The Project Gutenberg eBook of Les cinquante et ung arretz d'amours, by Martial d'Auvergne
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Title: Les cinquante et ung arretz d'amours
Author: Martial d'Auvergne
Release Date: December 28, 2020 [eBook #64153]
Language: French
Character set encoding: UTF-8
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*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LES CINQUANTE ET UNG ARRETZ D'AMOURS ***

S'ensuyvent : les cinquante & ung arestz Donnez au grant conseil d'amours/ a l'encontre de plusieurs parties. Nouvellement imprimez a paris.

On les vent a paris en la rue neufve nostre dame a l'enseigne de l'escu de France.

¶ Cy commence les cinquante et ung arrestz d'amours.

Environ la fin de septembre
Que saillent violetes & flours
Je me trouvay en la grant chambre
Du noble parlement d'amours
Et advint si bien qu'on vouloit
Les derreniers arrestz prononcer
Et que a ceste heure on appelloit
Le greffier pour les commencer
Si estoyent illec bien vingt six
A les rapporter et a veoir
Ou meillieu desquelz je me assis
Pour en faire comme eulx devoir
Le president tout de drap d'or
Avoit robbe fourree d'ermines
Et sur le col ung camail d'or
Tout couvert d'esmerauldes fines
Les seigneurs lays pour vestement
Avoyent robbes de vermeil
Frangees par hault de dyamans
Reluysans comme le souleil
Les aultres conseilliers d'eglise
Estoyent vestus de velours pers
A grant fueillage de venise
Bordez a l'endroit et l'envers
Dessus si avoyent leurs manteaulx
Tout de grosses perles barrez
Fermans a moult riches fermaulx
Et puis leurs chapperons fourrez
Aprés y avoit les deesses
En moult grant triumphe & honneur
Toutes legistes et clergesses
Qui sçavoyent le decret par cueur
Toutes estoyent vestues de vert
Fourrez de penne de letisses
Et avoyent leur col tout couvert
De colliers d'or gens et propice
Puis portoyent atours a ces fins
Moult excellens et precieulx
Qui estoyent si deliez et fins
Que on veoit leurs beaux cheveux
Leurs habitz sentoyent le cyprés
Et le mutz si habondamment
Que l'en n'eust sceu estre au plus pres
Sans esternuer largement
Oultre plus en lieu d'herbe verd
Qu'on a acoustumé d'espendre
Tout le parquet estoit couvert
De rommarins et de lavende
Plusieurs amans et amoureux
Illec vindrent de divers lieux
Dont il en eust moins de piteux
Et d'amans courroucez joyeulx
Par derriere les bancz j'en vis
Qui lesditz arrestz escoutoyent
Dont leurs cueurs estoyent tant ravis
Qu'ilz ne sçavoyent ou ilz estoyent
Les ungz de paour serroient leurs dentz
Et estoyent aussi froitz que marbre
Les aultres esmeuz et ardans
Tremblans comme la fueille en l'arbre
Nul n'est si saige ne parfait
Que quant il oit son jugement
Qu'il ne soit a moytié deffait
Et troublé a l'entendement
Je laisseray ceste matiere
Car de cela pou me challoit
Et racompteray la maniere
Comment le president parloit
Et tout ainsi et au plus pres
Que les arrestz luy ouy dire
Je les ay escriptz cy aprés
En la forme que l'orrés lire
Sans y adjouster quelque chose
Aussi retenir ne oster
Et les prononça tout en prose
Comme vous orrés reciter

Premier arrest.

Par devant le prevost de deuil se assist despyeça ung procés entre une tresgracieuse dame et le procureur d'amours en cas d'excés d'une part/ & ung jeune amant escuyer deffendeur d'aultre part. et disoient lesditz demandeurs que ceste dame en tout son temps a esté de grant renommee fort esbatant joyeuse & de plaisant maintien & qu'elle s'est tousjours bien & honnestement entretenue en service d'amours/ sans jamais avoir esté reprise d'aulcun villain cas blasme ou reproche. Or estoit que ja pieça cest amoureux s'acointa de elle/ et aprés plusieurs allees/ et venues il la pria d'aymer en luy presentant plusieurs dons et bagues qu'elle ne voulut prendre ne recepvoir pour doubte de commettre symonie en amours qui est deffendue/ mais l'en remercia en luy soubzryant et respondant moult gracieusement toutes & quantes fois qu'il parloit a elle. Et peult bien estre que pour la loyaulté qu'elle cuidoit trouver en luy disant que elle l'aymoit bien et qu'il estoit taillé d'avoir beaucoup de biens au temps advenir sans y penser nul mal dont le galant mal considerant que dames sont tousjours plus promptes a resjouyr Cueurs d'amoureux que a faire douloir s'esmeut & eschauffa tellement qu'il luy sembla que la besoingne estoit ja faicte et qu'il en viendroit bien au dessus de ces attainctes & de faict une journee luy vint dire qu'il estoit mort & qu'il ne viveroit pas trois jours si elle ne luy octroyoit ce qu'il luy demandoit De laquelle chose ceste dame estoit moult esbahie Et a brief luy respondit que d'autant qu'elle l'aymoit elle le herroit desormais s'il luy parloit plus de cella dont il ne tint guieres de compte ains se efforça de proceder oultre & de prendre par force ung baiser parquoy elle le voulloit frapper et neantmoins ne s'en voult departir ains revient vers elle faignant de plorer de doulleur et d'angoisse qu'il enduroit. Et ou qu'il s'estoit faict frotter le visaige/ et les yeulx de eaue de soulcye affin que il semblast plus pyteux. Et tellement que ceste dame esmeue de pitié en cuydant veritablement que les larmes qu'il avoit aux yeulx lui venissent du parfond du cueur le baisa & acola deux ou trois fois pour obvier a plusgrant meschief ou que il ne cheust en desespoir. Et avecques ce luy feist plusieurs aultres gratuitez et menus plaisirs dont il ne fut encores pas content/ ains perseverant de mal en pis voullut mettre la main au testin/ et a ceste cause elle s'en courrouça/ et aprés pour le eslongner et pour lui monstrer qu'il n'estoit pas la ou il cuidoit elle luy donna congé affin qu'il n'y retournast plus/ mais ce nonobstant encores fut il plus eschauffé de y venir que devant. Et aprés advint que ung jour sus le jour arriva en la maison d'elle court habillé/ et desguisé a tout une gente daguette pendante a sa ceinture/ et aprés qu'il l'eut saluee et bien longuement quacqueté il commença a dire ces motz. Madame mauldicte soit l'heure que je feus oncques né/ neantmoins je ne eusse point tant souffert de paine que faitz pour vous et puis que ainsi est qui ne vous en chault et que n'y voullez remedier j'ayme mieulx me tuer icy par devant vous que de plus languir Et je vous asseure ma foy que jamais je ne me partyray de ceans qui ne m'emportera les piedz devant/ Car il me souffist que je meure & pour vous & en auray merite. Et sur ce point ledit amoureux print sa dague et commence a soy deslasser faingnant de s'en frapper a la poictrine. A quoy la dessus dicte dame pour doubte d'esclendre mist la main au devant du pourpoint et du pommeau et le tence tresbien luy demonstrant que il seroit perdu & homicide de soymesmes Et aussi elle le reconforte le myeulx que elle peust pour le destourner du mal fait qu'il voulloit faire/ mais au dernier riens ne valut/ car il commence a jurer et maulgreer que il se tueroit illec en la place sans plus attendre pas une heure/ et faict ainsy qu'il faignoit de soy frapper et mettre la dague dedans le corps ceste povre femme toute seulle esmeue et troublee & non pas sans cause pour obvier a l'effusion du sang qui s'en feust ensuy et ad ce qu'on eust peu dire que s'eust elle mesme esté et qu'elle l'eust tué qui eust esté grant esclandre pour elle et les siens a tousjours fut contrainte de luy souffrir acomplir sa mauvaise voulenté. Depuis laquelle fiction ainsi faicte qui n'estoit que une vraye trahison pour decepvoir ceste povre femme comme il a bien monstré & c'est ledit amoureux venté et deu dire en plusieurs lieux qu'il en avoit jouy par subtilz moiens nonobstant que aultres y avoient bien failly en cessivant & esjouyssant & deshonnorant sans cause en maintes manieres.

¶ Parquoy elle concluoit a l'encontre de luy qu'il fust condempné a luy faire amende honnourable et prouffitable. Honnourable c'est assavoir nue teste en chemise tenant une torche ardant a sa main du poix de quattre livres de cire disant que faulcement et maulvaisement il l'a deceue trahie et circonvenue si s'en repent et luy en requiert mercy et pardon. Et pour amende prouffitable qu'il feust condamné envers elle en la somme de .iiii.M. livres parisis ou aultre telle somme que de raison deveroit/ et en ces despens dommages/ et interestz. Et aussi requeroit qu'il lui fust deffendu de parler a elle en aulcune maniere. Et au regard du procureur d'amours il concluoit et requeroit a l'encontre dudit amant que pour la raison dudict cas ou il y avoit faulceté & trahison il fut pugny de telle pugnition corporelle et publique que le cas le requeroit et se il ne l'estoit au moins qu'il fust perpetuellement a tousjours banni d'amours et le declaira inhabille de estre en la compaignie de bien et de dames et damoyselles comme traystre et de mauvais affaire que tous ses biens feussent declairez/ confisquez/ et appartenir a amours. Et oultre qu'il feust trainé sus une claye et batu par les carrefourgs de syons de vert osier & de branches de groseliers affin que desoresmais tous autres y prinssent exemple avecques aultres conclusions plus a plain declairees ou procés. De la partie de cest amoureux deffendeur fut deffendu au contraire. Et disoit que voirement il estoit vray qu'il avoit esté bien fort feru de l'amour de ycelle demanderesse/ et qu'il l'avoit servie moult longuement et fait envers elle tous les debvoirs qu'il est possible de faire a loyal serviteur mais elle lui avoit user de bien rudes & estranges termes. Car combien qu'elle luy eust promis de chierement l'aymer et entretenir en sa bonne grace. Touteffoys bien souvent faisoyt semblant de non le congnoistre/ puis a une fois elle lui soubzrioit & l'autre fois luy rechignoyt ou n'en tenoit compte. Et brief le povre gallant le plus du temps ne sçavoit ou il estoit & en eust bien voulu saillir/ mais il ne pouoit/ car quant il s'en voulloit oster c'estoit lors que il commençoit plusfort a aimer que jamais ne dormoit point ne nuyct ne jour/ ainçoys tousjours pensoit a elle/ & en ce faisant bien souvent frissonnoit/ et luy sembloit qu'il avoit plus de cent esguilles autour du col qui le picquoyent S'il eust voulu manger il n'eust sceu car il n'y avoit si bonne ne si doulce viande qui amere ne luy semblast. Or disoit il que pour obvier a ceste maladie et aux accés de telles fievres blanches plusieurs foys supplye et requist ceste dame cy qu'elle eust de luy pitié et le voulsist secourir dont elle n'avoit voulu riens faire ains le pourmenoit de jour en aultre de dymenche au jeudy tellement que au dernier quant il veit que il n'en pouoit plus il voulut trouver maniere de luy dire au vray l'angoisse & la douleur qu'il souffroit pour elle. Et fut vray voirement que pource qu'elle n'y vouloit pas pourveoir il print alors sa dague pour s'en frapper et disoit veritablement que veu le tresgrant mal que il avoit il se feust tué et ainsi l'avoit il deliberé de le faire se elle ne luy eust aydé et secouru de sa bonne grace/ dont il se sentoit bien tenu a elle/ et quant est de ce que on luy mettoit a sus qu'il avoit publyé le cas pour la diffamer il respondit qu'il ne l'avoit jamais dit ne declairé sinon a aulcuns de ces particulliers et secretz amys que il tenoit bien si seurs jusques la que jamais riens ne revelleroyent/ et que on avoit cela songé pour charger son honneur a tort et sans cause. Et au regard du cas principal disoit qu'il n'y avoit veu de son costé aucun excés/ crisme ne malleffice/ Mais luy avoit aydé et secouru ladicte demanderesse de son bon gré et consentement et qu'il valloit mieulx avoir le personnage par amour que venir par force : ou faire esclandre/ & par ainsi disoit qu'il ne luy en pouoit rien demander/ ains estoit en voye d'absouldre ses faitz concluoit et demandoit despens encontre ladicte demanderesse. Les dictes partyes ouyes en tout ce quelles voulurent dire & alleguer/ ledit prevost de dueil veues toutes les informations faictes en ceste matiere et la confession dudit amant deffendeur par laquelle les demandeurs prindrent & requirent droit estre fait condampna par sa sentence ledit amoureux deffendeur a faire amende honnourable a sadicte dame/ et luy crier mercy treshumblement a genoulx sans saincture ne chapperon a tout une torche ardante en sa main en disant ces motz. Madame je congnois et confesse ycy devant dieu et devant le monde que comme mal conseillé et mal advisé/ je vous ay trahie faulcement et maulvaisement/ dont je vous crie mercy et a la justice d'amours. Et avecques ce le declaira privé de tous biens et plaisirs d'amours/ et ses biens confisquez en le bannissant perpetuellement du royaulme d'amours & de toutes bonnes compagnies comme indigne d'y estre et habiter. Et semblablement le condampna envers ladicte demanderesse pour amende prouffitable en la somme de mille livres parisis/ et a tenir prison jusques a plaine satisfation et en ses despens dommaiges et interestz/ de laquelle sentence ainsi donnee par ledit prevost de dueil icelluy deffendeur se est sentu aggravé et en a appellé en la court de ceans/ et semblablement en a appellé ladicte demanderesse et ledict procureur d'amours pour ce que ilz disoyent que il ne leur avoit pas assez adjugé/ et que ledict deffendeur en avoit trop bon marché. et depuis ont lesdictes parties conclud audict procés par escript. et a esté veu et receu ceans pour juger a bene vel male. Si a ladicte court finablement veu le procés et tout ce qui a esté produyct en ycelluy a grant et meure deliberation et tout veu et consideré ce que faict a considerer. Adoncques ladicte court d'amours dict que entant que ledict amoureux est appellant il a esté bien jugé par ledit prevost de dueil/ et mal appellé par luy/ et le amendera. Et entant que touche lesditz demandeurs qu'ilz ont bien appellé et ledit prevost mal jugé/ et en amendant le jugement/ la court oultre les condampnations dessusdictes condampne ledict amoureux appellant a aller en voyaige nudz piedz a monseigneur sainct valentin et y porter ung veu de cire du poix de quarante livres/ et a raporter certiffication comme il y aura esté dedans ung moys Et en oultre desclaire ladicte demanderesse estre exemptee a tousjours de luy & des siens jusques a la tierce generation/ et si ordonne que en signe de la dessusdicte trahyson et faulceté/ touteffoys et quantes que on le servira desormais a table on mettra le pain devant luy a l'envers et le dessus dessoubz. Et avecques cela le condampne la court en moult grans despens de la cause d'appel envers ladicte dame demanderesse. la tauxation reservee par devers elle.

Le .ii. arrest.

Par devant le baillif de joye c'est assis ung aultre procés entre ung jeune compagnon amoureux demandeur d'une part. Et sa dame deffenderesse d'autre part. Et disoit ledict amoureux demandeur que ainsi qu'il avoit prins congé de sadicte dame pour s'en aller en sa maison elle le rappella et hucha pour parler a luy/ et aprés quant il fut tout auprés d'elle elle faisant semblant de s'acouter et de vouloir parler de secret le baisa si tresasprement que elle le cuyda faire seigner du nez Et puis quant vint au desserrer le frappa moult durement de la patte de son chapperon ou il y avoit une esguille et une espingle de laquelle il eut la joue toute esgratisgnee qui depuis est debvenue enflee et ne sera d'icy a troys moys qu'il n'y paire. A l'occasion duquel cas il ne s'est osé monstrer devant les gens par certain temps et est encores tres fort malade. et pource que il sçavoit bien que sadite dame ne l'avoit pas fait par haine et maltallent qu'elle eust a luy il ne vouloit point tendre a reparation/ mais concluoit & requetoit seulement qu'elle fust condampnee a le garir & faire penser durant sa maladie. De la partie de ladicte dame fut deffendu au contraire/ & disoit que l'amant avoit esté invaseur & assaillant pour avoir ledit baiser/ et au regard de la picqueure elle estoit advenue par fortune/ & advanture dont elle ne pouoit mais/ et aussi n'y avoit chose dont l'en deust parler/ car ledict amant n'en laissoit a boire ne a menger et se plaingnoyt de sa teste Surquoy les parties ouyes ledict bailly de joye par sa sentence & au regard a certains rappors de medecins d'amours qui avoient rapporté le peril/ et dit que la playe estoit en lieu dangereux condampna ladicte dame a mouiller de sa salive tous les moys la playe de son amy pour faire en aller le venin jusques a ce qu'il fust guery. Et aussy a luy fournir de drappeaulx surquoy seroit fait bon emplastre. De laquelle sentence ceste defenderesse c'est sentue grevee/ et en a appellé en la court de ceans ou le procés a esté receu pour juger Et finablement tout veu & consideré ce que estoit a considerer. La court d'amours a regardé et dit qu'il a esté bien jugé par ledit bailly/ et mal appellé par ladicte dame appellante et l'amendera. Et en oultre pource qu'il est apparu en ladicte court & venu a congnoissance que icelle appellante a deu dire et soy vanter que depuis ladicte sentence que s'il convenoyt moullier ladicte playe de sa sallive/ elle le mordroit en ce faisant si asprement qu'il luy en souviendroit a tousjours mais. La court l'a condampnee en trente livres d'amende envers les prisonniers d'amours pour employer en bancquetz et en herbe verte et es despens de la cause d'appel la tauxation reservee par devers luy et si ordonne qu'elle sera contraincte a obeyr a l'arrest par prinse de son corps

¶ Le troisiesme arrest

Par devant le vergier d'amours en la province de beaulté c'est assis ung aultre procés entre ung amoureux demandeur en matiere de recision de contract de une part. Et sa noble dame et amye deffenderesse d'aultre part. Et disoit ledit demandeur que du temps qu'ilz acointerent l'ung l'autre ilz firent ensemble plusieurs promesses et alliances d'amours/ & entre les aultres il y en eut ung compassé entre eulx deux/ par lequel ledit amoureux luy promist que toutes et quanteffoys qu'il se vouldroit coucher et mettre son coeuvrechief de nuit/ il seroit tenu de nouer le bout dudit coeuvrechief a deux bons & fors neuz et de dire pour l'amour d'elle en le tyrant/ dieu doint bonne nuyt a madame. Et aussi elle diroit pareillement quant il se lieveroit au matin en mettant sa chemise/ Dieu doint bon jour a mon tresdoulx amy. Et avecques ce estoit dit que le gallant debvoyt toutes les sepmaynes passer sur le tard une foys ou deux devant son huys. Et attendre une bonne certaine heure qui estoit dite pour avoir ung boucquet ou une viollette qu'elle luy debvoit pour recompense getter avant qu'il s'en allast/ ou dire a dieu/ dieu doint bonne nuit or disoit cest amoureux que en faisant ledict contract il avoit esté enormement deceu. Car premierement au regard de tyrer son couvrechief toutes les nuytz il en estoit en telle necessité qu'il luy failoit avoir ung neuf de trois jours en trois jours tant en rompoit et deschiroit. Et si pour tirer ne pour nouer il ne luy en estoit de rien mieulx et ne s'en sentoit point en nulle maniere plus allegié quant il estoit couché. Mais souventeffois encore pour ce que ledit couvrechief estoit trop serré ou noué il luy failloit tout oster & le remettre qui luy estoit grant peine avec le mal qu'il avoit Et touchant l'autre point il y avoit aussi et de l'autre moitié de juste pris/ Car seullement pour avoir ung povre boucquet ou une viollette/ ce galant estoit contrainct de aller et passer une fois ou d'eux la sepmaine par devant l'huys de sa dame ou il souffroyt maux infinis/ car premierement il advenoit tressouvent qu'il ne la trouvoit point a l'uys ne ame a qui parler/ et ainsi convenoit attendre illec et longuement jambaier le povre amant sans avoir feu ne clarté. Secondement car quant il s'en vouloit partir il veoit aulcuneffois la lueur de la chandelle par les verrieres dont il estoit transy et ravy qu'il ne sçavoit qu'il devenoit Et pource qu'il cuidoit lors qu'elle ne fust pas couchee et que tantost deust venir/ il attendoit tout seul illecques emmi la rue deux ou trois heures/ et aucuneffois toute la nuit & se pourmenant pour doubte de morfondre regardant en hault les gouttieres/ s'elle viendroyt point aux fenestres ou il y avoit aussi grant martire/ et mesmement ou temps de yver pour les neiges et la froidure qu'il luy convenoit endurer dont il estoit souvent en tel point qu'il ne sentoit membre qu'il eust si que l'en eust ouy cliqueter ses dens l'une contre l'autre comme une cigoingne Tiercement que pour la pluye et mauvais temps qu'il couroit il estoit parfoys contraint de s'en partir et retourner tout mouillié a l'ostel sans rien faire fors seulement baiser la cliquette de l'uis a son amye pour luy dire a dieu Et ses habillemens estoient sy tres trempez que la chemise qu'il avoit vestue il luy failloit changier/ tout aussy tost qu'il estoyt a l'hostel et prendre tous nouveaulx habillemens qui luy estoit pareillement moult grant et tresgrief martyre sans encores n'y compter ne comprendre la paine qu'il avoit d'estre congneu du dangier du guet/ et aussy de se bouter dedans les boues/ et de cheoir aux russeaulx ou dedans la fange/ et de se heurter a grosses pierres/ ou rencontrer une charrette et moult d'autres malles adventures qui pouoyent venir de nuyct/ et aussi que il avoyt esté souventeffois/ et estoyt encores enormement deceu Et pource requeroit que ledict contract feust mis au neant et qu'il feust remis en sa franche liberté. Et disoyt oultre que a greigneur seureté il en avoit a ceste fin obtenues lettres de relievement d'amours/ et dispensation sur ce dont en tant que mestier estoit requeroit l'enterinement/ offroit a prouver et demandoit despens. De la partie de ceste deffenderesse si fut deffendu tout au contraire et disoit que de se plaingdre du contract/ le demandeur avoyt grant tort. Car par icelluy elle estoyt subjecte a plus grande paine que il n'estoit. neantmoins elle estoit tenue touteffoys/ et quanteffoys qu'il plaira a amours de s'en departir et y renoncer/ Mais d'y venyr par recision ce n'estoyt point la maniere et ne voulloyt point qu'il luy feust reprouché que elle eust jamais receu homme/ car c'estoyt trop grant blasme et ce n'estoit pas le renom. Et pour venir a ses deffenses disoyt que ledict contract fut fait et passé a la grande priere et requeste dudict amant. Car elle n'y pensoit point quant il luy vint supplyer et requerir sur tous les plaisirs qu'elle luy pouoit faire qu'elle voulsist consentir lesdictes choses qui y sont contenues/ et oultre qu'elle n'en fist point de difficulté/ icelluy amant luy jura que la cause pourquoy on requeroit. n'estoit sinon affin qu'elle l'eust en memoyre/ et qu'il feust seur que une fois le jour et en mettant sa coiffe elle penseroyt a luy/ Parquoy de s'en plaindre maintenant et dyre qu'il a esté deceu & si n'y avoit nulle apparence/ et si rompoyt beaucoup de coeuvrechiefz le moys/ aussi faisoit elle de coiffes et luy failloit bien souvent des rubens tous neufz. Et au regard de l'autre point de venir et passer devant son huys une foys la sepmaine il avoyt pareillement grant tort de se plaindre/ car toutes et quanteffoys qu'elle doubtoyt qu'il viendroit icelle deffenderesse trois heures devant elle estoit toute ravye et ne sçavoyt qu'elle faisoyt. Et posé qu'elle beust & mengeast si avoit elle tousjours le cueur a luy et luy faysoit bien mal quant il luy convenoyt tant attendre a l'huys/ mais n'en estoit maistresse pour la craincte de dangier qu'il failloit cheoir et amasser qui luy estoit plus grande peine la moytié que tout le martyre que ledict amant pourroyt souffrir/ car il fault aulcuneffoys fayre semblant de dormir quant on veult veiller/ et de plorer ou l'on a bien grant fain de rire/ et de parler de froydure c'estoyt trop grant honte a luy/ Car jamais amans ne doibvent avoir froit soyt que il gelle a pierres fendant/ et s'il enduroit de malles nuitz aussi faisoyt elle de son costé de trouver quelque façon de eschapper pour venir a la fenestre ou parfoys estoit toute nue par l'espasse de deux grosses heures a veoyr de quel costé le vent venoyt et avoit ledit demandeur a plus belle occupation de passer le temps qu'elle/ car en attendant il se pouoit pourmener et dire ses heures et oraysons ne n'y avoyt personne qui alors l'eust empesché. Et quant est de la pluye et de la neyge les estaulx ne luy pouoyent faillyr et si n'y a eaue qui face mal a telz gens et au regard des pierres et aultres mauvaises rencontrees qui survient la nuyct/ respondit ladicte dame que telz maulx ne adviennent voulentiers synon a gens qui n'ont point parfaicte fiance en amours et qui font aucuneffoys des faulcetez et trahysons. Et disoit oultre plus ceste dicte jeune dame deffenderesse que toutes les plainctes et paynes dont cest amoureux se plaignoit n'estoit a comparer a nulles des siennes car plus avoit de peine en ung jour seullement a tirer les violettes que ledict amant n'en avoyt en toute l'annee/ et ne failloit point a venir a la comparaison des biens et plaisirs l'ung de l'autre. Car plus coustoyt le fyl dont elle lyoit les boucquetz & violetes qu'elle luy donnoit que tous les plaisirs qu'il luy eut sceu faire. Et pour ce disoit ceste deffenderesse qu'il n'y avoit point eu deception audit contract et qu'il ne debvoyt estre receindré sinon du consentement d'elle et que ledict amant l'en vint prier et requerre a ces fins concluoit et demandoit despens. Aprés parties ouyes & aprés ce qu'elles furent appointees en droit le viguier appointa que lesdictes lettres et reliefvement ne seroient point interrinés et qu'il n'y avoit point matiere de receindre ledict contract et condampna ledict amant demandeur a l'entretenir jusques au bon playsir de sadicte dame et es despens de laquelle sentence c'est sentu agravé et appelle en la court de ceans ou ledict procés a esté receu pour jugier/ si a la court veu ycelluy procés et tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere. Et tout consyderé la court dit qu'il a esté bien dit et appoincté par ledit viguier & mal appellé par ledict amant et l'amendera. si le condempne la court es despens de la cause d'apel la tauxation reservee par devers elle.

¶ Le .iiii. arrest

Devant le mayre de Boys verd c'est assis aultre procés entre ung amoureux et sa dame/ et estoit pour raison d'une cotte verte dont ladicte dame se plaignoit disant qu'il la lui avoit baillee si rudement qu'il l'avoit cuidé affoler et que en cheant sa gorgerette estoit despecee & en avoit on peu veoir le bout de sa chemyse/ requerant en effect qu'il fust deffendu audit amant de ne se jouer ne toucher plus a elle sans son congé et que pour la faulte qu'il avoyt faicte feust condampné a faire amende honnorable. Et qu'on luy deffendist seullement que il ne se jouast plus a elle en quelque maniere que ce fust ne aprochast du lieu ou elle seroit sans la licence ou que elle ne l'appellast. De laquelle sentence il s'est tenu agravé & en a appellé en la court de ceans ou le procés a esté receu pour juger. Si a veu la court ycelluy procés et tout veu dit a esté qu'il a esté bien jugé et mal appellé et bien appointé par ledit maire/ et mal appellé par l'appellant et l'amendera & si le condampne es despens de la cause d'appel la tauxation reservee par devers elle.

¶ Le .v. arrest.

Par devant le conservateur des haulx previlleges d'amours s'est assis ung aultre procés entre d'eux gentilz compaignons tous deux amoureux en ung lieu/ & d'une mesme dame/ l'ung demandeur & complaignant en cas de saisine et de nouvelleté de une part/ et l'autre deffendeur & opposant d'aultre part. Et disoit ledit demandeur que ung premier jour du moys de may ainsi qu'il estoit sur les rues pour aller la nuyct resveiller les potz de marjoleine et planter le may devant l'huys de une moult gracieuse dame dont est question affin de la resjouyr/ ainsi qu'on a acoustumé. Icelle dame ce voyant le print en grace/ et le retint pour son amy/ en luy promettant des biens a grant planté et plus qu'il ne valloit. et a celle intencion l'a depuis servie moult longuement Et a ce tiltre disoit qu'il avoit droit et estoit en bonne possession et saisine de soy dire et porter serviteur d'ycelle dame & de jouyr et user par le moyen de la grace d'elle des biens d'amours qui en despendent ensemble des joyes chieres liesses honneurs doulx regardz/ beaulx accueilz & prerogatives qui y appartiennent. En possession et saisine que ledict deffendeur ne doibt aller a la messe ou elle va pour luy bailler a l'entree de l'eaue benoiste. en possession & saisine que il ne luy doit point soubz ryre en passant/ ne faire quelque signe ou semblant de la regarder. En possession et saisine qu'il ne peult ou doit parler a elle de secret ne aultrement en quelque maniere que ce soit se n'estoit en la saluant que il dist dieu gard dieu begnie. En saisine et possession qu'il ne se doyt point agenouillier a l'opposite du costé ou elle se assiet durant la messe. En possession et saisine que en se promenant en l'eglise ou elle est il ne doit claquer son patin/ ne redrecier le poil de son chapeau. En possession et saisine que se ledit deffendeur a et porte nouveaux gans es mains qui ne les doit point enfoncer ne faire semblant de alonger les dois en tirant. En saisine et possession qu'il ne doit point lire les oraisons ne les escripteaux des tumbes qui sont au pres de ladite dame durant ce qu'elle est en l'eglise En possession et saisine que se ledit defendeur est agenouillé & il y a quelque chien derriere qui aboye ou ung coffre qui crie qu'il ne se doit point retourner ne ne doit regarder ladicte dame ne luy getter en passant ung doulx yeulx. En possession et saisyne pareillement qu'il ne doyt point alumer la torche devant elle dont l'en lieve dieu au moins ne doyt frapper du baston a terre deux ou trois fois ne laisser choir le couvercle pour dire regardez moy. En possession et saisyne que ledit defendeur ne peut ne doit porter la paix & ne la doibt point baiser aprés elle/ mais doibt attendre que tous les aultres l'ayent eue et baisee devant luy et nonobstant ledit deffendeur l'avoit troublé en ses dictes possessions et saisines parquoy avoit obtenue ladicte complaincte. Si concinoit pour pertinent en matiere de nouvelleté et en cas de delay demandoit la reverence. Et de la partie dudit deffendeur au contraire estoit dict/ que long temps il fut nommé par l'université d'amours aux premiers benefices qui vacqueroyent au dyocesse dont ceste dame cy estoit et que encore d'abondant il avoit obtenu grace expectative pour accepter la premiere qui seroit sans amy & si avoit dispence d'en avoir d'eux nonobstant l'incompatibilité. Et disoit avecques ce qu'il avoit fait ses diligences par devers la dame dont il estoit question pour estre pourveu de sa grace/ et dedens les nuitz et les jours qui y sont ordonnez. Disoit oultre que aprés ce qu'il trouva ladicte dame vaquant d'amy et qu'elle luy eust faict une gracieuse chere & tresgracieusement acueilly/ il accepta l'amour d'elle et fist pourveoir par l'executeur de sadicte grace expectative et n'y eut reffus ne contredit de dangier/ ne de malle bouche. Et deslors en fut mis en possession et saisine/ et a ce tiltre avoit droit et estoit en bonne possession et saisine/ et de se porter et dire serviteur et amy d'elle/ et avoyt la moitié des joies que amoureux cuyde avoir quant il rencontre bonne dame. En possessyon et saisine que ledit demandeur sa partie adverse ne la peu ne doit appeller sa dame ou maistresse ne s'en dire serviteur. En possession et saisine qu'il ne doit s'acouter ne parler a elle ne pareillement l'acompaigner en voyage ne autre part au moins ne la doibt tenir par soubs les bras. En possession et saisine que s'elle veult aller en pellerinaige il ne la doibt point mener derriere luy ne luy aider a secourre sa robe. en possession & saisine qu'il ne luy doit point alumer sa chandelle au monstier ne faire le petit genoul devant elle. En possession et saisine que sur le chemin son fouet ou aussi sa verge s'elle cheoit a terre il ne luy doibt point relever ne bailler. En possession et saisine qu'il ne doibt porter la botte fauve pour l'amour d'elle ne la soulcie sur son chappeau En possession et saisine qu'il ne peult pareillement fermer sadicte botte fauve d'eguillette verte ne son chapeau cordonné houppe de cheveulx En possession et saisine qu'il ne se doibt point desguiser ne faire fringuer son cheval devant son huis en la rue En possession et saisine qu'il ne doyt point au harnoys de ses chevaulx porter la livree d'elle/ Ne avoir plus d'une robbe neufve la sepmaine. En possession et saysine que ses cheveulx ne doivent venir jusques sur les yeulx ne qu'il ne doit avoir a son bonnet rubens de soye verte. En saisine et possession qu'il ne doit point dancer aux nopces ne autre part avec sadicte dame ne icelle prendre en chapellet. En possession et saisine qu'il ne doit point servir a la table ou elle se siet ne de luy bailler quarreaulx ou tronchet ou pacet a mettre soubz ses piedz et proposoit possessoire tout pertinent en requerant en ce cas de delay la recreance Et pour respondre au fait de ladicte partie adverse disoit qu'il ne pouoit avoir aucun droit en ceste matiere car son don ou tiltre estoit obtenu long temps aprés celuy du deffendeur/ et si n'avoit nommé grandeur et calefic en amours ains avoit seullement seduitte celle dame par persuasions et belles parolles tellement qu'elle c'estoit condescendue a l'aimer & l'avoit en garde qui estoit mal fait a luy veu qu'il sçavoit qu'il l'avoit par avant acceptee a dame et en estoit pourveu Disoit oultre plus que son don ne pouoit riens valoir/ le bien n'estoit point vacquant au temps qu'il l'acointa et n'estoit point une entreprinse faicte/ pour luy cuyder faire bailler le bont de sa dame/ et par maulvais rapportz ou l'en ne devoit point adjouster foy. A quoy ledit amoureux demandeur pour ses replicques disoit que en matiere d'amours n'y a point de priorité ne de posteriorité/ la raison est bonne/ car l'amour et le bien vient de dames et est leur faculté de le donner et tollir toutes et quanteffois qu'il leur plaist & a qui bon leur semble. Et ainsy doncques qu'il failloyt qu'elles fussent contraintes a aymer tousjours ung qu'elles avoyent aymé au commencement sans le changer ou prendre d'autres elles qui sont dames et usant de franche liberté seroient subgettes de soubzmettre leurs cueurs aux voulentez des hommes sans le pouoir oster/ parquoy deviendroient serves et privees de franchise et de domination qui est le plus beau previlege qu'elles ayent et aussy tout le plaisir seroit dehors ne n'auroient plus amour de luy/ car par ce moyen il leur fauldroit admettre qu'elles devroient haïr & n'y auroit jamais nul jeune amant pourveu ne advancé pour service qu'il peust faire par ce que les premiers vouldroient tousjours gouverner. Sur quoy ledit deffendeur disoit que au contraire que l'en ne doibt point ainsi despointer ung loyal amant qui a bien servy sans cause ne matiere et sans ce que sa dame l'eust trouvé en faulte ou present meffait/ ains fault qu'il soit ouy premierement/ et qu'il soit declaration sur la privation ou aultrement jamais il ne auroit bien ne service remuneré/ car il adviendroit tous les jours que jeunes amoureux pour estre avancez/ et entrez en la grace des dames qui croyent moult de legier tout ce qu'on leur rapporte/ et leur louenge soulleroyent et suppediteroyent les aultres par blandissemens et belles bourdes ou par mauvaises parolles qu'ilz apporteroyent de leurs personnes pour devenir maistres & leur oster leurs lieux. Et ainsi tous amoureux qui auroyent doncques fait leurs debvoirs le temps precedent pour bien servir auroyent des maulx et les jeunes pour mal faire et mal raporter seroyent honnourés et bien venus ou n'a apparence au monde Et sur ce furent les parties appointees et despuis ledit conservateur par sa sentence dist et declaira que entant que touchoit le principal les parties estoyent contraires/ et feroyent leur enqueste et icelle faicte et raportee par devers luy il leur feroit droit et au regard de la recreance des possessions et choses contencieuses il adjugea audit demandeur le requerant pour en jouyr regir et gouverner soubz la main d'amours pendant le procés et jusques a ce que aultrement en feust ordonné. De laquelle sentence ledit deffendeur en a appellé en la court ou ledit procés a grant et meure deliberation et que faisoyt a veoir en ceste matiere : Et tout veu ladicte court dit que en tant que ledit conservateur adjugea la recreance audict demandeur il jugea mal au surplus en amendant le jugement/ la court adjuge ladicte recreance et jouyssance des possessions/ et choses contencieuses audict deffendeur. Et se retient la court la canonyssance de la cause principalle ou les parties viendront proceder ceans au premier jour ainsi qu'il appartiendra par raison.

