Dlaïde éclata de rire. Elle affirma que, sa bosse fût-elle tout en or, elle ne voulait pas d’un homme qu’avait l’dos pointu et la goule démise, c’est-à-dire la bouche plus haute d’un côté que de l’autre. Car il est juste d’ajouter que M. Larive offrait un visage étrangement tordu sur des épaules inharmonieuses. En vain fut-il représenté à Dlaïde qu’elle roulerait carrosse.
— J’aime mieux la voiture à Gringore, répliquait-elle.
Et la voiture à Gringore, en Normandie, est celle qu’on prend avec ses deux jambes.
Le sort du soupirant fut scellé le jour où Dlaïde eut dit, d’un accent décisif : « Je ne veux pas d’un mari dans les cendres. » O merveilleuses beautés de notre langue lorsqu’elle est parlée selon son génie naturel ! Un mari dans les cendres, c’est un mari sans jeunesse et sans vigueur, grelottant dans sa cheminée… Villon, Rabelais, La Fontaine eussent recueilli comme des diamants les mots naïfs et puissants de Dlaïde.
Le rival heureux de M. Dos-Dièse fut un gars solide qui, aux processions, portait la bannière. De ce jour, le bossu jura une haine sans fin au ciel, à Rome et à son curé.
Il faut aller aujourd’hui dans des provinces reculées pour découvrir le type de l’anticlérical de vieille roche, tel qu’il existait sous Charles X. M. Combes, lorsqu’il était président du Conseil et qu’il donnait à dîner, parlait à ses voisines de table de « la Congrégation ». M. Athanase Larive était de cette école.
En ce temps-là, d’ailleurs, l’anticléricalisme passait pour une hardiesse, une élégance, et même pour une nouveauté, comme s’il y avait jamais rien de neuf. La plupart des bourgeois, et pas mal de châtelains se piquaient d’être des esprits forts. Entre le notaire, qui faisait semblant de lire le Voltaire et le Rousseau dont s’ornait sa bibliothèque, le médecin, qui était matérialiste, et le pharmacien, d’après lequel Flaubert aurait pu peindre son célèbre personnage, M. Larive se distinguait par son ardeur et son âpreté. Auprès de lui, tous étaient des tièdes. Et tous avaient des femmes qui, plus ou moins, allaient à la messe et voulaient le baptême pour leurs enfants. Mais le bossu était farouche et solitaire. Il raillait ses amis de leurs faiblesses. Aux cérémonies, il les retenait sous le porche de l’église, dont il ne passait jamais le seuil, s’agît-il de marier ou d’enterrer ses propres parents. Or, en lui-même, il méditait une manifestation plus éclatante de son impiété, et telle que le scandale en retentît sur tout le canton.
Ces choses se passaient il y a plus de soixante années, sous le règne de l’élu du peuple, Napoléon III, pour lequel M. Dos-Dièse avait voté avec des millions de Français. Il n’avait pas voulu de Lamartine, parce que ses poèmes parlaient de Dieu et sentaient la sacristie, ni du général Cavaignac, qui passait pour le candidat des calotins. Et puis, M. Dos-Dièse était un peu bonapartiste, en haine des Bourbons d’abord et parce que sa littérature se résumait en Béranger dont il savait les chansons contre les jésuites, les curés, les bedeaux et même les sonneurs.
Son premier voyage à Paris fut justement pour assister aux obsèques du chansonnier. Au milieu d’une grande affluence de curieux, il vit le cercueil de Béranger conduit au cimetière sans prêtre et sans croix. Ce fut pour le bossu un trait de lumière.
— Et moi aussi, dit-il, je serai enterré comme l’illustre Béranger. Moi aussi, je donnerai l’exemple. En voyant passer mes cendres dépourvues de l’appareil de la superstition, mes concitoyens seront étonnés. L’obscurantisme reculera. Au fond de nos campagnes, se lèveront la liberté et le progrès.
Le bossu agita ces pensées pendant son retour. Il tenait sa vengeance posthume contre la divinité, Dlaïde et le beau gars qui portait la bannière aux processions. Toutefois, l’enthousiasme de M. Dos-Dièse n’allait pas jusqu’à désirer de mourir tout de suite pour que son enterrement eût lieu plus tôt. Quoiqu’il fût de frêle apparence, il devait vivre encore bien longtemps. Le ciel le combla d’années. Et c’est justement ce qui fit qu’il n’eut pas la satisfaction d’outre-tombe sur laquelle il avait compté.
