Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3277, 16 Décembre 1905, by Various This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: L'Illustration, No. 3277, 16 Décembre 1905 Author: Various Release Date: July 21, 2011 [EBook #36806] Language: French Character set encoding: ISO-8859-1 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLLUSTRATION, NO. 3277, 16 DÉCEMBRE 1905 *** Produced by Jeroen Hellingman and Rénald Lévesque
Ce numéro contient: une double page en couleurs sur le 8e Salon de
l'automobile; Et en suppléments:
1º Une gravure hors texte: la Cruche cassée, d'après
J.-B. Greuze;
2º Le 4e fascicule du roman de J.-H. Rosny: la Toison d'or.
Le Dr Récamier Le duc d'Orléans. UNE CHASSE A L'OURS
BLANC AU GROENLAND Photographie prise au cours de l'expédition arctique
du duc d'Orléans à bord de la Belgica.--Voir l'article, page 403.
Je ne connais pas M. le député Ribot. Mais je voudrais le connaître pour lui dire à quel point je suis contente de lui et combien j'admire son courage. Un journal raconte, en effet, qu'élu naguère membre de l'Académie des sciences morales et politiques, M. Ribot a volontairement négligé de commander à son tailleur l'uniforme fameux dont l'image liante les rêves ingénus de tant de vieillards. L'habit à palmes vertes ne tente point la coquetterie de M. Ribot; M. Ribot n'éprouve le besoin ni de suspendre à sa ceinture --pour prouver qu'il est un orateur de talent--une lame pointue, ni de poser sur sa tête ce chapeau bicorne dont une mode singulière veut qu'en France, à l'exemple des généraux, les garçons de recette et les académiciens soient coiffés. Et il ose avouer à ses amis la répugnance que cette tradition «de se déguiser» lui inspire! On élira bientôt M. Ribot membre de l'Académie française; cette fois, il lui faudra, bon gré mal gré, se déguiser; car l'Académie française ne plaisante point en ces matières et, chez elle, l'uniforme est resté de rigueur. Et M. Ribot ne dissimule point que cette coiffure emplumée, cette épée, ces feuillages brodés au plastron de l'habit et à la couture du pantalon lui gâtent par avance une partie de sa joie.
M. Ribot se consolera en pensant que les plus prestigieuses modes n'ont qu'un temps et que celle des déguisements académiques passera, comme les autres. On m'assure même que l'âme française s'est, à cet égard, depuis quelques années, démocratisée un peu. Il paraît que plusieurs académiciens ont pris l'habitude de porter, sous le gilet officiel à boutons d'or, le simple pantalon noir, et qu'à la Sorbonne il existe un vestiaire commun où les mêmes robes et les mêmes épitoges servent à plusieurs maîtres qui, suivant les besoins du service, se les repassent... Les professeurs ont, dans les lycées, renoncé depuis longtemps au port de la toque noire et de la toge; on a cessé d'orner, comme autrefois, les manches de tunique des bons élèves de galons de laine et d'or; au Palais même les règles de l'ancienne étiquette s'abolissent petit à petit: on a vu M. le bâtonnier Chenu, l'été dernier, s'y promener en bottines fauves et «canotier» de paille, et des gilets de fantaisie égayer de leur coloriage l'uniforme des juges. C'est une révolution, cela! Elle s'accomplit tout doucement, sans doute; mais M. Ribot n'est pas très vieux. Il a encore le temps de voir tomber en désuétude bien des modes niaises et, peut-être, qui sait? disparaître des bancs de l'Institut cet habit vert et ce chapeau à plumes sous lesquels on a vu tant d'hommes vénérables apparaître un peu comiques...
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Délire et cohue aux Champs-Elysées. Le Salon de l'automobile a, pour la huitième fois, ouvert ses portes aux Parisiens. Et ce n'est pas seulement Paris qui envahit, depuis huit jours, le Grand Palais et les serres du Cours-la-Reine; c'est l'univers. Les trains d'Allemagne et d'Italie, les bateaux d'Amérique et d'Angleterre arrivent bondés. Paris s'est créé là une suprématie que tous avouent. Il en est fier, il a raison; et il me semble qu'il était juste que le sort désignât Paris pour le triomphe de cette industrie-ci. Nulle part elle n'eût réussi à s'épanouir avec tant d'éclat; car, en aucun pays, les femmes n'eussent composé autour de ses victoires un si délicieux et éblouissant cortège.
Les Parisiennes ne goûtent plus guère la peinture que les jours de vernissage, et, pour qu'elles s'intéressent aux chevaux, il leur faut l'exceptionnel régal d'un «grand prix» à Auteuil, à Chantilly ou à Longchamp. Au Salon de l'automobile, elles n'ont pas de ces coquetteries. C'est Alphonse Daudet, je crois, qui disait de la musique: «Je l'aime sans discuter, sans vouloir chercher les raisons de mon plaisir; je l'aime comme une bête.» C'est un peu, dirait-on, de cette façon-là que les Parisiennes aiment, à cette heure, l'automobilisme. Elles en sont allées inaugurer l'exposition; et on les a vues y revenir dès le lendemain, afin de renouveler en elles l'enthousiasme qu'elles y avaient ressenti la veille; et elles y sont retournées cette semaine; et la semaine prochaine, et jusqu'au 24 décembre--inclusivement--on les y rencontrera.
Diverses raisons amènent la Parisienne au Salon de l'automobile. Elle y vient pour prendre le thé, parce qu'il est convenu que, pendant trois semaines, c'est uniquement là qu'elle retrouvera ses amies. Elle y vient inaugurer quelques toilettes, parce qu'elle sait que c'est là qu'elle rencontrera les jeunes gens que son élégance ravit et les jeunes femmes que ses succès font enrager. Elle y vient peut-être aussi pour acheter une automobile; et elle y vient encore et surtout pour regarder l'automobile qu'elle n'achètera pas, et pour marchander avec conviction celle qu'elle achèterait si ses moyens lui permettaient d'en acheter une, ou enfin pour se mêler à l'élite de celles qui ont le moyen d'en acheter.
Illusion délicieuse, où sa vanité se complaît et s'attarde! Elle essaye des voitures; elle compare; elle discute. Avec cette promptitude d'assimilation où triomphe la Française, elle s'est fait une sorte de compétence; elle sait le jargon qu'il faut parler ici; connaît les noms des fabricants, se récrie sur la valeur d'une marque; elle n'ignore ou ne semble ignorer rien de ce qu'il faut savoir touchant la qualité des châssis de celui-ci et des cylindres de celui-là. Elle m'émerveille!
