OUVRAGES D’ANDRÉ HELLÉ
FILMS pour les Tout-Petits (Librairie Garnier Frères)
La boîte à joujoux, ballet pour enfant, musique de Claude DEBUSSY.
La belle histoire que voilà.
Histoire de Quillembois, soldat.
Le livre des heures héroïques et douloureuses, 1914-1918.
L’Alphabet de la Grande Guerre.
En seconde ligne.
Illustrations des fables de La Fontaine.
EN PRÉPARATION A LA LIBRAIRIE GARNIER
L’Arche de Noé.
Un tout petit enfant s’en allait à l’école.
On avait dit: «Allez!...» Il tâchait d’obéir;
Mais son livre était lourd, il ne pouvait courir;
Il pleure, et suit des yeux une abeille qui vole.
«Abeille, lui dit-il, voulez-vous me parler?
Moi, je vais à l’école: il faut apprendre à lire;
Mais le maître est tout noir, et je n’ose pas rire:
Voulez-vous rire, abeille, et m’apprendre à voler?
—Non, dit-elle, j’arrive et je suis très pressée.
J’avais froid; l’aquilon m’a longtemps oppressée;
Enfin j’ai vu les fleurs; je redescends du ciel,
Et je vais commencer mon doux rayon de miel.
Voyez! j’en ai déjà puisé dans quatre roses;
Avant une heure encor nous en aurons d’écloses;
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Vite, vite à la ruche! On ne rit pas toujours;
C’est pour faire le miel qu’on nous rend les beaux jours.»
Elle fuit et se perd sur la route embaumée.
Le frais lilas sortait d’un vieux mur entr’ouvert;
Il saluait l’aurore, et l’aurore charmée
Se montrait sans nuage et riait de l’hiver.
Une Hirondelle passe: elle effleure la joue
Du petit nonchalant qui s’attriste et qui joue;
Et, suspendue au nid qui l’abrita deux fois,
Fait tressaillir l’écho qui dort au fond des bois.
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«Oh! bonjour! dit l’enfant, qui se souvenait d’elle:
Je t’ai vue à l’automne; oh! bonjour, hirondelle!
Viens! tu portais bonheur à ma maison, et moi
Je voudrais du bonheur. Veux-tu m’en donner, toi?
Jouons.—Je le voudrais, répond la voyageuse,
Car je respire à peine, et je me sens joyeuse.
Mais j’ai beaucoup d’amis qui doutent du printemps;
Ils rêveraient ma mort si je tardais longtemps.
Non, je ne puis jouer. Pour finir leur souffrance
J’emporte un brin de mousse en signe d’espérance.
Nous allons relever nos palais dégarnis:
L’herbe croît, c’est l’instant des amours et des nids.
J’ai tout vu. Maintenant, fidèle messagère,
Je vais chercher mes sœurs, là-bas sur le chemin.
Ainsi que nous, enfant, la vie est passagère;
Il faut en profiter. Je me sauve... A demain!»
L’enfant reste muet, et, la tête baissée,
Rêve et compte ses pas pour tromper son ennui,
Quand le livre importun, dont sa main est lassée,
Rompt ses fragiles liens et tombe auprès lui.
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Un dogue l’observait du coin de sa demeure;
Stentor, gardien sévère et prudent à la fois,
De peur de l’effrayer retient sa grosse voix.
Hélas! peut-on crier contre un enfant qui pleure?
«Bon dogue, voulez-vous que je m’approche un peu?
Dit l’écolier plaintif. Je n’aime pas mon livre;
Voyez! ma main est rouge, il en est cause. Au jeu
Rien ne fatigue, on rit; et moi je voudrais vivre
Sans aller à l’école, où l’on tremble toujours.
Je m’en plains tous les soirs, et j’y vais tous les jours.
J’en suis très mécontent. Je n’aime aucune affaire;
Le sort des chiens me plaît, car ils n’ont rien à faire.
—Ecolier! voyez-vous ce laboureur aux champs?