La résolution qu’avait prise le bossu, contempteur de la Providence, ne tarda pas à être connue, tant il mettait de provocation à la publier. A elle seule, elle était un scandale. Dans ces campagnes attachées à la religion, il n’y avait jamais eu d’enterrement civil. Même au temps de la Terreur, il s’était trouvé des prêtres insermentés pour administrer les agonisants, car on avait chouanné dans le pays. En claironnant son projet, M. Larive fit sensation. Les anticléricaux du bourg savaient bien qu’eux-mêmes, avant d’aller à leur dernière demeure, passeraient par l’église. Ils se fortifiaient dans l’incroyance par le défi de leur chef. Car M. Larive, qu’on avait sujet de croire affilié à la maçonnerie, était le chef incontesté de l’anticléricalisme dans le canton.
Des années s’écoulèrent. Des générations grandirent. Dans le bourg, beaucoup d’hommes et de femmes moururent… Le bossu vivait toujours. Était-ce sa bosse qui le conservait, ou la Providence le ménageait-elle pour des fins mystérieuses ? Mais, à chaque « inhumation », on répétait, en apercevant le sourire diabolique de Dos-Dièse :
— Quand il mourra, celui-là, ce sera un enterrement civil.
Et quelques-uns prononçaient ces mots avec une joie impie, mais la plupart avec horreur.
Et pendant ce temps aussi, plusieurs curés se succédèrent. Les uns, au pied de la croix et des autels, priaient pour sa conversion et le salut de son âme. Les autres, armés pour la lutte et la controverse, réfutaient et condamnaient ses doctrines pernicieuses. Mais tous sentaient que ce pécheur était endurci, qu’il n’y avait pas d’espoir qu’il vînt à résipiscence, et, au fond de leur cœur, ils redoutaient le jour où il ne mourrait que pour donner l’exemple de l’impénitence finale aggravée d’un scandale inouï.
Lorsque les institutions et les lois de laïcité apprirent au bossu que son parti triomphait, il n’eut pas de modération dans la victoire. Il craignit seulement — tant la vanité des hommes est puissante — que son idée ne fût prise par un autre et que, jusque dans la mort, le pouvoir ne trouvât des courtisans. Or, il y avait, à Paris, bien des enterrements civils illustres, celui de Gambetta, celui de Victor Hugo. Mais, dans le bourg, les anticléricaux eux-mêmes, une fois au linceul, continuaient à recevoir la bénédiction de l’Église.
Et, de nouveau, des années passèrent. Et M. Larive commença à devenir bien vieux. Sa bosse était toujours légendaire. Sa haine des curés aussi. Mais l’histoire de son enterrement civil s’éloignait. Il en avait trop parlé et il ne finissait pas de mourir. Et puis, les esprits changeaient. Il était venu un pharmacien qui, de temps en temps, allait à la messe, ce qui, de mémoire d’homme, ne s’était vu. Sans doute, le nouveau vétérinaire tenait bon. Pour le notaire, qui avait acheté, avec l’étude, la bibliothèque de ses prédécesseurs, s’il ne lisait pas Voltaire et Rousseau plus qu’eux, il persistait à se dire voltairien. Mais il l’entendait en ce sens que, si l’incrédulité est inoffensive chez les notaires, il faut de la religion pour le peuple et qu’au point de vue de la propriété et de l’ordre social, les prêtres ont du bon.
Lorsqu’il se promenait avec Dos-Dièse, après avoir parlé terre et placements, la discussion ne manquait jamais de prendre le même cours.
— Voyez-vous, disait le notaire, il faut aller doucement. Ces idées socialistes sont bien dangereuses. Après tout, le clergé a plutôt une bonne influence.
— Dites tout de suite, répliquait le bossu, que vous voulez nous ramener la dîme.
— Mais, M. Larive, quand vous recevez vos fermages, est-ce que ce n’est pas aussi une dîme ?
Dos-Dièse n’aimait pas penser à ces choses ni à d’autres qui le dérangeaient. Cependant un jour vint où l’on commença à parler d’une guerre possible. M. Larive en restait toujours à Rome et à la Congrégation. Même il déshérita un de ses neveux qui s’était permis de dire devant lui qu’il était plus facile de faire la guerre aux curés que de la faire aux Prussiens. Et bientôt, ce fut l’invasion, la plus terrible de toutes les guerres. Dans le bourg, chaque semaine, arrivait une nouvelle funèbre et les cloches sonnaient le glas. Lorsque tant de beaux jeunes gens mouraient, qui se souciait de savoir comment serait enterré un vieux bossu ? Le vétérinaire lui-même finit par perdre patience.
— Quand on lui parle du communiqué, il répond par les jésuites. Décidément Dos-Dièse radote.
Ainsi avait marché le temps.