Et voilà peut-être de quoi expliquer, en partie, le frénétique essor de cette industrie neuve. Ce n'est pas la cause, assurément; c'est une des causes. L'automobile a les Parisiennes pour elle. Elle a les Parisiennes pour elle à cause des facilités de vie qu'elle procure et des vertiges qu'elle donne; parce qu'elle est un meuble très commode et un jouet très affolant; parce qu'elle est le véhicule le plus chic, étant le plus coûteux de tous. Sa cherté même en fait un symbole d'élégance; elle est l'un des signes à quoi une certaine élite se reconnaît...
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En attendant les volumes d'étrennes qu'on va donner aux enfants sages, les académies font pleuvoir les couronnes et les billets bleus sur les grandes personnes qui font des livres. L'Institut proclame ses lauréats de l'année; aux frais d'un journal, un aréopage féminin prime le dernier ouvrage d'un jeune romancier, M. Romain Rolland; aux frais de deux écrivains morts, l'Académie Goncourt gratifie d'un don de 5.000 francs le roman d'un autre jeune,--un enseigne de vaisseau dont le pseudonyme est Claude Farrère. Et, de son côté, la Société des gens de lettres distribuera, ces jours-ci, quelques sommes... Que tout cela est peu de chose! Le dernier recensement quinquennal de la population m'apprend ceci, qui me confond: il y a, en France, 44.000 «artistes et littérateurs». N'est-ce pas de quoi décourager la libéralité des académies? Jamais, quoi qu'elles fassent, leurs ressources ne suffiront à panser les blessures, à consoler les misères engendrées dans 44.000 âmes par l'ambition d'écrire, de sculpter, de peindre ou de composer des partitions. Il y a bien quelques puissants dans cette foule-là; et quelques heureux et beaucoup de «demi-arrivés» pour qui la vie est possible, si leur soif d'honneurs et de richesses n'est pas grande. Mais les autres!
Les autres sont des jeunes gens, des hommes mûrs, des vieillards. Mais c'est aux jeunes que vont de préférence les prix qu'on distribue. Pourquoi? On trouve intéressant d'encourager la jeunesse, d'aider le débutant à «faire son trou». Il serait plus humain, ce me semble, d'aider les vieux à payer leur terme; et j'aimerais que les prix académiques allassent d'abord aux cheveux gris.
Ce qui est douloureux en art, ce n'est pas d'avoir vingt ans et de rêver
la gloire; c'est, à soixante, de penser qu'on ne l'atteindra plus. Voilà
les vraies tristesses,--celles qui auraient besoin d'être consolées les
premières... Les jeunes gens sont, dans la pire détresse, armés des deux
plus grandes forces qu'il y ait au monde: ils ont l'espérance et ils ont
l'amour. L'avenir est devant eux; les femmes les aiment... Je ne les
trouve pas intéressants du tout.
Sonia.
La Cruche cassée, le chef-d'oeuvre de Greuze, est l'un des tableaux les plus fameux de notre musée du Louvre. La grâce de la figure de la jeune fille, le charme piquant de son expression, la perfection de sa facture, justifient les enthousiasmés qu'a soulevés cette belle peinture. Diderot fut l'un de ses premiers fervents et lorsqu'elle parut, en 1765, il lui consacra l'une de ses pages les plus vibrantes et les plus jolies. C'est le type parfait de ce qu'on a appelé en badinant «les tendrons de Greuze». De toutes les ouvres du peintre, il n'en est pas qui caractérisent mieux son génie, qui, selon le mot de Charles Blanc, «consistait à arranger toujours les choses de manière que ni la volupté ni la morale n'y perdissent rien».
Au moment où quelques toiles, sensiblement contemporaines de celle-ci, ont atteint de si gros prix, il semble intéressant de rappeler qu'à la vente du marquis de Verri, en 1785, vingt ans après son apparition, la Cruche cassée fut payée 3.001 francs. De combien de billets de banque ne la couvrirait-on pas aujourd'hui si elle pouvait courir de nouveau les hasards d'une vente!
La reproduction de la Cruche cassée, que nous offrons à nos lecteurs avec ce numéro, peut soutenir la comparaison avec les plus belles gravures tirées à petit nombre et cotées très cher chez les marchands d'estampes. Nous faisons actuellement reproduire par le même procédé la Laitière, également de Greuze: nos abonnés recevront ce pendant de la Cruche cassée au mois de février prochain.
L'échéance du 31 décembre étant la plus importante de l'année, nous prions ceux de nos lecteurs dont l'abonnement expire à cette date de vouloir bien le renouveler le plus tôt possible, afin d'éviter tout retard dans la réception des premiers numéros de 1906».
La campagne veut des âmes tout à elle, des âmes fraîches, parce qu'elle
est fraîche, des âmes jeunes, parce qu'elle est l'éternelle jeunesse.
René Bazin.
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Tout est dans nous et le monde extérieur se transforme, se colore aux
mille nuances de nos passions.
Alphonse Daudet.
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La douleur est individuelle comme la maladie: chacun la traite suivant
son tempérament.
Samuel Rocheblave.
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Lorsqu'une éclaircie se fait dans la vie sombre, il faut en jouir avec
toutes ses puissances de gaieté.
Mme Juliette Adam.
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L'impérialisme de nos modernes monarchies ou républiques: une dernière, crise de mégalomanie sous la menace des douches que nous prépare le monde de demain.
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Entre vrais amis, les services ne se demandent pas, ils se rendent.
G.-M. Valtour.
Le pavillon français planté sur le cap Philippe par le
duc d'Orléans et les explorateurs de la Belgica.
Le cap Philippe vu de la Belgica.
Le duc d'Orléans sur le pont
de la Belgica.
Le docteur Récamier fut le médecin de l'expédition organisée, l'été dernier, par le duc d'Orléans, et que la Belgica, sous le commandement de M. de Gerlache, porta dans la banquise groënlandaise. La conférence qu'il vient de faire, lundi, à la salle de la Société d'horticulture, rue de Grenelle, libéralement mise à sa disposition, a présenté un très vif intérêt. Elle constitue, en effet, le premier compte rendu précis, documenté, de ce beau voyage d'exploration,--en attendant le livre que le prince lui-même prépare en ce moment.
Au moment où la Belgica, sa croisière finie, ramenait, en septembre dernier, à Ostende, le duc d'Orléans et ses compagnons, nous avons enregistré les résultats d'une expédition qui fut particulièrement favorisée, puisqu'en une course de quelques semaines elle a reculé de plus d'un degré de latitude l'extrême point du monde connu sur la côte nord-est du Groenland.
Sportsman très passionné, tireur merveilleusement adroit, le duc d'Orléans avait avant tout rêvé d'une belle campagne de chasse. Mais il avait tenu à ce que cette expédition coûteuse, aventureuse aussi, au demeurant, rapportât quelque chose à la science (océanographie, géographie) et, s'il se pouvait, quelque gloire à la France. La Belgica était donc armée en conséquence et pourvue des meilleurs appareils de sondage et d'exploration des couches sous-marines. La conférence--la causerie plutôt, tant son accent était libre, pittoresque, charmant--dans laquelle le docteur Récamier, encadré du commandant de Gerlache et du peintre Mérite, a narré en détail le voyage de la Belgica, a été infiniment attrayante.