Le .vi. arrest.

De certaine tauxation de despens que deux conseilliers de la court de ceans avoient faicte a une jeune dame a l'encontre d'ung sien amy montant la somme de .xix. livres .iii. solz six deniers parisis pour raison de certain voyage et pellerinaige ou elle par grant ardeur avoit voué sondit amy et auquel elle avoit esté nudz piedz pour luy affin qu'il fust guary d'une griefve malladie de fievres blanches qu'il avoit lors & aussi pour acheter des bouquetz de romarin & genievre dont on l'avoit chauffé/ et d'autres menues drogueries que on luy avoit baillez durant sa maladie. Cest amant cy s'est sentu agravé et en a appellé en la court de ceans. Le procés a esté receu pour juger et a la court veu ladicte tauxation de despens & diminution baillee au contraire. Et tout veu la court dict qu'il a esté bien tauxé par lesditz conseilliers et mal appellé par l'appellant et l'amendera & si le condampne es despens de la cause d'appel la tauxation reservee par devers elle.

Le .vii. arrest

Par devant les conseilliers ordonné sur le fait de la justice du tresor d'amours c'est assis .i. aultre procés entre le cueur d'amours dudict tresor demandeur d'une part/ Et ung jeune amant deffendeur d'aultre part/ et disoit ledit demandeur que nulle amour ne peut tenir par acquisition aucuns biens d'amours ne faire fondation de rente ou revenue s'elle n'est deuement amortie. Et que toutes et quanteffoys que aulcun faict contre amours est en possession de prendre les fruictz et la revenue de la rente non amortie/ c'est assavoir de troys annees l'une. Or disoit ledit demandeur que ledit deffendeur sans licence d'amours ne avoir sur ce amortissement avoit faict ung contract par maniere de fondation avec une religieuse par lequel elle estoit tenue de pryer pour luy et de dire aussi certaines oraisons. Et aussi en ce faisant ledit amoureux la debvoit fournir de soyes/ et de plusieurs aultres menues bacguettes/ moyennant lesquelles ycelle religieuse luy debvoit envoyer pour souvenance tous les moys de l'an certaines bourses faictes a sa devise/ Et pour ce requeroit le procureur de amours demandeur que ledit amant deffendeur fust condampné a rendre & luy bailler de troys bourses l'une/ selon les ordonnances et qu'il feust enjoinct audit deffendeur de prendre amortissement desdictes amours de ladicte rente/ ou de en vuyder ses mains. de la partie duquel amoureux deffendeur feust deffendu au contraire et disoit que luy considerant que en amours y a tresgrande peine car ceulx qui s'i mettent/ ne sont pas aulcunes foys maistres de eulx en oster quant bon leur semble/ Et mesmement affin que amours luy aydast en tous ses affaires et besongnes il estoit bien vray vrayement que pour les grans biens qu'il avoit aperceuz en une religieuse de son accointance il luy avoit prié & requis que toutes et quantes foys que elle se trouveroit a matines et l'en commenceroit a chanter te deum laudamus qu'elle dist lors ung de profundis pour l'ame de luy ce que elle luy avoit accordé Et aussi pour la recompensation de la peine icelluy amant luy avoit promis d'envoyer de la soye et de l'or de chippre pour soy esbatre a faire de belles bourses & des soursainctes et des cordelieres & seroit tenue a en bailler de troys l'une. Or disoit ledict deffendeur que proprement ce ne estoit point acquisition perpetuelle/ mais estoit seullement une pension viagere faicte de la voulenté et union des deux cueurs par quoy n'y failloit nul amortyssement/ car il n'y avoit point d'obligation ne constitution de rendre sinon tant tenu tant payé. Et que chascune desdictes parties estoit en son entier pour n'en retenir riens se bon ne luy sembloit. Et disoit oultre que veu que la dessusdicte fondation estoit faicte pour le salut de l'ame & pour convertir en piteux usages le dessusdit procureur d'amours n'en doibt riens avoir ne demander. et par ses moyens conclurent affin de absolution Surquoy finablement parties ouyes elles furent appoinctees en droit et depuis lesdictz conseilliers du tresor par leur sentence condampnerent ledict amoureux deffendeur a faire amortir a ses despens ladicte rente. Et avecques ce ordonnerent et appoincterent qu'il seroit tenu et obligé de bailler de trois bourses l'une & pareillement la tierce partie des cordelieres soursainctes/ et boucquetz/ et aultres choses/ que ycelle religieuse luy envoyeroit jusques ad ce que ladicte fondation fust deuement amortie. de laquelle sentence ledit demandeur s'est tenu pour grevé et en appelle en la court de ceans ou ledict procés a esté receu pour juger. Si a la court veu icelluy procés et tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere a grant & meure deliberation et tout veu dit qu'il a esté mal jugié par lesdictz conseilliers/ et bien appellé par l'appellant/ et en amendant le jugement la court absoult des impetrations et demandes a luy faictes par ledit procureur d'amours et ordonne que les bourses soursainctes cordelieres et biens qu'il avoit esté contraint de conseigner en main de justice lui seront rendus et mys a plaine delivrance.

¶ Le .viii. arrest.

Par vertu de certaines lettres de chancellerye d'amours ung amant ja pieça feist mettre ung beau cordon tout plain de fleurs en main sequestre/ et disoit pour soubstenir sa main mise que sa dame lui avoit donné ledict cordon pour le mettre a son chappeau affin qu'il eust souvenance d'elle et ung jour a une feste en ostant son chapeau de sa teste ledict cordon eschappa et le perdit dont il fut dolent. Et pour ce que depuis il l'a trouvé es mains de ung aultre amoureux deffendeur de sa partie adverse il la faict arrester et concluoit tout pertinent a matiere d'arrest en requerant que ledit cordon luy fust restitué et mys en plaine delivrance de la partye dudict deffendeur si fut deffendu au contraire & disoit qu'il estoit bien d'accord avecques ledit demandeur que la dame dont estoit question le avoit fait de sa main et que elle luy avoit donné par grant excellence de joye/ mais iceluy demandeur comme ingract ne en avoit tenu compte/ ainçoys pour certaines menues parolles que elle luy avoit dictes en se jouant & rigolant de ce qu'il mettoit la houpe dudit cordon trop sur le costé cestuy amoureux demandeur remply de impacience avoit rendu et gecté par despit ledit cordon a celle dame & a celle dame a aussi clerement se par domination ou autrement s'il y avoit eu droit si s'en estoit il depparty/ et n'en pouoyt plus riens demander/ mais debvoit encores selon les droictz d'amours estre griefvement pugny veu que en ce faisant il estoit encouru en voye d'ingratitude disoit oultre ledit deffendeur que ladicte dame avoit aussi fait serment qu'en disoit de ycelluy demandeur ne rauroit jamais ledit cordon & puis l'avoit liberalement donné de bon cueur audit deffendeur a la charge touteffois de le porter pour l'amour d'elle comme il avoit fait/ parquoy ledit arrest ne se pouoit soubstenir/ ne requerir mainte levee ne provision d'avoir ledit cordon a sa caution. A quoy de ladicte partie de ce demandeur fut repliqué au contraire disant que toutes et quanteffoys que il trouve ce qu'il luy appartient et par don il le peult prendre de fait et faire proceder par voye de arrest comme sadicte chose Or disoit il que le cordon luy appartenoit de don a luy faict par sa dame ledit deffendeur confessoyt mesmement. Et ainsi l'arrest estoit bien recepvable. Et au regard de ce qu'il avoit regeté par despit n'estoit pas vray/ mais disoit que pour ce que ladicte dame luy reprochoit bien ledict cordon & que luy sembloit qu'il en devoit estre plus subgect vers elle/ iceluy demandeur luy avoit rebaillé en ceste intencion/ et touteffoys pour le luy garder. et nompas pour le donner a ung aultre amant. Disoit oultre plus que ce n'estoit pas trop grant honneur audict deffendeur de se vouloir ainsi fringuer/ ou de vouloir porter des biens dont les autres avoyent par avant fait leurs monstres et grans jours et quant a la provison n'en escheoit point/ mais se la matiere estoyt disposee a embellir/ elle luy debvoit estre faicte avant que audit deffendeur veu que il estoit despointé et mesmes que pour enrichir et embellir le dessusdit cordon il luy avoit faict mettre quatre ou cinq perles & de menues pensees tout a l'entour. Surquoy ledit deffendeur dit au contraire que des incontinent que ung amant contemne les biens donnez par sa dame de quelque estat que il soit il se rend indigne de les tenir & posseder & peult bien icelle dame les luy oster & faire arracher devant tout le monde/ et puis le donner ou il luy plaist. et ne portoit pas ycelluy deffendeur ledict cordon pour faire quelque desplaisir audit demandeur/ mais tant seulement pour complaire a ladicte dame & luy obeir comme il estoit tenu de faire. Les parties ouyes a plain furent appointees par le juge ordonné en droit & depuis par sa sentence les appointa contraires et en enqueste. et au regard de la provision requise par chascune des partyes il ordonne que en baillant caution par ledit deffendeur de rendre et restituer ledict cordon toutes & quanteffois que il seroit ordonné il luy seroit rendu et delivré pour en jouyr pendant le procés soubz la main d'amours & jusques a ce que aultrement en fust appointé & sans prejudice des droictz de parties. De laquelle sentence ledict demandeur c'est tenu agravé et a appellé en la court de ceans ou ledict procés a esté receu pour juger. et si a la court veu ycelluy procés et tout ce qui faisoit a veoir en ceste matiere/ et tout veu dict que tant que le juge ordonna que ledit cordon seroit entierement rendu et delivré audict deffendeur sans declairer que les perles et menues pensees que ledit appellant y avoit faict mettre du sien a sa plaisance en seroyent ostees que il juge mal. Et au surplus bien en amendant le jugement la court dit que lesdictes menues pensees faictes a perles seroyent premierement ostees dudit cordon et baillees au demandeur pour en faire ce que bon luy semblera & au surplus renvoyez les parties a huytaine par devant ledict juge pour proceder sur le principal ainsi qu'il appartiendroyt par raison.

¶ Le .ix. arrest.

Par devant le marquis des fleurs et violettes d'amours c'est assis ung aultre procés d'ung amoureux demandeur d'une part & une jeune amye deffenderesse d'aultre part sur ledit amoureulx disoyt que tous les plus grans biens qui sont en amours/ c'est entretenir les cueurs l'ung de l'autre en perfaicte aliance et union d'amytié et que toutes et quanteffois que ung amant ou une dame est vaquant ou que elle s'entremect de complaire a plusieurs c'est signe que son cueur n'estoyt point entier en loyaulté et que l'on ne se doibt pas trop fier/ or se pressuppose disoit que ceste dame cy avoyt faict plusieurs promesses. Et entre les aultres que jamais elle n'auroit aultre que luy tant qu'il seroit vivant/ et luy pareillement a elle si en avoyent faict serment l'ung a l'autre sy grant et solempnel que faire peust en tel cas/ et ainsi se avoyent promys qu'ilz ne feroient chose a leur pouoir par quoy nul d'entre eulx y peust prendre ne avoit desplaisir/ mais ce nonobstant ladicte dame puis nagueres de temps en ça s'entremettoit d'entretenir plusieurs aultres gallans par parolles et tresbelles cheres deffendues en tel cas. Et oultre plus pendoit tous les jours en sa sainture et en sa quenouille boucquetz nouveaulx et fleurs estranges sans ce que ledit amant les luy ayt donnees dont il a ung peu de mal en sa teste/ car aulcunesfoys quant il est dedans son lict et s'esveille sur ce point il mect bien trois heures a soy endormir Et pource concluoit que sa dicte dame fust contraincte et condampnee a ne plus porter boucquetz ne fleurs en quelque maniere que c'est synon qu'il les luy donne ou qu'il en soit d'accord/ et aussy qu'elle ne face chiere a aultruy sinon a luy seul et ainsi qu'elle avoit promis et offert de sa part s'elle prenoit plaisir en fleurs/ et boucquetz de luy en faire bailler et avoir tous les jours tant qu'elle vouldra affin qu'elle n'eust occasion de prendre aillieurs De la part de ceste dame deffenderesse fut deffendu au contraire et dysoit que quelque promesse que feissent dames doibvent entendre civilement c'est assavoir la ou sera leur plaisir & ne donne encore jamais si grant auctorité qu'ilz n'en retiennent tousjours aulcune chose devers elles & qu'elles ne soient sur leurs piedz pour user de leurs voulentés et plaisirs car elles sont dames Disoit de rechief avecques ce que ledict amant a tort de se plaindre de ce qu'elle porte boucquetz et viollettes & qu'elle tient langaige a trop de gens Car supposé qu'elle luy ait promis de l'aimer bien & loiaument elle n'est pas pourtant liee ne obligee qu'elle puisse parler a aultre que a luy et prendre desdictes viollettes et boucquetz s'il ne luy en donne ung. Aussi le contract qui seroyt fait autrement ne se pourroyt soubtenyr car l'en scet que dames ne peuent renoncer aux biens qui leur peuent venyr et ont don et previleges de nature de rire & faire bonne chiere a tous affin que nulz ne puissent dire qu'elles soient mal gracieuses. Et appert bien que ledict amant est bien jeune simple et mal conseillé de intenter procés et fayre debat pour cecy. Car de tant qu'il auroyt vers elle plusieurs/ requerans et serviteurs et qu'elle l'avanceroit et aymeroit encore mieulx par dessus les aultres de tant auroit il plus de bien et en seroyt plus honnouré. Mais il entend mal son cas car il seroit content qu'on l'alast acoller devant tout le monde et qu'elle ne parlast a aultres que a luy affin qu'on die qu'il eust le bruyt qui n'est pas la maniere. Au regard des boucquetz et fleurs il a tort de s'en plaindre/ car elle a en sa maison des violettes et marjolaynes ou elle les prent. Et pose qu'on les luy donnast si n'y peust il avoir interest/ car l'imposition ne luy en est deue/ et si n'est chose ou l'en se doit gueres arrester veu que la fleur et odeur s'en passe de legier. Et quant a l'offre qu'il luy fait de l'en fournir respondit qu'elle n'en avoit cure/ et ne voulloyt point nullement du monde qu'il ait occasion de les luy reprocher si concluoit par ces moyens affin d'absolution et de despens. Sur quoy ledit demandeur disoyt au contraire que telz boucquetz perles et menues choses sont cause aulcuneffoys de esmouvoir les cueurs et faire bailler les bontés a aultres qui point ne s'en doubtent. Finablement partyes ouyes furent appointees en droit & par sentence s'y absolut ceste deffenderesse de impetrations et demandes de ce demandeur en luy permetant s'elle vouloit en tant que mestier estoit de parler rire salluer et porter boucquetz toutes et quanteffoys qu'il luy plairoyt et bon luy sembleroit. Et condampner ledit amant en ses despens dont il sentit grevé et appella en la court de ceans ou le procés a esté receu pour juger. Sy a la court veu ledit procés a grant & meure deliberation et que faisoyt a veoir en ceste matiere. Et tout veu/ dit qu'il a esté bien jugié et mal appellé et l'amendera l'apellant en le condampnant es despens de la cause d'appel la tauxation reservee par devers elle.

¶ Le .x. arrest.

Devant le juge de la garde des seaux establés aux contractz d'amours il c'est assis ung autre procés entre ung amoureux demandeur en matiere de recision de contrat usuratif d'une part/ & une sienne dame et amye deffenderesse d'aultre part. Et disoyt ledict demandeur que de raison & selon les ordonnances toutes usures sont en amour prohibees et deffendues et que l'en n'en doibt point user. Or ce presuposé disoit que du temps que il accointa ladicte dame luy estant en la grant chaleur et voulant bien complaire a elle se ingera pour entrer en la grace de luy offrir corps et biens en luy faisant plusieurs dons et gratuites/ & fut bien vray que en ce temps ledit gallant qui estoit fort feru et surprins de l'amour de elle et ne luy chaloit qu'il feist luy promist & obligea de luy mener toutes les festes de l'annee entre minuyt/ Et le point du jour le tabourin et les bas menestriers pour la resveiller en son lict et oultre luy promist de luy donner a toutes les estraines ung beau chapperon de demy graine et aussi une robbe neufve a chascun premier jour du mois de may de telle couleur qu'elle la vouldroit et aussi estoyt obligié de changer et porter pour l'amour d'elle tous les moys une robbe neufve a la devise d'elle lesquelles choses il avoit continuees ja par long temps Mais il en estoit fort lassé veu que la charge estoyt bien grande et disoyt que ledict contract ne se pouoit pas soubstenir/ car pour les biens/ et plaisirs dessusdictz qu'il estoyt tenu de faire a ladicte deffenderesse s'il ne amendoit d'elle il n'en avoyt pour toute recompence que ung seul baiser quant il la pouoyt trouver a part qui n'estoit pas juste ne egalle recompensation. Et aussy la deception y estoit toute clere. Et disoyt en oultre/ que lesdictz menestriers et robbes et chapperons sans les autres bagues ne la paine de luy pour la poursuitte coustoyt tous les ans une grant somme d'argent qui luy convenoit bailler et trouver/ et payer de sa bource pour complaire a elle & luy faire plaisir/ et touteffoys de son costé ne luy donnoit que ung seul baisier ne n'y mettoit du sien que la bouche/ ou la joue enquoy elle gaignoyt plus de la moytié et sans main mettre parquoy l'usure y estoit toute clere et pource elle concluoit et requeroit ledict amant que ledict contract feust recindé et adnullé et demandoit despens. De la partie de ladicte deffenderesse fut deffendu au contraire et disoit que de l'appeller usuriere ledict amant avoyt grant tort car avecques luy elle n'avoit gueres gaigné. Mais il advient souvent que pour faire plaisir l'en a dommage. Et pour passer oultre disoyt que se elle ne l'eust jamais trouvé luy eust esté grant prouffit/ pour luy avoit souffert de malles nuytz dont elle estoyt petitement recompensee et ne failloyt point qu'il se plaingnist dudict contract/ car ne luy avoit pas faict faire/ mais luy mesmes l'avoit poursuivy et chassé. Disoit aussy qu'elle ne le contraignoyt point de envoyer aulx festes les menestriers devant son huys ainçoys y venoient jouer telles fois qu'elle eust bien voullu qu'ilz en eussent esté bien loing Car de les ouyr quant l'en a pas le cueur en joye est regrettement de dueil et planté de pleurs et de lermes Et quant est des robbes si luy en a donné plusieurs et elle les a voulu prendre de tant luy a fait plusgrant plaisir/ et en est bien tenu a elle veu qu'elle luy avoit faict plus d'honneur qu'il ne luy apartenoit de les avoir vestues & portees pour l'amour de luy. Et entant que toutes les robbes neufves dont il s'abiloit tous les mois ladicte deffenderesse disoit qu'elle n'y avoit gaigné ne prouffit et que s'il en voulloyt avoir tous les jours elle ne l'en pourroit pas garder : Disoyt oultre pour respondre au faict de partie que toutes les robbes/ et tout l'argent qu'il sçauroit en tout le monde finer pour faire dons et gratuytés ne sont a comparager seullement a la moytié d'ung baiser/ Car s'il failloit faire estimation ou prisation de l'ung a l'autre et que ce fust chose que l'en peust priser ou estimer l'en trouveroit sans comparaison que la moytié d'ung seul baiser d'une dame octroyé de bon cueur vault mieulx que tous les biens ne l'argent que on sçauroyt donner. Or avoyt ledict amoureux ung baisyer d'elle tout entier et par sa confession mesmes prinse en son prejudice Parquoy de dire le contract feust usuré n'y avoit apparence nulle. Disoyt aussy que ung baisier est reputé en amours pour chose singulliere et espirituelle & qu'on ne le sçauroit trop vendre ne acheter mesmement quant il est procedant de joye et qu'il y a embrassement Si le doit par ses moyens ladicte dame affin d'absolution et de despens. A quoy ledict demandeur par ses replicques disoit que touchant ledit baisier il en avoit autant de payne comme elle & de la joye qu'il en yssoit elle en amendoit aussi bien comme luy parquoy il ne pouoit cheoir en compensation. Et sur ce dupliquoit la deffenderesse que le bien qu'il procede d'ung baiser vient de la grace de la dame qui le donne et nompas de celuy qui le requiert/ car le plaisir vient d'elle et multiplie la joye de celluy a qui il est donné pource dyent les maistres que telz biens ne sont a donner ne a garçonner/ ains il fault que ung homme soyt bien experimenté et qu'il ait bien servy avant que il soit digne de avoir ung baisier. oyez lesquelles parties elles furent par ledit juge de la garde des seaulx appoinctees a produire et en droict. Et depuis par sa sentence il dist et declaira que ledit contract ne estoit point usurier/ et absolut ladicte dame de ses petitions et demandes & le condampna es despens dont il appella en la court de ceans ou ledit procés a esté receu et conclut pour jugier/ et a ladicte court veu ledit procés et tout ce que il faisoit a veoir en ceste matiere/ Et tout veu dict que il a esté bien jugé et mal appellé par ledit amoureux et l'amendera et payera tous les despens de la cause d'appel la tauxation reservee a ycelle.

¶ Le .xi. arrest.

Devant le maistre des forestz et des eaues sus le faict du gibier d'amours c'est assis ung aultre procés entre une jeune dame demanderesse d'une part/ & ung sien serviteur jadis amy deffendeur de l'aultre part. Et disoit ladicte demanderesse que a ung soir bien tard que il faisoit chault & que le soleil estoit pres de coucher elle & ledit amant et plusieurs de ses amys/ voisins s'en allerent baignier sus ung gravier d'une ysle et chasser aux poissons/ et furent les ungz mis en ordonnance pour tenir les rethz et filetz et les aultres pour courir devant le poisson/ et le faire courir devant les rethz. or advint que en courant ledit amoureux qui avoit tousjours l'oeil sus elle et plus que a prendre le poisson se vint aborder a l'encontre de elle/ et combien qu'il eust assez place pour tirer son chemin ailleurs toutes voyes tout en soursault/ et en ung moment il luy feist le jambet tellement que ceste povre femme cheut a terre & que sa cotte simple fut mouillee & gastee dedans la riviere Et ne fut pas encores content mais en faisant semblant de la relever il luy meist la main sur le tetin et la pressa tresfort dont elle fut toute esmeue au lict malade par bien long temps parquoy elle requeroit a l'encontre dudit amant qu'il en fust tresgriefvement pugny de pugnition publicque ainsi que le cas le requeroit et tellement que les aultres y puissent prendre bonne exemple. de la partie dudit amant fut dit tout au contraire que vrayement il est vray/ que ladicte dame et plusieurs aultres prindrent complot de leur baigner et chasser aux poissons et puis fut ledit amant mis a l'avantgarde pour chasser ledit poisson devant & elle estoit d'ung autre costé & tenoit les rethz & le filet. Si advint que comme il choisit le poisson il mesmarcha pour ung gros chaillou que il trouva qui le feist tumber sur elle et tellement que tous deux cheurent dedans l'eaue/ mais dieu mercy ne c'estoit point fait de mal car l'eaue n'estoit point grande et si estoit en plain sablon. et disoit oultre sus sa foy que en chayant il ne l'avoit tastee ne pincee ne ne eut pas le loysir de ce faire pour l'eaue dont il estoit tout esblouy/ et ne luy cuydoit avoir faict aucun mal. or disoit il que de la cheuste il n'en pouoit mais/ car le cas estoit advenu qu'il ne l'a pas fait cheoir en son escient si l'en ne luy en pouoit riens demander. et au regard de la cotte simple/ et aultres habillemens d'elle qu'elle disoit estre gastez aussi avoyent esté pareillement les siens/ et si avoit esté autant moullé comme elle/ & par ces moyens tendoit affin d'absolution et de despens. ledict procureur d'amours dessus le fait des eaues et des forestz disoit que par les ordonnances il est deffendu de ne point chasser a engins par lesquelz l'on puisse prendre teteins en l'eaue/ et requeroit que cest amant fust condampné en une bonne et tresgrosse amande. Mais ledit amoureux disoit au contraire que ce n'estoit raison car il n'avoit faict chose digne de reprehension/ ne touché au tetins dont il ait souvenance/ et se d'advanture sa main y avoit frayé qu'il ne confesse encore pas si auroyt ce esté en tumbant & cheant et estoit force qu'il se soubstint a quelque chose/ mais quoy qu'il en soit ladicte dame ne en avoit point esté blecee/ et pource concluoit comme dessus affin d'absolution. Surquoy ladicte demanderesse disoyt que la cheuste estoit trop lourde/ et qu'il ne s'en pouoit excuser/ car il l'avoit fait d'aguet a pense & propos deliberé pour parvenir a ses attaintes et en verité s'il ne lui eust fait oultraige elle n'en eust daingné parler Finablement parties ouyes elles furent appointees contraires et en enqueste & depuis ladicte enqueste faicte et le procés appointé en droict le maistre des eaues et forestz condampna par sa sentence ledict amoureux deffendeur a faire faire a ladicte dame une cotte simple verte en lieu de la sienne qui avoit esté gastee et a la porter en sa main et seroit tenu de se encliner devant elle en ostant son chapperon seulement et dire ces motz a genoulx. Madame par l'ordonnance de justice je suis contrainct de me venir rendre a vostre grace & mercy si vous prie que vous prenez en gré ceste robbe verte que je vous donne de bon cueur & au regard du demourant ne vous en souviengne plus car sur ma foy je ne le fis oncques en intencion de vous courroucer ains aymeroye mieulx estre mort et au surplus furent les despens recompensez d'ung costé & d'autre De laquelle sentence ledit deffendeur en appella en la court de ceans ou le procés a esté receu pour juger si a la court veu ledit procés l'enqueste aussi & tout qu'il failloit veoir en ceste matiere & tout veu dit qu'il a esté bien jugé par ledit maistre des eaues & forestz et mal appellé par l'appellant & l'amendera & condampne es despens

¶ Le .xii. arrest.

Par devant les dames de conseil d'amours en ladicte chambre de plaisance c'est assis ung autre procés entre ung aultre tresbeau et jeune filz bien amoureux demandeur & complaignant en cas de saisine et de nouvelleté d'une part & une gracieuse dame deffenderesse d'autre part. Et disoit ledit demandeur que ja pieça par alliance d'amours luy et elle se donnerent l'ung a l'autre et promirent de vivre et mourir ensemble comme deux vrais amans sans jamais departir par quelque malheurté qui peust advenir et en ce point en conferment l'aliance en eut plusieurs baisers donnez de si tresbon cueur que les larmes en venoyent de joye aux yeulx d'ung chascun. Disoyt avec ce ledit amant que aprés l'alliance et confirmation ainsi faicte sollempnellement eulx deux promisrent encore qu'ilz seroyent communs en biens & que l'ung ne feroit jamais chose qui despleust a l'autre mais ce que l'ung vouldroit l'autre consentiroit/ affin que l'amour durast tousjours. or disoit ledit demandeur que a ce tiltre & par les moyens dessudictz avoit droit & estoit en bonne possession et saisine que ladicte dame ne pouoit ne debvoit acointer ne s'ayder d'autre que luy ne luy faire autre chere. en possession & saisine qu'elle ne leur debvoit ryre ne faire le petit genoul. en possession et saisine qu'elle ne debvoit saluer ne parler a eulx en quelque maniere que ce feust s'il n'y estoit present. en possession et saisine qu'il devoit & est sur tous le mieulx aymé & recueilly grandement quant il parle a elle sans luy rechisgner ne tourner la teste de costé ne d'aultre. en possession/ et saysine que quant il se veult esbatre avec elle & luy doit dire les sornettes qu'elle luy doit respondre gracieusement comme elle faisoit au commencement & en riant sans le mespriser ne contempner. En possession & saisine que quant elle veult aller jouer et esbastre aux champs qu'elle luy doibt faire assavoir pour y aller ou sans y mener d'autres. en possession & saisine qu'elle ne doit souffrir prendre les liens de sa chausse/ aulcuns qui en font les sursaintes & qui les portent entour eulx en lieu de sainctures. En possession & saisine que se d'advanture il la boutte en passant par la rue par le costé ou qu'il gecte une violette que elle ne luy en doit point gecter les groins ne faire aulcun semblant qu'elle en soit courroucee. en possession et saisine que s'il arrive en son hostel ou en aultre lieu ou elle soit assise elle doit reculer sa robbe pour luy faire place. Mais ce nonobstant ceste deffenderesse depuis ung peu de temps en ça luy a tenu et tient les plus estranges termes du monde/ car quant il la salue et rencontre elle n'en tient compte/ ains faict semblant qu'elle ne le vit jamais. Et avec ce tient parolles a plusieurs autres galans en leur faisant plus grant chiere que a luy & luy sembla maintenant qu'elle preigne a desplaisir tout tant qu'il luy dit & faict. Et bien souvent quant elle le voit d'ung costé elle va de l'autre en le mocquant & desprisant & mettant a non challoir le temps passe et l'alliance qu'elle a faicte. Et oultre plus quant il se veult jouer a elle ainsi que il avoit accoustumé elle l'injurie & menasse de frapper & ce fait n'a pas granment qu'il tiroit sa quenoille par derriere elle se courrouça moult aigrement et jura que s'il y venoit plus elle luy en bailleroit sur la teste en troublant & empeschant ledit complaignant en ses possessions & saisines a tort & sans cause indeuement & de nouvel puis an et jour en ça. Et pource concluoit en matiere possessoire tout pertinent/ & en cas de delay demandoit la recreance Et pour deffence ladicte deffenderesse disoyt que de raison naturelle feminine nulle dame n'est tenue d'aymer se la personne qui la requiert ne luy plaist ou agree et que aultrement le faire seroit trop a contempner tous les biens d'amours qui viennent de plaisir et joye. or ce pressuposé disoit que cest amant se fyoit trop en ses pensees et folles ymaginations Il cuidoit que tout ce qu'il pourpensoit devoyt advenir/ dont il estoit bien loing ne n'estoit coustume a advenir a telz biens par force et pour parler a cheval veu que tous ceulx qui se humilioyent jusques en terre et qui ne servent que d'obeyr et complaire a grant paine y peuent parvenir. Disoit avec ce qu'elle l'avoit aymé comme femme doit aymer ung chascun/ mais qu'il y eust aliance ou promesse particuliere entre eulx deux et telle qu'il l'avoit baptisee il ne la trouveroit point/ car tousjours avoit esté entiere et maistresse de soy comme encore avoit intencion d'estre/ et ne failloit point qu'il se plaignist d'elle atendu que a luy ne a aultre n'a mal fait. Et quant est des possessions qu'il prenoit a l'encontre d'elle disoit qu'elles n'estoyent recevable car selon raison gardee en matiere d'amours on ne peult empescher que femme ne caquette/ parle/ salue/ rye/ ou bon luy semble. Et d'aultre part ung serviteur ne doit estre receu a prendre complaincte contre sa dame tout ainsi que ne fait le vassal contre son seigneur. Et la raison est bonne/ car ce seroyt attribué domination & seigneurie a ceux qui n'en ont point et qui n'en peuent avoir sinon par le moyen et courtoisie des dames/ et par ainsi doncques ce ceste dame avoit de grace aymé le gallant Cela pourtant ne l'obligeoit pas a l'aymer tousjours ne n'y avoit point d'aparence de dire qu'elle fust contrainte faire ce qu'il vouldroit bien souvent pensee de femme se change Et au faict de la quenoulle respondit que voirement pour ce qu'elle n'estoit lors en ses bonnes qu'il vint a elle tout estourdy se elle l'eust peu attaindre elle l'eust frappé. disoit oultre que par les moyens dessusditz estoit en possession et saisine de resister et esloingnier ledict amant et de ne luy faire chiere ou feste comme au plus estrange d'alemaigne en possession et saisine de luy dire plainement allez vous en vous m'ennuyés et de contredire a toutes ses voulentés en posession et saisine de ne le daigner regarder ne dire a dieu s'il ne luy plaist se bon luy semble en possession et saisine qu'il ne se peult nommer ne dire son serviteur ne tenir riens d'elle en possession et saisine de tout ce qu'elle fait ou dit qu'il ne luy appartient point de parler ne de mot sonner. en possession et saisine que s'il veult avoir dame qu'il la doit aller querir ailleurs. En possession et saisyne s'il estoit efforcé ou efforçoit de faire le contraire des possessions et saisines dessusdictes de le contredire & empescher et le tout luy fayre reparer et mettre par justice au neant et au premier estat et deu en proposant du costé d'elle possessoire pertinent et en cas de delay demandoit la recreance mais sur ce ledit amoureux qui replicquoit et disoit que au regard de nyer l'aliance & promesse faicte entre eulx ladicte dame avoit grant tort car elle avoit passees et accordees par serment mais d'en faire apparoir par lettres que ledict complaignant ne pourroit pource que alors n'y avoit que eulx deux & au regard la jouissance et possession qu'il avoit eu depuis au moyen de ce il la prouveroyt aussy clere que le jour Parquoy devoit souffire a son intencion/ disoit aussy que ses possessions estoient bien recepvables car elles ne tendent que a acomplir et executer ce que sadicte dame mesme la voulu. C'est assavoir de ne faire chose a son pouoir qui luy puisse tourner a dommaige & ennuy Or disoit il qu'il n'est aujourd'huy plusgrant desplaisir que de veoir ung estrangier festoier & avoir le bien qu'on a desservy/ parquoy il estoit bien fondé et ne vouloit point ledict complaignant empescher qu'elle ne parlast rie ou fist bonne chere a qui bon luy sembleroit/ mais qu'il feust toutsjours bien venu et aussi qu'il feust asseuré que quelque chose qu'elle fist aux aultres si seroyt mieulx aymé dont elle faisoit le contraire/ car elle le rigolloit plus que se jamais ne l'eust veu & supposé que l'on dit que subgect ou serviteur ne peut intenter complaincte contre sa dame/ toutesfois il disoit que ceste raison n'avoit point icy lieu/ car pour le moyen de la solution & aliance qu'elle mesmes avoit fait il estoit devenu seigneur & avoit autant de puissance qu'elle ne plus ne mains ne n'eust pas deffendu que ung subgect et serviteur ne se puisse complaindre de sa dame ains est permis de droit quant elle le griefve ou luy fait extorcion comme au cas qui souffre. Aultrement aussi n'y auroyt jamais reparation et seroient povres amoureux et trop tenus de court mal traictez & concluoit comme dessus Mais ceste deffenderesse disoit au contraire que tous les biens d'amours gisent en grace des dames et qu'on ne se peult complaindre. car elles mesmes ne sont pas maistresses pour ce qu'il fault que les biens voisent aux sainctz a qui ilz sont vouez et ou amours les veult departir et ainsi doncques de se plaindre d'amours qu'il fait departir la grace ou il luy plaist la complaincte n'est recevable et n'y faisoit riens l'aliance car telz biens ne se peuent par aliance obliger ne engaiger ainçoys toutes promesses qui seroient & sont faictes au contraire et prejudice des dames sont nulles ipso jure ne n'en fault point de relievement et la raison est bonne car dames sont exemptes de force & servitude et fault venir a elles par supplication & par ainsi donc d'y venir par complainte & prendre telles possessions pour les mettre en subjection et servitude n'y auroit point d'apparence/ surquoy parties ouyes finablement lesdictes dames du conseil d'amours en la chambre de plaisance les appointerent de faire de chascun costé examen de .xii. tesmoins pour valoir a fin principal que de recreance et depuis ledit examen fait & que les parties eurent produit icelles dames du conseil par leur sentence dirent et declarerent que cest amoureux demandeur ne faisoit a recevoir comme complaignant et que a tort il c'estoit dolu et complainct que a bonne et juste cause ladicte deffenderesse c'estoit opposee et la maintindrent & garderent es possessions & saisines par elles pretendues en levant et ostant la main d'amours et tout empeschement a son prouffit et si le condampneront a ses despens. De laquelle sentence ledit amoureulx c'est sentu agravé et en a appellé en la court de ceans ou le procés a esté receu pour juger sauf a faire droit prealablement sur l'enterrinement de certaines requestes civilles lesquelles avoyent esté obtenues par ledict appellant pour estre receu a produyre ung pied de voultour d'argent doré que sa dame luy avoit donné pour curer ses dens avec ung petit d'or fait a lermes qu'il avoit tousjours porté et portoit encores pour l'amour de elle entre la chemyse et la chair affin de monstrer par ce de sa pocession : et aussi de l'acointance qu'il avoit eue avecques elle laquelle avoit nié lesquelles choses avoit obmis de produire en son procés principal pour oubliance Si a la court finablement veu ledit procés examens requestes civiles & tout ce que faisoit a veoir en ceste dicte matiere et tout veu la court dit qu'elle ne obtempere point a la requeste civile/ neantmoins qu'il fust mal jugié par lesdictes dames du conseil et bien appellé par l'appellant et en amendant le jugement la court dit que ledict complaignant est bien a recepvoir & que a juste cause il s'est doulu et complainct et que a mauvaise cause ladicte deffenderesse s'est opposee/ maintient et garde la court icelluy amant complaignant en toutes ces pocessions & saisines en levant et ostant la main d'amours et tout empeschement a son prouffit/ et si condampne la court ladicte intimer es despens de la cause d'appel et principal la tauxation reservee par devers elle.