Eh bien! ce laboureur, dit Stentor, c’est mon maître.
Il est très vigilant; je le suis plus peut-être.
Il dort la nuit; et moi, j’écarte les méchants.
J’éveille aussi ce bœuf qui, d’un pied lent, mais ferme,
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Va creuser les sillons quand je garde la ferme.
Pour vous-même on travaille; et, grâce à nos brebis,
Votre mère, en chantant, vous file des habits.
Par le travail tout plaît, tout s’unit, tout s arrange.
Allez donc à l’école; allez, mon petit ange!
Les chiens ne lisent pas, mais la chaîne est pour eux:
L’ignorance toujours mène à la servitude.
L’homme est fin, l’homme est sage; il nous défend l’étude:
Enfant, vous serez homme, et vous serez heureux;
Les chiens vous serviront. L’enfant l’écouta dire;
Et même il le baisa! Son livre était moins lourd.
En quittant le bon dogue, il pense, il marche, il court.
L’espoir d’être homme un jour lui ramène un sourire.
A l’école, un peu tard, il arrive gaîment,
Et dans le mois des fruits il lisait couramment.
Cher petit oreiller, doux et chaud sous ma tête,
Plein de plume choisie, et blanc, et fait pour moi:
Quand on a peur du vent, des loups, de la tempête,
Cher petit oreiller, que je dors tien sur toi!
Beaucoup, beaucoup d’enfants pauvres et nus, sans mère,
Sans maison, n’ont jamais d’oreiller pour dormir;
Ils ont toujours sommeil. O destinée amère!
Maman! Douce maman! Cela me fait gémir.
Et quand j’ai prié Dieu pour tous ces petits anges
Qui n’ont point d’oreiller, moi, j’embrasse le mien.
Seule, dans mon doux nid qu’à tes pieds tu m’arranges,
Je te bénis, ma mère, et je touche le tien!
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Je ne m’éveillerai qu’à la lueur première
De l’aube; au rideau bleu, c’est si gai de la voir!
Je vais dire tout bas ma plus tendre prière;
Donne encore un baiser, douce maman! Bonsoir!
PRIÈRE
Dieu des enfants! le cœur d’une petite fille,
Plein de prière, écoute, est ici sous mes mains:
On me parle toujours d ’orphelins sans famille:
Dans l’avenir, mon Dieu, ne fais plus d’orphelins!
Laisse descendre au soir un ange qui pardonne,
Pour répondre à des voix que l’on entend gémir;
Mets sous l’enfant perdu, que sa mère abandonne,
Un petit oreiller qui le fera dormir!
Si l’enfant sommeille,
Il verra l’abeille,
Quand elle aura fait son miel,
Danser entre terre et ciel.
Si l’enfant repose,
Un ange tout rose,
Que la nuit seule on peut voir,
Viendra lui dire: «Bonsoir!»
Si l’enfant est sage,
Sur son doux visage,
La Vierge se penchera,
Et longtemps lui parlera.
15
Si mon enfant m’aime,
Dieu dira lui-même:
«J’aime cet enfant qui dort;
Qu’on lui porte un rêve d’or!
«Fermez ses paupières,
Et sur ses prières,
De mes jardins pleins de fleurs
Faites glisser les couleurs.
«Ourlez-lui des langes,
Avec vos doigts d’anges,
Et laissez sur son chevet
Pleuvoir votre blanc duvet.
«Mettez-lui des ailes
Comme aux tourterelles,
Pour venir dans mon soleil,
Danser jusqu’à son réveil!
16
«Qu’il fasse un voyage
Au bras d’un nuage,
Et laissez-le, s’il lui plaît,
Boire à mes ruisseaux de lait!
«Donnez-lui la chambre
De perles et d’ambre,
Et qu’il partage en dormant
Nos gâteaux de diamant!
«Brodez-lui des voiles
Avec mes étoiles,
Pour qu’il navigue en bateau
Sur mon lac d’azur et d’eau!