Je suis revenu cet été à X… et j’ai pu voir enterrer M. Larive. L’enterrement a été civil : ses dernières volontés, qui dataient de 1857, étaient formelles. Quelques jours plus tôt, à X…, comme dans toutes les villes et villages de France, on avait rendu hommage aux soldats morts pour la patrie. Et tout le bourg, jusqu’aux fonctionnaires, était venu à l’église. En sortant, le receveur de l’enregistrement avait avoué à sa femme que le Dies iræ « lui faisait quelque chose ».
L’enterrement de M. Larive passa inaperçu. Le juge de paix déclara que le défunt « n’était pas à la page ». Quant aux âmes simples, elles ne furent même pas scandalisées. Lorsque le corps, rapidement conduit au cimetière, traversa le bourg, quelqu’un demanda :
— Pour tchi qui s’est pas fait enterrer comme les aut’gens ?
Et j’entendis une Cotentinoise, fraîche et gaie comme l’avait été Dlaïde, qui répondait :
— Cé pt’êt’bi paçqu’il avait l’dos pointu.
Ce jour-là, j’avais reçu des nouvelles d’un de mes amis, officier supérieur à l’armée d’occupation. Il me racontait sa vie aux provinces du Rhin. Sa lettre était arrivée dans l’après-midi, et, après l’avoir lue au coin du feu, quand les flammes dessinaient déjà sur le mur des ombres fantastiques, je me laissais aller à une rêverie où j’évoquais à mon tour, avec des vers de Henri Heine et des pages de Gœthe, mes promenades récentes et anciennes au pays rhénan.
Je ne sais depuis combien de temps j’étais perdu dans mes souvenirs, lorsque, sans que j’eusse entendu ouvrir la porte, je vis un homme de haute taille et qui me sembla bizarrement vêtu. La nuit tombait. Ma chambre n’était plus éclairée que par la lueur des bûches. L’homme, qui me parut long et maigre, se tenait silencieux devant moi. Bientôt, mes yeux s’habituant à la pénombre, je distinguai que le mystérieux visiteur portait une épée au côté, sur la tête une perruque courte, et qu’il était vêtu, autant que je pouvais en juger, d’un habit bleu de roi, dont les basques étaient retroussées et attachées par des boutons d’argent. Son aspect était à la fois mondain et militaire et il tenait sous son bras avec une fière élégance une sorte de tricorne galonné.
C’est à peu près ainsi qu’on voit le maréchal de Saxe dans une pièce fameuse qui est au répertoire de la Comédie-Française. Sans doute, j’avais chez moi un gentilhomme soldat du XVIIIe siècle. Je cherchais de quelle façon j’allais accueillir cette figure de théâtre lorsque, le premier, d’une voix grave, l’inconnu m’adressa la parole.
— Vous étiez en train de rêver d’Allemagne, me dit-il. Moi aussi, quand je repasse les souvenirs de mon existence, il m’arrive de penser au temps où j’ai vécu dans ce pays-là. J’ai tenu garnison, jadis, à Francfort. Et je ne sais quelle force mystérieuse me pousse encore parfois du côté de cette vieille ville et de ceux qui s’y intéressent. Il m’a semblé que vos idées rencontraient les miennes et que, tout à l’heure, vous aviez songé à moi. Pardonnez-moi donc d’être entré chez vous sans façon.
Pendant ce singulier discours, les flammes du foyer s’étaient réveillées. Elles éclairaient le visiteur. J’observais son attitude à la fois aisée et digne, son visage marqué de petite vérole, ses yeux noirs et ardents, et une réminiscence montait à mon esprit. Lui-même, d’ailleurs, se chargea de me tirer d’embarras.
— Le comte de Thorane, dit-il en se présentant avec politesse.
A ces mots, je tressaillis et, ne sachant plus si j’étais dans la réalité ou dans le rêve :
— Le comte de Thorane ? m’écriai-je. Thorane de Grasse en Provence ? Le Thorane de Gœthe, alors ? Car je n’en connais aucun autre.
— Je suis de Grasse, en effet, me répondit-il. Et ce nom de Gœthe me dit quelque chose. C’est un nom d’Allemagne qui se rattache évidemment aux souvenirs de ma vie. Puisque vous l’avez prononcé tout de suite, vous voyez bien que j’ai eu raison de vous dire que nos pensées s’étaient rencontrées.
Si troublé que je fusse, je ne pus m’empêcher d’être frappé par l’expression étrange dont mon visiteur s’était servi. Que le nom de Gœthe « lui dît quelque chose », cette façon de parler aurait été risible si je n’avais eu le sentiment d’être entré dans le fantastique. Mais les manières de l’apparition (car c’était une apparition, je commençais à n’en plus douter) étaient si nobles qu’elles ne permettaient pas la raillerie.