Un ours blessé.
Le docteur Récamier, nous a donné un tableau fort joli de la vie au cours de cette navigation au milieu des glaces, de ces chasses à l'ours, au phoque, au morse, où l'adresse du duc d'Orléans avait maintes occasions de s'exercer, de cette lente promenade à travers des marines désolées, qu'animaient seuls d'étranges oiseaux décolorés, gris et blancs, au vol puissant et lourd, les mergules, les guillemots, les grylles, les pagophiles, certains dont le cri ressemblait à un rire ironique et qui rêvassaient, alignés en files interminables au bord de la banquise, dans la lumière pâle du jour polaire.
Le 28 juillet 1905, la Belgica étant immobile dans le brouillard, le voile de brume qui l'enveloppait se déchira tout à coup. On vit, à bâbord, une terre accidentée, aride. «Le dîner, ce soir-là, ne fut pas long», a écrit dans son rapport le commandant de Gerlache. A 8 heures du soir, le duc d'Orléans et les membres de l'expédition, débarqués en toute hâte, atteignaient le point culminant de la côte.
Ils dominaient un site désolé, infertile, semé de blocs et de cailloux roulés, une moraine ancienne, où quelque peu de terre végétale s'était déposée: la «terre de France», selon le voeu du prince. On y éleva un cairn, un monticule de pierre, par 77°5 de latitude nord, 18°33 de longitude ouest. Sur ce cairn, on hissa un drapeau tricolore. Ce fut un moment d'émotion indicible, dont un cliché fragile et pâle, presque indistinct, perpétuera le souvenir, une terne photographie qu'aucun des acteurs de cette scène ne peut revoir sans que son coeur batte un peu plus fort, et dont l'apparition, sur l'écran transparent où le docteur Récamier la fit projeter, souleva une tempête de bravos...
Deux jours après on redescendait vers les patries, Français, Suédois, Belges, Norvégiens... après avoir tenté vers le nord-est une pointe, au cours de laquelle on reconnut encore un banc sous-marin indiquant sans doute le voisinage d'une côte nouvelle.
On avait écrit sur la mappemonde quelques noms de plus: le cap Philippe, le point extrême où l'on était arrivé, et qui est probablement la pointe d'une île; la baie d'Orléans, que commande ce cap; la terre de France... à laquelle, paraît-il, le Danemark va contester son nom pour des raisons de nomenclature géographique, en proposant de la nommer «terre du duc d'Orléans»,--ce qui n'implique aucune hostilité ni contre le prince, ni contre notre pays, d'ailleurs.
La moraine du glacier du cap Philippe (avec la silhouette
du docteur Récamier).
Jusqu'à la croisière de la Belgica, la dernière étape des
explorateurs, dans cette direction sur la route de l'inconnu, si
attirante, au dire de tous ceux qui s'y sont aventurés, était le cap
Bismarck, que l'expédition prussienne du capitaine Koldewey avait
atteint le 15 avril 1870, et encore y était-elle arrivée en traîneaux.
Au retour de son voyage, le capitaine Koldewey écrivait: «Aucun navire
ne s'avancera jamais plus avant le long de cette côte, à moins que ce ne
soit à la faveur de chances exceptionnelles.» Ces chances, l'expédition
du duc d'Orléans les a rencontrées.
Gustave Babin.
(Photographies du Dr Récamier et du commandant de Gerlache.)
De gauche à droite: le Szigetvar (crois. autr.); le Lancaster (crois. cuir. angl.); le Sankl Georg (crois. cuir. autr.--Vaisseau amiral); le Dard (torp. franc.); le Charlemagne (cuir. franc.); le Garibaldi (crois. cuir. italien); le Koubanetz (torp. russe).
La question du contrôle financier en Macédoine, qui avait amené l'occupation, par l'escadre internationale, de Mitylène et de Lemnos, est en voie d'arrangement. On a transigé: les puissances ont fait quelques concessions; moyennant quoi le sultan a accepté qu'une commission composée de conseillers financiers nommés et payés par les puissances exerce son contrôle sur le budget macédonien. Reste à savoir quel résultat effectif donnera dans l'application le fonctionnement de cette commission. En tout cas, l'incident est virtuellement clos, ou sur le point de l'être. Les navires des puissances n'ont sans doute plus longtemps à demeurer mouillés en rade de Mitylène, devant la petite ville aux toits de tuile que menaçaient leurs canons. Dans quelques jours, sans doute, on ne verra plus les allées et venues des vedettes amenant à la douane les marins des diverses nationalités, ou les remmenant à leurs bords à l'heure où l'on relève la garde. Ce joug qui pesait sur la gracieuse île ensoleillée était d'ailleurs des plus légers, et elle semblait le supporter sans impatience. Même le mouvement de curiosité que provoquaient, les premiers jours, les allées et venues des matelots s'était calmé vite. La garnison turque, cantonnée dans un bout de l'île, était séparée des troupes internationales par une zone neutre, et chacun vivait, bien tranquille, dans l'espace qui lui était attribué.
Débarquement des détachements français et anglais devant
la douane de Mitylène.--Photographies Mraz.
Le général Sakharof.
--Phot. Larger.
Le général Sakharof, qui avait été, de longues années, le chef d'état-major du général Kouropatkine au ministère de la Guerre russe, et qui l'avait remplacé, en 1904, à la tête du département, quand celui-ci fut nommé commandant en chef de l'armée de Mandchourie, vient de périr dans des circonstances tragiques. Démissionnaire du ministère de la Guerre depuis le mois de juillet dernier, il avait été récemment envoyé à Saratof, pour réprimer les troubles agraires. Le 5 décembre, le général travaillait dans le cabinet du gouverneur quand on lui annonça une visiteuse. Il la fit introduire auprès de lui. C'était une femme d'une trentaine d'années, élégamment vêtue. Elle se présenta comme propriétaire foncière, sollicitant un secours, et tendit une supplique au général. Soudain, tandis qu'il lisait l'écrit, il reçut à bout portant quatre balles de revolver. Blessé grièvement, le général Sakharof s'enfuit dans la pièce voisine où il s'évanouit. Il succomba rapidement. Il avait été atteint au coeur, au poumon, au bras, dans le dos. Il avait seulement cinquante-sept ans.
La sédition qui a éclaté le 25 novembre dernier à Sébastopol, et sur laquelle, en raison de l'irrégularité des services postaux, nous recevons seulement les premiers documents photographiques qui soient parvenus en France, a rappelé, mais avec un autre caractère de gravité, l'affaire fameuse du Potemkine.
Le lieutenant Schmidt, chef de la
mutinerie des 25-28 novembre à
Sébastopol. Phot. Pouditchef.