¶ Le .xiii. arrest

Devant le prevost d'aubepine c'est assis ung procés entre les hoirs & heritiers d'ung gratieux jeune amoureux demandeur d'une part et une dame jadis son amye deffenderesse d'aultre. Disoit ledict demandeur/ que le deffunct en son vivant estoit bien alyé avecques la dame qui l'a bien servi jusques a la mort/ disoit que en faisant l'inventoire des biens l'on a trouvé en son coffre une lettre de sa main signee d'elle par laquelle il avoit droit de prendre et avoir d'elle tous les jours ung doint bon jour et luy debvoit faire la dame le petit genoul quant le rencontreroit. Or disoyent qu'il estoit allé de vie a trespas delaissé lesditz demandeurs ses plus prochains heritiers habilles a luy suceder ausquelz maintenant appartenoit la debte et revenue qu'il avoit et pource requeroient iceux demandeurs que ladicte deffenderesse feust condamnee a leur paier les choses dessusdictes/ et a leur continuer et entretenir comme heritiers dudyct deffunct. Ledit genoul leur dieu vous gard/ quant elle les rencontreroit et a leur bailler ung boucquet comme elle estoit tenue de faire a leur frere. A ces fins ilz concluoyent despens. De la partie de la dame si fut deffendu au contraire/ et disoyt que se on fait du plaisir et des biens aux ungz l'en n'est pas tenu de les faire aux autres/ et au regard du deffunct elle l'avoit voirement bien aymee jusques a son trespas. disoit aussi qu'il estoit bien vray que pour la grant loyaulté qu'elle sentoit aucuneffois a luy elle luy faisoyt de bon gré aucuns biens qu'elle ne vouloit pas faire a ses heritiers/ car elle ne les congnoist ne ne scet qu'ilz sont si non par ouyr dire/ et quant est de la lettre ou scedulle dont il se veulent ayder elle n'estoit point congneue/ parquoy n'emportoit ypotecque d'obligation. Disoit oultre que posé qu'elle feust obligee envers ledit deffunct si n'en pouoient ilz faire poursuytte car par la coustume notoire et gardee en matiere d'amours toutes et quanteffois que deux personnes sont allyez en amours et l'ung va de vie a trespas/ Adoncques les biens qui estoient communs ensemble se departent et sont estaings ne n'y peuent les heritiers succeder car telz biens sont personnelz et n'ont point de suyte/ ains des incontinent que la mort vient il meurt ensemble ne n'ont point vigueur et disoient lesditz heritiers ne faisoient a recepvoir/ et que s'ilz estoient recepvables que si estoient elle en voye d'absolution/ et demandoit despens. Les demandeurs pour leurs replicques disoient que se ledict deffunct eust esté tenu en aulcune chose vers elle que elle en eust bien voullu estre paiee d'eux parquoy c'estoit raison pareillement qu'ilz en eussent ce qu'elle luy devoit veu qu'ilz estoyent ses heritiers. La deffenderesse disoit qu'il y a autant de difference de debte deue a cause des biens temporelz & des biens d'amours comme de blanc a noir et que l'une n'ensuit point la nature de l'autre Disoyt aussi que si leur faisoyt avoir le petit genoul et ung dieu vous gard il conviendroyt diviser les biens d'amours et la renderoit la mort subgecte de fayre d'eux plaisirs pour ung qui estoyt contre raison. Parties ouyes le prevost les appointa a produire en droict puis par sentence declara que les heritiers ne faisoient a recevoir en absoulant la deffenderesse des impetitions et demandes et les condempna es despens Ilz ont appellé en la court de ceans la ou le procés a esté receu pour juger et veu le procés et tout ce qu'il failloit voir en ceste matiere ladicte court dit qu'il a esté bien jugé mal appellé par lesdictz appellans et l'amenderont d'une amende seullement et si les condampna es despens de la cause d'apel la tauxation reservee vers elle.

¶ Le .xiiii. arrest

Par devant le seneschal des ayglantiers c'est assis ung autre procés entre ung demandeur en matiere de retrait lignaigier d'une part. Et disoit ledit demandeur que ung sien frere et compaignon d'armes acquesta ja pieça d'une tres belle dame ung baiser toutes les sepmaines dont il a longuement jouy et estoit vray que puis ung an en ça ycelluy du consentement d'elle et pour son bon plaisir avoit vendu et transporté ledict baiser et le droit qu'il avoit en icelluy audit amant deffendeur en sa partie adverse pour certain pris convenu entre eulx/ or disoit ledit demandeur qu'il estoit le prochain lignaigier d'ycelluy vendeur parquoy a venir au retraict avoit droit et pource requeroit que ledit deffendeur feust condampné a luy delaisser ledit baiser & offroit bourses et deniers en ce cas de delay/ demandoit despens/ dommages et interestz de la partie dudit deffendeur fut deffendu au contraire/ et disoit que en amours ne y a point de retraict. Car les biens qui en procedent ne descendent point de ligne directe ne colacteralle ne ne peult estre heritage perpetuel/ si non a ceulx qui les acquierent et si ne les peut encores transporter ne alliener a autre ce n'est par le gré & consentement d'elle dont ilz procedent & fault encores qu'il y ait interposition de decret d'elle qui y consente ou autrement tout seroit nul. Disoit oultre que ledit demandeur ne pouoit venir a retraict/ car point n'y avoit vendicion mais estoit une pure donnation que ladicte dame luy avoit faicte ainsi que loisible luy estoit en faveur de celluy dont il a le droit qu'il avoit moult pryé de luy donner ledict baiser en son abscence. Et par ses moyens tendoit a fin d'absolution de despens Le demandeur disoit au contraire pour ses repliques que puis qu'il y avoit transporté & qu'il estoit lignaiger du vendeur il devoit estre receu audit retraict. Car c'est la plus convenable chose que les biens voisent aux prochains que aux estranges. Et au regard de la dame il disoit que elle debvoit estre contraincte d'y consentir & le deffendeur a s'en departir. Mais ledit deffendeur disoit que le transport dudit baiser n'estoit point fait pour cause de vendition/ mais par maniere d'eschange/ car il estoit en ce lieu tenu de recompenser celui qui luy avoit faict transport de luy bailler la moitié plus de telz biens d'une autre dame dont il avoit requis. Surquoy finablement partyes ouyes elles furent appointees en droit/ et depuis ledit seneschal par sa sentence deist et declaira que ledit demandeur ne seroit point receu audit retraict et que ledict deffendeur jouyroit dudit baisier selon le transport et donation a luy faicte/ Et si le condampna aux despens dont celluy demandeur appella en ladicte court de ceans ou le procés a esté receu pour juger. si a la court veu ledit procés avec ce qu'il failloit veoir en ceste matiere & tout veu dit qu'il a esté bien jugé par ledit seneschal & mal appellé par l'appellant & l'amendera & si condampne la court es despens la tauxation reservee par devers elle.

¶ Le .xv. arrest

Par devant le reformateur general sus le faict des abus d'amours c'est assis ung procés entre ung amoureux demandeur d'une part et une sienne dame et amie deffenderesse d'aultre part et disoit ledit demandeur que pour avoir accointance & privee familiarité de ladicte deffenderesse il se estoit plusieurs foys tyré par devers elle & luy avoit compté tout son cas qu'elle le voullist aymer. Disoit oultre qu'il estoit vray que pour le entretenir en amour & affin qu'il luy souvint de luy il lui avoit baillé plusieurs bagues & joyaulx & mesmement quant il parla a elle/ derrenierement lui bailla six aulnes de damas pour faire une cotte simple deux petites verges d'or/ quatre aulnes d'escarlatte/ une turquoise/ & ung agnus dei doré bien gent avecques plusieurs aultres menues choses/ or disoit il que depuis qu'elle a eu lesditz dons elle a tenu de luy moins compte que devant en commetant vice d'ingratitude et si luy tient les plus estranges termes de jamais car quant elle le voit ne s'en faict que mocquer qui est mal consideré le plaisir & peine qu'il a eue pour servir et acquerir sa grace et pource que il scet bien qu'il ne la sçauroit contraindre a l'aymer s'elle ne le vouloit requeroit que commandement luy fust fait pour declairer c'elle l'aymeroit ou cas qu'elle en seroit reffusant qu'elle feust condampnee a luy rendre/ et restituer lesdictz dons qu'il luy avoit baillé & ne demandoit point les despens pour ce qu'il disoit que il l'aymoit trop De la partye de la deffenderesse fut deffendu au contraire disant qu'en matiere d'amours n'y a point de reception et que yceulx qui demandent ce qu'ilz ont donné doivent estre reputez infames et privez de tous biens d'amours/ Or soit que cest amant estoit jeune & estourdy qui n'entendoit point son cas/ car il luy sembloit pour ses beaulx yeulx qu'on luy devoit ottroyer ce que il demandoit des la premiere fois sans ce qu'on l'eust essayé ne sans sçavoir qu'il a au ventre. disoit oultre qu'elle luy a dit souventeffois que quant elle le rencontroit en la rue qu'elle ne luy faisoit point de chere affin que les gens ne s'en aperceussent mais il s'en courrouce et voulsist bien qu'elle luy rist a plaine gorge ou qu'on s'arrestast de pied quoy pour parler a luy et tenir langage qui n'est pas la maniere. Disoit oultre ledit amant qu'elle declairast s'elle l'aymeroit ou non. Il ne estoit pas recepvable/ car en telles choses on n'a pas accoustume de marchander avant la main ains faul congnoistre avant que aymer/ et sçavoir se il est digne d'aymer et quelz biens il a en luy & qu'il se doit experimenter/ et quant elle le trouvera seur elle le pourra prendre en grace/ ou luy donner congé/ et ne peult on trop acheter amour de dame. Touchant des bagues disoit que elle ne luy demanda oncques riens & n'en vouloit riens prendre si n'eust juré et contraint les prendre a force & depuis avoit employé le drap en robe que elle avoit vestue pour l'amour de luy. disoit qu'elle s'en repentoit de bon couraige/ et qu'elle ne vouloit riens de l'autruy ne avoir rien de luy affin qu'il ne luy peust rien reprocher estoit contente et luy offroit de bailler tout ce qu'il lui avoit donné pourveu que ledict amant ne l'eust point entre ses mains & que les draps robbes bagues & aultres choses par elle receuz excepté l'agnus dei fussent en sa presence & devant ses yeulx ars & bruslez sans ce qu'il en fust jamais nouvelles/ et affin qu'il ne se peust vanter/ ne dire qu'il eust bien besongné comme plusieurs font au jourd'huy quant ilz peuent retenir leurs bagues & disoit que ainsi le debvoit faire pour la seurté d'elle et obvier aux autres inconveniens qui s'en pourroyent ensuyvir comme de s'en mocquer et dire telle chose qui fut a telle que j'ay eue/ et recouvert par dyvers moyens a ses fins concluoit d'absollution requerant despens. Le demandeur disoit pour ses repliques quant une chose est donnee esperance & condition non advenu ou qui n'est point acomply qu'elle doit estre rebaillee a celluy qui l'a donnee aultrement seroit frustree de son intencion/ au moins quoy qu'il en soit il n'en doit point avoir de dommaige Or disoit il devant lesditz dons par luy fais luy faisoyent avoir assez bel accueil de sadicte dame/ mais despuis que elle les avoit eues elle ne le daignoit a peu regarder ains sembloit qu'il luy fist mal & qu'elle prent desplaisir a le veoir & ne vouloit point avoir les bagues Mais il luy faisoyt trop grant mal qu'elle eust le sien et que elle se mocquast encores de luy. Disoit oultre que il estoit content et offroit en jugement s'elle le vouloit aymer de lui en donner plus la moytié qu'elle n'avoit eu/ et de plus grant chose cent foys. Sur ce point le procureur d'amours disoyt que telz choses ne pouoyent vendre ne marchander par argent bagues joyaulx & qu'il est deffendu d'en user/ et pource que cest amoureux en auroyt argent/ et en voulloit avoir par telz moyens illicites disant qu'il estoit amendable et requeroit a ceste fin qu'il feust condampné envers amours en une tresgrosse amende Et au regard des biens dont estoit question s'en raportoit a justice et audit amant qui estoit feru d'amours ne lui chault qu'il face mais que il ait allegement et deust il vendre jusques a se achepter lesdictz biens/ car bien sçavoit qu'ilz ne se vendent point/ mais seulement qu'elle congneust la bonne voulenté qu'il avoit envers elle mais ceste deffenderesse disoit que elle n'avoit cure de luy ne de ses biens et que jamais par contraincte de personne ne esperance de dons ne de biens elle n'auroit personne veu qu'il n'en print mal a celles a qui le font. Et au regard d'elle disoit qu'elle aymoit mieulx en aymer ung ou fust son plaisir que avoir tous les biens temporelz/ et joyaulx du monde que on luy pourroit donner ledit amant requeroit doncques que les aultres biens qu'elle avoit euz luy feussent rendus/ et disoit qu'il se pourvoiroit aillieurs & s'aideroit a oster de l'amour d'elle au mieulx qu'il pourroit en mauldissant l'heure que il l'avoit jamais veue & ouye. lesquelles parties furent appointees en droit & depuis ledit reformateur general par sentence dist & declaira en tant que touchoit le drap de damas & l'escarlate qui estoit employé en robbes que ycelle dame deffenderesse ne seroit tenue d'en rien restituer mais au regard des verges de l'agnus dei et aultres bagues qui estoient encore en nature il la condampne a les rendre et restituer audit amant demandeur pour en faire a son bon plaisir & au surplus pource que ledit amant en demonstrant son affection desordonnees avoit ainsi offert en jugement argent pour estre aymé et pour avoir des biens d'amours autrement que a point ledit reformateur le condampne en amende envers amours & au double de ses biens par lui offers Et recompensa les despens d'ung costé et d'autre & pour cause de laquelle sentence ledict amant entant qu'elle faisoyt contre luy en appella/ & pareillement en appella ladicte dame en la court de ceans ou le procés a esté receu pour juger joinct ung grief que ledict amant disoit estre hors ledit procés entant que ledit reformateur luy avoit donné sa sentence/ ou jour de feste/ c'est assavoir le premier jour de may et l'aulbespine nouvelle. Sy a la court veu ledit procés a grant et meure deliberation avecques tout ce que il failloit veoir en ceste maniere/ & tout bien veu & consideré la court dist entant que ledit amant est appellant il a esté bien jugé par ledict reformateur general et mal appellé. et entant que ladicte deffenderesse a appellé a esté mal jugé & en amendant le jugement ladicte court dict que ledict amant ne fait a recepvoir a demander lesditz dons & bagues qu'il avoit donné a ladicte dame et que trestout luy demourroit comme siens pour en faire ce qu'elle vouldra sans ce qu'elle en soyt tenue de luy en rendre et restituer aulcune chose et si le condampne es despens de la cause principalle & de la cause d'appel ou il estoit appellant seulement la tauxation reservee par devers elle.

¶ Le .xvi. arrest.

Devant l'ung des audicteurs desdites causes d'amours c'est assis ung autre procés entre ung povre amant demandeur et requerant l'enterinement de certaynes lettres de respit d'une part. et une sienne dame deffenderesse d'autre part. Et disoit ledict demandeur qu'il a esté fort malheureux en amours parce qu'il a eu a faire aux femmes qui tirent huylle de noix a quoy ne pouoit contenter de dons disoit avecques ce que pour luy complaire et affin que son service luy feust agreable il luy convint faire plusieurs gratuités & mises excessives. Et si a esté contrainct de soy tenir joly & de changer souvent habitz enquoy il a beaucoup frayé et despendu du sien. et aussi faisoit le plus des jours de la sepmaine dancer faire karoles et plusieurs aultres jeux & esbatemens tant que toutes les dames l'honnoroyent et y a tellement frayé qu'il en est fort en debté Et puis la dame en qui il se fioit si l'abandonna et bailla le bont dont luy sont survenues plusieurs aultres fortunes au moyen desquelles il ne sçauroit a present payer ses creanciers sans faire vile possession de ses biens Et pource avoient & a obtenues lesdictes lettres de respit : dont il requeroit l'enterinement aussy que l'execution de certaines obligations par laquelle il estoit obligé envers ladicte demanderesse fust tenu en surceance et delay jusques a ung an es despens contre ceulx qui le vouldroyent empescher. De la partie de ceste deffenderesse fut deffendu au contraire & disoit que dames n'ont point argent quant elles veulent ains ont grant paine a en assembler & si leur en convient tousjours avoir pour employer en robbes & plusieurs aultres jolivetés survenans chascun jour et disoit avecques ce que cest amant ung jour vint a elle tout desconforté la requerir de luy ayder/ et prester jusques a deux escus pour avoir le drap d'ung pourpoint de velours qu'il avoit achepté dont elle fut au premier ung peu reffusante. Touteffois au dernier elle meue de pitié en voyant la grant necessité du povre gallant qui ploroit presque luy presta de bon cueur ladicte somme moyennant & parmy ce qu'il luy promist rendre et payer dedans certain temps pieça passé dont il n'avoit riens fait mais se vouloit aider dudict respit. Or disoit elle qu'il ne luy devoit estre enteriné par plusieurs moyens

¶ Premierement car la debte estoit previlegee & procedant de dame qui ne doibt plaider dessaisie encontre luy qui est obligé Secondement car les pertes/ & les fortunes par luy aleguees ne estoyent point recepvables atendu qu'il ne monstroit point que elles feussent advenues par trop aymer ou maladies d'amour ainçois par son propos prins en son prejudice n'en debvoit point jouir car il confessoit qu'il avoit servy plusieurs dames en plusieurs lieux. Et ainsi ne luy pouoit pas bien venir de ses besongnes/ car ung homme qui a plusieurs dames n'est gueres souvent trouvé loyal/ & est bien employé quant il luy meschiet consideré que il n'est pas possible en ce cas d'y garder foy & loyaulté. Si disoit par ses moyens que ledit respit ne luy doit estre enteriné & que nonobstant a celuy elle debvoit incontinent estre payee et demandoit despens. A quoy ledit amant disoit pour ses repliques qu'il estoit impossible de contraindre une personne a payer plus qu'il ne sçauroit finer. et au regard de luy il confessa bien devoir ladicte somme loyaulment mais les eaues estoient si basses qu'on n'y sçauroit prendre poisson et brief a present ne avoit dequoy payer. Disoit oultre que ladicte deffenderesse n'avoit pas grant interest a l'enterinement dudit respit veu qu'il ne duroit que ung an & qu'elle n'estoit pas indigente. mais ycelle deffenderesse en perseverant en son fait disoit oultre que ce n'estoit pas raison que le gallant portast pourpoint de vellours a ses despens/ Aussi elle avoyt a faire du sien/ au regard de sa povreté disoit qu'il n'en laisseroit ja a faire grant chiere/ requerant au surplus qu'il fust contraint par prinse de corps a lui payer la somme veu la matiere qui estoit previlegiee. Surquoy finablement parties ouyes l'auditeur par sa sentence dist et declaira que le respit ne seroit audit demandeur aulcunement enteriné & que nonobstant ycelles il seroit contraint par prinse de biens & de sa personne payer ycelle somme a ladicte deffenderesse incontinent et sans delay en le condampnant es despens de l'instance/ de laquelle sentence ycelluy demandeur si appella en la court de ceans ou le procés a esté receu pour juger & a ladicte court veu le procés et tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere & tout veu dict la court qu'il a esté bien jugé par ledit auditeur & mal appellé par ledict appellant et le amendera et si le condampne es despens de la cause d'appel la tauxation reservee par devers elle.

¶ Le .xvii. arrest.

En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre ung moult gracieux amoureux appellant de hongnart sergent dangereux d'une part & danger & chagrin parties intimees d'autre part Disoit ledit appellant que pour servir une syenne dame et maistresse plaine de biens et de beaulté et aussi pour monstrer qu'il estoit tout prest de luy obeyr il s'estoit plusieurs foys transporté en la rue ou elle demoure en la saluant de tresbon cueur touteffoys et quantes qu'il la pouoit veoir a l'huys en luy faisant le petit genouil/ mais puis aulcun temps en ça/ ledit danger et chagrin qui s'en sont bien doubtez l'ont menassé de luy porter grant dommage en corps et en biens. et qui pis est des incontinent qu'ilz voyent maintenant ledict galant passer ou que la dessusdicte dame luy soubzrit du coing de l'oeil en luy disant adieu ou quelque aultre mot ilz n'en font que rechisner toute la journee et en estoyent si trescourroucez de ce qu'elle parloit a luy qui n'en sçavoyent que dire et ne sçavoyent que faire de s'en courroucer tellement en estoyent marris Et combien qu'il leur ait fait doulcement remonstrer qu'il ne pense aucun mal neantmoins ledit sergent luy a fait commandement qu'il ne voise plus ou sa dame sera & a la dame qu'elle ne soit si osee de le regarder ne rire ains que des incontinent que elle le verra venir qu'elle s'en parte et entre en sa maison affin qu'il ne la puisse veoir & qu'il ne perde ses pas a l'encontre desquelz exploitz l'amoureux c'est oposé mais ledit sergent ne luy a voulu recepvoir dont il s'est sentu trop grevé tellement qu'il en a appellé en la court de ceans ou il a depuis bien & deuement relevé/ et concluoit tout pertinent en cas d'appel qu'il a esté mal commandé mal denié/ mal deffendu et exploicté par ledit haignart/ et bien appelle par luy a ses fins offroit a prouver et demandoit despens De la partye desdictz chagrin et danger parties intimees si a deffendu au contraire & disoit qui ne pourroyt aux premiers mouvemens des cueurs des jeunes a tresgrant peine on en peult aprés estre maistre & qu'on ne les doit point laisser converser souffrir/ ne festoyer l'ung l'autre par regars ris ou autrement/ car il en advient aucuneffoys plusieurs inconveniens dont n'est ja besoing de parler pour le present/ car qui parleroit plus avant il en pourroit besongner a son entente. Or se pressuposé disoyent qu'ilz estoyent commis au regard de ladicte dame & tenus d'en respondre s'elle versoit mal/ par quoy avoyent cause de empescher que personne ne s'en approchast/ aussi le galant n'estoit aulcunement de la parenté ou finité d'elle Et neantmoins il se ingeroit tous les jours de l'accointer et parler a elle/ et ainsi justement luy avoyent peu deffendre d'aller et venir et ne estoit son appellation recevable. et au regard qu'il disoit que il n'y pensoit aulcun mal a elle/ et qu'il eust myeulx souffert la mort qu'il luy eust esté reproche qu'il luy eust dit aucune parolle deshonneste ne villaine qui luy feust tournee a son prejudice/ respondoient que ce ne estoit pas pourtant a dire qu'il y deust penser bien et que le plus seur estoit de ne se y trouver point Si concluoit par ses moyens affin de non recepvoir aprés mal appellé & demandoit despens/ a quoy l'appellant requeroit au contraire et disoit que se l'en ne voulloit qu'il eust aulcun bien au moins que sadicte dame qui n'en pouoit mais n'en debvoit avoir aulcun mal ou dommage entendu qu'il y metoit peine autant qu'il estoit possible. Disoit aussi que c'estoit bien grant rigueur a eulx de empescher qu'elle ne venist a lui ainsi que elle avoit acoustumé et la tenir si estroictement qui n'estoit point chose a requerir de la vouloir tenir si court/ et quant est de la rue disoit ledit appellant qu'elle n'appartenoit pas ausditz intimez ne n'y avoyent fait faire les carreaux qui y estoient parquoy l'avoit deffendu qu'il n'y marchast et passast nullement la deffence estoit torcionnaire & son appellation bien recepvable. Sur quoy lesditz intimez disoyent qu'ilz ne voulloyent pas empescher/ que l'appellant n'y passast mais seulement garder qu'en passant il ne veist la dame et si en cecy il y avoit grief ce seroit a elle a plaindre et nompas a luy. Finablement partyes ouyes elles ont esté appointees en droit et a mettre par devers la court/ et au conseil ce que bon leur sembleroyt. La court a veu ledict procés au long avec ce qui esté produict et ce qu'il failloit veoir en ceste matiere & tout veu la court dict qu'il a esté mal exploicté par ledit hongnart/ Et bien appellé par ledit appellant/ et permet la court audit appellant de passer et rapasser a toutes heures soit de nuit ou de jour par la rue/ et devant l'huys de sa dame pourveu qu'il ne pourra parler a elle sans la presence dudict dangier/ ou de ses commis qui sont tenus de luy rendre compte de toutes les parolles & besongnes que ilz se feront ensemble et desquelles parolles et besongnes iceulx commis prendront ladicte declaration par escript pour leur descharge et leur valoit enqueste la ou il appartiendra & si condampne la court lesditz intimez es despens de la cause d'appel la tauxation reservee par devers elle.

¶ Le .xviii. arrest.

En la court de ceans c'est assis ung autre procés entre une dame appellant d'une part/ et ung sien amy intime d'autre part. Et disoit ladicte appellante pour la cause d'appel que jaçoit que en amours force & voye de fait sont deffendues neantmoins ledit intime ung journee tout eschauffé s'en vint vers elle et s'efforça de l'embrasser et qui plus est tout en ung moment sans dire dieu gard ne autre chose il la baisa maulgré elle/ et a force dont elle appella et concluoit qu'il avoyt mal procedé Le deffendeur disoit que pour elle avoit beaucoup souffert de mal et qu'il l'avoit fort aymee et si le savoit bien mais elle n'en tenoit gueres de compte et ne luy vouloit donner aucun alegement disoit qu'il l'avoyt tant pourchassé envers elle qu'elle luy avoyt promis ung baisier mais elle s'excusoit de luy donner et brief une foys luy dist qu'elle estoit empeschee a l'autre qu'il n'estoyt pas heure & qu'il revenist a ung aultre jour et tellement qu'elle l'avoit pourveu par telles frivolles excusations par bien long temps & affermoit ledit galant par sa foy qu'il avoit esté troys moys a la poursuytte dudict baisier qui estoit bien grant pitié : & par ce luy voyant qu'il n'en pouoit plus a une journee que dangier estoit hors de la maison luy pria qu'elle entretenist sa promesse dont ne voult riens faire ainçoys le vouloit delayer comme devant/ Et pource luy estant au destroit d'une grant challeur qui luy print au cueur/ et voyant qu'elle ne voulloit faire rayson d'elle mesmes pour priere ne requeste qu'il luy fist print ledit baiser de soymesmes enquoy ne peult ladicte dame dire estre grevee car il ne luy a faict aultre blessure dont elle se doyt plaindre/ et quant a la voye de faict dit qu'il avoyt assés attendu & que veu les reffus precedans & les longs delaiz que avoit prins/ il pouoit et devoyt ainsi proceder et concluoit que ledict appel n'estoyt recepvable et quoy que soyt que ladicte dame avoit tresmal appellé/ et demandoit despens en requerant que oultre le baiser qui avoit esté ainsy prins par emblee et sans acollee il en eust ung aultre tout entier et de bon cueur. A quoy la dame pour ses replicques disoit qu'elle ne avoit point promis de baiser & que posé qu'il y eust promesse si estoit elle condicionnelle c'est assavoir/ ou il luy plairoyt et avoit elle reservé le temps de le donner : et par ainsi le grief y estoit tout evident disoyt que avant la promesse eut esté pure et symple/ sy failloit il qu'elle fust congneue & qu'il y eust deliberation sur ce faicte avant qu'on la peust excuser et y venir par voye de doulleur et non par faincte et voye de fait deffendue. parquoy avoit esté grevee. Mais ledict intime en dupliquant disoyt qu'il vouldroyt en telles matieres tenir long procés ordinaire et faire preuves a chascune fois il ne seroit jamais jour Et auroient les dames trop d'avantaige contre les povres amans car tous les tesmoings en ce cas sont pour elles et a leur poste et disoit au surplus que quant il n'y auroit eu ne don ne promesse sy ne pouoit il a tout le moins pour ses peines et salaires d'avoir servi si long temps que avoir ung baisier et que en tel cas qui sont previlegiez l'en peut proceder par voye d'execution et prendre les biens ou on les treuve concluant comme dessus oyes les parties au long elles ont estés apointees en droict et a mettre par devers la court et au conseil ce que bon leur semblera. Si a l'en veu le procés et ce qui faisoit a veoir en ceste matiere. et tout veu la court dit qu'il a esté bien procedé par l'amant et mal appelle par l'appelante et l'amendera en la condampnant es despens de la cause d'appel la tauxation reservee & ordonne la court que le baiser ainsi baillé par contraincte ne sera point compté mais ladite dame sera tenue de luy en bailler ung autre en ce lieu de bon cueur toutes et quanteffois qui l'en requerra pourveu que danger n'y soit point ne n'en sçaura rien affin qu'il n'en puisse grongner.