— Du moment que vous êtes le comte de Thorane, repris-je, il est vrai qu’avec d’autres figures célèbres de la littérature et de l’histoire je vous évoquais tout à l’heure, un moment avant que vous fussiez ici…
J’allais ajouter : « En chair et en os », mais je poursuivis :
— Entre mon ami qui est en ce moment à l’armée du Rhin, et vous, il s’était établi un rapprochement dans mon esprit. Mon ami me disait comment il se comportait chez ses hôtes rhénans, et je vous revoyais dans l’illustre maison du Hirschgraben, à Francfort, en l’an de grâce 1759.
— Je ne sais pas ce que cette maison peut avoir d’illustre, répondit Thorane. Mais je me la rappelle à présent fort bien. C’était une habitation assez confortable, décorée avec un certain goût. Je revois encore les gravures italiennes qui ornaient une des salles. Le propriétaire était un bourgeois estimable, mais un peu bourru, et qui n’aimait guère les Français. J’ai lieu de penser, pourtant, qu’il n’a pas conservé de mauvais sentiments pour moi. Il m’avait même remercié, un jour, parce que j’évitais d’épingler mes cartes sur les murs où une tapisserie neuve venait d’être posée. Il se serait appelé Gœthe, ou un nom approchant de celui que vous avez prononcé tout à l’heure, que je n’en serais pas surpris.
— Il s’appelait Gœthe, fis-je avec vivacité. Et, depuis, ce nom a passé à la postérité et le vôtre avec lui.
— Ce mystère m’échappe, répondit Thorane. Il n’était rien arrivé de mémorable ni même d’important pendant mon séjour à Francfort… Au reste, je n’ai plus entendu parler de cette ville ni de la famille chez laquelle j’étais logé, le service du roi m’ayant appelé aux Indes où je suis mort.
Il m’était devenu naturel de causer avec un spectre de si bonne compagnie, en sorte que ces paroles ne m’étonnèrent pas. J’entrepris de continuer la conversation avec Thorane et je lui demandai s’il n’avait pas souvenir d’un jeune garçon qui animait la maison du Hirschgraben.
— En vérité, oui, je me le rappelle, s’écria Thorane. C’était un enfant aimable et qui regardait droit dans les yeux. Une fois, à la suite de je ne sais quelle espièglerie, je le chassai de ma chambre. Mais nous faisions très bon ménage. J’observais même que, pour un âge si tendre, il disait des choses fines et sensées lorsqu’il se mêlait à la conversation avec les peintres de la ville à qui je commandais des sujets de décoration pour mon château de Grasse.
— Ce jeune garçon, dis-je à mon tour, est devenu plus tard un des plus grands écrivains des temps modernes. Sans que vous l’ayez su, votre passage à Francfort a eu une influence profonde sur la formation de son génie. Par vous, et sans que vous vous en fussiez douté, il a été initié à la politesse française, à la littérature et aux arts de la France. Devenu vieux, il a écrit ses mémoires. Vous y êtes, et votre figure s’y détache avec un tel relief que, dès que vous êtes entré ici, j’ai cru que je vous connaissais déjà. Jean Wolfgang a vu et représenté en vous l’incarnation du soldat français, qui impose le respect, sans morgue ni brutalité, et qui, rien que par sa manière d’être, attire la sympathie. Votre séjour à Francfort a certainement contribué à donner à l’intelligence de Gœthe ce tour universel, et à son œuvre ce caractère si humain qu’un autre militaire français, un très grand capitaine, a pu lui dire un jour : « Vous êtes un homme, monsieur Gœthe », ce qui est, en effet, un compliment extraordinaire.
Thorane m’avait écouté avec attention. Et il me répondit avec sa gravité courtoise :
— Je suis heureux que ce jeune Gœthe ait gardé de moi un souvenir favorable et qu’il en reste une trace dans ses écrits. D’ailleurs, j’avais remarqué à Francfort qu’il suivait avec passion les comédies et les tragédies parisiennes que jouait notre théâtre. Il s’était même pris d’amitié pour un petit Français du nom de Derosnes. En général, Français et Allemands s’entendaient fort bien. Quoique nous fussions là par suite d’événements de guerre, nous n’étions nullement en guerre avec les habitants. Je ne suis pas étonné d’apprendre que notre séjour a eu de bons effets sur les esprits et sur les arts. Et je suis sûr que, dans l’avenir, d’autres Thorane formeront d’autres Gœthe…
Comme il disait ces mots, la sonnerie du téléphone retentit. Et ainsi qu’elle était venue, l’ombre du XVIIIe siècle s’évanouit par enchantement.
Le Dialogue de Pierre et de Paul | ||
I. |
— La Famille Gobemouche | |
II. |
— L’Enterrement civil | |
III. |
— La Visite de Thorane |
Paris. — Typ. Ph. Renouard, 19, rue des Saints-Pères. — 56942.