Les mutins (marins casernes à terre et soldats du régiment de Brest-Litovsky) s'étaient rendus maîtres du transport Otchakof et en avaient expulsé les officiers et les marins fidèles au devoir.
Le 27 au soir, les rebelles délivraient un officier, le lieutenant Schmidt, qui allait être jugé pour avoir tenu un discours révolutionnaire, et le mettaient à leur tête. Il prit le commandement de l'Otchakof, sur lequel il arbora le drapeau rouge, et parvint à capturer les torpilleurs le Sviryopi et trois autres qui avaient tenté de torpiller son navire.
Le lendemain, il enlevait, par un hardi coup de main, les officiers du Panteleimon (ancien Potemkine) et les emmenait à son bord comme otages. On dut recourir à la force pour dompter les insurgés, et un duel d'artillerie s'ouvrit, dans l'après-midi du 28, entre leur escadrille, d'une part, et l'escadre, qu'appuyait de terre de l'artillerie de campagne. L'Otchakof put tirer seulement six coups, et, un incendie s'étant déclaré à son bord, il se rendit. Le lieutenant Schmidt était blessé grièvement.
Le matin du 29, l'amiral Tchoukhine était maître de la situation.
Le croiseur Otchakof. | Le fort Constantin qui a canonné le croiseur Otchakof. |
Depuis quelque temps déjà, on voyait circuler parfois à travers les rues de Paris un omnibus automobile, effectuant une marche d'essai et chargé de voyageurs fictifs, c'est-à-dire de sacs de sable. L'ouverture du Salon de l'automobile fournissait tout naturellement l'occasion de rendre ces épreuves plus intéressantes, en substituant aux sacs inertes de vrais voyageurs, capables d'apprécier les avantages ou de constater les défauts des véhicules perfectionnés. La Compagnie des Omnibus vient donc de mettre provisoirement à la disposition du public neuf voitures nouveau modèle, actionnées par des moteurs de marques différentes, qui accomplissent le trajet de la place de la Bourse au Cours-la-Reine par la rue Vivienne, les boulevards, la place de la Concorde et les Champs-Elysées.
LES PREMIERS OMNIBUS AUTOMOBILES A PARIS
LES NEUF TYPES EN CIRCULATION ENTRE LA BOURSE ET LE SALON DE
L'AUTOMOBILE.
--1. Au départ, sur la place de la Bourse.--2. Devant
l'Automobile-Club.--3. Place de la Concorde.--5. Sur les grands
boulevards.--4, 6, 7. Avenue des Champs-Elysées.--8. Devant le Grand
Palais.--9. A l'arrivée, aux serres du Cours-la-Reine.
Les neuf voitures ne se distinguent que par leurs moteurs,
commandés à
neuf constructeurs différents.
La toiture effondrée et les murs écroulés.
Un très grave accident s'est produit à Londres, dans l'après-midi du 5 décembre: la toiture de la gare de Charing-Cross s'est brusquement effondrée avec un fracas épouvantable, entraînant dans sa chute des équipes d'ouvriers occupés à des travaux de réfection, écrasant plusieurs wagons des trains formés le long des quais, en même temps que s'écroulait un mur mitoyen de soutènement, qui sépare ce vaste hall de la salle de l'Avenue-Theatre. La marquise écrasée sur un des quais gravement endommagé. |
Ruelle séparant la gare de l'Avenue-Theatre, encombrée de débris. |
Le premier moment de stupeur passé, lés pompiers et les agents de police accourus en toute hâte entreprirent, au milieu d'un épais nuage de poussière, de fumée et de suie, le laborieux déblaiement des décombres, inextricable amas de fers disloqués, de verres brisés, de gravats, sous lequel gisaient les victimes.
Le nombre n'en était pas aussi considérable qu'on l'avait craint d'abord; mais il s'élevait cependant à une trentaine, dont sept morts.
Quant aux dégâts, telle est leur importance que la gare a dû rester fermée pendant une semaine et qu'il faudra reconstruire le théâtre contigu.
L'ACCIDENT DE CHARING-CROSS.
--La grande poutre
transversale de la toiture reposant sur les wagons
et soutenue par des
piles de traverses.
Le Salon de l'automobile de Paris constitue la grande foire mondiale des véhicules de locomotion sur route; car le centre du marché automobile, en dépit des efforts chaque jour plus pressants de la concurrence étrangère, demeure toujours en notre capitale. Les plus grosses transactions de cette industrie si étonnamment vivante se passent encore sur le terrain où elle est née, la France.
La grande solennité qui tient en ce moment ses assises, au Grand Palais et aux Serres de la Ville, nous donne l'occasion d'examiner d'un peu près les ressources qu'offre au public cette industrie automobile, d'enregistrer ses victoires acquises, et de mesurer aussi l'énorme terrain qu'il lui reste à parcourir pour satisfaire toutes les demandes, de genres si différents, que lui adresse l'humanité. En un mot, nous noterons où elle en est et où elle doit logiquement aller. Ces simples réflexions seront probablement jugées beaucoup plus intéressantes que des commentaires sur les rares perfectionnements de détails que comportent les machines exposées.
Mais, tout d'abord, le Salon de l'automobile doit-il continuer à vivre, du moins à revivre chaque année, ainsi qu'il le fait depuis huit ans?--La question commence à se poser dans les milieux industriels, et les réponses ne vont pas toutes vers l'affirmative.
Quantité de chefs de maisons reprochent au Salon de les livrer malgré eux à des frais de publicité fort onéreux. Il jette de plus une perturbation profonde dans leurs affaires. En effet, il les oblige, à peine remis du Salon précédent, à peine installés à la livraison des véhicules commandés, à songer au «type nouveau» qu'il leur faudra exposer au Salon prochain. Les modèles étant longs à déterminer dans leurs détails, les pièces de fonte d'acier étant de fabrication très lente, c'est dès le mois de juillet souvent qu'ils doivent commencer l'étude des véhicules destinés à faire sensation en décembre!
L'acheteur qui, de son côté, n'ignore pas cette particularité de mécanisme industriel, ne donne plus de commandes aux usines dès que l'été est venu: il attend le Salon! La production des usines ne va plus que par à-coups, et l'on «débauche» le personnel ouvrier à certains mois avec autant de hâte qu'on «l'embauche» à d'autres.
De plus, les modèles, toujours changés, ne peuvent être construits qu'en séries relativement petites. Il est impossible d'entreprendre de grandes séries de voitures identiques, à l'américaine, de voitures dont les pièces seraient moins onéreuses, le prix de la main-d'oeuvre moins élevé, sur lesquelles se répartiraient des frais généraux moindres,--et qui, au total, seraient vendues beaucoup meilleur marché aux consommateurs.