¶ Le .xix. arrest

En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre une tresbelle dame et le procureur general d'amours avec elle adjoinct demandeurs en cas de excés et de delict d'une part/ et une vieille chamberiere deffenderesse d'aultre part. et disoit la dame que toutes servantes devoyent foy & loyaulté a leurs maistresses avoir courte langue et longues oreilles & grandes qu'elles ne sont pas dignes de demourer en quelque maison que ja pieça elle loua une chamberiere pour la servyr deux ans pour certain pris convenu entre eulx. Et oultre luy avoit promis par dessus son sallaire mais qu'elle fist bien la besongne une paire de chausses au bout de l'annee et ung de ses vielz chapperons. Et combien qu'elle en eust trouvé assez d'autres qui eussent bien voulu demourer avec elle sans prendre denier ne maille touteffois a l'ocasion de ce que la chamberiere sembloit estre secrette & avoit beaucop veu/ icelle dame fut meue de la retenir devant toutes autres et la fist venir des lors en son hostel ou du commencement elle a fait merveille de servir mais en effect voyant que sa maistresse se fioit fort en elle luy monstroit grans signes d'amours elle a voulu entreprendre sur elle et se mesler de toutes besongnes Et de fait est advenu quant ung sien amy de congnoissance que ladicte dame aymoit en tout bien & en tout honneur venoit a l'hostel soy esbatre ou compter des nouvelles de la ville et passer temps Ceste chamberiere escoutoit tout Le lendemain ou le soir mesmes rapportoit tout ce que ladicte dame et son amy avoient dit ensemble a dangier le mary qui estoyt mal faict a elle/ et tellement que bien souvent la nuit au lict ledit dangier luy tenoit plusieurs rigueurs et luy en gectoit puis ça puis la ung mot a la vollee et par ambages dont elle estoit bien esbahie mais icelle dame considerant qu'il n'estoyt pas possible qu'il en sceust rien a la verité s'il ne le devinoit ne jamais n'eust cuidé que la vieille en eust parlé ung mot veu qu'elle la tenoit seure de son costé comme elle devoit estre Or estoit vray que a une journee ainsi que ledict gallant s'en vint esbatre l'apresdinee comme il avoit acoustumé la dame tenant sa quenoulle d'aventure laissa cheoir son fizeau. Lequel gallant en demonstrant son humillité le leva et en luy baillant la baisa. Dont ycelle dame le remercia en soubzriant et sans penser nul mal/ mais la vieille en despit de sa maistresse qui l'avoit tancee le matin pour occasion de ce qu'elle ne luy avoit pas ployé ses gorgias dist et proposa en soymesmes qu'elle s'en vengeroit/ et de faict aussy tost que dangier fut venu de la ville elle luy commença a compter tout le cas & plus la moytié qu'il n'y avoit/ dont il n'en sonna mot et le garda en son cueur trois ou quatre jours en rechygnant puis aprés se desgorga en maulgreant que se le gallant y retournoit plus qu'il luy coupperoit les jambes. Si fut la dame bien esbahye et ne se feust jamais doubtee de ladicte vieille. Mais touteffois a la fin il a tout sceu et a la vieille gasté son cas/ car par le moyen de telz rappors elle cuidoit devenir maistresse & tailler les morceaulx a ladicte demanderesse & pource a esté boutee hors de l'hostel et depuis constituee prisonniere pour raison du cas qui est de grant consequence et concluoit ladicte dame a l'encontre d'icelle vieille chamberiere qu'elle feust condampnee a luy crier mercy et faire amende honnorable nudz piedz & sans coyffe coeuvrechief ny chaperon en sa teste et aussy en tenant une torche en sa main et disant que a tort et maulvaisement elle avoit raporté les parolles de sa dame et maistresse & de ce qu'elle l'avoit fait tancer qu'elle s'en desdisoit devant tout le monde/ et en oultre qu'elle feust contraincte et condempnee a venir dire et declairer devant dangier que tout ce qu'elle luy avoit dit et raporté de sadicte maistresse avoit esté controuvé par elle contre verité et par mallice. affin que icelluy danger n'y eust plus de suspition. Et au regard dudict procureur general d'amours qui estoit adjoinct avec ladicte dame il disoit que ce cas icy estoit digne de grant punition. et que il ne se devoit point passer soubz dissimulacion/ Car la consequence estoit trop perilleuse pour l'esclandre qui en pouoit tous les jours advenir Disoit aussi que chamberieres sur toutes choses doibvent estre secrettes et aussy celer tout ce qu'elles voient faire en amours comme font confesseurs et y est la paine si grande selon les droictz que celles qui revelent ainsi secretz sont digne de mort. Or disoit il que ceste vieille avoit revellé les secretz de sa maistresse audit dangier pour a tousjours le cuyder mettre en noise et rapporter la moytié plus qu'il n'y avoit de mal. Et pour ce concluoit a l'encontre d'elle qu'elle fust condampnee a estre arce & bruslee ou a tout le moins qu'on lui perçast la langue d'ung fer chault devant tout le monde affin que les autres servantes et chamberieres y prinsent exemple et que son sallayre qu'elle devoit avoir fust declairé forfait & fust confisqué. Ou que telles autres conclusions fussent adjugees ainsi que le cas le requeroit et que la court adviseroit en requerant au surplus que pour pourveoir a telz inconveniens y eust visitacion sur lesdictes chamberieres/ car les plus grans dangiers du monde en viennent. et disoit oultre que jamais l'en ne devoit laisser a telles vieilles chamberieres porter la clef du vin car quant d'aventure elles ont beu ou faict bonne chere elles parlent aussi bien contre elles que pour elles/ et la ou elles cuydent sauver l'honneur de leurs maistresses c'est adonc l'heure qu'elles gastent tout. Et puis aprés ne leur en souvient lendemain et jurent et afferment hardyement que en leur vie n'en parlerent mot dont ce a esté cause de plusieurs maulx qui en viennent parquoy le procureur requist que la court mist sur ce provision De la partie de ladicte vieille fut deffendu au contraire et disoit que quant elle vint demourer en l'hostel de ladicte maistresse elle luy promist fayre beaucoup de biens/ mais elle s'en estoit bien petitement apperceue et si avoit tant eu de peine que merveilles. Or estoit vray que ledit dangier son mary des l'entree et au commencement qu'elle entra leans il parla a elle a part en l'oreille & luy promist de luy donner tous les ans une robe et ung bon chapperon oultre son sallaire affin qu'elle se print garde de la dame qui estoit encore bien jeune et luy rapporter toutes nouvelles de ce que son maistre luy avoyt faict promettre ycelle chose luy disoyt tout ce qu'elle veoit faire a sa maistresse en gardant tousjours l'honneur des dames comme tenue y estoit/ et aussy affermoit que jamais elle ne luy fist faire chose qui ne feust bonne et honneste/ et combien que ladicte vieille la servist le myeulx qu'elle pouoit/ touteffois ycelle maistresse ne s'en pouoit contenter/ et la tença tresbien dont ladicte chamberiere se courrouça et advint que pource qu'elle veist le gallant ledict jour a l'hostel qu'elle le dist a son maistre & comment il l'avoit baisee Or disoit elle que de ce l'en ne la pouoit reprendre & qu'elle n'avoit point fait de mal/ car elle estoit beaucoup plus tenue d'obeyr a son maistre qu'a elle et aussi avoit il marchandé a elle et louee par telle condition qu'elle luy devoit tout rapporter. Parquoy elle n'avoit faict que son debvoir et ne luy en eust point parlé/ si non que son maistre luy promist qu'il n'en diroit riens a elle & ainsi l'on la debvoit excuser tendant & concluant par ses moyens affin d'absolution A quoy fut repliqué par ladicte demanderesse disant que toute l'eaue de la riviere ne la pouoit laver du cas/ car elle sçavoit bien qu'elle se fyoit en elle et qu'elle s'en fust bien gardee se elle eust voulu et sans ce qu'il en eust riens sceu. Et supposé que l'on dye que toutes servantes et chamberieres doybvent servir premierement leurs maistres que leurs maistresses cela s'entent touchant le service comme de boire & de manger/ mais au regard d'autres choses riens/ ains fault que elles obeyssent a leurs maistresses. Aussi ont elles previllege que se leurs chamberieres ne sont a leur poste elles ne doybvent pas demourer trois jours en la maison/ & aprés disoit le procureur que veu que ladicte vieille confessoit que elle prenoit argent de son maistre oultre son loyer pour reveller les secretz d'amours l'en ne le pourroit trop pugnir/ & quant est de l'excusation qu'elle prenoit sur ce que son maistre lui avoit promis de n'en rien dire ne luy en faire semblant elle ne valloit riens/ car jamais en tel cas l'on ne faict telles promesses si non pour sçavoir et enquerir plus avant et concluoit a reparation du cas comme dessus est dit. Surquoy ladicte vieille disoit au contraire que son faict estoit pitoyable & que jamais n'en eust parlé se elle eust sceu qu'il en fust venu mal/ ou qu'il y eust eu danger pour sa maistresse. Finablement parties ouyes ont esté apoinctees en droict et a produire par devers la court et au conseil ce que bon leur semble. Si a ladicte court veu le procés avecques la confession faicte par la vieille & tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere a grant et meure deliberation/ et tout veu la court a condampné ladicte faulce vieille pour raison du cas a elle commis a crier mercy a ladicte demanderesse et estre pilloriee par trois foys au jour de marché et oultre la prive & bannisse du service des dames a tousjoursmais de quelque estat qu'elles soyent en luy deffendant sur peine de la hart que jamais en bonne compaignie ne se trouvast. Au regard des aultres provisions requises par le procureur general touchant la visitacion/ la court a ordonné certains commissaires qui se informeront sur les abus pour aprés y pourvoir ainsi qu'il appartiendra

¶ Le .xx. arrest

En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre ung amant demandeur d'une part a sa dame/ d'autre part disoit ledict demandeur que le plus grant desir que cueur d'amant ait c'est de veoir souvent sa dame/ mais pour doubte de faulx semblant et malle bouche qui sont tousjours espiant il estoit contraint de aller de nuyt passer devant l'hostel de la dame et s'il ne la trouvoit il baisoyt l'huis et s'en alloit pensif/ mais il se esjouyssoit pensant que amours luy avoit fait si grant grace devenir a si hault bien Et puis quant il estoit couché & il ymaginoit en soy mesme que sa dame ne sçavoyt riens s'il estoit venu ou non & qu'elle ne luy en sçavoit aulcun gré pource qu'elle ne l'avoit veu : il se retournoyt dedens le lict plus de cent mille fois et ne pouoit dormir : et aprés ce/ venoit sur le point du jour qu'on ne voit encores guaire luy failloit ribon ribaine se lever du lict et s'en aller de rechief devant l'hostel de sadicte dame escoutant lever les avaynes et regarder par les crevasses de l'huys s'il la verroit point en son corset ou a sa cotte simple/ car il en eust esté en paradis. Or disoit il que incontinent qu'il estoit arrivé et qu'il boutoit l'oeil entre la serrure et la fante par ou en oeuvre l'huys d'ung loquet il en y avoit au plus pres de la maison de sa dame une paillarde caille qui commençoit a crier/ et chanter courcaillet comme se seust esté chose juree & qu'elle le voulsist accuser/ or disoit cest amant icy que au cry de ladite caille son sens mesloit et perturboit/ ne n'y a homme si rassis qui n'en fust esbahy et tellement que aulcuneffoys de sanglante paour et frayeur qu'il avoit se hurtoit le nez en se retrayant ne sçavoit qu'il devenoit et encores pis ne cessoit de crier comme une enragee plus fort que devant jusques a ce qu'il s'en fust party qui luy estoit ung tresgrant ennuy et desplaysir et disoit que s'il pouoit veoir ou tenir ladicte caille il la tueroit/ quoy qu'il luy deust couster mais il ne la pouoit veoir ne prendre pour ce qu'elle estoit dedans la maison et pource requeroit que ladite dame fust condampnee a faire abbatre la cage et tuer ladicte caille ou faire vuyder dehors affin qu'elle ne luy escriast plus dessus son jeu ne fist desplaisir et disoit que c'estoyt raison. Et la partie de ladicte dame fut deffendu au contraire et disoyt que ladicte caille ne estoit sienne en sa puissance et subjection/ Car elle estoit en la maison d'ung de ses voisins qui y prenoyt plaisir a la nourrir et tenir parquoy n'y avoit que congnoistre aussi n'estoit ce que ung povre oyseau qui gaingnoyt sa vie a chanter/ pource de la tuer se seroit tres mal faict/ disoit oultre que ladicte caille n'y pensoit a nul mal et n'estoit que sa coustume de chanter et quant est d'attendre longuement a l'huys de la maison c'estoyt simplesse a luy/ car il pouoit bien penser que a l'heure de si hault matin il n'y avoit personne levé et luy eust mieulx valu estre couché & dormir encores Si concluoit ladicte dame par ces moyens a fin de non recevoir et d'absolution A quoy ledict amant pour ses replicques disoyt que de dormir n'eust il peu/ car en tel cas quant l'en veult dormir c'est a l'heure que on s'esveille et que une heure en dure cent. Et au regard de ladicte caille disoit que ladite dame la debvoit faire abatre/ car elle avoit bien la congnoissance au lieu ou c'estoit/ et ne failloyt que faire rompre ung ou deux bastons de ladicte cage pour l'en faire en aller Et protestoit au surplus que se ladicte dame ne luy voulloyt faire que luimesme la feroit tuer a quelque meschief qui en peust advenir/ car aulcuneffois quant elle crioit elle l'effroyoit tellement et luy faisoit plus de mal que qui lui eust baillé d'une dague par l'estomac/ surquoy finablement parties ouyes ont esté appoinctees a mettre devant la court & au conseil Si a ladite court veu le plaidoyé des parties et tout ce qui a esté produict Et tout veu et consideré ce qu'il faisoit a veoir & considerer la court dict que ledict amant ne faict a recepvoir a faire ladicte demande contre ladicte deffenderesse/ Et si desclaire que ladicte caille demourra la ou elle est pour vivre et chanter tout ainsi qu'elle pourra. Et oultre deffend la court audict demandeur de luy faire mal ne getter pierres contre la caige pour l'abbatre a terre sur peine de confiscation de corps et de biens/ & d'estre privé de l'amour de sadicte dame.

¶ Le .xxi. arrest.

En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre ung aultre amant demandeur d'une part et une sienne jeune dame et amye deffenderesse d'autre part et disoyt ledict demandeur que ja pieça sadicte dame se feist saigner du pied en l'eaue et de la vaine du foye et pource que son medecin luy avoit enchargé comment que ce fust qu'elle ne s'endormist point aprés la seignee. Icelle dame manda a son tresdoulx amy demandeur que il se trouvast devers le soir devant son huys a tout la Harpe et les Orgues/ pour la resjouir et faire passer le temps affin que elle ne dormyst point. Et a ceste cause le gallant incontinent qu'il sceut les nouvelles laissa toutes besongnes et feist dilligence de se trouver a l'heure assignee : garny des bas instrumens de mellodye qu'on pouoyt finer et n'avoyt garde d'y faillir. Sy estoit vray que ainsy que lesdis menestriers commencerent a jouer/ ladycte dame s'en vint jouer/ incontinent de plain bont et a l'estourdy ouvrit une des fenestres de ladicte chambre ou elle estoit pour les ouyr de plus a plain/ mais il advint que en retirant a elle ungs des potz de marjolaine ou de violettes pour prendre place et se appuyer sur le bort des fenestres qu'elle fist par hativeté/ elle fist choir une palette plaine de son sang qu'on avoit mis sur ladicte fenestre pour essorer ainsi qu'on a acoustumé/ et tumba sur luy si que toute sa chemise en fut gastee et ensanglantee et pareillement le colet de son pourpoint Touteffois il cuydoit lors pource qu'il estoit nuyt et aussi qu'on ne veoit goutte que ce ne feust que eaue qui eust degoutté des violers en les arrousant et n'en tint pas grant compte ainçoys s'en tenoit tout joly esperant que sadicte dame l'eust fait tout de voulenté pour l'amour de luy Or quant les menestriers eurent assés longuement illec joué/ et qu'il fut temps de s'en aller ledict amoureux demandeur s'en partit moult reconforté et ne luy duroit point le chemin. Mais se mal advint que en une des rues par ou il luy failloit passer a s'en retourner/ il y avoit eu moult grant noise de gens qui s'estoyent entrebastuz et les queroit le guect tout partout et pource par suspeçon vint le guet demander audict compaignon demandeur qu'il estoit et dont il venoit. A quoy il leur respondit qu'il venoit de reveiller les potz de marjolayne/ mais l'en ne l'en vouloit pas croire : ainçoys firent les gens du guect approucher leur lanterne pour le veoyr a son visaige/ en quoy ce faisant fut apperceu son colet du pourpoint tout plain de sang qui estoit respandu de la fenestre de sa dame sur luy. Et commença chascun a dire qu'il estoyt de ceulx qui s'estoient combatus en ladicte rue/ et qu'il en portoyt les enseignes/ combien que a la verité ne sçavoyt que c'estoyt de ladicte noyse : et a tant fut prins et mené prisonnier non obstant ses bonnes raisons/ dont il fut bien esbahy et coucha la nuyt en prison ou il ne dormoyt guieres car cela luy valloit une seignee ou il ne failloyt point dormir aprés et le lendemain il fut delivré Or disoit que dudit emprisonnement et de la paine dommage et interest qu'il avoyt soustenus ladicte dame en estoit tenue tout du long/ car ce avoit esté par elle que le cas estoit advenu. et pour ce concluoit a l'encontre d'elle qu'elle feust condampnee a le recompenser de ses despens/ dommages et interestz ou aumoins a lui donner pour recompensation dudit cas six ou huyt baisiers tous entiers a grans acollees et embrassees. A ses fins offroit a prouver et demandoit despens du cas que elle vouldroit resister a l'encontre de ses conclusions. De la partie de ladicte deffenderesse fut deffendu au contraire Et disoit que par sa foy quant elle vint a la fenestre ouir lesditz menestriers elle ne pensoit nullement du monde que lesdictes pallettes lesquelles estoyent plaines de son sang y feussent encores/ ains elle cuydoit fermement que sa chamberiere & servante les eust oster hors de la Et ne advint le cas que par deffortune et inconvenient dont par ce moyen n'estoit tenue a luy Et aussi ne luy recordoit aulcunement qu'elle eust ouy rien cheoir a terre sinon ung bouquet de viollettes qu'elle luy gecta. Disoit avec ce que s'il avoit esté mis & detenu aucunement prisonnier elle n'en pouoit mais. et aussi n'estoit ce pas a sa requeste ainçois en avoit esté moult dolente & courroucee quant elle le sceut/ et s'il s'en fust allé le droit chemin sans aller par ces rues foraines/ il n'eust point a l'advanture rencontré le guet. Et pource de prendre conclusions a l'encontre de elle/ certainement n'estoit ledit amant aucunement recepvable. Et n'estoit ladicte dame tenue de l'amender/ mais au regard desdictz baisiers qu'il luy demandoit elle s'en rapporta a la court. Concluant au surplus affin d'absolution. Disoit ledit amant par ses replicques que posé qu'elle n'eust commys le cas a son escient et aussi de guet a pensé touteffois veu qu'il estoit advenu par faulte & coulpe d'elle elle estoit tenue de l'en desdommager et de recompenser. disoit oultre que oncques puis sadicte chemise ne son pourpoint ne luy servirent combien que de cela ne luy chaloit pas tant comme de la prinse de sa personne. Mais ladicte dame respondit que luymesmes en estoit cause/ et que jamais l'en ne doit aller sans sçavoir le nom de la nuyt car s'il l'eust sceu il ne fut pas tumbé en danger. Et quant est de la partie de sa chemise elle offroyt de la blanchir ou luy en donner une autre plus belle que la sienne n'estoit combien qu'il la debvoit plus aymer que une autre pource que le sang d'elle avoit espandu dessus Finablement lesdictes parties ouyes elles ont esté appointees a produire/ et mettre par devers la court & au conseil plaidoyé & tout ce que bon leur semblera. Si a la court tout au long veu ledict procés et tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere et tout veu la court dist que ceste dame sera tenue toute recompensation de donner a sondit amy demandeur demy douzaine de baisiers bien assis & dont chascun d'iceulx pourra durer autant qu'on mettroit a dire ung De profundis et Fidelium. Et si pareillement sera tenue l'avoir pour recommandé en sa grace pour les biens du temps advenir.

¶ Le .xxii. arrest.

En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre les heritiers ou ayans cause d'ung amant jadis de grant façon & bien renommé demandeurs en cas d'excés & le procureur general d'amours adjoingt avecques eulx d'une part. Et la dame de icelluy deffunct deffenderesse d'autre part Et disoyent lesdictz heritiers demandeurs que ledict deffunct avoyt en son vivant son amour mis si ardamment qu'il ne s'en sçavoit ravoir. Et estoit bien aulcuneffois deux ou trois jours sans boire ne manger quant il pensoit a elle. Et brief il en estoit tant feru que au dernier il luy en estoit mal prins. Et pour venir au cas particulier disoyent sesditz heritiers demandeurs que ladicte dame avoit moult long temps pourmené ledit deffunct sans luy faire aulcun bien & estoit qu'elle luy prya qu'il l'estrenast le jour des estraines. A quoy se voulut tresbien employer/ et en effect luy donna ung tresbeau don dont il n'est ja besoing de parler Et dequoy elle fut tant contente & tant joyeuse qu'elle luy dist lors qu'elle le estraigneroit tresbien. Et de fait elle ordonna qu'il coucheroit en l'hostel d'une sienne voisine qui avoit sa chambre et demourance assez pres de la sienne Et par laquelle en cas de necessité l'en pouoit aller de l'ung a l'autre. Si fut le povre gallant bien joyeulx de telles estraines en soy repentant que il ne l'avoit encores mieulx estrainee. Mais ainçoys les dictes estraines luy cousterent bon prys. Si advint que pour inciter & mouvoir tousjours les ditz de sa dame a devotion il loua les bas menestriers pour venir jouer devant l'hostel entre mynuyct et le point du jour qu'ilz ne faillirent pas a venir/ et comme ledit gallant fust couché en atendant ses estraines lesditz menestriers alors commencerent a jouer la basse dance de Je languis et de l'ardant desir/ & sur ce point dangier le mary s'esveille lequel ne pensoit pas a danser et commença incontinent a dire qu'il avoit ouy des larrons en la maison. Et aussi pareillement que il avoit ouy ou songé la nuyt que on les devoit desrobber/ parquoy se voulut lever. Et alors ladicte dame faignant de aller allumer de la chandelle s'en vint courant dedans la chambre ou le galant estoit couché & luy dist qu'il estoit perdu/ et que dangier se doubtoit bien qu'il estoit leans. or qui fut bien esbahy a l'heure ce fut le compaignon et nompas sans cause/ car il ne sçavoit de quelle part tourner. Et alors tout a coup et soubdainement il gecta la couverture du lict ou il estoit couché a terre et se leva tout nud comme s'il venist du ventre de sa mere/ ce qui estoit besoing qu'il fist sans songer/ car l'en le poursuyvoit de bien pres & avoit esté la chose bastie de longue main pour l'attrapper et luy faire finer piteusement ses jours. Si advint si bien qu'en descendant les degrez il rencontra une vieille chamberiere qui sçavoit tous les destrois de l'hostel de leans/ laquelle ayans pitié et compassion de son cas luy dist que il n'y avoit remede en son fait sinon qu'il se boutast dedans ung vieil gelinnier de la maison lequel estoit tout plain de poulles/ et de chappons ou jamais on ne l'eust esté querir ne cercher. si creut son conseil et advertissement & aprés que ledit gallant fut entré dedans ledit gelinnier ladicte vieille ferma tresbien le guichet en mettant des barres au devant/ affin que l'en n'y peust entrer. Et ce fait s'en partit ladicte chamberiere bien legerement sans soy arrester pour mucer et oster ses robbes et habillemens affin que l'en n'apperceust riens/ en quoy feist diligence extreme et brief elle les entourtilla tous en ung monceau et les getta tous sur le ciel de son lict. mais encores ne peult oncques si bien cacher ne mucer que ledict danger ne trouvast ung des patins dudit galant qui estoit par cas de fortune demouré en la ruelle du lict et dieu scet la tempeste qu'il en fut Et combien que ladicte vieille chamberiere en faisant son debvoir jurast & affermast par grans sermens et sur son baptesme que c'estoyt ung des patins des menestriers dessusditz qu'ilz luy avoyent rué a la teste/ pour ce que elle leur avoyt gecté de l'eaue affin que ledit dangier n'y eust point de regret ne aucune suspection. Touteffois pourtant icelluy danger ne s'en voulut oncques taire/ ainçoys dist et jura que il n'y auroit lict ne banc qui ne fust renversé & mis sen dessus dessoubz/ et cherchoit depuis la jusques au guernier pour trouver ledit galant lequel estoit caché et mucé leans & en congnoistre et sçavoir la pure verité Si furent allumez falotz et lanternes de tous costez/ et n'y eut guichet/ ne cornet despuis le hault jusques bas ou l'en ne cherchast/ & si ne failloit point replicquer ne dire. Il n'y est pas/ car la fureur de dangier couroit alors pour tout confondre. Or sur ce point fault noter qu'il geloit a pierres fendans et goutte sur aultre/ parquoy le povre amant qui ainsi estoit tout nud dedans ledit gelinier ne l'avoit point d'advantage/ car il demoura la en cest estat et trembloit pareillement comme la fueille fait en l'arbre par l'espace de bien environ deux grosses heures Et qui plus est avec le mal qu'il souffroit encore souffroit il innumerable douleur des coqz & chappons qui le venoyent mordre & bequeter comme se feust esté poussins et tellement qu'il luy failloit tousjours avoir les mains au devant de ses yeulx affin qu'ilz ne les luy crevassent. et disoit on pour vray que quant il sortit dudit gelinnier il avoit plus de six cens troux & morsures dont il seignoit de tous costez/ qui estoit une angoisse importable & ne se osoit plaindre/ crier/ ne tirer son alaine affin qu'on ne le veist ou apperceust. Et advint si bien que quant ledit dangier demanda qu'avoyent lesditz poussins qui ainsi voloyent et faisoyent si grant glay et caquet que merveilles. Mais ladicte vieille chamberiere & servante print la parolle sans soy effrayer en disant audit danger que c'estoit pour l'amour de la lueur/ et lumiere des falotz & chandelles dont lesditz chappons & poulletz avoyent paour/ & adonc fut ledit danger content sans plus rien en enquerir & s'en alla coucher. si fut le povre homme tiré dehors de leans aussi roide comme une barre de vieulx fer & ne congnoissoit desja plus personne/ et quant l'en le voullut faire approcher d'ung feu que l'en fist en la cuisine pour l'eschauffer il commença a soy esvanouyr/ et brief qu'il ne l'eust bien tost secouru il estoit mort tout plat/ or s'en failloit il partir a cop Car la demeure estoit trop perilleuse/ mais ledict povre amant ne eust peu avoir sesdictes robbes/ et vestemens qui ainsi avoyent esté gectez sur le ciel du lict sans faire grant noise qui estoit encores pour tout gaster parquoy fut ledict compaignon contrainct de vestir l'une des robbes de ladicte vieille chamberiere qui estoit bien estroicte sur les espaulles dudit amant & de chaulser les souliers de ladicte vieille chamberiere. et en ce point s'en vint a sa maison tresbien malade & en moult piteux termes/ si se fist alors bien penser et le lendemain visiter par les medecins. Mais estoit si tresesmeu et avoit si forte fiebvre du grant travail qu'il avoit souffert que l'en n'eust sceu bouter remede sinon que il traina bien .xv. jours sans sçavoir boire ne manger. Et devint aussi sec que boys si que finablement il alla de vie a trespas qui estoit bien grant dommage veu qu'il estoit sur le point de son bien Or disoient lesditz heritiers que attendu sa personne et le lieu dont il estoit le cas estoit bien detestable/ parquoy la pugnition & la peine debvoit bien estre grande contre ladicte dame qui avoyt esté cause de le faire ainsi mourir avant ses jours. Et pour ce concluoyent et requeroyent a l'encontre d'elle que pour occasion dudit cas dont mort s'en estoyt ensuyvie qui n'estoit pas possible de reparer ycelle feust condampnee a leur faire amende honnourable nudz piedz et sans saincture tenant une torche ardant en sa main du poix de quattre livres en disant que faulcement et maulvaisement elle avoit esté cause de la mort dudict deffunct leur frere dont elle se repentoit et leur en cryoit mercy et a amours Que avecques ce elle feust condampnee a faire faire une croix ou epytaphe ou tombe ou cymitiere ou il estoit enterré en laquelle fust pourtraicte la figure et representacion dudict deffunct et escript au bas de la tombe pour en avoir memoire a tousjours.

¶ Cy devant gist le corps d'ung vaillant amoureux jadis bien renommé qui fut piteusement estrainé de sa dame/ et qui receut d'elle si bonnes estraines qu'il en est piteusement mort quinze jours aprés : dieu en ait l'ame.

Que en oultre ladicte dame soit condempnee a asseoir rentes a tousjours et perpetuelles pour fonder deux chappelles garnies de messel calices/ chappes/ aubes/ vestemens et ornemens aux armes d'iceluy deffunct. et esquelles chappelles seront chantees et celebrees .ii. messes & quatre obitz l'annee pour le remede et salut de l'ame dudit deffunct amant et de tous ses amys trespasses. Qu'elle soit aussi condempnee a bailler l'argent qu'il fauldra pour admortir lesdictes rentes Que la presentacion desdites chappelles appartiengne aux hoirs et heritiers d'icelluy deffunct & la conlation a l'ordinayre. Et oultre plus que ycelle deffenderesse soyt de rechef condampnee envers iceulx heritiers par devant toutes oeuvres par ledict procureur general pour ladicte grant offence qu'elle a faicte a faire ung service moult solempnel auquel service tous les parens et amys/ grans/ et petis dudict deffunct seront appellés Et ou il y ait semonce deux torches et luminaire selon l'estat de la personne dudict deffunct. Auquel service les gens partyront de l'hostel ou le deffunct est trespassé comme se son corps y estoit et la sera ladicte dame de icelluy deffunct nudz piedz faisant le premier dueil et laquelle tiendra en sa main en allant au monstier et durant le service ung crucefix de bois bien piteux qu'elle pourra bayser s'elle veult en signe et signification qu'elle est signe de mort comme celle qu'on mayne a la justice que aussi elle soit condempnee quant l'on yra a l'offrande par la robbe l'ancien frere dudict deffunct/ & de le mener devant par ung des costez de son manteau jusques au pres du prestre pour le faire baiser. Et cela fait s'agenouillera et inclinera devant le prestre sans baisier a l'offrande et puis s'en reviendra aprés luy. Que aussy quant ce viendra a lever dieu elle soit tenue de soy lever de la place ou elle sera assise pour aler alumer la torche a celluy qui la tiendra et ce fait baiser le poile estant sur le coffre dudit deffunct ou de sa representation en soy inclinant tout bas Et en oultre aprés ce que la grant messe sera dicte et quant l'on yra en procession chanter sur la fosse dudit trespassé. Libera me domine de morte. &. ce. que icelle dame deffenderesse soit condampnee et contrainte a soy descheveler & agenouller sur ladicte fosse les mains jointes au ciel/ durant toutes les oraisons que l'en dira illec sur le corps et a prendre le guypillon ou benoystier pour getter l'eaue benoiste dessus ladicte fosse deux ou trois foys en baisant la terre & disant devant tout le monde c'est par moy que es maintenant cy lasse dolente/ maudicte soit l'heure que je fus oncques nee/ et puis cela faict elle sera tenue de metre au bout du chevet de ladicte fosse une croix ou ledict crucefix qu'elle tiendra en ses mains. Et aussi qu'elle soyt condampnee a donner et bailler le jour du service par ses mains a chascun povre qui se trouvera audict cymetiere ung grant pain blanc tout chault/ et deux tournoys pour l'ame dudict deffunct. Et pour amende prouffitable qu'elle feust condampnee en la somme de quatres mille livres : et aussy a tenir prison ou il appartiendra A ces fins offroient lesdictz heritiers a prouver/ et demandoient despens dommaiges et interestz. Et au regard dudict procureur general & des gens d'amours ilz disoient que par les dessusdyctes informations qui avoyent esté faictes en ceste matiere il apparoissoit bien de tout ce que dit est dessus et comme ledict deffunct quant il fut tiré du gelinier/ il estoyt presque demy mort mais se cas la advint par la faulte de ladite dame ou pour le cuider decepvoir/ il n'y avoyt nulz des tesmoings examynés es dites informacions qui en parlast. Et pource protestoyent lesdictes gens d'amours de prendre leurs conclusyons plus a plain mais qu'ilz eussent ouyes les dictes partyes tout du long. Sy fut aprés ladicte deffenderesse ouye/ qui premierement nya la demande d'eulx demandeurs estre vraye. Et puis aprés pour ses deffences disoyt qu'elle eut singuliere amour et accointance avecques le deffunct et que ce fut moult grant dommaige de sa mort/ car il estoit taillé se il eust vescu d'estre ung grant homme et d'avoir des biens largement. Aussi estoit il debonnaire aymé de chascun : parquoy valloit bien d'estre cher tenu/ et n'y avoyt ame qui en la mort de luy eust tant perdu qu'elle avoit faict/ car une foys par le moyen de luy s'il eust pleu a Dieu de le laisser vyvre sur la terre elle avoyt intencion d'estre fort avancee et honnouree et ne feut oncques icelle deffenderesse autant doulente de mort d'homme comme elle feut de la sienne aussy ne le pouoit encores oublier. Or estoit il vray voirement que le jour des estraines il se approcha d'elle & la voulut estrainer Et combien qu'elle ne voulsist prendre les dons qu'il luy vouloit donner toutesvoyes il la contraignit par force a les recevoir/ et jura que jamais ne les remporteroit Si advint que lors pource qu'il estoit tard & qu'il n'eust veu goutte pour s'en retourner il la pria que pour dieu elle le logeast pour la nuyt seullement/ et jusques a ce que les menestriers venissent devant l'huis pour le recueillir et s'en aller avecques eulx. A laquelle priere obtempera icelle dame ayant pitié de luy et pour recompensation des estraynes qu'il luy avoyt donnees feut contente de le hebergier/ et ordonna qu'il feust couchié blanc et mol/ comme a luy bien il appartenoit/ et en beaulx draps tous neufz qui sentoyent a plaine gorge les roses des provins qu'elle luy tyra de son coffre a celle fin qu'il dormast mieulx Et aprés ce qu'elle luy eust dit dieu vous doint bonne nuyt elle luy bailla ung coeuvrechief & s'en alla coucher ou elle devoyt et elle ne cuidoit point jamais que danger s'en fust advisé ou apperceu. Et aussi a la verité il ne l'eust pas jamais fayt se n'eussent esté d'aulcuns malheureux envieulx dudit deffunct courroucés de son bien qui luy baillerent cest aventure sans cause & sans raison/ car chacun n'y pensoit que bien. Or fut vray que tout a ung mouvement ledict dangier quant il ouit les menestriers jouer devant son huys se leva comme tout esmeu et eschauffé/ commença a dire. S'il est ceans je le trouveray bien. Et de ceste heure ceste povre femme qui ne dormoit pas vint au devant de luy en demandant ou il voulloit aller ne qu'il voulloyt faire. Surquoy en respondant mal gratieusement dist laissés moy aller et luy bailla ledict dangier deux souffletz dont elle cheut a terre toute plate comme toute estourdye. Si commença a crier et survint au cry la vieille chamberiere a qui ledict dangier commanda de aller allumer la chandelle mais ce pendant la bonne maistresse la bouta du pied et entendit et congneut bien le jeu/ tellement qu'elle s'enfouyt tout incontinent sans delay vers le deffunct luy dire et annoncer les nouvelles dont il fut si effrayé qu'il se leva treshativement sans se seigner ne prendre sa chemise. Or qu'il devint depuis ne qu'il en fist ceste dame deffenderesse n'en sçavoit riens mais oncquespuis ne le veit ne n'ouit parler Et avoyt lors assés a faire de choyer dangier/ Et de luy dire qu'il auroyt frait/ et seroit malade s'il ne s'en tournoit coucher affin de luy rompre son entreprinse/ mais d'autant qu'elle le vouloyt appaiser il eschauffoit encores plus de cherchier ledict gallant ne ne la voulloit oncques en façon ne maniere qu'il est au monde possible cesser ne delaisser aucunement pour parolles ne pour prieres et supplications/ ains convint qu'il cherchast par tout ou bon luy sembla et n'atendoit la povre femme que la mort et ne sçavoit lors qu'elle faisoit ne ou elle estoit/ Car des douleurs avoit assez et eust bien voulu estre hors du monde/ nompas pour doubte d'elle ne pour son honneur/ car elle n'en craignoyt ame du monde/ mais pour le dangier ou ledict deffunct estoit/ et le desplaisir qui l'en pouoit avoir Or disoyt elle oultre qu'elle feut bien deux grosses heures entieres nudz piedz et en sa cotte simple parmy la maison allant tousjours aprés ledict dangier et jusques a ce que le tonnoirre fust cessé et dieu scet en quel paine brief chascun eust pitié de la veoir en cest estat/ car elle n'avoit couleur au visaige et estoyt aussi deffaicte que ung drappeau et si trembloit comme la fueille en l'arbre Et encores par maleureté advint que le feu de la chandelle que elle tenoit se print a ses cheveulx mais elle si terriblement troublee qu'elle ne le sentit oncques ne n'est possible a femme de endurer tel torment ne tel douleur pour une foys qu'elle fist alors Disoyt avecques/ ce que quant la noyse fut appaisee & que dangier ne trouva pas ce qu'il cuydoit elle envoya incontinent ses clefz en bas pour avoir des couvrechiefz pour chauffer sondit feu amy/ et luy faire revenir le cueur & la parolle/ et si n'est point a croyre qu'il ne luy fist tresgrant mal de ce qu'elle ne pouoit aller vers luy pour le reconforter/ mais elle avoit trop grant empeschement et si n'estoyt pas temps Touteffois au dernier faignant qu'elle eust mal au ventre elle trouva maniere de venir en bas et vint a une course luy dire a dieu & le baiser moult doulcement et alors les larmes yssirent deux yeux tant d'ung costé que d'autre & ne pouoient parler tant avoient chascun le cueur serré/ cela faict elle s'en retourna coucher bien dolente/ mais n'eust sceu dormir tant larmoyoit et avoit de mal si que le lendemain l'en eust trouvé les draps du lict tous plains de larmes et gemissemens. et depuis qu'elle le sceut que ledit deffunct fut malade elle ne eut joye au cueur ne n'estoit une seule journee que elle ne luy envoyast des prunes de damas seches/ des fleurs de toutes sortes/ boucquetz odorans/ et toutes autres choses plaisantes pour le esjouyr/ mais ce que chascun dit il fut mal pensé ou petitement secouru et luy bailla son medecin par trop de medecines laxatives/ Et puis il estoit foible et de tendre complexion/ et en effect il trespassa bien trois sepmaines le cas advenu Or disoit ceste dicte deffenderesse que de la voulloir chargier de la mort dudit deffunct c'estoit tresmal fait/ veu qu'elle n'en avoit tache ne coulpe/ ainçois vouldroit qu'il luy eust cousté six pallettes de son sang/ & qu'elle ne deust boire ne manger que du pain & boire de l'eaue d'icy a trois ans & il fust encores en vie. Disoit aussi par autre moyen que l'en ne la devoit charger de sa mort. Car elle n'en pouoit mais/ et fut a la requeste dudit deffunct qu'elle consentit que il demourast a l'hostel & pour lui faire plaisir qui ne luy doit tourner a dommaige et s'il eust beaucoup a souffrir encores en eut elle plus la moytié. Aussi ne fut ce pas par elle que la fortune advint ainçois par ceulx qui avoyent rapporté faulses parolles a dangier dont par ce moyen l'en s'en devoit adresser a eulx et nompas a elle. Et quant au regard de la charger qu'elle sçavoyt bien que tout ce qui a esté fait adviendroit. Respondit par sa foy qu'il estoit impossible que le cas fust advenu se premierement danger n'eust esté embouché des envieux dudit deffunct & ne l'eust point songé Aussi de dire qu'elle feust consentant/ veu que son honneur y pendoit/ cela estoit trop notoirement faulx et ne l'en voulut oncques charger ledit deffunct qui en sçavoit bien la pure verité. Si disoit ladicte deffenderesse qui par les moyens dessus couchez que lesditz heritiers ne faisoyent a recepvoir en quoy que ce soit en voye d'absolution. A ses fins concluoit et demandoit despens Et entant qu'il touchoit les gens d'amours qui disoyent que il sembloit de prime face que il y eust grande presumption contre ladicte dame entant que elle envoya audit gallant qui estoit dedans ledit gelinnier une vieille robbe ou couverture pour le couvrir veu qu'il geloit a pierre fendant/ et qu'elle pouoit bien penser qu'il morfondoit illec/ & pource requeroyt que le droict d'amours y fust gardé. Respondit ycelle dame qu'il n'eust pas esté en toute sa puissance de le secourir/ pour ce que dangier estoit tousjours auprés d'elle et qu'il faisoit autant de pas comme elle faisoyt/ et se elle eust fait aulcun semblant d'aller devers luy/ tout eust esté descouvert. Aussi ne sçavoit elle alors ou il se estoit bouté ne qu'elle faisoit tant estoit effrayee de l'advanture. Surquoy les heritiers dudit deffunct en repliquant disoyent que elle ne se pouoit excuser de la mort d'icelluy/ car devoit estre asseuree de son cas & avoir deux cordes en son arc avant que le laisser demourer leans. c'est a dire que elle debvoit pourveoir a l'inconvenient et luy faire deux chemins affin au moins quant danger fust venu par l'ung qu'il s'en allast par l'autre mais elle avoit ouvré au contraire/ car elle avoit mys le povre homme coucher en la gueule des loups qui l'eussent voulentiers devoré se par amours ne eust esté secouru/ & quant du secours qu'elle disoit avoir fait audit deffunct ne sert de riens. et aussi pour monstrer l'experience du contraire oncques n'avoit esté au service dudit deffunct ne porter le dueil. comme se jamais ne l'eust congneu Si fut dupliqué par ladicte deffenderesse/ en disant que c'est plus grant paine la moyctié de porter le dueil dedans le cueur que dehors & mettre une robe noire car l'ung griefve et touche de pres/ et l'autre n'est que pour faire maniere/ et en y a beaucoup qui font le dueil par dehors mais ne leur en chault. Si estoit ladicte deffenderesse de ceulx mesmes qui le portoyent au cueur car jamais n'oublyoit le deffunct/ et n'estoit jour ne nuyct que elle n'en plourast et priast pour luy quant il luy souvenoit de sa grant douleur et debonnaireté. Au regard des deux chemins il n'est personne si saige ne si advisé qui ne perdist le sens mesmement quant l'en n'a pas le loisir d'y penser et que ung tel inconvenient vient si soubdainement et en parlent plusieurs bien a leur aise par ce qu'ilz ne sçayvent que c'est. si disoit par ses moyens que a elle l'en ne pouoit riens demander dudit cas comme dessus. Lesquelles parties ouyes en tout ce qu'elles ont voulu dire & aleguer elles ont esté appointees contraires et en enqueste/ laquelle a esté faicte/ et rapportee par devers la court et ont depuis les parties baillé reprouches produit ce que bon leur a semblé. Si a la court veu finablement ledit procés enquesté et tout ce qui il failloit veoir en grant et meure deliberation/ & tout veu et consideré ce qu'il failloit a considerer la court dit que elle absolut la dame des impetitions & demandes des heritiers dudit deffunct comme non coulpable du cas & recompense les despens d'ung costé & d'autre & pour cause

¶ Le .xxiii. arrest.