«Que la lune éclaire
L’eau pour lui plus claire,
Et qu’il prenne, au lac changeant,
Mes plus fins poissons d’argent!
17
«Mais je veux qu’il dorme
Et qu’il se conforme
Au silence des oiseaux
Dans leurs maisons de roseaux!
«Car si l’enfant pleure,
On entendra l’heure
Tinter partout qu’un enfant
A fait ce que Dieu défend!
«L’écho de la rue
Au bruit accourue,
Quand l’heure aura soupiré,
Dira: L’enfant a pleuré!
«Et sa tendre mère,
Dans sa nuit amère,
Pour son ingrat nourrisson
Ne saura plus de chanson!
«S’il brame, s’il crie.
Par l’aube en furie
Ce cher agneau révolté
Sera peut-être emporté!
«Un si petit être
Par le toit, peut-être,
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Tout en criant s’en ira
Et jamais ne reviendra!
«Qu’il rôde en ce monde,
Sans qu’on lui réponde!
Jamais l’enfant que je dis
Ne verra mon paradis!»
Oui! mais s’il est sage,
Sur son doux visage
La Vierge se penchera,
Et longtemps lui parlera.
Mère, un cheval est à la porte,
Il demande la charité.
—Vite, du foin, qu’on le lui porte!
Il en sera réconforté.
Cheval, dis à Dieu, notre maître,
Qu’avec joie et sans te connaître,
Et nourris de sa charité,
Nous t’avons bien réconforté.
Mère, un ramier est à la porte,
Il demande la charité.
—J’ai là du blé, qu’on le lui porte!
Il en sera réconforté.
20
Ramier, dis à Dieu, notre maître,
Qu’avec joie et sans te connaître,
Et nourris de sa charité,
Nous t’avons bien réconforté.
Mère, un enfant est à la porte,
Il demande la charité.
—Tout notre lait qu’on le lui porte!
Il en sera réconforté.
Enfant, dis à Dieu, notre maître,
Qu’avec joie et sans te connaître,
Et nourris de sa charité,
Nous t’avons bien réconforté.
Mère, un vieillard est à la porte,
Il demande la charité.
21
—Du vin, du vin, qu’on le lui porte!
Il en sera réconforté.
Vieillard, dis à Dieu, notre maître,
Qu’avec joie et sans te connaître,
Et nourris de sa charité,
Nous t’avons bien réconforté.
Mère, un coupable est à la porte,
Il demande la charité.
—Ce manteau blanc, qu’on le lui porte!
Nous l’aurons réhabilité.
Ami, dis à Dieu, notre maître,
Qu’avec joie et sans te connaître,
Et brûlants de sa charité,
Nous t’avons réhabilité.
L’enfant disait au nuage:
«Attends-moi jusqu’à demain,
Et, par le même chemin,
Nous nous mettrons en voyage.
«Toi, sous tes telles lueurs,
Moi, dans les champs pleins de fleurs,
Sur le cheval de mon père,
Nous irons vite, j’espère.
«Je m’y tiens bien, tu verras!
J’y monte seul à la porte;
Et, quand mon père m’emporte,
Je n’ai pas peur dans ses bras.
«Quand il fait beau, comme un guide,
En tête, il me fait asseoir;
Toi, d’en haut tu pourrais voir
Comme je tiens bien la bride!
«Ah! je voudrais d’ici là
Ne faire qu’une enjambée
Sur la nuit toute tombée,
Pour te dire: «Me voilà!»
«Mais je vais faire un beau rêve
Où je rêverai de toi;
Jusqu’à ce que Dieu l’achève,
Ami nuage, attends-moi!»
*
* *
Comme il jetait les paroles
De ses espérances folles,
Le nuage décevant
Glissait, poussé par le vent.
Pourtant le bambin sautille,
L’oiseau chante, l’eau scintille,
Et l’écho lui sonne au cœur:
«Demain! demain! quel bonheur!»
Enfin le soleil se couche,
Et son baiser qui le touche
D’un voile ardent clôt ses yeux
Qu’il tenait ouverts aux cieux.