Enfin, les protestataires contre l'annualité du Salon font observer avec raison que, si les étrangers commencent contre l'industrie française une concurrence des plus sérieuses, c'est aux Salons annuels que nous le devons. Là, groupés en un seul local, mis à nu, exposés dans leurs moindres détails, divulgués avec complaisance par les vendeurs, tous nos modèles sont livrés aux instincts copistes des concurrents et surtout des concurrents étrangers. Un ingénieur intelligent pourra, en cinq ou six visites attentives, s'il a quelque compétence, bourrer de notes son portefeuille, travailler discrètement du crayon et du pied-à-coulisse (appareil de mesure des épaisseurs), et extraire de cette exposition, comparative donc éminemment instructive, les plus précieuses indications pour une voiture bien conçue! Il serait, à tous égards, plus adroit, pense-t-on, d'obliger les constructeurs étrangers à acheter nos voitures s'ils désirent les copier, au lieu de les leur exposer naïvement, et gratuitement! Tout au moins la divulgation de nos méthodes et de nos modèles serait-elle moins préjudiciable à nos intérêts si le Salon de l'automobile n'avait lieu que tous les trois ans!
Les partisans du Salon annuel soutiennent au contraire que la grande foire excite la concurrence, c'est-à-dire le progrès, qu'elle fouaille les acheteurs, entretient la fièvre du marché, la vie de l'industrie automobile, et qu'elle met ainsi toutes choses au mieux du monde.
La tendance générale va vers une baisse sensible des prix. Sous réserve des réflexions que j'aurai à formuler tout à l'heure sur ce sujet, voilà une nouvelle qui réveillera l'espoir dans le coeur de bien des gens! De très grosses maisons ont descendu tout leur catalogue 1905 de 2.000 et 3.000 francs pour en faire le catalogue 1906. Si l'on rapproche ce fait de celui que j'ai relaté tout à l'heure, à savoir que la plupart des constructeurs demandent qu'on leur laisse, entre deux Salons, du répit, c'est-à-dire le temps de fabriquer par grandes séries, par conséquent de produire à meilleur compte, on reconnaîtra qu'un vent de sagesse commence à souffler dans le Grand Palais!
On rapprochera encore de ces deux faits ce troisième, la propension très caractérisée qu'a aujourd'hui l'acheteur à ne plus acquérir de moteurs énormes, de «monstres» dont la consommation d'essence et de gomme (car un moteur très fort entraîne très vite la voiture et consomme parfois plus de caoutchouc que d'essence) déroute les budgets les mieux constitués! Il semble vraiment que l'ère des grandes folies de dépenses et de vitesses soit à son déclin et que l'automobile commence, mais bien doucement encore, à se diriger vers son vrai but, le transport rapide des hommes et des choses, et à se détourner de son but factice, le sport. Les gens sensés attendaient depuis longtemps cette évolution.
Ce sentiment de la nécessité du bon marché a donné naissance, ou mieux renaissance, à deux instruments, le tricar et la voiturette, dont on voit plusieurs modèles très différents au Salon.
Le plus petit modèle d'automobile que nous possédions jusqu'ici était la motocyclette. Mais la motocyclette, si bien au point qu'elle soit aujourd'hui, ne peut donner satisfaction à tout le monde. Elle n'est guère «habitable» que par un tout jeune homme, car elle n'est pas stable, elle dérape, et puis elle n'a qu'une place. Pour le commerce, elle est nulle, attendu qu'elle ne peut porter aucun colis.
Les Anglais, les premiers, ont remédié à ces défauts en constituant un appareil nouveau au moyen d'une roue motrice à l'arrière, comme dans la motocyclette, et de deux roues porteuses et dirigeantes à l'avant, comme dans la voiture. Un «trois-roues voiture», un tricar, vint de la sorte au monde et commença à pulluler en Angleterre. Depuis un an on parle de lui très fréquemment en France, mais il n'y rencontre pas encore la haute faveur qui lui est octroyée chez nos voisins, il faut bien le reconnaître.
Cet instrument peut cependant rendre de très signalés services. Si la place sur la selle d'arrière ne bénéficie pas d'un confort immodéré, par contre la place d'avant, entre les roues, est suspendue sur des ressorts et très acceptable. Pour les besoins du commerce, pour les petites livraisons en ville ou aux environs de la ville, le tricar transforme en un instant sa place d'avant en un coffre bien clos où les marchandises sont à l'abri. Pour les besoins du particulier, du châtelain, par exemple, le tricar joue aisément le rôle du poney, va porter un paquet ou même une lettre en retard à la gare, ou plus simplement encore s'en va au marché.
Les qualités dominantes du tricar sont d'abord le bas prix de son achat, ensuite sa faible consommation. Mais il ne demeure pratique qu'autant qu'on ne le «déforme» pas, qu'autant qu'on ne fait pas, de lui aussi, un monstre!
Le tricar ne peut et ne pourra jamais être très confortable. Il sera toujours impossible de lui donner une suspension de voiture, de lui donner de la longueur pour augmenter son empattement et lui demander de grandes vitesses. Sa légèreté, qui est sa qualité primordiale, l'empêche d'adhérer au sol suffisamment dans les allures exagérées: il bondit alors comme une balle et fait des sauts qui le détruisent lui-même et désespèrent le conducteur.
De plus, si l'on veut exiger du tricar des vitesses élevées, il faut nécessairement qu'on le munisse d'un moteur beaucoup plus puissant, plus cher et consommant bien davantage. La seconde qualité du tricar, la faiblesse de consommation, est anéantie du coup. Désormais, pour résister à son moteur et aux vitesses que ce moteur lui communique, il faut au tricar des membres beaucoup plus solides, donc plus lourds; et une partie de la puissance nouvelle ajoutée à l'ensemble n'a pour effet que de déplacer à une vitesse un peu plus grande un véhicule beaucoup plus lourd! On parvient ainsi aux fins dernières de l'instrument: le gros moteur trépide péniblement à l'arrière quand le véhicule est arrêté. Il ébranle tous les assemblages. D'autre part, les freins, dont on n'a pas la place d'augmenter la largeur et le diamètre sur ces petits instruments, deviennent insuffisants pour les grandes vitesses engendrées; et bientôt, le véhicule n'étant plus qu'une réunion de pièces qui cherchent à divorcer, les pannes irrémédiables surviennent, et l'on appelle le ferrailleur pour le lui vendre.
C'est là le processus morbide par lequel est passé le tricycle à pétrole d'autrefois avant de disparaître; celui qui guette la motocyclette si l'on n'y prend garde; celui qui viendra à bout du tricar si les constructeurs ne réagissent pas avec un entêtement invincible.