En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre une dame apellant d'une part & ung sien intime d'autre/ & disoit ladicte appellant que jaçoit ce qu'elle ne luy eust meffait ne mesdit en riens/ mais ay tousjours taché a luy complaire/ neantmoins ledit intime c'estoit vanté de luy porter dommaige & de fait l'a menacee de la faire prisonniere/ et voulant faire information pour la prendre elle s'est sentue grevee et en a appellé. Si concluoit tout pertinent en matiere d'appel qu'elle a esté mal menacee & bien appellé par elle A ces fins offroit a prouver et demandoit despens de la partie dudit amant fut deffendu au contraire & disoit que ung soir bien tard ainsi que il passoit par devant l'huys de sadicte dame il commença a toucer affin qu'elle l'ouyst pour dire dieu vous doint bonne nuyt/ mais aussi tost qu'elle entendit que c'estoit il elle print ung seau d'eaue & le gecta a sa fenestre sur sa teste et dedans le dos tellement que le povre homme fut tout esfarouché & cuidoit bien estre noyé. Aprés laquelle eaue gettee la dame & sa chamberiere commencerent a rire si hault & se mocquer qu'il les peust bien ouyr/ dont il fut plus dollent que par devant et pour ceste cause s'en estoit plaint a la justice d'amours qui avoit ordonné faire information du cas pour aprés y pourveoir. Or disoit que le cas estoit maulvais/ car il avoit esté fait d'aguet a pensee et avec propos deliberé en hayne et desrision d'amours/ et contre le dit amant qui estoit en sa sauvegarde/ parquoy il cheoit grant reparation mais encores l'en ne faisoit que l'information pour la verité/ & par ainsi d'en avoir appellé l'appellation n'estoit recepvable/ aussi ne faisoit a ladicte dame aucun grief/ car quant l'en l'eust voulu prendre il estoit lors temps d'en appeller & nompas de l'information. Disoit avec ce ledit amant que jamais n'en eust parlé si n'eut esté la mocquerie & risee qu'elle & sadicte chamberiere en firent quant il fut ainsi moullé/ et concluoit affin de non recepvoir allias mal appellé/ en requerant provision. A quoy fut replicqué par l'appellant disant que sus sa foy quant l'eaue fut gectee/ elle ne cuydoyt point que ce fust il Et aussi ce ne fut elle pas qui la lui gecta mais sa chamberiere qui estoit jeune & sote dont elle fut moult courroucee aprés/ combien qu'elle n'y eust peu mettre remede car la chose estoit ja faicte/ mais quoy que ce soit ne se farcerent oncques de luy/ et ainsi de se plaindre a ledit amoureux grant tort. Aussi n'y avoit il danger de son costé/ car l'eaue estoit nette si lui estoit moult proffitable pour le rafreschir. Et au regard qui fust en la saulvegarde d'amours elle n'en sçavoit rien aussi ne luy en avoit on riens signifié. Ledit amant pour ses dupliques disoit qu'il n'estoit que de bonne chaleur & que ladicte dame ne se pouoit excuser pour dire qu'elle ne cuidoit point que ce feust il/ Car il avoit toussy une foys/ ou deux tant que elle l'avoit bien entendu/ Et fut la chose faicte a la main pour se farcer de luy et despriser. et quant a la saulvegarde ne la pouoit ygnorer/ car il estoit tout notoire que tous amoureux qui vont de nuyt sont en la sauvegarde d'amours tout ne plus/ ne moins comme sont les oubliers qui vont par la ville et de ne leur toucher sur peine de perdre le poing. surquoy les parties ouyes elles ont esté appoinctees a mettre par devers la court & au conseil ce que bon leur sembleroit/ si a la court veu ledit procés & tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere et a tout veu la court dit qu'il a esté mal appellé par ladicte appellante et l'amendera en la condampnant es despens de la cause d'appel/ la tauxation reservee. et ordonne la court que ladicte dame et sa chamberiere comparoistroyent ceans en personne pour estre interrogué sur ledit cas. Et ce faict la court pourvoyera sur tout & fera droit aux parties ainsi qu'il appartiendra par raison.

¶ Le .xxiiii. arrest

En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre une jeune dame appellante d'une part/ et ung jeune amant intime d'aultre part. et disoit ladicte appellante que comme entiere et loyalle ou elle debvoit estre elle avoit esconduit ou debouté ledit intime Touteffois affin qu'il n'en feust mal content ou qu'il ne cuydast qu'il eust haine a l'encontre de lui faisoit tousjours ung commun acueil comme aux aultres. Or disoit elle que une journee ainsi comme elle et d'aultres de ses voysines jouent au propos il se vint seoir auprés d'elle. Et advint a son tour que ainsi qu'il parloit a elle a l'oreille pour luy dire son mot et proposer dessus que icelluy gallant en haulsant la pate du chapperon la baisa tout a coup/ duquel baiser ainsi prins d'emblee et par trahyson ceste dame si a appellé et relevé/ et pource concluoit tout pertinent qu'il avoit esté mal procedé & tres mal exploicté par ledit amant et bien appellé par elle offrant prouver et demandoit despens. et au surplus elle requeroit que il luy fust deffendu de plus ne luy toucher en quelque façon que ce fust De la partie dudict amoureux intime fut deffendu au contraire et disoit que voirement se trouva assis avecques elle/ et plusieurs aultres qui jouoyent audit propos & fut vray qu'en s'approchant vers elle pour luy dire le mot qu'il avoit pensé son pied luy grila devers elle & ainsi lui cuidant dire en l'oreille sa bouche froya ung peu contre sa joue/ mais cella ne doit estre reputé pour ung baiser car ce n'estoit que ung glyssement. Aussi n'avoit il touché que contre la joe et l'orelle. Et n'y avoit eu saveur ne odeur quelconque ains encore luy rechigna elle comme s'elle l'eust voullu menger pourquoy de se plaindre avoit ladicte dame grant tort. et n'estoyt l'appellacion recepvable ne valable veu mesmement qu'il ne luy avoit faict aucun grief et pour ce concluoit a ses fins et qu'il fut dit qu'elle avoit mal apellé offrant a prouver et demandoyt despens. Cest appellant pour ses replicques disoit que par telz moyens prendre baiser c'est larcin publique & que l'en ne pourroyt pugnir telz malfaicteurs/ car c'est a eulx trop entreprins et en peult venyr trop d'inconvenient Et peult estre que ceulx qui les voyent ainsi prendre ne l'oublyoient pas aussy de legier et pensent a l'adventure ce qui n'est pas et aussi quant les autres a qui la chose touche le sçavent ilz en prennent des merencolies & aussi des desplaisances beaucoup et cuident souvent que leurs dames par ce moyen ayment autres que eulx parquoy avoit appellé dudit baisier l'appellation estoyt bien recepvable. Et ne valloyt rien de dire au contraire que cela ne luy portoit point de prejudice car ce n'estoyt pas son plaisir qu'il la baisast ne touchast en aucune maniere et concluoit comme dessus Mais ledit intime pour ses dupliques disoit que autant en emportoit le vent et que nul qu'elle ne pouoyt sçavoir qu'il l'eust baisee : car la pacte du chapperon estoit au devant Finablement les parties ouyes elles ont esté appointees en droit et au conseil. Si a la court veu ledict procés ce qu'il failloit veoir en ceste matiere : Et tout veu la court mect ceste appellation au neant et sans amende ne despens et ordonne la court que doresnavant l'en ne jouera plus audit jeu de propos sinon que dangier ou chagrin soient entre deux & pour cause

¶ Le .xxv. arrest.

Ceans c'est plaint ung amoureux d'une sienne dame/ disant que combien qu'il l'ait longuement servie et qu'elle ait peu apparcevoir sa bonne voulenté/ neantmoins elle ne l'a voullu aymer ne prendre en grace/ ains luy a ja respondu par plusieurs fois qu'elle ne le veult aymer plus luy que ung aultre & qu'elle ne sera subgecte en amours tant qu'elle vive affin qu'il se pourvoye ailleurs/ Et ainsi se povre gallant a des maulx beaucoup a souffrir/ car il a mis tout son cueur en elle qu'il en vouldroyt bien oster et retirer/ Mais il ne peut et pource requeroit qu'elle fust condempnee a le recepvoir en sa grace comme son serviteur et amy : ou aumoins qu'elle fist tant qu'il ne luy souvenist plus d'elle et ne luy en chaulsist point. Et sur ce a ladicte dame deffenderesse deffendu au contraire disant que au regard d'elle pour obvier aux grans maulx qu'elle veoyt tous les jours advenyr a ceulx et celles qui sont au plaisir & service d'amours elle ne veult personne aymer ne mettre son cueur plus a l'ung que a l'autre/ car selles qui le font s'en tiennent deceveurs : et advient voullentiers qu'elles en seuffrent beaucoup d'oprobres et en perdant leur bonne renommee/ dont aulx gallans ne chault guieres/ car ilz ne pensent que a leur singulliere voullenté/ et leur semble que ce qu'ilz songent leur doibt advenir dont ilz sont bien loing Et aussi pour faire tout uny n'avoyt ladicte dame entencion d'aymer aulcun/ ains voulloyt demourer et la franche liberté. Et ledict complaignant avoyt mys si fort son cueur en elle qu'il ne l'en pouoyt oster dont c'estoyt follye a luy/ car il aymoit sans partie Et quant est de requerir qu'il ne luy souviengne plus d'elle : respondict ladite dame qu'elle ne le sçauroit garder de songier et de penser a elle/ se luy mesmes ne s'en voulloyt garder/ Car elle n'avoit pas la clef de son cueur. Aussy telz pensemens ne viennent que de folles voullentés qui suffocquent les cueurs des gens par trop legier croire & fole esperance en quoy l'en ne se doibt fier : mais en tant qu'il luy touche ne luy souvient de luy que bien a point. Et disoyt oultre qu'elle ne peche en riens qu'il ne l'oste de l'amour qu'il dit avoir en elle veu qu'il s'i abuseroit trop longuement. Si concluoit par ses moyens affin d'absolucion et demandoit despens/ et aprés le procureur d'amours qui touchant ceste matiere c'estoit adjoint avec ledit povre amant demandeur. Si disoit que une femme de quelque estat qu'elle soit s'elle n'est une fois en sa vie amoureuse et au service d'amours elle ne sera jamais bien venue du monde/ ains doibt estre reputee tout son temps comme une beste brute qui n'a point d'entendement/ car tous biens viennent d'aymer et qu'il soit vray l'en le peult veoir par experience de celles qui ayment car d'amours vient joye plaisance et desplaisance/ aise et desaise de tous les biens du monde ne n'aura jamays femme ne homme qui soit amoureulx disette de biens/ car l'en a tousjours assés et vault myeulx ung soubzrys/ ou ung petit genoul ou quelque petit signe que l'en s'entregette l'ung a l'autre que avoir cent muys de blé au grenier car au moins telz biens d'amours ne se peuent diminuer et si ne les fault point vanner pour les chardons. Et aussi l'en voit communement que une femme qui est amoureuse est tousjours joyeuse ne n'y a celluy qui ne tasche a luy faire plaisir. et si s'entrebat l'en encores pour estre des premiers a la servir elle sera tousjours coincte jollye et bien cueillie et n'y a ordure qui s'osast prendre a sa robe/ mais au contraire celles qui renoncent au servyce d'amours sont maleureuses et chetives et ne veult l'en avoir a faire a elles sinon en passant pour dire dieu gard et a dieu dame. Et tous les plus grans biens qu'ilz peuent avoir c'est quant elles se treuvent es festes ou on dance ou en aultre lieu qu'on fait bonne chere qu'elles sont assises en banc pour parler du temps passé regardés le personnages et vieulx habitz qui sont pourtraictz en ses tapisseries de nopces de deviser illecques a ung coingnet du temps jadis n'avoyent garde d'eux habiler de telz habitz qui courent maintenant/ et l'une belle commença a dire tout est changé/ et qu'elle ne congnoist plus rien au monde/ et l'autre dira que ce n'est que folie d'y mettre son cueur veu qu'il fault mourir/ et en ce prennent leur deduyt et ne leur dure gueres/ car quelque chose qu'elles en disent elles vouldroient en leurs cueurs estre aussi jolyes que les aultres et avec ce elles n'ont point de bien car lors n'en tient l'en pas grant compte/ parquoy n'ont point de joye ne liesse ains languissent sur le pied & pource disoit ledit procureur d'amours qu'il avoit choys de l'ung a l'autre et qu'il ne pouoyt croire que ceste dame de si vaillant cueur reffusast son service/ et affin que il en sceust la verité requeroit qu'elle jurast c'elle vouloyt a tousjours renoncer aux biens & service d'amours surquoy elle interroguee dist et afferma que ouy & qu'elle n'avoit cure d'aymer quelque gallant que ce fust pour aucunes causes que a ce la mouvoient. Ouyes les responces et affirmations ledict procureur d'amours print ses conclusions a l'encontre d'elle tant qu'elle fut banie & privee a tousjours du royaulme d'amours/ et des biens qui y sont et qui n'y eust personne qui se esbahyst ne parlast a elle en quelque maniere que ce fust sur peine de confiscation de corps et de biens et qui tous ceulx qui luy verroyent desormais tenyr boucquetz les luy allassent arracher des mains devant tout le monde comme indigne de les porter Et avec ce que nonobstant la renonciacion par elle faicte et sans prejudice d'icelle fust condampnee a le saluer et rire de l'oeil et de bouche tant seulement et pour ce gallant aimer tant qu'il fust revenu a santé de la maladie qu'il avoyt a cause d'elle. Et oultre requeroit que a greigneur seureté il fut baillé a elle en garde pour le penser durant sa maladie en telle maniere que s'il rechet jamais en l'estat l'on s'en pourra prendre a elle. Et aussi qu'elle fust tenue de respondre ou que telles aultres conclusions fussent adjugees audict procureur d'amours qui la court aviseroit Surquoy ladite dame dessusdite disoit que veue la revocation par elle faicte de ne aimer ne d'avoir aucuns biens d'amours/ l'en ne luy pouoyt plus rien demander : car elle estoit exempte de la court/ et non tenue de proceder/ mais devoyt estre mise hors de procés Et quant est des conclusyons prinses contre elle par les gens d'amours disoit qu'elles n'estoyent recepvables : car amour vient de voulenté et de plaisir. Et ainsi doncques puis que une foys elle avoyt declairé que son plaisir n'estoit point d'aymer l'en ne la devoyt de raison contraindre par force aymer ne ne s'en devoit plus la court mesler. Et au regard d'avoir en garde le malade : elle respondoyt qu'elle n'en prendroit jamais la charge : pour ce qu'elle avoit assés a faire de se garder elle mesme. Et quant est de porter fleurs ou boucquetz bien s'en passeroit Mais le povre amant par ses repliques disoit qu'il estoyt content qu'elle demourast en sa liberté et qu'elle feist tout ce qu'elle voudroit pourveu qu'il ne luy souvint plus d'elle combien qu'il ne luy estoyt possible que jamais la sceut oublier/ et s'en estoit bien esforcé tant par voiages et pelerinaiges qu'il en avoit fait que aultrement car tout rien n'y a voulu/ car de tant plus qu'il en estoit loing c'estoit alors qu'il avoit plus grant desir de s'en approucher. parquoy son cas estoit pitoyable et moult favorable entendu mesmement qu'il n'estoit possible de recevoir garison synon de la grace de sadicte dame pour occasion de laquelle sa maladie luy estoit venue : et a ce qu'il fust guery et estoit content de mourir entre ses mains/ en offrant de la quiter de sa mort et aussi de deffendre a ses heritiers de ne luy en jamais rien demander Mais ladicte dame perseveroyt tousjours en ses reffus disant que celles qui y sont bien se y doivent tenir/ et que de soy obliger en une chose ou elle n'est point tenue jamais ne le feroyt pour rien. Oultre elle disoit qu'il ne luy souvient de luy/ parquoy ne luy doibt point souvenir d'elle : et est bien grant simplesse d'y mectre son cueur si avant que on ne l'en puisse oster A quoy le povre homme respondit que l'on n'en est pas maistre qui veult/ et que s'il s'en pouoit une fois deffaire jamais elle ne aultre n'aymeroit si parfaictement au moins qu'il ne sceust bien comment. Ouyes lesquelles parties en tout ce qu'elles ont voulu dire et alleguer elles ont esté appointees a mettre par devers la court et au conseil. Sy a la court finablement veu ledit procés avec ce qu'il failloit veoir et visiter en ceste matiere. Et tout veu et consideré la court dit que veu et visiter la renonciation faicte par ladicte dame deffenderesse de ne servir jamais a amours elle ne tiendra court ne congnoissance de ceste matiere mais elle ordonne qu'il sera deffendu a tous galans subjetz & serviteurs d'amours qu'ilz ne soyent si osez/ ne si hardys de la mener danser en quelque feste qu'elle soit ou voise ainçois qu'on la laisse toute comme une femme habandonnee et bannie de toute joye. Et pareillement sera deffendu a tous cousturiers qu'ilz ne luy facent aucunes robbes ou vestemens a la nouvelle façon/ mais que ilz mettent tousjours en celles qu'ilz luy feront ung gros ply entre deux menus que devant ou derriere elles soyent mal arondies que legier passe d'ung costé affin que chascun congnoysse que avant ses jours elle deviendra chartreuse/ et que par ce moyen elle soit esloingnee et privee de toute joyeuse compagnie. Et au regard de la provision requise par ledit povre amant malade/ la court dict que elle n'y peult toucher mais de grace combien qu'il ne soit acoustumé de faire/ luy conseille de se pourveoir ailleurs de dame/ ou de se vestir de dueil/ affin que le cueur d'elle puisse ung peu amollir.

¶ Le .xxvi. arrest.

Aux cryees d'une tresbelle fille se sont trouvés sept opposans Et disoit le premier qu'il avoit bien desservy l'amour d'elle et qu'il la voulloit bien par quoy la requeroit a avoir devant tous les autres. le second opposant disoit qu'il avoit tout son cueur en elle & disoit qu'il l'avoit de pieça choisie pour estre son serviteur si c'estoit son plaisir Le tiers disoit qu'il l'avoit premierement requise & fait ses diligences en temps & en lieu et ainsi devoit estre preferé. Le quart disoit que s'elle prenoit autre que luy se devoit estre a la charge de lui faire ung petit genoul/ & ung soubris qu'elle luy avoit promis que toutes et quantes foys qu'il passeroit par devant elle. Le .v. disoit aussi qu'ilz avoyent promis de eulx entre aymer ensemble/ et de faire des biens l'ung a l'autre Et pource requeroit qu'il ne fust pas oublié ne mys des derniers. Le .vi. disoit que combien que il eust bon droit de s'opposer toutesfois attendu qu'il y avoit tant de opposans il ne requeroit seullement que la grace d'elle et que on l'eust pour recommandé a jour de payer comme ung autre. Le .vii. et dernier disoit qu'il l'avoit songee deux ou trois fois la nuit/ & aussi on luy avoit rapporté qu'elle le aymoit bien/ parquoy requeroit estre preferé devant tous autres A quoy dangier et malle bouche qui estoyent adjoinctz a veoir juger ce decret desdictes criees & disoyent que lesditz opposans s'abusoyent bien de y venir par opposition car il n'y sçavoit nul qui eust droict en la proprieté des choses criees ne qui deust empescher d'en disposer a leur plaisir & devoient lesditz opposans venir par requeste et supplication & nompas par main armee. Et quant est des parolles & gracieux semblant qu'on leur avoit donné disoyent lesditz dangier et malle bouche que filles ne ont point de vouloir ne de faculté de choisir ou eslire et oultre quelque double parolle ou bel acueil que facent aux gallans cela ne peult prejudicier sinon a ceulx qui se y fient trop de leger & pource de s'i attendre estoit grant simplesse avec plusieurs autres raisons servans leur cas Surquoy parties ouyes elles ont esté apointees en droit et au conseil. Et a la court finablement veu ledit procés lesdictes criees avec les causes d'opposition & tiltres de chascun. Et tout veu et consideré la court dit que nonobstant les oppositions desditz opposans dont elle les deboute ledict decret sera adjugé a la voulenté desditz dangier et male bouche mais ladicte fille choisira celluy des opposans qui mieulx luy plaira pour estre son amy et serviteur et condampne les opposans es despens.

¶ Le .xxvii. arrest

En la court de ceans c'est assis ung procés entre ung povre amant appellant de certain reffus a luy fait par sa dame intimee d'aultre part/ et disoit ledit appellant que la chose qu'il desiroit plus c'estoit d'estre en la grace d'elle et qu'elle eust souvenance de luy. Or disoit que a ceste occasion & affin qu'elle l'eust en memoire il se advisa aux estraines dernieres passees de luy faire ung des plus beaulx/ et riches mouchoirs qu'il estoit possible de faire ou son nom estoit escript a lettres entrelassees le plus gentement du monde/ et luy avoyt bien cousté quatre escus/ car il estoit attaché a ung beau cueur d'or et franges de menues pensees. Si fut vray que le povre gallant mesme luy presenta ledit don audictes estraines mais elle n'en eut cure ainçois l'a reffusé en disant qu'elle n'en prendroit point & qui plus est maintenant luy fait pire chiere que elle n'avoit acoustumé par avant en luy rechisgnant a chascun coup/ parquoy se gallant voyant qu'il n'y pouoit trouver aultre maniere a appellé dudit reffus et rechignement en la court de ceans. et pour ce concluoyt tout pertinent en matiere d'appel qu'il avoit esté mal reffusé mal rechigné et bien appellé par luy. A ses fins il offroit a prouver & demandoit provision d'estre remis en l'estat qu'il estoit par avant son appel et despens. De la partie de ladicte intimee fut deffendu au contraire et disoit que c'elle luy rechisnoit ou faisoit maulvaise chiere/ l'on ne s'en debvoit pas esbahir/ car il se vouloit trop moquer d'elle de luy presenter ung tel don qui n'estoit pas recepvable veu que c'elle l'eust prins elle eust confessé en effect d'estre morveuse. car aussi il ne sert que de moucher/ pource a bonne et juste cause l'avoit reffusé et n'estoit par consequent l'opposition dudict reffus vaillable. Et concluoit a ses fins/ et quant est de la provision n'en doibt point avoir/ car pour meffaire/ ou mesprendre si lourdement envers sa dame qui debvoit garder de courroucer elle n'estoit tenue de rendre plaisir. A quoy ce povre amant disoyt que en telles matieres l'on ne debvoit pas tant regarder au don que a la voulenté du donnant. et affermoyt par sa foy que jamais n'eust pensé la ou sadicte dame pense/ mais seullement luy avoit fait faire ledict mouchouer qui estoit moult beau & riche pour l'amour d'elle et affin que quant elle metteroyt la main a ses clefz elle le veist ou quant elle se mouscheroit luy souvint alors de luy/ et brief aymeroit myeulx mourir/ que faire chose en son escient qui luy despleust/ en offrant de luy donner en ce lieu ung aultre tel don que elle vouldroit en requerant pour dieu mercy entant qu'il la pourroit avoir offensee. Surquoy ladicte dame pour ses duplicques/ disoit au contraire que par le propos mesmes dudict amant prins a son prejudice il avoit delinqué & que pour donner exemple aux autres ou affin que une aultreffois fussent mieulx advisez estoit besoing de y pourveoir. Finablement parties ouyes ont esté apointez en droit & a mettre devers la court et au conseil. si a la court d'amours veu ledit procés a grant et meure deliberation & tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere/ & tout veu dit que il a esté bien reffusé & procedé par ladicte dame & mal appellé par le dict appellant et l'amendera en le condampnant es despens de la cause d'appel/ la tauxation reservee avec ce declere la court ledit don non recevable ne vallable en deffendant a tous amoureux de jamais n'en arrestez leurs dames sur peine d'amende arbitraire & de encourir l'indignation d'amours

¶ Le .xxviii. arrest.

Ceans c'est complaint une femme de une sienne voisine/ disant que elle luy tient les plus rudes termes du monde car incontinent qu'elle voit ung homme qui vient parler a elle toute la journee elle ne cessera de quaqueter mal es voisines en gectant des petites pierres par une fenestre qu'elle a respondant sus la rue dessus les gens qui estoyent a son huys pour les en faire aller. Et puis quant on n'en tient compte ou que l'en ne s'en bouge/ elle s'en vient plainement a ladicte fenestre tousjours/ et dire dieu vous gard comme pour dire/ je vous voy bien et proferant plusieurs aultres parolles mal sonnant/ & encores plus elle non contente de toutes ses choses ycy tressouvent elle murmure & se elle a quelque robbe ou chapperon nouveau ceste femme deffenderesse va publier incontinent que elle sçait bien qui luy a donné & que tel l'a payé qu'on ne cuyderoit pas en luy faisant plusieurs autres oultrages et desplaisirs. Et pour ce requeroit icelle demanderesse qu'il fust deffendu a sa voysine de ne parler contre elle sur paine de luy parcer la langue et que sa fenestre par ou elle vient escouter les gens fust abatue & demandoit despens De la partie de ceste deffenderesse fut deffendu au contraire et disoit qu'elle avoit tousjours vescu paisiblement/ et n'eut jamais noise en la rue si non depuis que ladicte demanderesse y estoit venue demourer qui n'estoit contente des biens qu'elle a/ mais veult entreprendre sus les aultres et si luy semble pour deux/ ou troys robbes qu'elle a qu'on la doibt appeller ma dame et qu'elle doit supediter tout le monde. Or ne le vouldroit point ycelle deffenderesse la despryser/ mais aussi ne la souffriroit jamais a son pouoir entreprendre sus elle. Combien qu'elle y a bien tasché par plusieurs foys. Et est vray que par faulx rapors elle luy a soutrait ung des meilleurs chalans qu'elle eust pourquoy s'elle en est courroucee contre elle/ l'en ne s'en doit esmerveiller et s'elle a parlé contre elle aussi a la damoyselle/ et dit d'elle des maulx infinis dont elle laissera la vengeance a dieu qui sçait tout. Et quant est de sa fenestre elle est sienne & en sa maison. Parquoy elle y peult estre a toute heure ne ne la pourroyt on empescher qu'elle n'y viengne quant bon luy semblera. Au regard des chapperons/ et des robbes nouvelles disoit qu'elle n'a pas dit encores tout ce qui en est/ & que quant il fauldroyt nommer ceulx qui les ont donnees/ voirement elle les nommera bien parquoy de se plaindre d'elle & avoit la demanderesse moult grant tort Et au surplus concluoit affin de absolution et de despens. A quoy ladicte demanderesse respondit disant qu'il vauldroit beaucoup myeulx estre logé aux champs que emprés une femme envieuse/ car elle ne se peult taire tant est courroucee du bien d'aultruy & si en est le service d'amours empesché par ce que plusieurs entreprinses se pourroient faire qui en son rompus et advient moult voulentiers que par telles malles bouches l'honneur est sans cause tolu. et donne l'en charge a ceulx qui n'en peuent mais/ et semble que veu que on ne luy dit mot et aussi qu'on n'entreprent rien sur elle qu'elle deust bien estre contente Mais elle aymeroit mieulx mouryr qu'elle ne parlast ou dist mal d'ung chascun & ne vit d'autre chose oultre ladicte demanderesse que sadicte voisine a bien grant tort et luy venoyt de ung faulx couraige de venir escouter les parens et amys/ et de gecter des pierres pour les faire departir Disoit aussi pareillement que en sa vie ne fist ung rapport maulvais de ladicte deffenderesse ainçoys luy vouldroit a son pouoir garder son honneur comme le sien. Et s'elle avoit aussy bonne voullenté et desir comme elle certainement il ne fauldroit point plaidoier. Surquoy ycelle deffenderesse disoit au contraire que sa partie adverse n'est q'une flatteresse et baveresse/ et que avant qu'elle y venist chascun estoit bien d'accort et sans murmure/ mays maintenant l'on n'oyt que debat et noyse pour et a l'occasion d'elle. Finablement parties ouies elles ont esté appointees en droict et a mectre devers la court et au conseil. Si a la court veu et visité ledict procés/ et tout ce qu'il failloyt veoir en ceste matiere et tout veu et consideré : dict que la fenestre par ou ladicte deffenderesse vient escouter les gens et getter les pierres sera seellee et muree comme une chose condampnee. Et au surplus deffent la court a chascune des parties qu'elles ne parlent l'une a l'encontre de l'autre en quelque façon ne maniere que ce soyt sinon en tout bien et en tout honneur sur peine de la hart et de confisquation de corps et de biens.

¶ Le .xxix. arrest.

Ceans c'est complaint une dame d'ung sien amy disant qu'elle a despieça donné son cueur a luy du tout & qu'il n'est possible a femme de aymer tant homme qu'elle a faict luy/ mais pource que il le scet bien il n'en faict guaires de compte/ & la faict languir en maintes manieres et pour quelque priere que elle luy face il ne la veult entretenir ne luy bien faire/ et quant elle l'envoye querir pour venyr vers elle il se faict celer. Et encores luy promect par serment qu'il y viendra il se faict aller querir trois ou quatre fois et n'en peult l'en venir a chief que a bien grant peine combien qu'il n'y a homme au monde mieulx festoyé ne mieux venu quant on le peult avoyr. Disoit avec ce que puis n'a gueres ceste dame a sceu et est advertie que ledict galant en ayme une aultre/ et est la cause par laquelle il fait tant de reffus qui est tres mal faict a luy/ car il luy a promys foy et loyaulté/ et a veu le temps qu'il eust esté bien eureux quant seullement elle luy eust voullu soubzrire d'ung oeil/ mais l'en dict bien vray quant ilz ont faict des gens il ne leur en souvient plus et sont folles celles qui si fient & disoit ceste dame complaignant que a l'occasion de ce cas et de ce qu'elle voit maintenant que ledict galant l'a layssee pour en prendre une autre elle a eu et a si grande desplaisance au cueur qu'elle n'en sçauroyt boyre ne mengier chose qui bien luy face/ Elle ne peult durer ne dormyr de nuyct/ car tousjours sans cesser pense a luy son cueur luy fremist et luy viennent plusieurs vomyssemens qui tressouvent la font esvanouyr/ elle crache sang a gros morceaux meslés de grant ordure qui est grant pitié. Et brief elle se doubte que ledict gallant ne luy ait baillé quelque maulvais boucon dont elle a celle maladie/ elle ne veit ne n'est soustenue que de souspirs & ne boit que de l'eaue de larmes/ les jambes luy commencent a peler les ongles luy cheoient : parquoy a grant presumption contre luy. Et aussi y a eue information faicte a sa requeste Si requeroit ladicte dame que ledict amant feust estroictement detenu prisonnier et que l'en le contraingnist a en dire la verité par sa bouche. De la partie de cest amant fut deffendu au contraire et disoit que au regard de luy il a esté comme encores est de bonne vie et renommee ne ne fist oncques desplaisyr a ladicte dame ne a aultre qu'il saiche : et aussi ne vouldroyt il faire/ et est bien vray qu'il a fort aymé ladicte dame et servie par long temps sans estre en amende que bien a point quant il l'a bien congneue et veu ses estranges manyeres bien peult estre qu'il s'en est voullu deffaire et delaysser la peyne qu'il y avoit/ Car trop est forte chose de tousjours servyr sans loyer aussi elle a d'autres serviteurs ou elle peult bien renoncer/ et dont elle doibt estre contente. Disoit outre ledit amant qu'il n'est aujourd'huy si perilleuse chose que de se adresser a une dame qui a le cueur vollaige pour le departir en plusieurs lieulx : Car les biens qui en pourroyent venir ne sont jamais entiers ou parfaitz et n'en vient que noyse & discentions entre les contendans et requerans et quelque chose qu'elle di jamays ne le mandast qu'il n'alast devers elle en luy obeyssant plus qu'il n'estoit tenu et tellement qu'il est las du service et n'y veut plus retourner pour le pris aussi est pourveu ailleurs pourquoy de adresser a luy ceste dame si ne faict a recepvoir & quant est de sa maladie qu'elle luy vient d'ailleurs/ mays il failloyt prendre son excusation sur quelque chose et au surplus requeroit ledit amant qu'elle desclairast s'elle voulloyt charger du cas qu'elle luy imposoit/ car il protestoit a l'encontre d'elle d'en avoyr reparation et conclure en amende deshonnorable et proffitable Et sur ce que les gens d'amours disoient que puis nagueres ceste dame estoyt devenue fort maigre et merencolieuse et sechoit sur le pied. Dysoit au contraire ledict amant que par l'informacion qu'il a fait faire touchant justifications et deffences appart qu'il est bien renommé et de leal couraige/ et y a aulcuns tesmoings qui disoient et desposoyent qu'il a eu beaucoup a faire au service de ceste dame/ car au commencement luy a esté fort rude avant qu'elle luy voulsist faire aucun bien Et s'elle est punie de pareille peine elle l'avoyt bien desservy en requerant les gens d'amours qu'ilz se voulsissent adjoindre avec luy tellement que le droit d'amours y fust par tout gardé. Et disoit qu'elle offroit prouver ce qu'elle avoit dit et plus encor parquoy ledit amant devoit estre prisonnier. Et quant est a l'information qu'il avoyt faict faire sur ses justifications l'en n'y devoit adjouster foy/ car tous les tesmoings estoient a sa poste Et au regard de sa malladie affermoit qu'elle ne luy venoyt d'ailleurs que de luy : Et qu'il avoit tort de se plaindre d'elle : car jamais ne trouvera femme qui l'aimast autant qu'elle a faict ne qui luy face autant de plaisirs. Et requeroit provision au moins que pendant le procés luy fust deffendu de non aller devers la dame par luy nouvellement choisie & ledict amant disoit que ce n'estoit pas raison/ car pour elle ne devoit estre retardé son bien. et si luy avoit fait promesse ce n'estoit pas a tousjours/ parquoy n'y cheoit aulcune provision Finablement parties ouyes ont esté appointees en droict et au conseil. Si a la court veu ledict procés et tout ce qu'il failloit veoir en ceste dite matiere Et tout veu dit que lesdites parties ne se peuent aulcunement delivrer sans enquerir la verité de leurs faitz/ et qu'elles sont contraires Si feront leur enqueste et icelle faicte et raportee par devers la court elle leur fera droit. Et au regard de provision requise par ladicte dame la court dit que aulcunne ne luy en sera faicte pour le present mais permet audict amoureux de se pourveoir ailleurs & de servir telle dame que bon luy semblera pendant le procés et jusques a ce que aultrement en soit ordonné. &. c.