Près de rentrer chez sa mère,
Au voyageur éphémère
L’enfant veut parler encor,
Mais le beau fantôme d’or
N’est plus qu’une vapeur grise,
Qu’avec un cri de surprise
L’enfant qu’il vient d’éblouir
Voit fondre et s’évanouir.
Au cri de la petite âme,
S’est élancée une femme,
Qui, le voyant sauf et sain,
Boudeur, l’emporte à son sein.
Plaintif, le mignon s’y cache,
Déclarant ce qui le fâche,
Que, sans son bel étranger,
Il ne veut plus voyager.
«Si tu chéris les nuages,
Mon amour, pour tes voyages
Le temps en aura toujours:
Il en passe tous les jours.
—Ce ne sera plus le même,
Celui-là, mère, je l’aime!»
Dit l’enfant, puis il pleura...
Et la femme soupira.
A Mademoiselle Émilie Bascans
Si j’étais assez grande,
Je voudrais voir
L’effet de ma guirlande
Dans le miroir.
En montant sur la chaise,
Je l’atteindrais:
Mais, sans aide et sans aise,
Je tomberais.
La dame, plus heureuse,
Sans faire un pas,
Sans quitter sa causeuse,
De haut en bas,
27
Dans une glace claire,
Comme au hasard,
Pour apprendre à se plaire,
Jette un regard.
Ah! c’est bien incommode
D’avoir huit ans!
Il faut suivre la mode
Et perdre un temps!...
Peut-on aimer la ville
Et les salons?
On s’en va si tranquille
Dans les vallons!
Quand ma mère qui m’aime
Et me défend,
Et qui veille elle-même
Sur son enfant,
M’emporte où l’on respire
Les fleurs et l’air,
Si son enfant soupire,
C’est un éclair!
Les ruisseaux des prairies
Font des psychés,
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Où, libres et fleuries,
Les fronts penchés,
Dans l’eau qui se balance,
Sans nous hausser,
Nous allons en silence
Nous voir passer.
C’est frais dans le bois sombre,
Et puis c’est beau
De danser comme une ombre
Au bord de l’eau!
Les enfants de mon âge,
Courant toujours,
Devraient tous au village
Passer leurs jours.
On gronde l’enfant
A qui l’on défend
De pleurer quand bon lui semble;
On dit que les fleurs
Sèchent bien des pleurs...
Tu mêles donc tout ensemble?
Oui, maman, je t’ai vue avec ton air joyeux,
Le rire sur la bouche et les larmes aux yeux.
Au bal, sous ses bouquets, j’ai vu pleurer ma mère.
J’ai baisé cette larme, elle était bien amère.
Viens que je te console. Avais-tu trop dansé?
Moi, je ne gronde pas! Moi, quand mon pied lassé
Me défend d’être bien aise,
L’ennui qui me prend
M’arrête en courant,
Et je m’endors sur ma chaise.
Oh! si je viens encor pleurer sur tes genoux,
Maman, ne me dis plus: «Vous n’êtes pas gentille!»
Dansons, quand nous pouvons, ou pleurons entre nous,
Mais ne nous grondons pas: vois-tu! je suis ta fille,
Et je t’aime, et je vais prier Dieu tous les jours
De m’égayer beaucoup pour t’égayer toujours!
Embrasse donc bien fort ta petite chérie,
Et jamais, plus jamais ne dis: «Vous...» je t’en prie!
Ainsi consolons-nous et donnons-nous la main:
Si nous pleurons ce soir, va! nous rirons demain!
Ah! je suis inconsolable
D’avoir perdu mon ruban!
Ma chère, il était semblable
Aux rouleaux de mon volant.
Celui-ci, bien qu’adorable,
Regarde, est d’un autre blanc!...
On a bien raison de dire:
«Les chagrins sont près de nous.»
Pas un cœur qui ne soupire
Du sort méchant et jaloux.
Tu ris... Ne me fais pas rire!
Pourtant, ce serait bien doux!