Il est à remarquer qu'à ce point de vue les Anglais sont beaucoup plus raisonnables que nous. Ils ne demandent à leur tricar que les exploits modestes qu'il est capable de fournir et que le vendeur leur a enseignés. Ils ne lui mettent sur les reins que deux personnes, parce qu'il a été construit pour transporter deux personnes; ils n'exigent pas qu'il fasse des matches même avec des trains omnibus, parce qu'il a été construit seulement pour marcher plus vite que des chevaux.
En France, nous déduisons du fait que le tricar a été construit pour deux personnes, qu'il peut bien en porter trois! Une de plus, une de moins!... Alors, sur l'avant du tricar qui ne devrait être réservé qu'à sa femme, on installe à côté d'elle une petite soeur, oh! si mince! Puis on commande au bourrelier un tablier pour leur couvrir les jambes, ensuite une capote à compas pour les jours de pluie. On fait poser un générateur d'acétylène et deux petits phares pour voyager la nuit --et l'on s'aperçoit que le tricar se refuse à tant de besogne et s'abstient de gravir la moindre rampe. Alors, on juge que le moteur n'est pas assez puissant, qu'il faut un ou deux chevaux de plus; et le délicieux petit tricar d'antan devient le monstrueux engin dont j'ai parlé plus haut.
LE 8e SALON DE L'AUTOMOBILE:
LE GRAND PALAIS ILLUMINÉ, VU
DU QUAI D'ORSAY
Dessin de Henri Jourdain.
Le tricar a ses deux places l'une derrière l'autre; la voiturette les a à côté l'une de l'autre. Le premier vaut de 1.300 à 1.800 francs; la seconde débute à 2.000 francs, je crois, jusqu'à 3.800 francs environ. La voiturette a quatre roues, absolument comme une voiture, mais elle n'a de la voiture, même en miniature, que la simple apparence. Le public ne doit pas s'y tromper, et les rêveurs d'automobiles populaires à des prix infimes doivent en prendre encore leur parti: jamais une voiturette n'offrira le confort ni la vitesse que procurent les vraies voitures. On admettra bien, je pense, que, si les voitures ont les dimensions d'empattement, de voie, de caisse, que nous leur connaissons, c'est parce que ces dimensions sont reconnues nécessaires! De ce qu'un client ne peut consacrer que 2.000 francs à l'achat d'une voiturette, il ne s'ensuit pas que ce monsieur ait les jambes plus courtes que le monsieur qui signera gaiement un chèque de 25.000 francs, et qu'il ait besoin de moins de place pour les allonger! De même l'assise d'un chauffeur peu fortuné réclamera la même profondeur que celle du plus milliardaire de nos amateurs!
Dès lors, puisque la voiturette ne pourra jamais satisfaire les jambes, l'assise, et tout le reste de son acheteur, sous peine de devenir une voiture pure et simple, il faut bien que cet acheteur ait la philosophie de se contenter de la portion congrue de confort que peut offrir une voiturette!
De plus, tant que les usines ne pourront pas construire les voiturettes par grandes séries, par trois ou quatre milliers à la fois, le marché ne pourra pas offrir, dans les prix les plus bas que j'ai indiqués, de machines de qualité réelle. Or on sait, ou tout au moins on soupçonne, quels dangers courent les voyageurs d'un appareil lancé à 30 ou 40 à l'heure, s'il n'est pas constitué de matériaux de premier choix!
Ces observations n'ont pas pour but de détourner aucun acheteur du tricar ou de la voiturette, mais de mettre en garde tous nos lecteurs contre un achat inconsidéré. L'industrie automobile n'est pas encore en pleine possession de la fabrication de ces appareils, comme elle l'est de la fabrication des voitures. Il y a donc lieu de prendre plus de précautions pour acquérir un instrument de 2.000 francs que pour en commander un de 15.000 francs. J'en connais déjà d'excellents; j'en sais par contre beaucoup plus d'exécrables.
En résumé, aujourd'hui, il est impossible de trouver sur le marché, pour 3.000 et 4.000 francs même, à l'état de neuf, un véhicule dit de famille, c'est-à-dire capable de porter normalement trois ou quatre personnes. La motocyclette est faite pour une personne; le tricar et la voiturette pour deux. Rien n'existe au delà dans la classe des petites automobiles. Et tous les trois sont faits pour rouler doucement, pour ne jamais dépasser 40 kilomètres à l'heure sur terrain plat, c'est-à-dire pour fournir une moyenne de 28 à 30 par tous profils. C'est peu; mais, pour la plupart des clients de cette classe, c'est fort suffisant.
Lorsqu'on veut bénéficier de tous les avantages d'une vraie voiture, avoir le confort des places, le confort de la suspension, de la capote large et longue, il n'est qu'un, moyen: choisir une vraie voiture!
Il ne s'ensuit d'ailleurs pas que l'acheteur qui se décide à cette sorte d'achat voie obligatoirement ses finances compromises! On réalise aujourd'hui de bonnes voitures modestes au moyen d'un moteur d'un seul cylindre. C'est, au total, un poids de 600 à 700 kilos et une dépense de 6.000 francs environ. On achète ainsi un véhicule qui certes n'arrachera de cris d'admiration à aucun badaud, mais qui honnêtement fera un dur travail quotidien et résistera victorieusement à de longs voyages.
La voiture élégante, la voiture à quatre cylindres, c'est ici que triomphe à coup sûr l'industrie automobile! Le nombre des constructeurs d'automobiles de luxe est considérable, et je ne saurais trop compter tous ceux qui se sont fait, dans cette spécialité, un nom connu. Il n'y a ici pour un acheteur d'autre embarras réellement que celui du choix!
De façon générale, lorsqu'on désire une voiture de cette catégorie, on ne l'achète plus toute finie, mais à l'état de châssis, et l'on demande à un carrossier de la terminer par une caisse. Le châssis, ou mécanisme complet sur ses roues, est fabriqué en séries par le constructeur, mais la caisse est toujours établie par unité et, pour la forme autant que pour la garniture et la peinture, au goût du client. Le prix de l'ensemble est évidemment beaucoup plus élevé, mais l'oeuvre est au moins personnelle, et, si l'amateur est quelque peu expert en la matière, il peut, dans une certaine mesure, se dire le collaborateur du carrossier pour sa voiture.