¶ Le .xxx. arrest

Ceans c'est plaint ung amoureux d'une sienne dame qu'il a longuement servie disoyt que du temps qu'il eut premierement congnoissance a elle y estoit bien aise et avoit du sien largement. Et quant elle luy demandoit aulcune chose a prester ou donner jamais ne luy eust reffusé Or estoit vray que pour tousjours fournir aux fraictz et aux grans chieretés sa chevance y avoit esté employee. Et tellement que les eaues estoyent devenues bien basses/ mais il cuydoit que elle luy deust subvenir comme il a fait a elle l'a prier de luy aider et de l'entretenir dont n'a riens voullu faire/ ains luy a plainement respondu qu'il perdoit son temps. Et que puis qu'il n'avoit plus de quoy elle n'en tenoit compte/ et non contente de ce luy a faict dire qu'il se retire chiez ses amys/ car plus n'avoit intencion de l'aymer ne aucun bien luy faire. Et encores qui pis est se mocque de luy devant les aultres en le monstrant au doy qui luy est plus dur martire que qui luy frapperoit d'ung cousteau parmy le cueur Si requeroit finablement ledict amant que sadicte dame feust condampnee non obstant son adversité de l'entretenir seullement en amour & luy faire bonne chere comme elle soulloit/ et qu'il feust preferé devant tous les aultres attendu mesmement qu'il estoit des premiers venus & des anciens serviteurs De la partie de ceste deffenderesse fust deffendu au contraire/ et disoit pour son prouffit que quiconcques veult d'amours jouir baille l'argent devant la main et que c'est grant follie que de s'attendre a escuelle d'autruy s'il ne la fournist et remplist Disoit avecques ce/ que le gallant au temps de sa fortune/ et que les biens luy venoient en dormant il s'est mescongneu et en a festoyé d'ungs et d'autres dont il se feust bien peu passer Et se maintenant se il en a disette/ il ne est pas trop mal employé : et quant est de l'aymer elle disoit qu'elle n'y estoit point tenue/ car les biens et vertus qui soulloyent estre en luy n'y sont plus et ne failloit ja ramentevoir les bonnes cheres du temps passé/ car ledit amant luy a faict tant de plaisirs & services aussi luy a elle faict plusieurs services qu'il n'est ja besoing de declairer & puis que ainsi est que povreté maintenant le guerroye adonc elle n'en veult plus ne en avoir plus la garde/ Car aussy au lieu ou elle habite n'y a que toute malheureté et jamais ne se y treuve joye. Et quant est au surplus pour les biens qu'elle luy peut faire luy offroit ung povre baston en sa main pour s'en aller avecques la prebende de vat'en pour recompensation de ses services en concluant que a tort se complaignoyt d'elle et en demandoit despens. Aprés lesquelles deffences proposees les gens d'amours qui s'estoyent adjoinctz avecques ledit amant disoyent que ceste femme n'estoit pas digne qu'on parlast d'elle devant les gens de bien car par son propos jamais n'ayme que pour argent et ainsi confessoyt avoir vendu les biens d'amours & qu'elle en a meschamment usé en son temps et aussi pareillement estoit voix commune renommee qu'elle ayme tousjours troys ou quatre et qu'elle les succe jusques aux os. et puis encore s'en mocque qui est pis/ car quelque femme que se soit jamais ne doit despriser le serviteur qui l'a servie combien qu'il luy souvienne de beaucoup de fortunes/ et requeroyent lesdictes gens d'amours a l'encontre d'elle qu'elle fust condempnee a faire amende honnorable et a luy rendre & restituer tout ce que elle a eu de luy et dont il debvoit estre creu par son serment veu la maniere de proceder/ et avec ce qu'elle soit bannye a tousjours dudit royaulme d'amours comme indigne d'y converser. Ce povre amant pour ses repliques disoit que entant qu'il luy touche qu'il estoit encores content que tous les biens qu'il luy avoit donnez demourassent pour elle/ comme siens et ne vouloit qu'on luy en ostast rien mais requeroit seullement qu'elle l'aymast comme devant et encores promettoit de luy en faire. A quoy elle respondit que quant elle le verroit en feroit son debvoir mais jusques alors luy conseilloit de changer air pour recouvrer santé obvier que il ne fust plus malade. Et disoit oultre que a la contraindre a aymer l'en ne sçauroit/ et aussi telle amour qui seroit donné par force ne dureroit point/ mais plus de mal faict a celluy qui l'obtient que s'il n'en avoit point. Si ont esté les parties ouyes appoinctees en droit & au conseil/ finablement veu le procés considerer tout ce que il failloit considerer en ceste matiere la court dit qu'elle condamne ceste rebelle femme a rendre et restituer audit amoureux tout ce que il affermera en sa conscience luy avoir baillé et donné/ nonobstant l'offre par lui faicte de ne luy en vouloir aulcune chose demander. A laquelle offre la court ne obtempere point veu que ladicte deffenderesse ne l'a attemptee & qu'elle s'est rendue ingrate. et ordonne que a ce faire sera contrainte par la prinse de ses biens & emprisonnement de son corps. Et a tousjours la bannist des biens et service d'amours en disant avoir forfait de corps et biens en maniere qu'elle sera abandonnee a ung chascun pour desormais servir le commun & devenir a tous publique.

¶ Le .xxxi. arrest.

En la court de ceans c'est assis ung procés entre une jeune dame separee de son mary qui ne veult qu'elle porte ses robbes a la nouvelle façon comme les autres disant que naguieres elle en avoit fait faire une bien gente a la façon qui court/ mais il luy avoit fait oster et despouiller en disant qu'elle ne la porteroit point en cest estat par ce qu'elle est trop ouverte par devant/ et que la languette du collet va trop bas et que le giect de la penne est ung petit trop grant & autant en ont ilz fait de son chapperon pource qu'ilz veulent dire que la patte est trop vollant/ et de faict l'en luy muce. De laquelle chose elle a appellé en la court de ceans. Sy concluoit tout pertinent en cas d'appel qui avoit esté mal exploicté & par elle bien appellé Et au surplus requeroit provision que pendant le procés elle peust vestir ladicte robbe/ et sondict chapperon. De la partye desdictz parens et amys intimez fut deffendu au contraire disant que selon la jambe le coup car le monde parle au jourd'huy trop de legier & ce fait bon garder des premiers courroux Or disoit il que sadicte robbe ou houpelande que ceste appellante avoit faict faire n'estoit pas selon son estat/ car il y avoit superfluité d'oultraige que l'en luy devoit tollir pour les inconveniens qui s'en pourroyent ensuyvir & n'estoit tel que tenir en habit et moyen pour obvier aux langaiges des gens qui y pourroyent penser ce que n'est pas/ et en parler a la volee/ et ainsi affin d'eviter tous langages luy avoient voirement ostez & devestuz les habillemens nouveaulx enquoy ne pouoit ladicte dame estre grevee/ veu que lesditz habitz en la maniere qu'ilz sont faitz estoient excessifz & superflux. Et par ainsi concluoit affin de non recepvoir allias mal appellé. L'appellant pour ses repliques disoit que ses aultres cousines et parentes les portent bien tieulx voire plus grans. pourquoy doncques par plus forte raison elle qui mieulx le pouoit faire que elles le peult avoir ne n'y a point d'excés ne d'oultrage ausditz habitz/ quelque chose qu'on vueille dire. Et qui plus est n'y avoit sy meschante morveuse qui ne les facent faire plus excessifz et oultrageux la moytié. Parquoy n'y avoit apparence de empeschement qu'elle ne les deust avoir. a quoy lesditz intimez pour leurs dupliques disoyent que se les unes veulent faire les folles elle ne le debveroit pas pourtant faire. et aussi eulx qui en ont a garder ne le souffriroyent point. Et si doibt l'en en tel cas gouverner par l'oppinion des anciens qui ont esté au temps passé lesquelz sçaivent bien que c'est de telles choses. Finablement partyes ouyes elles ont esté appointez en droit & a mettre par devers la court et au conseil ce que bon leur sembleroit. Si a la court veu ledit procés avecques ce qu'il failloit veoir en ceste matiere & tout veu la court met ladicte appellation & tout ce qui a esté appellé au neant et sans amende et despens et pour cause. Et ordonne que les robbes et chapperons/ et habitz d'ycelle dame seront visitez que deux cousturiers/ et deux pelletiers non suspectz ne favorisables a l'une ny a l'autre des parties & avec ce que par leur raport et visitation il y aura aucune chose a redire ou qu'ilz ne seront assez passables selon le temps. la court ordonne que lesdictz cousturiers et pelletiers les referont et metteront a point par le conseil. Touteffois des prochaines parentes. C'est assavoir des deux femmes du costé du mary & deux du costé de la femme non trop mondaines ne bigottes que s'il advenoit qu'elles ne se peussent accorder ensemble/ elles pourroyent se bon leur semble appeller avecques elles de leurs famillieres voisines en tel nombre qu'il leur plaira pour eulx aider & conseiller mais touteffois la court entent que de dix parolles et oppinions qui seront par elles dictes en la besongne/ elles ne vauldront ne seront comptees que pour une/ veu que l'on n'en auroit jamais trouvé la fin

¶ Le .xxxii. arrest.

Ceans c'est complaint une jeune femme d'ung galant qui luy veult soustraire sa nourrisse. Dysant que sans cesse il se joue a elle dont il ne lui plaist gueres/ car au dernier craint qu'il ne luy vueille brouiller son laict et pour ce il luy en fauldroit avoir une aultre/ laquelle chose luy seroit ung grant desplaisir pource que l'enfant a desja acoustumé sa mamelle. Et disoit oultre que sadicte nourrice a cause de l'accointance qu'elle a nouvellement prinse avec ce galant ne fait pas si bien son devoir de penser sondit enfant comme a elle soulloit mais devient toute seiche et en chartre/ Parquoy requeroit celle dame que ledit gallant feust condampné a soy absenter de auprés de sadicte nourrice et qu'il ne parlast a elle en quelque maniere que ce feust. de la partie dudit galant fut deffendu au contraire & disoit que a ladicte nourrice il n'avoit ne voulu avoir habitude que bien apoint/ et qu'il n'estoit point recors que il eust parlé a elle sinon en passant qu'elle luy disoit dieu vous gart et il luy dist aulcuneffois a dieu Et ne peult on a tout le moins que respondre/ ou dire aulcune chose quant on salue les gens. Disoit oultre que veu que ladicte nourrice ne se plaignoit de luy & qu'elle ne veult pas dire qui l'ait voulue seduire & barguignier sa maistresse n'est pas recepvable a ce adresser a l'encontre de luy. Aussi pour ladicte maistresse ne pour la nourrice et ne s'en vouldroit travailler ung pas ains est content qu'il ne la voye jamais/ et qu'on la garde de luy tant qu'on vouldra. Si repliquoit ladicte dame et disoit que du parler ce estoit du moins. Mais elle doubtoit bien d'aultre chose/ c'est que il luy troublast son laict et que quant eulx deux seroyent ensemble pour faire leurs besongnes ou parler de conseil que sadicte nourrice laissast son enfant crier tout par luy a son ayse et que lors il cheust en quelque lieu et s'affolast par ce que quant on est en ce cas il n'en chault guieres ne n'en souvient nomplus que des vieilles matines & quant est de la poursuite que elle en faisoit de present n'estoit que pour l'interest de son enfant & nompas de ladicte nourrice. A quoy ledit galant pour ses duplices disoit que de sadicte nourrice n'avoit cure & quant il vouldroit il trouveroit bien ailleurs a jouer en concluant comme dessus Finablement les parties ont esté apointees en droit et au conseil et a la court veu ledit procés et consideré la court dit que ladicte dame ne fait a recepvoir a soy complaindre dudit galant & l'a condampnee es despens

¶ Le .xxxiii. arrest

En la court de ceans c'est complaint ung vieillart d'une jeune dame par ce qu'elle ne le vouloit aymer/ disant que il luy a ja donné plusieurs ceintures & chaperons affin de estre en sa grace/ mais elle n'en tient compte/ trop bien quant elle veult avoir de luy aucune chose elle le scet le mieulx entretenir du monde en le baisant et acolant mais quant vient au fort luy respondit nescio vos en luy faisant la renchiere/ & brief il ne scet ou il en est car quant il cuide avoir fait c'est lors que il est a recommencer. et pource requeroit que veu que il a si grant amour en elle et qu'il l'a servie et encores a intencion de faire qu'elle fust condampnee a l'aymer et a luy faire des biens comme dame doit faire a son serviteur/ & de la partie de ceste dame fut deffendu au contraire & disoit que c'est contre nature a une jeune femme d'aimer vieillart car ce sont choses contraires comme blanc et noir & incompatibles comme chault & froit aussi par ordonnance d'amours que quant ung homme est vieil il est excusé de servir. disoit qu'elle ne luy sçavoit bien faire il cuide que on doive tout laisser pour entendre a luy & qu'on le doyve chauffer & froter la teste pour le endormir qui est chose mal sortyssant a jeune femme & quant est des dons que ledit vieillart se vantoit luy avoir donné. Respondit qu'il n'estoit pas vray & que en sa vie ne luy avoit donné q'une armerie a .xvi. pampes que elle garda & mist en sa quenoulle pour la paour de luy/ & estoit donc l'accointance bonne. Disoit oultre que elle aymeroit myeulx estre bruslee que de riens avoir prins de lui/ car il ne le valoit pas. Et quant est de se aymer il y seroit avant autant que charlemaigne en espaigne/ & aussi l'avoit elle ja par plusieurs fois reffusé. Et concluoit affin de non recepvoir allias soubstenoit son reffus & demandoit les despens A quoy il replicquoit et si disoit que se elle ne le voulloit aymer pour l'amour de luy/ au moins pour son argent qu'il fust aymé/ car il lui avoit du tout bouté son cueur en elle/ mais la dame respondit que pour luy ne feroit rien et pour son argent encores moins en disant que ledict vieillart avoit plus grant mestier d'une bouteille et d'une bassinouere pour son lict eschauffer que de tous les biens d'amours Finablement partyes ont esté appointees en droict et au conseil. Si a la court veu ledict procés et tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere : et tout veu dict que a tort et maulvaise cause ledict vieillart c'est doulu et complaint de ladite dame et que a bonne et juste cause elle l'a reffusé et le condempne es despens de la tauxation reservee.

¶ Le .xxxiiii. arrest

En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre d'eux beaux jeunes enfans portans le noir en leurs devises heritiers et ayant cause d'ung amant trespassé de dueil de sa feue dame demandeurs en cas d'excés d'une part et la mort deffenderesse audit cas d'aultre part Et disoyent lesditz demandeurs que ja pieça dame nature de beaulté pour monstrer l'excellence de leur ouvraige ilz allerent produirent et formerent ung corps de femme le plus bel qu'on pourroit guieres choisir dont le deffunct fut serviteur et estoit ceste femme avecques la beauté qu'elle avoit d'elle & remplie de toutes les vertus especiales que jamais femme peult avoir c'est assavoir de doulceur d'honneur de humilité de gratieuseté de beau maintien et doulx regard tant que nulle ne la passoit Et advint que pour les grans biens qui estoyent en elle que tout chascun luy souhaitoit des biens largement ce luy portoit grant honneur mais ladicte mort qui en eut desplaisance et pour l'oster de ce monde luy getta son dart et l'occist piteusement de laquelle chose ledict deffunct son amy et serviteur/ print telle desplaisance en luy qu'il en cheut mallade au lict : et aprés ce qu'il eut faict son testament ne demoura gueres qu'il n'allast aprés elle Or disoyent leurs heritiers que veu que cesditz deux personnaiges estoient en saufconduit d'amours et en la sauvegarde/ que ladite mort n'y avoit que congnoistre et/ que par ainsi de les avoir tués elle en estoit tout du long tenue et estoit le cas digne de reparation/ attendu qu'il y avoyt eu meurdre et occision qui estoit inreparable et pource concluoient lesditz heritiers et heritieres a l'encontre d'icelle mort qu'elle fust condampnee restituer et remettre la vie es corps dudit feu amant et de sadicte dame qu'elle avoit ainsi tués s'il estoit possible & faire se pouoit/ et a tout le moins a restablir le corps par figure & a les faire paindre au vif ainsi et en la maniere qu'ilz estoyent au temps de leur bonne santé/ affin que leur pourtraicture demourast sur terre & qu'il fust encore memoire d'eux Et avec ce que iceulx heritiers desditz deffunctz fussent declairés exemps de ladite mort au moins jusques a ce qu'ilz fussent aagés que avoit esté abregee la vie desditz deffunctz leur fut donnee et prolongee de temps de vivre en ce lieu. Et pour reparacion des excés qui estoyent grans concluoyt en amendes honnorables et prouffitables a la discretion des gens d'amours. De la partie de ladicte mort fut tendu affin de non proceder disant que toutes choses crees sur terre sont en sa subjection et qu'il n'y a personne tant soit fort qui se puisse exempter d'elle/ car elle a seigneurie et domination sur toutes creatures humaines soient hommes ou femmes bestes ou oyseaulx arbres et raciers voire et telle maniere qu'elle leur peut abreger leur vie et les prendre sans ce qu'il en soit plus parlé : & de ce qu'elle en faict soit bien ou mal n'est tenue de respondre que devant le grant juge et n'y a justice d'amours ne d'aultre ou elle soit subgette et par ainsi perseveroyt en sa declinatoire & concluoit affin de non proceder Lesditz heritiers demandeurs disoient au contraire que en ceste matiere estoit question de sauvegarde et entreprinses faictes/ sur les droitz d'amours/ parquoy la congnoissance en appartient a la court de ceans et non a aultre : aussi estoit ce court souveraine & y avoit esté la cause commise de par amours et les lettres expresse au cas/ sy que n'estoit par ce moyen ledict declinatoire recepvable ains debvoyt ladicte deffenderesse aultre ou les conclusions requesté par iceulx demandeurs leur debvoyt estre adjugez. En requerant l'adjonction des gens d'amours qui de leur costé disoient que c'estoit mal fait aux advocatz de proposer telles declinatoires contre l'honneur et prerogatives de la court de ceans ou ilz avoyent esté nourris car il estoit tout notoire que des abbus et entreprinses faictes au prejudice d'amours et de ses subjectz la court en devoit congnoistre disoyent oultres lesdictes gens d'amours que par beaulx previleges et anciens droitz du demaine/ la mort n'a que congnoistre sur amant qui sont en la sauvegarde d'amours/ et qu'elle ne les pouoit prendre ou faire mourir sinon qu'ilz feussent/ ou soyent hors d'aage/ ou que ilz ayent renoncé a l'amoureuse aliance d'amours : et sur ce alleguoient plusieurs loix : disoyent aussy que ces amoureuses n'estoyent exemptees de la mort au moyen desdis previleges jamais ne se mettroyent au service veu que ilz seroyent tous les jours en danger de leurs personnes/ & qu'il soit vray que la mort n'avoit point de congnoyssance sus eulx il en apparoissoit assez/ & que par experience des amoureux qui montent et devallent de nuyct du hault de deux ou troys estaiges par une touaille ou longiere pour entrer en une maison sans eulx blesser ou mal faire quelconque. pareillement de ceulx qui couchent entre deux goutieres toute la nuict voire quant il gelle a pierre fendant & si n'ont point de la couverture ne de froit & aussi de ceulx qui se font avaller par souspiraulx/ qui endurent aulcunesfoys aux baingz l'eaue si chaulde qu'ilz sont tous bruslez & si ne sentent point le feu ne la chaleur/ ainçoys par cela guarissent toutes maladies et de tous maulx/ et toutesfois raison est que la ou il seroit ainsi que la mort eust puissance sur telz parens il n'en eschapperoit pas ung veu les peines et tormens qu'ilz seuffrent et les dangers ou ilz se mettent dont touteffoys l'en ne peult veoir du contraire et que ladicte mort n'a pouoir ne auctorité sus ceulx qui sont ainsi au service et en la sauvegarde d'amours/ aultres soyent exemptz d'elle parquoy ne se pouoit ladicte mort excuser qu'elle ne deust estre contraincte a proceder en la court de ceans au regard mesmement que les excés par elle commis avoyent esté faitz en enfraingnant la saulvegarde d'amours ou lesditz deffunctz amoureux estoyent quant il les laissit mourir/ mais ladicte mort en perseverant tousjours en sa declinatoire disoit que la court de ceans ne pouoit estre son juge car elle n'y estoit subjecte ne obeissante & oultre plus disoit que de avoir prins et tué lesditz deffunctz n'avoit aulcun exemptz ne sauvegarde enfraindre parquoy n'en pouoit congnoistre. Et supposé qu'il y eust excés si n'en pouoyt la matiere estre ceans traitee car elle avoit a somer ses garans comme fortune & aultres qui n'y respondroyent pas & au regart ces previleges & exemptions dont les gens d'amours avoyent parlé respondit ladicte mort qu'elle a previlege sur amours et par tout et que avant qu'il fust oncques nouvelles d'amours ne d'amytié elle estoit nee & usant en terre de sa puissance & s'elle differoit a faire mourir tels jeunes amans qui ainsi se advanturent & mettent en danger de leurs personnes par leurs folies mondaines/ c'estoit de grace et de permission seulement qu'on ne luy pouoit retorquer au prejudice/ & voit on tous les jours les plus huppez passer par la quant il luy plaist. Et si la mort ne les prent pas quant ilz sont malades Ains laisse faire nature son debvoir/ et attend bien souvent que telz amans soyent tous secz/ & qu'il leur ennuye d'estre au monde en la soubhaictant pour les biens d'amours qui leur deffaillent en concluant comme dessus Surquoy les heritiers d'iceulx deffunctz demandeurs disoyent que si leur failloit faire ailleurs leur poursuite ilz seroient destruitz a tousjours et n'auroyent dequoy fournir Et oultre disoyent que veu l'enormité du cas la court en debvoit retenir la congnoissance & quant aux gens d'amours ilz dupplicquoyent et disoient que la mort ne pouoit avoir previlleges contre ceulx d'amours/ car avant que oncques la mort feust/ estoit nee amyctié/ et ne fut la mort ordonnee fors que pour appaiser les debatz de cedit monde/ et oster ceulx qui s'entrehayent qui font les noyses & que nature ne peult plus soubstenir : Or estoit il ainsi que ces deux trespassez dont estoit question estoient en la plus grande amyctié et aliance d'amours qu'il se pouoit faire en sa sauvegarde. parquoy d'avoir ainsi exploité la mort avoit trop mesprins et excedé/ Et failloit qu'elle en respondist ceans & non ailleurs. Ouyes lesquelles parties en tout ce qu'elles ont voulu dire et alleguer/ elles ont esté apointees en droit & a mettre par devers la court et au conseil. Si a la court finablement veu ledit procés & tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere a grant et meure deliberation. et tout veu la court dit que ladicte mort deffenderesse procedera en la court de ceans nonobstant chose par elle proposee au contraire dont elle deboute et deffend a tous les advocatz de ladicte court que ilz ne proposent ou alleguent telles declinatoires sur peine de l'amende.

¶ Le .xxxv. arrest

A la requeste du procureur general d'amours une vieille femme a esté prinse & constituee prisonniere pour raison & a cause de certaines parolles mal sonnantes qui ont esté dictes et proferees de sa bouche. Si a depuis esté interroguee sus les charges/ et informations faictes a l'encontre d'elle sus quoy en effect elle a deposé et confessé que veritablement en haine et despit de ce qu'elle ne estoit appellee de aller aux grans chieres comme sont bancquetz & nopces ainsi que les aultres elle mal meue & de de felon couraige avoit et a dit que ce n'estoit pas tout acquest d'y estre & que s'elle estoit homme aussi bien qu'elle estoit femme elle n'y laisseroit pas de leger aller sa femme ne ses filles avec plusieurs autres choses au prejudice d'amours/ et de ses droitz declairees a plain en sa confession qui a esté monstree aux gens d'amours lesquelz ont par ycelle prins droict et baillé leurs conclusions tendant affin que ladicte vieille qui avoit parlé contre la souveraineté d'amours fust pugnie de pugnition corporelle et oblicque pour monstrer exemple aux autres/ et en ce faisant qu'elle eust la langue couppee ou que on luy plantast ung fer chault et ardant au visage. Et aussi qu'elle feust bannye a tousjours hors du royaulme d'amours et ses biens declarez confisquez. A l'encontre desquelles conclusions ladicte vieille deffenderesse pour la diminution de la paine/ disoit que l'en ne doit pas de si pres prendre garde aux parolles des femmes Car souvent parlent de legier et contre elles mesmes/ mais entant qu'il luy touchoit elle sçavoit bien voirement que elle avoit failly/ et mal parlé. Mais la court devoit avoir regard a ce que se avoit esté par chaulde colle & sans y penser et aussi par la desplaisance de ce que n'en ne tenoit compte d'elle et qu'on ne daignoit la mander ausdictes festes & bancquetz. Si a la court veues les charges et informations/ la confession de ladicte deffenderesse/ les conclusions des gens d'amours/ et les deffences baillees au contraire & tout ce que il failloit veoir en ceste matiere a grande & meure deliberation. Et tout veu et consideré ce qu'il failloit a considerer. Ladicte court condampne ycelle vieille deffenderesse pour les excés et delictz par elle commys alentour l'escripteau qui s'ensuyt.

En ma vie je ne fuz meurdriere
Ne larronnesse : ne coustumiere
De amans blecer & ravaler
Mais affin que mon cas declaire.
J'ay eu la bouche trop legiere.
Gardez voz langues de parler.

¶ Le .xxxvi. arrest.

En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre les heritiers de une dame naguere trespassee demandeurs d'une part et les official vicaire et prometeur d'amours deffendeur d'aultre. Et disoyent lesditz demandeurs que la deffuncte estoit en son temps bien gente & gaillarde/ sage et sçavante et soubz laquelle s'elle eust vescu plusieurs vaillans cueurs amoureux eussent peu apprendre du bien Or estoit vray qu'elle qui estoit de noble couraige voulloit bien adviser tousjours en son faict. et fust en nopces ou en aultre festes et gardoit bien qu'on ne se moquast de chose qu'elle fist mais il advint que ung jeune gallant mal habillé & ressemblant a ung varlet dimencheret qu'elle encores ne congnoissoit la vint prier de dancer et pource qu'il n'estoit pas lors en point et aussi que son costé estoit lasse et n'en faisoit que venir elle l'esconduit bien gracieusement disant qu'elle ne voulloyt plus dancer dont il se deporta & s'en alla sans dire a dieu Mais encore il ne fut pas content de cela ainçoys quant vint de rechef a dancer au chapelet ledit gallant se mist a dancer et aprés ce qu'il eut le chapellet a son tour il le vint presenter a elle laquelle le receut mais quant vint ledit galant tendoit la bouche pour la baiser/ elle se torna la teste de l'autre costé en le reffusant tout court dont il conceut hayne et malveillance mortelle contre ladicte deffuncte Pour laquelle mettre a execution il la fist citer devant ledit official d'amours par devant lequel elle voyant qu'il n'estoit point son juge ne capable de congnoistre de la matiere ne comparut point Si fut mise en coustumace. au moyen de laquelle elle fut ainsi que l'en veult dire excommuniee & depuis est advenu qu'elle est encheute en aucune maladie de fievres qui l'en ont emportee/ et a finé ses jours bien honnorablement et faict son testament et toutes aultres choses que bonne et tres loyalle dame doit faire. Mais avant est venu a l'encontre ledict official vicaire et prometeur soubz umbre de ce que il vouloit dire qu'elle estoit excommuniee pour raison de ce que dit est : ilz n'ont voulu donner congé ne licence de l'enterrer ou elle avoyt ordonné : mais l'ont faict porter aux champs et enterrer en une grande piece de terre toute pleine d'orties et de chardons : laquelle chose redonde au vitupere et honneur de tous les parens et amys de ladicte deffuncte qui sont gens de bien et des plus notables : par quoy l'excés en estoit plus grant Et par ses moyens concluoient lesditz heritiers demandeurs a l'encontre desditz official vicaire et prometeur d'amours. Et pareillement aussi contre le galant qui avoit faict citer icelle deffuncte qu'ilz et chascun d'eulx fussent condempnez et contrains a revocquer casser et adnuller lesditz citacion sentence et excommuniement donné contre ladicte deffuncte par prinses de leurs personnes et du temporel desditz official et promoteur de l'eglise et a publier devant ung chascun que a tort et sans cause icelle deffuncte avoit esté citee et excommuniee Et avec ce ilz fussent condampnez a la faire deterrer et apporter son corps et ses os en ung des cimetieres d'amours et contrains a estre tous au convoy du corps affin de reparer et restituer le deshonneur qu'ilz luy avoient fait. Et semblablement que ung chascun d'eulx fust condampné a une bonne amende proffitable. A ces fins offroyent a prouver et demandoient despens dommaiges & interestz a l'adjonction des gens d'amours De la partie desdictz official vicaire prometeur et gallant fut deffendu au contraire : et disoient qu'il estoyt permis de citer et excommunier tous ceulx & celles qui detiennent des biens d'amours ou qui injurent et se mocquent de ceux qui sont en la poursuite : et dont la congnoissance et pugnition en appartenoit audit official Or estoit vray que ladicte deffuncte avoit reffusé detenu et occuppé le bien qui estoyt deu a ce gallant icy/ et encores l'avoit farcé et mocqué/ parquoy il c'estoit rendu plaintif d'elle & l'avoit fait citer a certain jour auquel elle se reputant coulpable du cas et mesprisant la court n'avoit daigné venir ne comparer. Mais c'estoit laissee mettre en coustumace et excommuniement qui fut publié. Or est advenu voirement qu'elle est trespassee sans soy faire absouldre : parquoy l'en l'avoit faicte enterrer ou elle devoit Et a ceste cause apparoissoit clerement que l'en n'y pouoit avoir aulcun mal ne excés et au regard de la deffuncte/ posé qu'elle eust bonne cause d'avoir reffusé le galant touteffoys elle devoit venir declairer ou en faire proposer au jour qu'elle fut citee sa declinatoire sans soy laisser mettre en coustumace et sentence d'excommuniement qui donnee estoit justement Et quant est de l'enterrement par consequent il avoit esté fait ainsi que faire ce devoit Et aussi se les sentences ne sortissoient en effect/ l'en ne tiendroit plus compte de justice ne de faire mal. Et a ce que les heritiers disoient que la deffuncte n'estoit subgette a la court dudit official : respondoyent que ouy/ car aussy le jeune galant estoyt clerc non marié/ lequel entant qu'il touchoit sa personne disoit que la deffuncte ne devoit point estre desheritee et mise en aultre lieu qu'elle estoyt car pour le reffus qu'elle luy fist il avoit esté en danger de mort de la paine et de la honte qu'il en eut devant tant de gens. Et s'elle eust voulu dancer ung tour avec luy il n'en eust jamais parlé. Et quant est de ce que les demandeurs ont fait dire qu'elle ne le congnoissoyt et qu'il estoit habillé en varlet dimencheret c'estoit mal dit a eulx car il la valoit bien ou myeulx et le congnoissoit assez bien. Mais elle estoit tant fiere & orgueilleuse qu'elle fist semblant de ne l'avoir jamais veu. Et le reffus qu'elle luy fist ne vint que par presumption et oultrecuydance qui la conduisoit Et concluoient en effect lesditz deffendeurs affin d'absolution & despens. Et au regard des gens d'amours ilz disoient que entant qu'il touchoit le droict des deux parties. C'est assavoir se la deffuncte avoit eu juste cause de le refuser ou non/ ilz n'en pouoient rien dire pour le present/ Car ilz n'avoyent veu les informacions. Aussi n'en estoit de present question entant que touchoit la citacion/ procés et excommuniement faictz par ledit official d'amours tout devoyt estre dict et desclairé nul et de nul effect. Lesdictz deffendeurs grandement abbusans car du faict du chappellet ne de quelconque aultre dance n'en appartenoit la congnoissance que a la justice seculiere d'amours trop bien des promesses secretes qui se font en dançant peuent bien congnoistre de ce cas icy non Et pource c'estoit une vraye entreprinse contre la justice laye qui se devoit reparer par une tresgrande et merveilleuse punition/ car combien que lesdiz official vicaire et prometeur sceussent bien qu'ilz ne pouoient sçavoir ne avoir la congnoissance de ceste matiere et que la citacion et sentence d'excommuniement ne se peult bonement soubstenir/ neantmoins comme obstinez en leur maulvaise voulenté l'ont voulu faire sortir en effect en contraingnant ceste povre femme que Dieu absolve a estre au moyen de ce enterree et en terre prophanee qui a esté certainement tresmal faict a eulx. Et pource concluoient lesdites gens d'amours/ que tout ce qui par eulx avoyt esté faict fust declairé nul et de nulle valeur comme faict en abusant et entreprenant sur la justice et juridition laye. Et avecques ce que ledit official prometeur et officiers et aussi que lesditz amoureux fussent condempnés a reparer lesdictz excés & en ce faisant qu'ilz fussent contrainctz de desterrer eulx mesmes ladicte deffuncte et la porter en ung cercueil devant tout le monde jusques au cymettiere d'amours et qu'elle ordonne a estre enterree/ Et pareillement de assister et estre presens tous tout du long du servyce qu'on fera a celle deffuncte. Et en oultre que ilz fussent condampnés a publier ou faire publyer/ par le crieur qui yra devant le corps a toute sa sonnecte que la deffuncte avoyt esté injustement excommuniee. A quoy lesdictz deffendeurs disoient que de prendre les conclusions contre eulx lesdictes gens d'amours n'estoient pas recepvables/ car ce que ilz avoyent faict avoyt esté en excersant la jusridicion espirituelle d'amours. Et quelque chose qu'il leur pleust a dire/ la congnoyssance du faict du chappellet leur appartenoyt et ainsi en avoient congneu & usé Et quant a la deffuncte elle fut cause dudict excommuniement entant qu'elle ne vouloit comparer Au regard de l'absolucion ilz ne l'eussent peu bailler sans le vouloir de partie qui n'y consentit oncques/ et ainsi estoyent lesditz deffendeurs en voye d'absolucion/ mais les gens d'amours disoyent au contraire qu'ilz ne pouoient toucher au fait dudit chappellet non plus que au feu. Et s'ilz en ont congneu au temps passé ce a esté par entreprise et en abusant. Et aussi disoyent les heritiers d'icelle deffuncte que veu que ledit official n'estoit point juge d'elle/ elle n'y debvoyt comparoir ne envoyer. et au regard des charges que ledict galant bailloit a ladicte feu dame ne pouoit estre plus humble et gracieuse qu'elle estoit comme l'en pourroit sçavoir par tous ceulx qui l'avoyent hantee. Et aussi n'y avoit point d'apparence de aller baiser ung homme a la vollee sans le congnoistre/ et qui estoit habillé comme ung vielleux en concluant comme dessus. Ouyes lesquelles parties en tout ce qu'elles ont voullu dire et alleguer elles ont esté appointees en droict. Si a la court veu et visité ledict procés et tout veu/ et consideré ce que il failloyt considerer/ ladicte court condampne ledict official vicaire et prometeur d'amours et aussi ledict amoureux et chascun de eulx entant qu'il luy touche a revocquer/ casser/ et adnuller lesdictes citations excommuniemens procés et procedures faictes par devant ledict official et a mettre au neant a leurs propres coustz/ et despens. Et avecques ce je condampne tous ensemble a deterrer et oster/ ou faire deterrer et oster ladicte deffuncte du lieu la ou elle est pour porter & enterrer au cymetiere d'amours dedans ung beau carreau de girofflee/ & au lieu ou elle a esleu sa sepulture par son testament. Et si les condampne en oultre a aller tous au pres du corps jusques en l'esglise/ et y estre tout du long du service de ladicte deffuncte. et deffend ladicte court audit official que desormais de telle matiere qui touche ledict chappellet ne les despendences il n'entrepreigne congnoissance sur peine d'amende arbitraire.