Mais je suis inconsolable
D’avoir perdu mon ruban!
Ma chère, il était semblable
Aux rouleaux de mon volant.
Celui-ci, bien qu’adorable,
Regarde, est d’un autre blanc!
Mise hier comme une fée,
Au bras de mon frère Henri,
D’un coup de vent décoiffée,
J’entre, et chacun pousse un cri.
J’étais tout ébouriffée:
Juge si nous avons ri!
Mais je suis inconsolable
D’avoir perdu mon ruban!
Ma chère, il était semblable
Aux rouleaux de mon volant.
Celui-ci, bien qu’adorable,
Regarde, est d’un autre blanc!
La joie est dans notre école,
Mais toujours le bonheur ment!
Tiens, c’est un oiseau qui vole!
Moi, j’irai, Dieu sait comment...
Que ne suis-je un peu frivole
Au moins pour danser gaîment!
Mais je suis inconsolable
D’avoir perdu mon ruban!
Ma chère, il était semblable
Aux rouleaux de mon volant.
Celui-ci, bien qu’adorable,
Regarde, est d’un autre blanc!
Si j’étais moins désolée,
Nous redirions notre pas...
Pourtant, avant l’assemblée,
Chantons et valsons tout bas.
Suis-moi! Je suis envolée!
C’est enchanteur, n’est-ce pas?...
Mais je suis inconsolable
D’avoir perdu mon ruban!
Ma chère, il était semblable
Aux rouleaux de mon volant.
Celui-ci, bien qu’adorable,
Regarde, est d’un autre blanc!
A Marie Berthoud
Puisque la Vierge vous défend,
Je vais là-bas, mon doux enfant,
Vous chercher des choses jolies,
Des fuseaux, des perles polies,
Qu’on donne aux anges d’ici-bas;
Vous en aurez; ne criez pas!
Laissez couver le feu qui dort;
Jouez loin de ses rayons d’or:
Il consumerait vos dentelles
Et vous, nos espérances belles!
Le feu ne doit pas se toucher;
Il ne vient que trop nous chercher.
En prière il faut vous tenir,
Pour m’entendre au loin revenir.
Gardez-vous d’ouvrir à personne,
Aussi fort que la cloche sonne;
Quand même ce serait le roi,
N’ouvrez qu’à Dieu, n’ouvrez qu’à moi!
Enfant, puisque Dieu vous bénit
Et verse du blé sur le nid,
A présent tout rit sur la terre;
Car dans un doux coin solitaire,
Un fruit mûr, un peu de froment,
Font tourner la terre gaîment!
La Vierge aime à suivre des yeux
L’âme qu’elle a nourrie aux cieux;
Et quand votre mère est sortie,
Près de l’enfant Jésus blottie,
Vous n’avez qu’à bien écouter:
Votre âme l’entendra chanter!
«Ah! si j’étais le cher petit enfant
Qu’on aime bien, mais qui pleure souvent,
Gai comme un charme,
Sans une larme,
J’écouterais chanter l’heure et le vent...
(Je dis cela pour le petit enfant.)
«Si je logeais dans ce mouvant berceau,
Pour mériter qu’on m’apporte un cerceau,
37
Je serais sage
Comme une image,
Et je ferais moins de bruit qu’un oiseau...
(Je dis cela pour l’enfant du berceau.)
«Ah! si j’étais notre blanc nourrisson,
Pour qui je fais cette belle chanson,
Tranquille à l’ombre,
Comme au bois sombre,
Je rêverais que j’entends le pinson...
(Je dis cela pour le blanc nourrisson.)
«Ah! si j’étais l’ami des blancs poussins
Dormant entre eux, doux et vivants coussins,
Sans que je pleure,
J’irais sur l’heure
Faire chorus avec ces petits saints...
(Je dis cela pour l’ami des poussins.)
«Si le cheval demandait à nous voir,
Riant d’aller nager à l’abreuvoir,
Fermant le gîte,
Je crîrais vite:
«Demain l’enfant pourra vous recevoir...»