Si l'on veut en croire mon expérience, on admettra qu'une voiture de tourisme ne doit guère dépasser une allure de 60 kilomètres à l'heure en terrain plat, c'est-à-dire fournir une moyenne de 40 à l'heure ou à peu près. Des allures plus élevées sont, en toute sincérité, dangereuses, et augmentent le prix d'entretien de la voiture dans des proportions énormes; des allures plus basses sont soporifiques sur route un peu longue. Il est d'ailleurs à remarquer que le 60 que j'indique ici est le maximum de l'allure que puisse fournir le moteur que je préconise, mais que la souplesse de nos engins actuels permettra à ce même moteur de faire un service de ville à 20 kilomètres à l'heure. Or, pour obtenir ces allures, si la caisse est découverte mais pourvue d'une grande capote, il faut une puissance réelle de 20 chevaux environ. Je dis réelle, parce que les constructeurs de moteurs d'automobiles ont pris l'habitude d'annoncer des puissances inférieures à celles que peuvent fournir au maximum ces moteurs. La puissance varie, en effet, beaucoup avec le conducteur et n'atteint son maximum que lorsque le moteur est dans les conditions les meilleures de rendement (bonne carburation, bonne qualité d'étincelle électrique d'allumage, bon graissage, bonne réfrigération, bonne étanchéité, bons ressorts de soupapes, etc., etc.). Les constructeurs admettent donc une baisse sensible dans la puissance du moteur lorsque les circonstances sont défavorables, et baptisent prudemment 14 chevaux un moteur qui, en réalité, peut en donner 20. On est alors en présence d'un 14-20 chevaux par exemple.
Un châssis de 20 chevaux a aujourd'hui une valeur de 10.000 à 14.000 francs environ. La caisse, selon la maison de carrosserie qui l'établira, vaut de 2.000 à 4.000 francs. Il y a lieu toujours d'ajouter un billet de 1.000 francs pour les accessoires (pièces de rechange de mécanisme et de pneumatiques, phares à acétylène, etc.). En sorte que, équipée pour prendre la route, une telle voiture, pour quatre à cinq personnes, revient à un prix variant entre 13.000 à 19.000 francs.
Si la voiture est fermée par des glaces (landaulet, limousine, phaéton abrité, etc.) et qu'on veuille atteindre les mêmes allures, il est nécessaire d'acheter un châssis qui ait une puissance vraie de 24 chevaux environ, car le poids d'une telle caisse est plus élevé, et la résistance qu'elle présente à l'air (facteur le plus considérable dans la résistance au roulement qu'éprouve un véhicule rapide) est beaucoup plus importante. On achètera donc un 18-24 ou un 20-24 chevaux. Le prix d'un tel châssis varie entre 16.000 et 18.000 francs environ. La caisse vaudra de 3.000 à 6.000 francs, selon le luxe qu'elle comportera. En sorte qu'une jolie voiture de voyage, de puissance moyenne, mais de confort absolu, vaut entre 20.000 et 25,000 francs.
Tous ces prix étaient, l'an dernier encore, plus élevés de 2.000 à 3.000 francs. La baisse n'a d'ailleurs eu lieu que sur les châssis et non pas sur les caisses, pour la double raison que les modèles mécaniques n'ont pas subi de modifications très importantes en 1905, et que la concurrence commence à livrer bataille sérieuse; et que, d'autre part, les exigences du client pour les détails de la caisse, pour leur nombre, pour leur soin et pour leur qualité, ont toujours augmenté.
Dans la catégorie de la belle voiture, l'industrie française est, je le répète, hors de comparaison. On y retrouve tout le goût de notre race. Mais il faut reconnaître qu'ayant merveilleusement réussi la première partie de son programme: construire des voitures de plaisance pour personnes riches, notre industrie doit s'acharner dès maintenant à réaliser la seconde partie, qui serait: construire des voitures utiles pour personnes aisées; et à pousser à bonne fin la troisième, déjà brillamment entamée: construire des véhicules industriels.
La question dite des «poids lourds», c'est-à-dire de la traction par moteurs mécaniques de lourdes voitures de transport, a reçu, cette année, quelques nouveaux essais de solution. Les visiteurs des Serres de la Ville en verront quelques échantillons. Mais il faut bien qu'ils sachent qu'en vérité notre industrie est encore, à l'heure actuelle, incapable de livrer au commerce des voitures de transport dont le poids total (chargement compris) dépasse trois tonnes (3.000 kilos), ou à peu près. Ce qui manque, c'est à la fois: la roue, qui se démolit si l'on ne la garnit que de fer, et qui consomme trois fois plus de gomme que ne consomme d'essence le moteur, si on la garnit de caoutchouc; et la route, que des roues aussi chargées et motrices (détail capital, car la roue motrice, roue vivante, agrippe le sol) ont tôt fait de défoncer dès que la voiture atteint seulement 12 à 15 kilomètres à l'heure.
Les essais les plus réussis de transport de voyageurs sur route ont presque tous, jusqu'ici, été compromis par l'usure extrêmement rapide des bandages des roues. Seules, les voitures peu pesantes et conduites à allure relativement lente, ont pu sauver de la faillite les exploitations au service desquelles elles travaillaient.
Il y a donc ici une indication précieuse à retenir: la voiture automobile publique doit être petite, légère et lente. Sa «lenteur» pourra d'ailleurs, sans danger, équivaloir au double de la vitesse d'une voiture publique à chevaux! Dans ces limites prudentes, elle est dès aujourd'hui réellement pratique. Elle permet d'établir, à très bas prix, de ville à ville, des services publics à petit trafic, à gestion simple, à amortissement facile. Cette application de l'automobile est évidemment le succès de demain.
D'ailleurs, les visiteurs du Salon pourront remarquer sur le
Cours-la-Reine des omnibus à impériale, les premiers à Paris, qui, à
l'occasion de la fête de l'automobile, s'essayent à évoluer sans
chevaux. Voici qu'en 1906 le progrès nous vient de la Compagnie générale
des Omnibus!
L. Baudry de Saunier.
M. Faguet faisant son cours sur les Poètes français du
temps du premier Empire.
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C'est une opinion généralement admise en province, et même à l'étranger, qu'il n'y a pas de ville où, pour passer agréablement le temps, on dépense plus d'argent qu'à Paris. Quelle erreur! Je me souviens d'un amusant inventaire auquel procéda, il y a une dizaine d'années, dans le supplément littéraire du Figaro, un jeune homme plein d'esprit, qui débutait alors dans les lettres, M. Jules Chancel. Il y énumérait et décrivait l'infinie série des «plaisirs gratuits» qu'offre Paris. Il y en a de toutes sortes, et pour tous les goûts, et l'écrivain nous démontrait bien spirituellement qu'il n'existe point à Paris de ridicule, de travers, de vice ou de vertu qui ne se puisse, en une certaine mesure au moins, satisfaire gratuitement. |
Paris ne possède pas seulement des jardins publics où l'on peut flâner délicieusement, apprivoiser de petits oiseaux et, la belle saison venue, former son goût dans la fréquentation des orchestres militaires; Paris n'a pas seulement des musées merveilleux où il fait chaud pendant l'hiver et des églises où il fait frais pendant l'été; des bibliothèques publiques, des conférences où l'on est à l'aise pour digérer; des salons d'hôtel où, sous prétexte d'attendre l'ami qui ne vient pas, on peut lire tous les journaux, feuilleter tous les illustrés des deux mondes et faire sa correspondance sur papier de luxe; des buffets de maisons de nouveautés où l'on peut se rafraîchir et se restaurer gratis, et des mairies où l'on trouve, de temps en temps, des mariées ravissantes à embrasser; Paris possède une Sorbonne dont toutes les portes, ou presque toutes, sont, huit mois sur douze, ouvertes à tout le monde, et où se donnent rendez-vous, en la plus pittoresque des promiscuités, toutes les curiosités, nobles ou futiles, toutes les coquetteries, tous les snobismes, toutes les activités, toutes les paresses...