¶ Le .xxxvii. arrest.

En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre une gracieuse dame demanderesse d'une part et les religieux cordeliers de l'observance d'amours deffendeurs d'autre part. et disoit ladicte dame que ja pyeça elle eust grande acointance de familiarité singuliere avec ung jeune religieux nouvellement rendu de l'ordre & tellement qu'ilz se donnerent l'ung a l'autre & promisrent ne separer l'alliance d'entre eulx d'eux pour quelque temps ou fortune qui leur peust advenir. et sur ces choses y eut encores veuz fais en amours confermatoires d'ycelle aliance tant et si avant que faire se pourroit en tel cas mais ce nonobstant ledit amoureux cordelier et pour une petite fumee ou quelque desplaisance qu'il a eue/ puis n'a guieres de temps en ça s'en est de son auctorité et sans le consentement ne prendre congié de sadicte dame aller bouter et rendre en ladicte religion ce qu'il ne pouoit ne debvoit faire/ ainçoys venoit directement encontre son premier veu et serment. Et pource que ceste dame se sentoit tenue quant a l'ame de le declairer une foys/ et qu'elle avoit tresgrant interest d'avoir quitance & renonciation de sa promesse pour se pourveoir ailleurs en lieu de luy d'ung aultre amant et serviteurs elle concluoit et requeroit que lesditz religieux cordeliers fussent condampnez a faire exhibition audit amoureux rendu cordelier & de le amener en justice pour le contraindre et entretenir a ses premiers veuz et promesses ou y renoncer/ et la quitter au regard d'elle ne voulloit pas empescher le sauvement de son ame et qu'il ne demourast religieux de l'ordre s'il en avoit la voulenté. De la partie desdictz religieux de l'observance si fut deffendu au contraire et disoyent que la demande que faisoyt la dame n'estoit pas recepvable car l'amant religieux rendu cordelier dont estoit question estoit ja cordelier vestu/ et avoit fait les veuz de l'observance d'amours par les trois Esquelz veuz d'ycelle observance il est deffendu expressement de ne parler jamais a femme/ parquoy donc de le voulloir contraindre maintenant a le veoir & parler a elle dessoubz umbre de renonciation n'y avoit apparence et estoit trop tard de venir aprés ladicte reduction ramentevoir Et mettre en lieu de present lesdictes aliances promesses et follyes du temps passé. Disoient oultre lesditz religieux que quant ledit amant fut rendu & vestu de l'habit de l'ordre/ ladicte dame deffenderesse y estoit presente & luy veit faire les veuz pourquoy lors debvoit declairez lesdictes promesses et se opposer pour le droyct que elle veult deduire Et sembloyt soubz correction que c'est grant abbus a elle de venir maintenant par telz moyens pour troubler ledict religieux rendu et le mettre es choses mondaines qu'il a ja oubliees Si disoyent par ces moyens lesditz religieux qu'ilz n'estoyent tenus de exiber ledict cordelier/ et pour chose que on peust faire jamais ne partiroit de ladicte religion. A quoy ladicte dame pour ses replicques disoit/ que elle ne voulloit pas le retraire hors de religion ne de le mouvoir de son entreprinse/ mais requeroit seulement pour sa descharge que il renonçast a sa promesse qu'il luy avoit faicte/ et tout ce qui avoit esté faict/ et dict entre eulx deux feust declairé nul et comme non advenu Et disoit oultre ladite dame que cela se debvoit faire avant toute oeuvre/ car elle voulloyt obvier au dangier d'amours qui s'en pouoit ensuivir/ elle vouloit avoir enseignement de la renonciation desdictz promesses et pour monstrer qu'elle aymoit entretenir sa foy mieulx que luy affin qu'on ne luy en peust reproucher riens. Et au regard de ce que lesdis cordeliers disoient que icelle dame estoit presente quant ledit nouveau cordelier fut rendu & qu'elle luy vit faire les veux respondit qu'il estoit bien vray qu'elle y fut avecques ses autres cousines & parentes/ Mais a la verité quant elle veit qu'on le deshabilloit tout nud pour le vestir en cordelier les lermes luy vindrent aux yeulx a si grant affluence qu'elle ne sceut qu'elle devint & luy commença a soubzlever le cueur par telle façon que elle s'esvanouyt en plain chappitre et ne luy souvenoit alors d'aliance ne de promesse/ car il n'est au monde si grant douleur a femme que de veoir son amy rendu en religion. parquoy fault la excuser Et quant elle n'eust point esté troublee si n'eust elle pour rien entreprins d'aller desclairer devant tout le monde qui ne se pouoit rendre pour blasme et deshonneur qu'il en eust peu avoir. Et a ce que lesditz deffendeurs disoient en oultre que pour rien ne le laisseroient partir de religion respondit ladicte demanderesse que par force ilz devoyent estre contrains/ et que au regard d'elle elle avoyt contenné de ne parler point a luy sinon en la presence de deux ou trois religieux telz qu'on vouldroit amener/ mais il estoit force que a la quitance & renonciation desditz promesse ce fist en jugement/ car il y avoit lettres signees de leur main de l'ung et de l'autre qu'il convenoit rompre et casser devant la justice d'amours en concluant au surplus comme dessus Mais lesditz cordeliers deffendeurs perseverant tousjours en ce qu'ilz avoient proposé disoient que ce n'estoit pas raison que ledict amant rendu cordelier vint en jugement ne qu'il vist plus ladicte dame. Primo car se seroit contre son veu qu'il a faict de ne partir jamais de la religion sans licence du general Secundo : car par la reigle de l'observance d'amours telle comme chascun scet ceulx qui y sont rendus jamais n'en peuent saillir sinon que le feu les contraingne a ce faire & sont reputez mors au monde/ ne n'y a nul qui en puisse partir dehors excepté ceulx qui sont deputez a leur tour pour aller querir la pitance & la pourveance du couvent Et pource de requerir maintenant par ladite dame que ce jeune cordelier qui a renoncé aux joyes et a la pompe du monde et qu'il voyt ce quel a cuidé faire perdre a tousjours il n'y avoit nulle apparence et posé que icelle demanderesse fust troublee quant elle le veit ainsi vestir et entrer en la religion touteffoys cela ne la pouoyt pas excuser du tout/ car entre le temps qui vint premierement d'amours en la religion & celluy de la redicion elle avoit eu bon loysir de soy venir opposer et remonstrer lesdites aliances et promesses. Ouyes les parties en tout ce qu'ilz ont voullu dire et alleguer elles ont esté appointees a mettre par devers la court et au conseil. Si a la court veu ledict procés et a grant et meure deliberation avec tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere. Et tout veu la court dit que non obstant chose proposee par lesditz religieux cordeliers de l'observance ledict amoureux nouvellement rendu cordelier viendra en la court de ceans renoncer aux promesses et alliances d'amours par luy faictes avec ladicte dame pour sa descharge & en aura lectre ou acte se bon luy semble. Et si ordonne la court que lesdis cordeliers seront contrains par la presence de leur personnes et ouvertures de leurs portes a faire exhibicion dudict cordelier & le amener en jugement pourveu toutesvoyes que bon leur semble ilz luy pourroyent mettre ung bandeau devant les yeulx affin qu'en parlant ou renonçant audictes promesses et alliances il ne puisse veoir la demanderesse jadis sa dame Et au surplus sont compensés les despens d'ung costé et d'aultre et pour la cause.

¶ Le .xxxviii. arrest.

Ja pieça ung povre amoureux plain de dueil prya moult une jeune dame de dancer avec luy dont elle feut reffusante et ce excusant sur ce qu'elle disoit qu'elle ne faisoit que venir Et depuis encore une aultre journee la pria tresinstamment que seulement affin qu'il ne fust mocqué elle fist ung tour avecques luy mais comme devant elle n'en voulut riens faire. Disoit aussi que depuis il l'a saluee par plusieurs fois & osté son bonnet quant il la rencontroit/ mais pource qu'elle peult bien appercevoir qu'il l'ayme & en est ung petit feru elle ne daigne parler a luy et se d'aventure elle luy a dit a dieu : c'est en hochant la teste Desquelz reffus et desdaing dessusdict ledit povre amant a appellé a la court de ceans et relevé contre ladicte dame qui n'y est voulu venir ne comparer ains se est laissee mettre en deux deffaulx et tout ce que bon luy a semblé devers la court. Si a la court veu lesditz deux deffaulx en ce qui a esté produit et tout veu ladicte court par vertu des deux deffaux a jugé audit amoureux demandeur tel prouffit qu'il s'ensuit. c'est assavoir qu'il a esté bien appellé par luy & mal refusé par ladicte dame Laquelle court l'a condempnee a dancer avec luy maulgré qu'elle en ayt. Aumoins faire deux ou trois tours : & permet ladicte court audit amant quant on dancera une dance a trois de se y bouter sans dire mot pour faire ung tiers & en oultre pource qu'il est en apparence que ladicte demanderesse en contempnant aucunement la court dist quant elle a esté ajournee qu'elle n'y daigneroit comparer & que ledit galant s'abusoit de la poursuivre : icelle court permet audit amant de passer & rapasser par devant elle sans la saluer ne sans lui dire a dieu le desclairant exempté de luy faire le petit genoul en une basse dance & le pas de brebant ainsi que tous les autres le font en oultre la condampne es despens des deux dictz deffaulx la tauxation reservee.

¶ Le .xxxix. arrest

Il estoit une bourgeoise qui requeroit que certain appointement qui avoyt esté donné par les gens tenant l'eschiquier d'amours au proffit d'une damoiselle sa partie adverse touchant le debat qu'ilz avoyent ensemble pour parvenir au dessus fust recindé & adnullé par la court/ et veu le playdoyé des parties et tout ce qu'elles ont produit et tout veu la court dict qu'elle ne tiendra court ne congnoissance de ladicte cause et matiere/ mais renvoye de rechef par devant lesdictes gens tenant l'eschiquier qui en est commencé a congnoistre en jugier au sourplus/ et y pourveoir ainsi qu'il appartiendra tous despens preservez en diffinitive.

¶ Le .xl. arrest.

En la court de ceans c'est assis ung procés entre une jeune dame d'ung sien amy disant qu'elle l'a veu le plus joyeulx & esbatant qu'il pouoit estre bien nouvellement habillé/ gent plaisant gracieux & advenant a tout chascun et tellement qu'on prenoit plaisir a le veoir & ouyr/ et brief qui ne luy pouoit donner luy ruoit/ maintenant il est devenu tout changé pensif songeart & merencolieux & semble que sa vie luy ennuye au monde/ car il ne tient plus compte de feste ne de joye/ se l'en parle a luy il songe une grant piece avant qu'il responde en faisant semblant de penser ailleurs. Quant on luy donne des bouquetz ou des fleurs il les dessire toutes par pieces avant que elles partent de ses mains Et incontinent qu'il oyt les menestriers ou le tabourin les larmes lui viennent aux yeulx/ et ne faict que souspirer/ se on touche a table a leur demaine d'amours & tourne le propos a parler de la mort/ ou de quelque vieille histoire qu'il va querir bien loing pour la mener a propos il a froict quant il faict chault/ et quant il faict froict il a chault/ & en effect maintenant on ne se congnoist plus en luy dont chascun s'esbahist & pource que ceste dame a interest qu'il vive longuement qu'elle est courroucee de tout son cueur se par merencolye ou desplaisance icelluy amant avoit autre chose que a point elle requeroit qu'il fust condampné a laisser toutes compaignies merencolieuses et que au seurplus la court mist telle provision en son fait que il revint et retournast en son premier point et premier estat. de la partie du povre amant tout malade fut deffendu au contraire & disoit que au service d'amours il failloit avoir beaucoup de peine & de travail avant qu'on y soit advancé et n'y a on jamais une joye qui ne couste cent douleurs/ & pource de si trop amuser ne estoit pas trop bon/ et aussi de present il n'en chault guieres aux dames/ ains ne s'en fait l'en que mocquer & sont les loyaulx tousjours les plus douloureux/ parquoy n'y avoit pas grant regret/ oultre disoit que de gens on ne tient compte s'ilz n'ont de l'argent Et a ceste cause/ il avoit deliberé en soy mesmes de delaisser et habandonner du tout amours et de recouvrer & gangner le temps qu'il avoit perdu/ combien qu'il ne seroit jamais que il ne le louast et exaulsast/ car certes tous biens en viennent. et ne vauldra jamais riens ung homme quel qu'il soit s'il n'a aulcunement esté amoureux en son temps. Mais il en y a les ungs plus malheureux que les aultres. Et quant est des maulvaises taches et merencolies que on luy mettoit a sus & aussi de ce qu'on disoit que il estoit songeart et merencolieux. Respondit qu'il failloit que la maladie print son cours. Et que maintenant il ne sçavoit prendre plaisir sinon a estre tout seul pour contempler le temps passé et celuy qui viendra et ne vouloit plus ouir parler de amours/ car c'est chose contraire a ceulx qui s'en veulent oster/ mais au surplus il remercyoit sadicte dame treshaultement de la bonne voulenté qu'elle avoit devers lui en requerant a la court congé et licence de le laisser departir d'amours mais sadicte dame disoit en repliquant que il n'en debvoit point avoir & que la court qui est souveraine y debvoit pourveoir veu qu'il estoit digne d'exaulcer une foys la foy d'amours pour les grans biens qui estoient en luy Et ne failloit point qu'il se soulciast d'argent ne de biens du monde/ car s'il vivoit et dieu luy donnoit santé il n'en auroit que trop. Aussi il ne estoit pas encores en aage de se chagriner & en y avoit bien d'aultres qui se soulcient pour luy. Disoit oultre sadicte dame que le fondement de la pensee de luy n'estoit que une fantasie & qu'il y avoit dangier veu sa complexion que il ne luy en fust du pis. Mais ledit amoureux disoit pour ses dupliques qu'il ne luy en challoit plus de rien/ & aymoit autant mourir que vivre veu que tant plus on va en avant en ce monde tant plus y a l'en de peine. et disoit oultre qu'il vouldroit bien estre joyeulx/ mais personne qui vient a soing ne le peult estre en brief/ et vouldroit ja estre en paradis car quant il luy souvient des joyes & des grans follies du temps passé il n'a point de joye ne de bien et ne se peult tenir de plorer. ouyes lesquelles parties en tout ce qu'elles ont voulu dire & proposer elles ont esté appointees en droit & au conseil. Si a la court veu finablement ledict procés bien au long avec tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere. Et tout veu et consideré la court ordonne que ledit amoureux sera mys aux herbes et tenu de demourer aux jardins comme povre prisonnier par l'espace d'ung moys affin qu'il ne voye que toutes belles fleurs et verdure pour le resjouyr. et luy deffend ladicte court toutes compaignies merencolieuses de se pourmener seul et de fantasies a tout par luy mais ordonne et apointe que ladicte dame par maniere de provision l'acompaignera & sera avec luy pour passer le temps du long dudit moys et jusques a ce qu'il soit guery & remis en son premier estat. et laquelle dame sera tenue de le penser si que on ne luy parle que de toute joyeuseté & luy feront oster tous livres et toutes choses mellencollyeuses faisant mention d'argent et de richesses/ affin qu'il n'y ait plus le cueur.

¶ Le .xli. arrest.

En la court de ceans c'est assis ung procés entre ung povre amant reffusé en cas d'excés et le procureur general d'amours adjoint avec la dame d'une part & ung sien compaignon amoureux comme luy d'aultre part deffendeur & disoit ledit demandeur qu'il avoit tout temps eu grant familiarité & societé avec ledit deffendeur et luy avoit faict plusieurs plaisirs & si estoit vray que pour la grant fiance qu'il avoit en luy il c'estoit descouvert a luy d'une partie de ses secretz & des biens et maulx qu'il avoit gaignez en amours/ & bien souvent luy racomptoit priveement de ses fortunes & lui touchoit de loing de sa dame qui tant estoit sage & prudente & comment il estoit bien tenu a dieu de l'avoir ainsi pourveu lesquelles choses ledit deffendeur escoutoit & en louoit ledit demandeur & luy faisoit le beau beau en le resconfortant quant il le veoit plaisant. et mesmes luy offroit et cueur et corps sa chevance et ses biens/ mais il ne le faisoyt sinon pour sçavoir qui estoit sadicte dame & haïr en aprés comme il a bien monstré/ car depuis qu'il a sceu qui elle estoit il ne cessa jusques a tant qu'il ait eue l'acointance d'elle & que il ait fait bailler le bont/ ce qu'il n'eust jamais cuydé tant le sentoit son singulier amy pour laquelle chose parvenir a celluy amant deffendeur qui sçavoit tous les secretz et moyens dudit amant complaignant a trouver façon & maniere de parler a ung moyne par qui les bonnes besongnes sont faictes & a tant fait par dons & par promesses illicites qui en amours sont deffendus que ledit moyne & luy ont compilees unes faulces lettres closes ou nom dudit povre galant complaignant lequel n'en sçavoit rien. Et par lesquelles estoit contenu que ledit amant demandeur mandoit a sadicte dame qu'elle ne estoit pas telle comme il cuidoit et qu'il s'appercevoit bien maintenant qu'elle avoit failly en la menassant et disant plusieurs injures & parolles que jamais ce povre amant n'avoit pensees/ ainçois eust mieulx aymé estre mis en pieces que de l'avoir songé & dit aulcun mal de elle. Aussi eust il esté bien traystre/ veu que tous les biens qu'il avoit venoyent d'elle. or que fait ce moyne cy il s'en vient par devers ladicte dame/ et n'est pas content de porter & bailler lesditz lettres faulses mais soubz umbre de ce que l'on dit qu'elles contenoient creance/ il dist les plus terribles choses a ceste femme que l'en sçauroit ymaginer. et tellement que quant elle les oit elle adjoustant foy a ce que ledit moyne disoit commença a soy pasmer & tumber a terre comme toute esvanouye dont depuis elle a esté fort malade/ mais les dessusdictz non contens de ce ont tant fait par soubtilz et estranges moyens que ledict deffendeur est entré en grace et qu'il a baillé le bont au povre homme qui tant avoit eu de peine a soy advancer & desservir la grace de ladicte dame en commettant bien grant trahyson eu regard aux plaisirs qu'il luy avoit fait & qu'il estoit son compaignon. Et en effect quant ce povre homme qui a tousjours son cueur envers ladicte dame et ne l'en peult pas oster vient vers elle ainsi qu'il avoit acoustumé elle lui tourne le doz en rechignant le maudit & par autreffois le menasse de luy porter dommage en corps & en biens en lui disant plainement qu'elle aymeroit mieulx qu'il fust ars et bruslé qu'elle luy fist ung seul plaisir et ainsi veezla la maniere comme ce povre amant a esté traictié. Et s'il a bien du mal a cause de ladicte trahyson/ encores il a plus de martire la moytié de ce que ledit deffendeur est advancé pour faire mal & que luy & ladicte dame qui sont ainsi aliez ensemble se mocquent de luy quant il passe par devant eulx en luy gectant de gros lardons & tirant la langue en derriere/ & pourtant il s'est traict par devers ladicte court de ceans & obtenu lettres par vertu desquelles informations ont esté faictes touchant ledit cas lesquelles avec lesdictes lettres closes ont esté appointees devers ladicte court et despuis a esté baillé commission de prendre au corps ledit amant deffendeur qu'on ne peult trouver/ ains c'est mys en franchise si a esté adjourné a comparoir en personne a ladicte court dedans troys briefz jours en laquelle il n'est daingné venir ne comparoir/ ains c'est laissé cheoir et mettre en quattre deffaulx au moyen desquelz ledit demandeur & ledit procureur general ont baillé leurs demandes et conclusions que au moyen d'iceulx ilz requierent leur estre faictes et adjugees qui sont bien grandes & tendans a grant reparation honnorable et proffitable ainsi que en icelles est plus a plain contenu et declairé Si a la court finablement veu lesditz charges & informations avec lesditz deffaux bien continués & entretenus ensemble lesdictz demandes et conclusions sur ce faictes. Et tout veu et consideré la court au moyen desditz quatre deffaulx adjuge ausdictz demandeurs tel prouffit qui s'ensuit/ c'est assavoir qu'elle tient et repute ledict amoureux deffendeur attaint & convaincu des cas a luy imposés et desclaire tous ses biens meubles et immeubles confisqués a amours. Et avecques ce ordonne que lesdictes lettres closes ainsi envoyees au nom dudict povre amant demandeur seront dessirés et canceleez en jugement comme faulses et qu'il sera nonobstant icelles et les maulvais raportz qui ont esté fais de sa personne a sadicte dame remis reintegré et restitué en la grace d'elle comme devant. Et en oultre condampne ledict deffendeur a faire amende honnorable en la court de ceans a tout et devant l'huis de la dame une torche ardante en sa main nue teste et sans ceinture en disant que faulsement et maulvaisement & aultrement que a point il a trahy et deceu le demandeur son compaignon & fait bailler le bont qu'il s'en repent et en crie mercy a luy. Et pour amende prouffitable dommaiges & interest le condampne en la somme de mille livres qui sera prinse sur ses biens avant toute confisquation & a tenir prison jusques a plain paiement et es despens desditz deffaulx. Au regard du moyne qui estoit participant de ladicte trahison qui a porté lesditz faulces lettres/ la court ordonne vue l'enormité du cas qu'il sera prins en lieu sainct et dehors ou l'on pourra trouver pour estre amené en la court de ceans et au surplus deffend la court une fois pour toutes dames/ damoiselles/ bourgoises et aultres de quelque estat qu'elle soyent que de choses qui peuent toucher amours ou les despendences ilz ne facent leurs ambassades ou messages pour moynes ne ne s'i fient en quelque maniere que ce soyt s'elles ne veullent estre deceues. Et oultre plus leur enjoinct expressement que se d'avanture a l'issue du lever du lit elles de prime face en rencontroient en la rue a jour perilleux comme le premier jour de may et aultres que de celle heure elles s'en retournent coucher car c'est malle rencontre.

¶ Le .xlii. arrest.

Il y a six ou huyt varletz cordonniers qui se sont plains en la court de ceans de ce qu'il fault maintenant mettre aux pointes des soulliers qu'on faict trop de bourre disant qu'ilz sont trop grevés et qu'ilz n'y pourroient fournir les compaignons ne continuer ceste charge s'ilz n'en avoient plus grans gaiges qu'ilz avoient acoustumé attendu que le cuir est cher et que lesdis poulaines sont plus fortes a faire qui ne souloyent Si a la court fait faire informacion & rapport du prouffist et dommaige qu'ilz en ont/ et pourroient avoir & tout veu et consideré ce qu'il failloit considerer la court dit que lesdis cordonniers feront lesdis polaines grosses et menues a l'appetit des compaignons suivans ledit service d'amours sur peine d'amende arbitraire

¶ Le .xliii. arrest

En la court de ceans c'est assis ung procés entre troys compaignons amoureux demandeurs et complaignans en cas de saisine et nouvelleté d'une part/ et trois belles dames deffenderesses & opposans : d'autre part Et disoient lesdis demandeurs que quant amour ordonna faire aliance d'homme et femme ensemble il bailla a chascun en droit soy de sa dominacion et voulut que les hommes alassent au dessus des femmes comme raison estoit/ et si leur ottroya aultres grans prerogatives que les dames n'ont point dont n'est de present question. Et fut vray qu'il permist aux amoureux faire cent mille menues choses qui n'apartiennent a faire aux dames comme eulx vestyr court aller desceintz parmy la ville/ porter fauve au pié destre ou senestre tenir ung petit baston en la main sans ce qu'il soit baillé ne ottroyé aux dames d'entreprendre sur leurs droitz. Mais ce nonobstant icelles trois dames deffenderesses de leur auctorité indeue avoient porté et portoyent botte fauve a leur devise/ et avecques ce faisoient fermer leurs soulliers d'aguillettes vertes et par dedans entrelacez de rubiz & diamans/ vouloient aussi porter leurs gans au costé le petit baston en la main et la robe courte a chevaucher et plusieurs autres nouveletés au prejudice desdis demandeurs en les troublant et empeschant a tort et sans cause indeuement et de nouvel en leur possession et saisine parquoy avoient obtenu ladicte conplaincte Et concluoient tout partinent en ceste matiere de nouvelleté/ Et en cas de delay demandoient la recreance. De la partie desdictes dames fut deffendu au contraire et disoyent que amours en faisant la division des joyes mondaines pour avantager les dames voulut qu'elles eussent seigneurie et domination sur les hommes et en signe de ce ordonna qu'ilz seroient requerans et demandeurs/ et les dames deffenderesses en leur ottroyant pouoir & auctorité de refuser ottroyer denier ou escondire ainsi que bon leur sembleroit. Et ainsi doncques tout le bien que les hommes ont si vient d'elles et ne peuent avoir plus grans droitz preminences prerogatives en amours que elles. Et sont les dames en possession et saisine de porter botte fauve pour l'honneur & amour de amy au pié destre ou a senestre en possession et saisine de mettre et trousser leurs gans de costé et les porter a la ceinture/ en possesion et saisine de mettre aucuneffois entre la conroye de leurs soulliers a la boucle/ quant il leur en prent appetit anneaulx et verges d'or/ en signifiant amours defoulez aux piedz dont l'en ne tient plus compte/ en possession et saisine de porter devises & faire cent aultres menues plaisances entre eulx dont elles se peuent adviser/ en possession et saisyne que lesditz amoureux demandeurs ne aultres quelzconques ne peuent ne ne doibvent entreprendre sur leur droit/ et que s'ilz s'estoient efforcés de faire le contraire des possessions et saisine par elles pretendues de les contredire et empescher en proposant possessoire pertinent et concluant en matiere de nouvelleté et en cas de delay demandoient lesdictes dames la recreance Et fut replicqué par lesditz demandeurs et disoient que par leur complaincte ne voulloient en riens diminuer les drois des dames. Or estoit il ainsi que jamais ycelles dames n'avoyent joye desdictes possessions/ mais estoit vray et tout notoire que lesdictes choses appartenoyent aux hommes et par ainsi leur complainte estoit bien recepvable Et au regard des possessions contencieuses lesdites dames ne les pouoient soustenir/ car elles sçavoient bien que ce n'estoyt pas chose licite ne honneste a femme de porter botte fauve et anneaulx aux piez ains apartenoit mieux aux hommes que a elles et ne le veit on jamais faire sinon depuis naguieres que ceste entreprinse a esté faicte de nouveau et pour laquelle derrisyon ilz ont obtenu ladicte complaincte/ Car il leur faisoit mal que aulcuns en prinssent desplaisir contre elles ou qu'elles en fussent blasmees/ mais lesdictes dames en duppliquant disoient que s'il y en avoit aulcuns qui fussent dolens de les veoir porter/ il y en avoit d'autres pour l'amour de qui elles les portoyent qui y prenoient plaisir & pour homme qui en parle ne cesseroyent ja s'il n'estoyt ordonné/ car elles l'avoyent ainsi voué et promis a amours. Et quant est des possessions jamais n'y avoient esté empeschez jusques a present et ne failloit point dire que c'estoit chose mal seant a femme de porter botte ferree. car elle leur siet aussi bien qu'a homme/ si est chose plus joyeuse et nouvelle/ parquoy concluoit comme dessus. Ouyes lesquelles parties en tout ce qu'elles ont voulu dire et proposer elles ont esté appointees en droict et mettre par devers la court et au conseil que bon leur semblera veoir en ceste matiere et tout veu la court dict que lesdictz demandeurs a tort et sans cause se sont dolus & complains et que a bonne et juste cause lesdictes dames deffenderesses se sont opposees Et les maintient et garde la court en possession & saisine de porter la botte fauve au pied dextre ou senestre/ fermer leurs soulliers d'esguilettes vertes ou noires de mettre verges et anneaux d'or et de porter les gans de costé en la seincture leurs robes courtes a chevaucher et en toutes possessions par elles pretendues en levant la main d'amours et tout empeschement qui leur avoit esté donné par lesditz demandeurs a leur proffit en condampnant iceux demandeurs aux despens.

¶ Le .xliiii. arrest.

Sur une requeste baillee ceans par ung povre gallant serviteur affin d'estre payé de ses peines et salaires d'avoir servi ung jeune galant amoureux Disoit ledit demandeur qu'il a bien demouré avecques luy l'espace de deux ans ou environ/ pendant lesquelz il le suyvoit en tous lieux ou il alloit luy nettoyoit ses robbes/ redressoit ses poulaynes et portoit aulcuneffois les verges pour le nettoyer et luy obeissoit en tous ses commandemens ou il a eu de grans peines Et quant est venu a la fin son maistre luy donne congé sans le payer ne contenter : et pour ce requeroit qu'il fust condampné a le payer de ses services et demandoit despens Surquoy ledict aymant deffendeur disoit au contraire qu'il n'y estoit point tenu/ Car quant il le print il n'avoit rien et l'abilla de neuf et que au regard de son service il ne le serviroit pas bien car quant il faisoit ung jour bien son devoir il en failloit trois aprés : parquoy luy avoyt donné congié et au salayre qu'il demandoit disoit qu'il l'avoit tousjours entretenu bien habillé et vestu et par ainsi luy devoit souffire. Finablement la court veu ladicte requeste condampne ledit amant deffendeur a bailler a son varlet pour ses peines et sallaires & oultre ce qu'il a eu deux de ses vieilles robes courtes avec ung pourpoint de satin usé et deux escus pour s'en retourner en son pays.

¶ Le .xlv. arrest.

En la court de ceans c'est complainct et dolu ung gentil compaignon amoureulx de une jeune dame et maistresse/ disant que ja pieça pour l'amour d'elle il entreprint de jouster et mettre son corps a l'adventure affin qu'elle congneust qu'il l'aymoit merveilleusement par dessus toutes autres. Et a ceste cause feist faire harnois et habillemens qu'il devisa a sa plaisance/ et ou il feist mettre la livree de sadicte dame et avec ce eut chevaulx lance et housse de mesmes et luy estoit bien advis qu'il portoit la devise de sadicte dame que son cheval ne luy pouoit perir ne estre en danger ainçois que a l'ayde d'elle de la bonne querelle qu'il pretendoit il viendroit au dessus de son entreprise & en ceste intencion se disposa de jouster et se trouver sur les rencz bien en point comme il est acoustumé de faire en tel cas/ mais quant vint au departir qu'il cuydoit trouver sadicte dame pour avoir sa benediction elle faignit d'estre malade en se faisant excuser & dire qu'elle ne pouoit parler a luy ne luy bailler cueur ne courage de gaigner tellement que ceste journee il ne feist pas ce qu'il voulut & ne peult avoir honneur comme il eust eu sans difficulté ce ne eust esté les reffus de sa dame/ & dont par ce moyen elle estoit tenue le recompenser/ et pource requeroit a l'encontre d'elle qu'elle fust condampnee a le desdommager de la perte qu'il avoit faicte & de ses interestz qui estoyent bien grans/ au moins qu'il declairé qu'elle avoit esté cause de son mal par le moyen dudit reffus en la condampnant a le recompenser ainsi que la court l'adviseroit. de la partie de ladicte deffenderesse si fut deffendu au contraire & disoit qu'en sa vie ne luy conseilla de jouster ne n'en fut consentant ne par elle ne pouoit estre plus advancé ne diminué car son conseil ou aide ne lui pouoit de rien proffiter/ disoit avec ce que sa benediction ou sa parolle ne luy pouoit guieres aider en tel cas/ mais il suffisoit au demandeur de prendre son excusation sur cela qui n'estoit pas suffisant attendu qu'il pouoit bien ymaginer qu'elle eust esté aussi joyeuse de son bien comme lui mesmes. et quant est du reffus de luy ayder et bailler couraige jamais ne luy reffusa mais alors que il vouloit parler a elle estoit mal disposee tellement qu'elle ne peult venir parler a luy. et disoit que quant elle sceut qu'il devoit jouster elle pria alors pour lui affin qu'il eust l'honneur parquoy il devoit souffire Et par ses moyens concluoit affin d'absolution surquoy ledit amant demandeur pour ses replicques disoit que se elle eust seulement dit a dieu/ ou quelque autre mot son cheval fust allé plus joyeusement & n'eust trouvé homme qui luy eust peu resister. Et ainsi en estoit tenu tout du long. Finablement parties ouyes elles ont esté apointees en droit veu et consideré la court condampné ladicte deffenderesse a habiller vestir et armer ledit amoureux demandeur la premiere foys que il vouldra jouster & a conduire son cheval par la bryde tout du long des lices ung tour seullement et aprés cela fait sera tenue bailler sa lance en disant a dieu mon amy ayez bon cueur & ne vous soulciez de rien car on priera pour vous

¶ Le .xlvi. arrest.