(Je dis cela pour l’enfant qu’il vient voir.)
«Si j’entendais les loups hurler dehors,
Bien défendu par les grands et les forts,
Fier comme un homme
Qui fait un somme,
Je répondrais: «Passez, messieurs, je dors!...»
(Je dis cela pour les loups du dehors.)»
On n’entendit plus rien dans la maison,
Ni le rouet, ni l’égale chanson;
La mère ardente,
Fine et prudente,
Fit l’endormie auprès de la cloison,
Et suspendit tout bruit dans la maison.
L’OISEAU
Bonjour, petite fille!
Que fais-tu dans mon bois?
Es-tu de ma famille?
On dirait qu’autrefois
J’ai chanté dans ta voix.
Moi, je nais. Vite vite,
De la mousse, un berceau!
Il faut que je m'acquitte,
Par ce temps clair et beau,
De mon devoir d’oiseau.
LA PETITE FILLE
Bonjour, oiseau! Je pense
Me reconnaître ici...
Tu vois: les fleurs, la danse,
Me tiennent en souci.
J’ai mes devoirs aussi!
Il faut rire, il faut vivre,
On n’en vient pas à bout.
Croit-on que sans un livre
On n’apprend rien du tout?
Pour moi, j’apprends partout!
L’OISEAU
Bravo, petite fille!
Viens souvent dans mon bois;
Nous vivrons en famille,
Chantant tous à la fois
Avec la même voix.
Voler de fête en fête
Sous les cieux éclatants,
C’est à fendre la tête;
Et l’on n’a pas le temps
De jouir du printemps!
C'est beau la vie,
Belle par toi,
De toi suivie,
Toi devant moi!
C'est beau, ma fille,
Ce coin d'azur
Qui vit et brille
Sur ton front pur.
C'est beau ton âge,
D'ange et d'enfant,
Voile ou nuage
Qui te défend
Des folles âmes
Qui font souffrir,
Des tristes flammes
Qui font mourir.
Dieu fit tes charmes,
Dieu veut ton cœur,
Tes jours sans larmes,
Tes nuits sans peur;
Mon jeune lierre,
Monte après moi;
Dans ta prière
Enferme-toi.
C'est beau, petite,
L'humble chemin
Où je ne quitte
Jamais ta main;
Car dans l'espace,
Aux prosternés,
Une voix passe,
Qui dit: «Venez!»
Tout mal sommeille
Pour ta candeur;
Tu n'as d'oreille
Que dans ton cœur:
Quel temps? quelle heure?
Tu n'en sais rien;
Mais que je pleure,
Tu l'entends bien.
Mon cœur battait à peine et vous l'avez formé;
Vos mains ont dénoué le fil de ma pensée,
Madame! et votre image est à jamais tracée
Sur les jours de l'enfant que vous avez aimé!
Si le bonheur m'attend, ce sera votre ouvrage;
Vos soins l'auront semé sur mon doux avenir;
Et si, pour m'éprouver, mon sort couve un orage,
Votre jeune roseau cherchera du courage.
Madame! en s'appuyant sur votre souvenir!
46
TABLE |
|
PRÉFACE | 5 |
L’écolier | 7 |
L’oreiller d’une petite fille | 12 |
Dormeuse | 14 |
Selon Dieu | 19 |
Le nuage et l’enfant | 22 |
L’enfant au miroir | 26 |
La petite pleureuse à sa mère | 29 |
La frivole | 31 |
L’enfant béni | 34 |
Pour endormir l’enfant | 36 |
La petite fille et l’oiseau | 39 |
Ma fille | 42 |
Adieu d’une petite fille à l’école | 45 |
Achevé d’imprimer le 30 Août 1924
par G. DESGRANDCHAMPS
23, Rue Boissonade
PARIS
Cette version numérisée reproduit intégralement le livre papier, à l'exception de deux pages non paginées du “catalogue de La Librairie Garnier Frères”.
La ponctuation a pu faire l'objet de quelques corrections mineures.
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