En la Court de ceans c'est assis ung aultre procés entre une jeune fille de villaige demanderesse d'une part et ung jeune gallant de mesme deffendeur d'aultre part. Et disoit ladicte demanderesse que ja pieça ce galant cy en revenant de pellerinaige il estoit tant alteré que il ne pouoit boire ne manger. Il se vint pour mener en ung jardin ou elle cueilloit des viollettes et illec luy requist qu'elle luy donnast ung bouquet ce qu'elle fist de bon cueur/ et lors il la remercia en luy promettant de luy donner une belle bourse et ung tabouret dont elle fut assez joyeuse et pource que ledit compaignon se sembloit estoit tresfort malade luy demanda se il vouloit rien et qu'il avoit. Surquoy luy respondit beaucoup de mal et qu'il eust voulu luy avoir cousté grant chose et que il eust d'elle seulement ung povre baiser pour le resconforter. Et alors ceste povre jeune fille luy alla dire/ que sans denier ne sans maille elle lui en donneroit deux voire trois qui ne luy cousteroyent riens. Et de fait les luy octroya/ et advint que de ceste heure aprés lesdictz baysiers donnez qu'il fut du tout gary. Et feist grans merveilles de grans chieres/ neantmoins il n'avoit point fait son debvoir de lui envoyer ladicte bourse et tabouret/ ne aussi pareillement de porter ung boucquet de Rommarin vert pour l'amour d'elle ainsi comme il luy avoit promis. Et pource requeroit ladicte demanderesse que ledit deffendeur y fust contrainct et condampné en ses despens. De la partie dudict amoureux fut deffendu au contraire & disoyt voirement que ladicte demanderesse l'avoit secouru en sa grande necessité et griefve maladie tellement que il en estoit tenu a elle Et aussi cuidoit avoir fait son debvoir comme bon et loyal serviteur. Et quant est de ce qu'il luy a promis comme de la bourse et dudict tabouret ilz luy a ja pieça envoyees par personne seure qui luy avoit affermer les lui avoir baillees. Et au regard dudit rommarin vert il disoit qu'il n'estoit journee qu'il ne lui ensouvint et que jamais encores ne se trouvoit en feste n'en joyeuse chere qu'il n'en portast tousjours dessus luy car c'estoit la fleur que il aymoit le mieulx & qui plus luy avoit aydé en ce monde. Et supposé que l'on dye que il face aulcunement mal a la teste de le sentir touteffoys il luy faisoit moult grant bien au cueur et ne sera jamais qui ne l'ayme. et concluoit par ses moyens affin d'absolution. Surquoy ladicte demanderesse disoit qu'il le devoit aussi bien cherement aymer/ car il en avoit esté gary & alegé en bien peu d'heure. et quant a ladicte reception desdictes choses promises n'en avoit par sa foy rien sceu Finablement parties ouyes ont esté apointees en droit/ et au conseil si a la court veu et consideré ledit procés. Et condampne la court ledit amoureux deffendeur a bailler & rendre a ladicte demanderesse lesdictes bourse & tabouret par lui promis sans prejudice d'avoir son recours sus celluy a qui il les avoit baillees pour les porter. Et aussi je le condampne a porter dessus lui pour l'amour de sadicte dame demanderesse ung boucquet de rommarin vert a tout le moins ung brin ou deux entrelassez avec une soulcie et menues pensees ou d'autres fleurs que bon luy semblera

¶ Le .xlvii. arrest.

A la plainte et requeste de plusieurs grans amoureux ont esté baillees par ladicte court de ceans certaines lettres de commission par vertu desquelles inhibitions et deffences ont esté faictes a je ne sçay quelz goffriers et patissiers que doresnavant ilz ne fassent plus leurs goffres & leurs gasteaulx devant les lieux et esglises ou l'on va en pellerinaige a celle fin que la fumee de leur feu ne leur puisse faire mal aux yeulx & que par cedit moyen ilz puissent bien a leur aise saluer et regarder leursdictes dames en allant & en retournant. Ausquelles inhibitions et deffences les dessusditz patissiers se sont oposez & disoyent pour leurs causes d'opposition qu'ilz gangnent leurs vies a faire les dessusdites goffres et que leur mestier requeroit que ilz besongnassent a jour de feste et au pres des lieux et esglises ou le peuple va/ car se ilz faisoyent ailleurs leursdictes gofres personne n'en yroit achapter Et aussi on ne les pourroit manger chauldes/ pourquoy ilz soubstenoient tousjours leur opposition en concluant que a tresgrant tort et mauvaise cause lesditz galans amoureulx en perseverant en leurs demandes disoyent que pour riens du monde l'en ne debvoit souffrir lesdictz gauffriers besongner au pres des lieux et eglises par plusieurs moyens premierement/ car ilz empeschent le chemin et la voye publique/ et ne s'i peult l'on contourner sans bouter l'ung l'autre Secondement car quant les rues sont estroictes ilz contraingnent lesdictz gallans a passer par l'autre & ne peuent aulcuneffoys a cause de leursditz tabernacles approcher de leursdictes dames pour leur dire a dieu ou ung mot en passant qui leur est ung moult grant desplaisir. Tiercement car par le moyen du feu a quoy ilz cuisent leursdictes gauffres il vient une fumee sy grande et si maulvaise que lesditz gallans sont contrainctz de cleigner les yeulx/ et perdre la veue de leurs dames sans sçavoir que elles deviennent ne s'elles les ont apperceuz qui d'aultre costé leur est moult grant martire Et pource veuz les dessusdictz inconveniens que lesdictz gauffriers/ et patissiers devoyent estre condampnez a vuyder et faire leursdictes gauffres aultre part/ et que lesdictes deffences leurs avoyent esté justement faictes. A ses fins concluoyent et demandoyent despens Surquoy lesdictz gauffriers disoyent que ilz avoyent jouyssances escriptes de faire illecques lesdictes goffres parquoy les inhibitions n'estoient recepvables/ disoit oultre que lesditz amans ne pouoyent avoir dommage mais estoit leur grant proffit que ilz le fissent es lieux ou ilz avoyent acoustumé car aumoins avoyent ilz par le moyen desditz gauffriers occasion de parler a leurs dames et de leur en presenter en concluant comme dessus. lesquelles parties ouyes en tout ce qu'elles ont voullu dire et proposer elles ont esté appointees en droit a mettre par devers ladicte court et au conseil. si a la court finablement veu le dessusdict procés/ et tout veu et consideré ladicte court dit que a bonne & juste cause lesditz inhibitions & deffences ont esté faictes ausdictz patissiers et gauffriers et que a tort et maulvaise cause ilz se y sont opposés & veult et ordonne la court/ que lesdictz gauffriers et patissiers seront contrains a aller cuire et faire leurs gauffres aux carrefours et aillieurs aultre part ou bon leur semblera sans eulx approcher desdictes eglises et lieulx ou l'en yra en pellerinaige de deux ou aussy de troys rues loing sur peine d'estre griefvement pugnis et les condempne la court es despens de ceste instance ladicte tauxation reservee.

¶ Le .xlviii. arrest

Ung soir bien tard sus le soupper ainsi qu'on ostoit les plas de la table de unes nopces ou ung jeune gallant amoureulx estoit que les menestriers questoient l'aumosne pour monseigneur saint Julien/ il y eut une tresbelle jeune dame assise a table qui en parlant d'amours ainsi qu'on en devisoit a table dist audict gallant en passant ces motz. Telle gerbe n'est pas sans lien & que il n'estoit pas homme pour demourer derriere. Au moyen desquelles parolles il commença a tressuer de la grant joye qu'il en eut en ce moment et la mena dancer la premiere et depuis au retour quant il fut rassis au pres du lieu ou il l'avoit ramenee ung aultre jeune gallant la vint prendre pour mener dancer a qui elle fist assés grant accueil dont il en eut ung petit de mal en sa teste & n'en fut pas trop content/ Mais il luy vient si bien que pendant ce que ladicte dame danssoit il se vint arraisonner a sa chamberiere qui estoit illec assise/ laquelle luy dist entre les aultres choses et sans ce que ledict gallant luy en parlast qu'elle avoyt ouy dire a sadicte maistresse/ tant de bien et d'honneur que merveilles et luy asseura qu'elle l'aymoit au tant que il estoyt possible en pensant de ce que il ne la venoyt veoir et quaqueter avecques elle. Si a ceste heure ledict gallant fut moult fort surprins d'amours pas ne s'en fault esmerveiller/ Car sur le corps il n'avoit voine qui ne tremblast de joye et de liesse/ qui luy surmonta jusques au cueur/ et tellement que il entreprint de l'aller veoir le lendemain et il n'y faillit pas : et depuis y a esté par plusieurs journees : mais en effect tant plus y alloit et moins appercevoit qu'on tint compte de luy et pource requeroit ledict galant demandeur que icelle dame desclairast s'elle le vouloyt prendre a serviteur ou non affin que il n'y pensast plus Et que au surplus ladicte chamberiere qui ainsi luy avoit baillee l'aliance et fait trembler les fievres blanches tout du long d'une nuyct feust condampnee a l'amender envers luy/ et de telle amende honnorable et proffitable que ladicte court adviseroit De la partie de ladicte dame fut dit que au regard d'elle elle ne le hayoit point/ mais elle s'estoit pourveue d'ung aultre serviteur par quoy disoit qu'on la debvoit tenir pour excusee Et entant que touchoit ladicte chamberiere disoit voirement qu'elle avoit ouy dire a sadicte maistresse autant de bien dudict compaignon que on pourroit penser/ parquoy n'avoit failly en riens/ Et quant est de l'avoir conseillé de venir par devers elle elle disoit qu'elle l'avoit faict pour l'advancer pource que il est homme qui bien le valloit. Disoit oultre que telles paroles qui entrent par une oreille s'en doivent aller par l'autre & est moult grant follye aux gens de s'i fyer/ car il est aucuneffoys force de dire des choses qui ne sont pas veritables pour complaire aux gens et leur donner ung peu d'esperance pour venir es biens qu'ilz desirent/ et par ces moyens et autres disoit la chamberiere que elle estoit de voye de absolution/ mais les gens d'amours disoient qu'il n'y a aujourd'huy plus dangereuse chose en amours que de telz faulx rappors/ car c'est pour ravir ung homme jusques au troiziesme ciel/ et en advient plusieurs inconveniens comme d'aulcuns povres amoureux qui en perdent le boyre et le manger et les aultres en deviennent comme bestes sans sçavoir qu'ilz ont. Et pource requeroient lesdictes gens d'amours que ladicte court y mist provision mais ladite chamberiere disoit que au regard d'elle elle n'avoit meffaict car veues les pressupositions et parolles de sa maistresse qu'il estoit vraysemblable qu'elle l'eust aymé s'il se fust sceu conduire. A quoy ledit povre galant respondit qu'il n'y vouloit plus essayer et luy souffisoit de ce qu'il en avoit faict sans plus y retourner pour le pris comme dessus. lesquelles parties ouyes en tout ce qu'elles ont voulu dire ont esté appointees en droit et au conseil et a la court veu ledict procés & ce qu'il failloit veoir en ceste partie. Et tout veu la court dit que ladicte chamberiere a failly & grandement abusé/ & a ceste cause la condamne ladicte court a vuyder l'hostel de sa maistresse/ & si ordonne que jamais ne portera chapperon de couleur ceinture verte & la condamne en oultre en tous les despens dommaiges & interestz du povre amant la tauxation reservee.

¶ Le .xlix. arrest.

En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre une tres gracieuse Dame demanderesse en cas d'excés de une part/ & ung moult gracieux compaignon jadis son amoureux deffendeur audict cas/ et requerant l'enterinement de certaines lettres de pardon d'aultre part. et disoit ladicte dame demanderesse que de long temps a pour les grans biens qu'elle oyt dire de la personne dudict amoureux deffendeur elle mist tout son cueur en luy & depuys luy a faict plusieurs plaisirs ainsi qu'elle a peu/ mais nonobstant dangier et malle bouche qui s'en doubtoyent aulcunement elle ne lui pouoit faire tousjours si bonne chere qu'elle eust bien voulu ains estoit force aulcuneffois de dissimuler & faire semblant ne le point congnoistre quant il la regardoit. Si estoit vray que une journee il la salua ainsi que elle venoit de l'eglise mais quant elle le apperceut/ pour ce que dangier rechignoyt desja de le veoir de loing elle tout de gré retourna la teste de l'autre costé sans luy dire mot dont ledit galant se despita et combien que en amours l'en porte en pacience tous les maulx ainsi qu'ilz adviengnent et que il soit deffendu de longuement garder son courroux/ ne user de aulcune vengeance/ neantmoins ledit amoureux deffendeur de ce que elle ne le voullut saluer comme elle le devoit faire a conspiré haine contre ladicte dame/ pour laquelle mettre a execution/ ce jour propre le soir bien tard il se transporta devant son huys/ et illecques comme mal meu et eschauffé vint ruer d'eux ou trois grosses pelottes de neige contre les fenestres de sadicte dame. Et aprés ce qu'il veit que on n'en tenoit compte et que l'on ne sailloyt point dehors pour parler a lui il print une grosse pierre et la gecta contre les verrieres tellement que il en abbatit deux ou troys losenges qui vindrent comme si se eust esté chose juree tout droict cheoir dessus la teste de ladicte dame demanderesse/ et dont en y eut une qui la vint frapper sur le nez si qu'il y eut effusion de sang/ et encore non content de ce mais pour luy faire plus grant despit il a fait despecer ung beau cordon qu'elle luy avoit donné/ et dont par despit il en a lacé une botte fauve en metant a son pied ce qu'il debvoit mettre en sa teste. Et oultre plus a injurié ceste dame en disant d'elle plusieurs maulx/ et qu'elle estoit maulvaise/ avecques plusieurs autres parolles et minution de son honneur qui estoit mal fait a luy & lesquelles choses dessusdictes comme digne de pugnition cheoyent en reparation. Et pour ce prenoit ladicte dame ses conclusions a l'encontre dudict amant affin que il feust par la court condampné a reparer lesdictz excés envers elle d'amende honnourable nue teste/ et en chemise tenant une torche ardante en sa main/ en dysant que faulsement et maulvaisement il l'avoit grevee et blasmee/ et qu'il s'en repentoit et cryoit mercy en se desdisant publycquement desdictes parolles par luy dictes & ainsi condampné a faire ung voyage a sa devotion et partout ou elle le vouldra encharger/ et pour amende prouffitable a la somme de deux mille livres & a tenir prison ou il appartiendra/ et tout a ses despens/ dommaiges et interestz de la partie dudict amant fut deffendu au contraire & disoit par ses deffences qu'il failloit pressuposer que ladicte dame estoit conduyte par danger en telle maniere que elle n'eust sceu faire ung seul pas qu'elle ne l'eust eu tousjours aprés sa queue ung faulx semblant pour la garder. Et n'y eut oncques amoureux de memoire d'homme qui eust tant a faire/ et a souffrir que il a eu de la servir car il ne s'en pouoit tirer pres fust de jour ou de nuit a quelque heure que ce feust pour les gardes & batailles qui estoyent en l'avant garde et en l'arriere garde et brief en la saison de l'yver n'eust jamais peu aller ne parler a elle sinon que quant il geloit si fort que les gens de fine froydure ne se osoyent tenir a l'huys qui estoit tresgrande peine/ car il fault considerer que a toutes les foys qu'il y alloit ne pouoit il pas encores parler a elle/ mais bien souvent luy failloit retourner ainsi comment il estoit venu. Et se il avoit grant peine en yver/ encores en avoit il beaucoup plus en esté/ car jamais ne se fust avancé & aussi il n'eust osé aller devers elle en quelque façon que se eust esté sinon quant il faisoit orage de temps/ ou qu'il tonnoit/ esclairoit/ et espartyssoit de tous costez tellement que il sembloit que les pierres fendissent et que le ciel deust cheoir embas mesmement quant il couroit parmy les rues n'atendoit que le coup comme ung homme desja condampné qui lui estoit ung grant danger sans les autres inconveniens du vent et des gouttieres qui degoutoyent sur luy dedans son dos comme qui les gectast par despit. Et fault noter que quant il estoit arrivé en ceste estat jusques au logis de sa dame il n'avoit habillement qui ne fust plein d'eaue voire tout le corps comme s'il fust venu d'ung baing si que c'estoit pitié de le veoir et si au mieulx ne gagnoit que ung baiser ou deux qui n'estoit pas rescompensation legitime de la peine que il en prenoit. Au regard encores que incontinent il s'en failloit retourner/ et passer par boys/ et par ruisseaux et aussi grant dangier que par devant sinon qu'il attendoit dessoubz quelque auven que le maulvais temps feust passé et la pluye cessee/ pressuposé cela disoit a une journee dont n'estoit recors que il faisoit maulvais temps et ung froict extresme. Il se transporta par devers l'uys de sadicte dame ou il fut bien l'espace de trois grosses heures atendant la venue tellement que ses soulliers estoient gellez et ne les pouoit ravoir de la terre. Et quant il vit qu'il n'en oyoit point de nouvelles il commença a toussir deux ou .iii. fois et puis hurtoit de la pointe de son patin a la porte & si ne lui respondoit l'en riens dont voirement il se courrouça et despita et pour se eschauffer feist une grosse pelotte de neige qu'il gecta contre pour se ramentevoir/ et affin que l'en vint a luy. et peult bien estre que ladicte pelote qui estoit ung peu pesante cassa ung petit de voirriere dont les pieces & esclatz cheurent dessus la dame. Mais il ne le cuydoit pas faire/ et jamais il n'eust pensé que elle eust esté dessoubz/ par quoy le fault excuser/ ne quelque chose que sadicte dame ait voulu dire il n'avoit haine a l'encontre d'elle/ car par maltallent il ne l'avoit fait/ mais seulement pour ce qui luy ennuyoit d'avoir la tant longuement atendu sans venir a luy. Et quant est du reffus de le saluer surquoy elle vouloit fonder sa haine de malveillance disoit ledit amant qu'elle fist sagement et ne luy en sceust oncques maulvais gré. Et qui plus est n'eust sceu riens faire qu'il luy eust despleu ne mal contenté car tout ce qu'elle voulloyt il desiroit & au regard du cordon qu'il avoit porté aux piedz par despit d'elle disoit ledict amant deffendeur qu'il ne l'avoit faict que par plaisance joyeuse/ et pour monstrer qu'il avoit une moult belle dame il le faisoit pour l'amour de elle/ parquoy n'avoit mesprins. Et au surplus touchant les injures disoyt que quant il retourna ainsi angelé de l'huys de sadicte dame sans rien faire et a l'occasion que en s'en retournant il rencontra ung vieil tronchet de patissier qui luy cuyda fendre la greve de la jambe/ il mauldict ladicte dame/ et peult bien estre qu'il dist qu'elle estoit traistesse/ car il semble que se elle ne l'eust injurié ou que elle fust venue a l'huys il ne feust point cheut en ce dangier/ ains eust esté garanty/ et encore d'abondant entant qu'il auroit failly de son costé il avoit obtenues lettres de pardon dont il requeroit l'enterinement et au moyen d'icelle delivrance de ses biens et de sa personne attendu que par ce que dit est ledit pardon estoit bien civil et raisonnable et demandoit despens au cas que sadicte dame vouldroit plus persister au procés a l'encontre de luy Aprés lesquelles deffences les gens d'amours reciterent les informacions et disoient que ilz trouvoient grandement chargé ledit amoureux deffendeur et ne se pouoyt excuser qu'il ne eust failly car sa dame estoit notoirement en la sauvegarde d'amours et sont toutes voyes de faict deffendues. Or avoit il par voye de fayct rompues les voirrieres et ycelle dame blecee qu'il deust avoir revenchee voire jusques a effusion de sang. Et ainsi se il eust donné ces choses a entendre et le cas tel qu'il estoyt/ jamais ne eust obtenu pardon. parquoy disoient qu'il en devoit estre pugny et requeroient que iceluy povre amant fust banny a tousjours du royaulme d'amours a tant que ses biens feussent desclairés confisquez et pour amende prouffitable au double Ledict amant deffendeur soustenant ledit pardon disoit qu'il n'auroit cause de le condampner et que quant il n'avoit pardon & qu'il eust commis aulcune faulte/ si pourtant veu les paines qu'il avoit eues & la charge du service enquoy il estoit obligé et ou pendoit la mort ou la vie de chascune fois qu'il alloit vers ladicte dame il en devoit demourer quitte et ne luy en debvoit on rien demander Et au regard du cas l'en n'y pouoit noter mal. Premierement quant au gré de la partie il avoyt cause de le faire veu le long temps qu'il avoit songé a l'huis/ et affin qu'on ne luy peust pas faire entendant qui luy eust esté Si disoit par son serment que alors qu'il getta ladicte pierre il avoit tant de froit qu'il ne sentoit sa main & ne scet s'il getta fort ou foible mais elle fut mout grevee et blecee et fut par grant fortune que les voirryeres cheurent sur elle et entant que touchoit les injures et de ce qu'il pouoit avoir legierement dit qu'elle estoit faulce et traistesse Respondit que ce avoit esté par chaude colle & alors qu'il estoit blecé/ parquoy l'en ne s'i devoit arrester/ car quant ung homme a mal excessif & que c'est la cause d'amours l'en ne s'en sçauroyt tenir aucuneffois de maudire sa dame & tous ceux qui en sont cause ou par qui le cas est advenu et par ainsi disoit que lesdictes lettres de pardon estoient bien civilles/ et qu'on y devoit obtemperer mais sadicte dame disoit au contraire et qu'il failloit premierement qu'il se desdist des injures/ et qu'elles devoient passer soubz dissimulacion/ Car quant ung serviteur desprise sa maistresse ou dit mal de ceulx dont il doit avoir avancement il doibt estre reputé infame et debouté de tous lesditz biens et si fault qu'il l'amende ou aultrement chascun en voudroit autant faire. Et quant est de la charge du service dont il est plaint et dire que jamais homme n'entreprent si dangereuse poursuytte. Disoit ladicte dame qu'elle ne luy faisoit pas faire et en avoit sa part de la paine comme luy entant qu'il luy failloit trouver excusation legitime pour aveugler dangier et faulx semblant que l'en ne peult pas de legier appaiser quant ilz ont telle chose au cueur et ilz s'en doubtent Mais aussi de tant que en la poursuitte d'amours l'en a griefve paine et douleur & l'on ne peut avoir ung seul bien comme d'ung baisier en passant et entre deux huys posé ores qu'il esclaire et face tonnerre jusques a tout rompre. Si vault myeulx cela que tous les biens qu'on sçauroit souhaitier et avoir sans peine pour suytte ung baisier ainsi prins en emblee que s'il avoit engaigé deux cens muys de blé Et par ainsi de retorquer ledict service ou compensation de peine il n'y avoit aucune apparence et concluoit comme dessus Ouyes lesquelles parties en tout ce qu'elles ont voulu dire et proposer elles ont esté apointees en droit et au produyre. Si a la court veu ledict procés & dit que les lettres de pardon obtenues par ledict povre amoureulx seront enterinees. Et en ce faisant la court ordonne et mect sa propre personne et tous ses biens a playne delivrance en rescompensant tous les despens et pour cause.

¶ Le .l. arrest

A la requeste du procureur general d'amours et par commission de la court de ceans ont esté prins et constitués prisonnier deux malfaicteurs et delinquans qui par leurs maulvaises langues avoient emblé la renommee et desrobé l'honneur de plusieurs dames a tort et sans causes/ si ont esté sur ce interroguees & ont confessé le cas. Et avecques ce que tout le temps de leurs vie ont esté adonnés a grassement et goliardement parler des biens d'amours en disant plusieurs ordes parolles en malsonnans qu'il n'est besoing de reciter pour la turpitude d'icelles. Et finablement ladicte confession veue/ et le procés faict sur icelle la court les condampne tous deux a estre batus par trois samedis de verges par les carrefours. Et si les bannist du royaulme d'amours a tousjours en desclairant tous leurs biens confisquez. Et ordonne la court que tous ceulx qui parleront ainsi deshonnestement contre l'honneur des dames ne jouyront aulcunement des previleges d'amours/ et si seront pugnys si tres griefvement que les aultres y prendront exemple.

¶ Le .li. arrest

En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre une belle jeune dame & le procureur general d'amours adjoinct avec elle demandeurs en cas d'excés d'une part/ & ung assez gentil compaignon jadis amoureulx de ladicte dame prisonnier deffendeur audict cas/ et requerant l'enterinement de certaine remission d'autre part. Et disoit ladicte dame que combien que en amours l'en doibt endurer tout ce qu'il se faict par esbat ou amytié et qu'il soit deffendu aux hommes qui desirent leur avancement de ne proceder par voye de fait contre leurs dames jouant au tiers en ung beau grant preau vert/ et par joyeuseté en courant par derriere elle mist audict gallant ung tantinet d'herbe entre la chemise et le dos/ ce gallant se despita si terriblement que il luy vint incontinent bailler deux grans soufletz Et ne fut pas encores content de cela ainçoys la tumba a terre et la descoiffa en la trainant par les cheveulx devant tout le monde qui estoit illec/ comme s'elle eust esté sa chamberiere en ce faisant voye de faict est deffendue force et violence publicque en refraignant et derompant la sauvegarde d'amours ou ladicte dame estoyt enclose/ et aultrement grandement moult excedant et delinquant Et pource concluoit et requeroit ladicte dame a l'encontre dudict deffendeur qu'il fut condampné et contrainct a reparer lesdictz excés et oultraige et luy faire amende honnorable c'est assavoir en la court de ceans et au preau ou le cas a esté commis nue teste et en chemise tenant une torche ardant en sa main disant que a tort et maulvaisement a bastue et descoiffee ceste dame/ il s'en repent et crye mercy a elle/ et a toutes les dames qui estoient presentes Et avec ce pource que le cas est enorme/ et qu'il touchoit l'honneur de icelle dame demanderesse elle requeroit aussi que ledict deffendeur feust condampné a souffrir pugnicion corporelle audict preau ou il avoit faict l'oultraige en la maniere qui s'ensuyt. C'est assavoir qu'il feust lié tout nud a ung pillier que l'on y atacheroit/ et que illec toutes les dames qui virent ledict cas advenir le vinsent bastre a leurs aises jusques a ce que il fust bien frotté pour donner exemple aux aultres qui en vouldroient autant faire et en amende prouffitable en la somme de deux mille livres ou que telles aultres conclusions luy feussent adjugees que la court verroyt estre a faire en demandant despens dommaiges et interestz. De la partie dudict amoureulx fut deffendu au contraire et disoit que les hommes ne estoyent point tenus d'endurer des dames se il ne leur plaist/ car elles sont subjectes/ & ne leur appartient de venir mettre en leurs dos aulcunes herbes soit par esbat ou aultrement/ car ce qui leur plaist en une maniere il desplaist aux autres. Or estoit vray que ceste dame de son auctorité et sans dire qui avoit perdu ou gaigné luy estoit venue getter dedens le dos en jouant au tyers une poignee d'orties et d'ordure ou il y avoit parmy des fourmys qui le picquoyent et faysoyent si grant mal que il ne pouoit durer. Et a ceste cause comme tout esmeu par chaulde colle la vint frapper et descoifer ainsi que a esté dit Et fault en ce noter qu'il n'y prenoit pas garde/ mais pour la grant douleur qu'il sentoit au dos il ne s'en peut tenir. Et duquel cas ainsi advenu icelluy amant depuis qu'il a esté rassis a esté desplaisant de l'avoir faict. Et oultre plus c'estoit tiré a la chancellerie d'amours/ et en avoit tout entierement obtenues lettres de remission qui estoyent bien civilles et raisonnables veu ce que dit est dont il requeroit l'enterinement alias concluoit affin d'absolution et de despens Aprés lesquelles deffences les gens d'amours disoyent que ilz avoyent veu les informations faictes en ceste matieres/ par lesquelles le cas estoyt veriffié. Et aussi ne le pouoit ledict amant deffendeur nyer/ car luy mesmes l'avoit confessé. Et disoyent lesdictz gens d'amours que l'excés estoit moult grant/ et l'oultrage fait a ladicte dame excessif/ et que selon les droictz d'amours qui parlent de ceste matiere la pugnition y est si tresgrande/ qu'on ne sçauroit dire et nompas seulement sont telz gens qui battent et frappent leurs dames dignes de mort acoustumee mais doibt l'en deppartir et detrancher tous leurs membres par pieces/ aussi en effect c'est venu encontre la souveraineté d'amours/ et encourir crime de leze magesté. Et pource requeroyent et concluoyent lesdictes gens d'amours que ledict amant deffendeur feust pugny de pugnition corporelle & publicque/ et en ce faisant condampné a souffrir mort/ et estre executé par justice. et quant a la remission disoyent que l'en n'y debvoit obtemperer/ car le cas de soy estoit inremissible/ et failloit tout ainsi que ledit amant avoit faict ledict cas publicquement que le cas feust pugny devant la veue du monde aussi de le faire aultrement ladicte dame demoureroyt deshonnoree a tousjours mais qui ne se pouoit soubstenir en raison Par quoy comme dessus l'en n'y debvoit en riens obtemperer consideré mesmement l'enormité dudit cas et le consequent qui en peut advenir. Et finablement disoyent que se ledict delict demouroit impuny il n'y auroit jamais dame seure/ et seroyent tous les biens d'amours desprisez & mis dessoubz le pied par telz & meschans gens qui vouldroyent bien frapper aulcuneffois concluant comme dessus. Aprés les conclusions ainsi prises par lesdictes gens d'amours icelle dame emploioit ce que ilz avoyent dit a son proffit et oultre pour deffendre ladicte remission entant qu'il luy touchoit elle disoit qu'elle ne debvoit estre enterinee audict amant/ car elle estoit subretice/ obretice/ et desraisonnable subrectice entant qu'il avoit sceu que ladicte dame estoit en sa sauvegarde d'amours quant il perpetra lesdictz excés en la presence d'elle et aussi que elle a sceu que l'herbe qu'elle luy gecta dedans le doz n'estoit que par esbatement et en signe d'amour comment l'en peult ymaginer et s'eust esté ung aultre homme a qui elle eust voulu mal jamais ne se y fust jouee Et a la verité de tant qu'elle se seroit jouee a luy se l'amoureux estoit tel qu'il devoit estre il l'en debvoit plus priser Et monstroit bien que il ne sçavoit gueres d'honneur. Obretice car il avoit donné a entendre en ladicte remission que ladicte dame luy avoit getté des orties et des formis entre la chair & la chemise mais le contraire est vray c'est assavoir qu'il n'y avoit que belle herbe verte sans qu'il y eust point d'orties ne de formis ne que cela luy eut oncques fait mal ne desplaisir Et si au regard d'elle pour s'aquitter et monstrer l'amour qu'elle avoit en luy elle pouoit bien cela faire et luy estoit permis selon l'anticque et commung proverbe qui dict que gens qui s'entrayment pierres s'entreruent. Incivil/ car pardonner tel cas c'est en effect consentir que une dame demeure blasmee & infame sans avoir reparation de son honneur qui ne se peult faire en terme de raison. Et aussi que ledict amant avoit trainee par les cheveux/ et devant tout chascun estoit de soy inremissible Disoit oultre ladicte dame que ladite remission estoit desraisonnable/ car se telles choses avoient lieu & que amoureux fussent quictes de telz maulx pour prendre une pareille remission Il vauldroit aussy chier qu'il n'y eust plus de justice en amours et gaigneroit l'en autant a faire mal que bien. Mais ledict amant deffendeur soustenant sa remission disoit que le cas n'estoit si grant ne si mauvais comme l'en le faisoit de beaucoup Premierement car ladicte dame l'avoit menassé et sans ce qu'il luy demandast rien estoit venue toucher lesdictes herbes et orties parquoy s'il s'estoit revenché il avoyt de raison Secondement posé qu'il eust frappé si n'avoit elle point esté affolee et si ne l'avoit faict ledict amant que par jeu. Tiercement le cas estoit advenu par hastiveté de chaulde colle voire en estant cause promovent. Et par ainsi ladite remission estoit bien fondee et raisonnable et ne failloit point parler d'incivilité ne dire que amours ne puissent pardonner tel cas/ car de plus grans la moytié/ le chancellier d'amours baille tous les jours remission voire a ceux qui ont tué leurs dames et estoit trop contente la puissance et souveraineté d'amours Disant oultre ledict amant que en sesdites lettres de remission il avoit donné a entendre toute la pure verité du cas Parquoy l'en y devoit obtemperer et concluoit comme dessus Mais les gens d'amours en luy respondant disoient que ce cas ne se devoit jamais pardonner ne remettre avecques les autres/ car d'avoir ainsi frappé ladicte dame et traisnee par les cheveulx se estoit offence inremissible et donner occasion a chascun qui la estoient presens de penser qu'il sçavoit quelque mal a la dame et d'en publier contre son honneur ce qui n'est point. parquoy il failloit que sa faulte feust reparee publiquement Et ne la devoit l'en point passer soubz dissimulation. Ouyes lesquelles parties en tout ce qu'elles ont voulu dire et alleguer elles ont esté appointees en droit a mettre par devers la court et au conseil. Si a ladicte court veu le procés avec lesdictes lettres de remission & tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere. Et tout veu et consideré ce que il failloit a considerer/ la court dit que lesdictes lettres de remission sont incivilles et qu'elle n'y obtemperera point/ et deffendit au chancelier d'amours de n'en bailler plus de pareilles a quelque amoureulx que ce soit. Et condampne la court ledict amant deffendeur pour reparacion dudict cas a estre despoullé tout nud et ordonne qu'il luy sera en cest estat baillé et delivré par le bourreau quatre vieilles chamberieres d'estuves pour le tresbien vanner dedens une vieille coste poincte de prisonniers/ ou d'autre vieille couverture pleine de poux et de vermine Et cela faict le condampne a estre jecté tout nud en ung champ plain d'orties et de chardons. Et au surplus le bannist a tousjours mais du royaulme d'amours et du service des dames en desclairant tous et chascuns ses biens confisquez.

L'arrest finy ledit president qui estoit las & n'en pouoit plus dist au peuple illec attendant. Le greffier dira le surplus/ ainsi le greffier s'avança de plusieurs autres arrestz dire mais de tous ceulx qu'il prononça ne peuz rien rapporter ne escripre/ il avoit ung peu la voix basse tant qu'on ne le pouoyt entendre.

Si eut arrest et jugement
Prononcez lors tant que merveilles
Dont je vis mains povres amans
Plourer & grater leurs oreilles
Et ceulx qui cuydoient pour eulx
Furent contre eulx je vous affie
Se les jugemens sont douteux
Nul n'est pas saige qui s'i fie
Si fais veu aux dames
Que plus ne serviray amours.
Se g'y ay mesprins je m'en repens/
Ailleurs me fault prendre mon cours.
Et quant est d'espoir et recours
Ilz m'ont esté par trop rigoureux
Et pource soubstiendray tousjours
Que les loyaux sont les plus douloureux.

¶ Cy finissent les cinquante et ung arrest d'amours. Nouvellement imprimé a paris par la veufve feu Jehan trepperel et Jehan jehannot Imprimeur et Libraire juré en l'université de paris Demourant en la rue neufve nostre dame a l'enseigne de l'escu de France.

Notes du transcripteur

L'orthographe et la ponctuation sont conformes à l'original. Pour faciliter la lecture, on a ajouté apostrophes, accents et cédilles, distingué i/j et u/v, et résolu les abréviations conventionnelles (par exemple cõe > comme).

Certaines erreurs manifestes ont été corrigées (confusion entre qui/qu'il/qu'ilz, doublons, interversions ou substitutions de lettres, etc.)

*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LES CINQUANTE ET UNG ARRETZ D'AMOURS ***
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