Et c'est l'attrait suprême et l'originalité unique de ce lieu: l'homme sérieux s'y instruit, la femme frivole ne s'y ennuie point et le philosophe y jouit--comme le dessinateur--de petits spectacles où il est sûr de s'amuser beaucoup. C'est donc une grave affaire pour Paris que de savoir, à chaque retour d'hiver, ce que sera l'affiche de la Sorbonne. Quels professeurs y rencontrera-t-on et de quoi parleront-ils? Et à quels jours? Et à quelles heures? Dans la clientèle féminine de la maison ce détail est d'importance. Car, si l'on consent à orner son esprit de connaissances nouvelles, on ne peut pas tout de même, pour cela, désorganiser sa vie, changer «son jour», se lever ou déjeuner à des heures ridicules, renoncer à l'agrément de certaines visites à faire ou à recevoir et du thé de cinq heures.
Il y a aussi, en dehors de la Sorbonne, quelques cours où se porte volontiers la curiosité des amateurs, et il est intéressant de savoir, au moment où la Sorbonne va s'ouvrir, si telles conférences données par X... à l'École du Louvre ou par Y... au Collège de France, et qu'on ne veut point manquer, n'auront pas lieu à l'heure précise où Z..., de la Faculté des lettres, professera le cours très attendu qu'on a résolu de suivre aussi...
Les amateurs «sérieux» ont eu, cette année, le regret de ne point trouver sur l'affiche de la Sorbonne quelques-uns des noms qui les y attiraient d'ordinaire. M. Lavisse n'enseigne plus; M. Boutroux, M. G. Monod, M. Buisson, ont provisoirement quitté l'affiche. Mais le répertoire de l'hiver a tout de même de quoi satisfaire les curiosités des plus gourmands; et, si les noms des «célébrités» y sont plus rares, les compétences les plus variées et les plus notoires talents y figurent. Six maîtres y enseignent la philosophie; treize, la géographie et l'histoire; treize, les lettres et la philologie.
S'est trompée de jour et assiste, avec sa mère, au cours de M. Luchaire: Innocent III et la question d'Orient. La troupe des amateurs se disperse autour de ces chaires en groupes très inégaux. Cette année, elle semble négliger un peu les philosophes, et nous sommes loin des belles années où c'était un brevet de distinction, pour une Parisienne, que d'être vue--très attentive et le crayon d'or à la main--aux leçons de Caro. |
Une Allemande qui suit les cours, quels qu'ils soient, pour apprendre la bonne prononciation française. |
La parole charmante de M. Brochard eût été digne de les attirer; mais M. Brochard consacre, cet hiver, son élégante érudition au «Néoplatonisme alexandrin», et ce n'est pas de quoi réjouir des imaginations de femmes. Quelques-unes vont entendre M. Dumas, qui leur parle des «Emotions et des passions», mais de si honnête manière! M. Séailles parle de «l'Idée de Dieu et des méthodes philosophiques» devant un auditoire attentif, et M. Lévy-Bruhl a vu se lever vers lui, depuis un mois, quelques jolis yeux: des yeux de graves étudiantes que tourmente le besoin de savoir ce que c'est au juste que la «Philosophie de Descartes». Les autres fréquentent de préférence les cours de lettres. Il y en a, cette année, d'amusants. Le plus suivi de tous est, comme l'an dernier, celui de M. Faguet, qui traite des «Poètes français du temps du premier Empire». M. Faguet a tout ce qu'il faut pour intéresser un auditoire de femmes: il est académicien, il a de l'esprit, il sait à fond les choses dont il parle, et il ne parle que de choses qu'on voudrait savoir. Il est, avec cela, le plus fécond des journalistes, et il exerce la critique dramatique au rez-de-chaussée du plus vénérable de nos journaux. C'est ce qui vous explique pourquoi on voit fleurir autour de sa chaire de si jolis chapeaux et briller l'or de nuques si jolies: ce sont les nuques et ce sont les chapeaux de comédiennes qui, ayant lu les feuilletons de M. Faguet, se sont dit que les leçons qu'il professe à l'amphithéâtre Richelieu ne devaient pas être ennuyeuses... Elles ne le sont pas, en effet. Non plus que celles de M. Lanson, qui a pris pour sujet, cet hiver, «l'Histoire du goût littéraire en France au dix-huitième siècle». Ici, moins d'élégances. Un auditoire où domine l'élément «professionnel»: des étudiants des deux sexes, des institutrices,--beaucoup d'institutrices. M. Lanson est un professeur influent et bien en cour; il est fort en littérature et il a, en politique, des opinions hardies; c'est un maître qu'il est intéressant de suivre et avantageux d'avoir suivi.
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C'est au cours de M. Santayana que nous retrouvons les mondains--et les mondaines--de Sorbonne. Professeur à l'université d'Harvard, M. Santayana fait, sur la «Philosophie contemporaine en Angleterre et aux États-Unis», un cours où affluent les jolies femmes... car la colonie américaine est riche en jolies femmes, et ce sont elles surtout qui viennent, deux fois par semaine, applaudir leur savant compatriote et continueront de lui faire cortège jusqu'en mars. |
Est-ce à dire que MM. Santayana, Lanson et Faguet méritent seuls la vogue qui s'attache cet hiver à leur enseignement? Point du tout; n'oubliez pas que la Sorbonne compte parmi ses maîtres un des hommes les plus savants et les plus spirituels de ce temps-ci, M. Gebhart; que les noms de MM. Croiset, Collignon, Martha, Cartault, Thomas, Henry, Gazier, Lichtenberger, Beljame, Haumant, Dejob, s'inscrivent à l'affiche de 1906. Mais quoi! la vogue ne va pas au talent seul; elle va aux hommes qui ont «une histoire» et aux sujets qui l'amusent; or, M. Croiset n'a pas d'histoire; quand M. Collignon lui parle de «l'Art grec au quatrième siècle», la foule des amateurs fait la grimace, et, si elle néglige un peu M. Gebhart, c'est que M. Gebhart lui tient, sur la «Chronique de Fra-Salimbene», des discours qui ne la divertissent point follement.
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Quelques auditrices pourtant restent fidèles à ces graves leçons et c'est, pour l'habitué de Sorbonne, un amusement que ces rencontres inattendues: l'auditrice guindée que sa femme de chambre accompagne et qui échange avec elle des réflexions qu'on voudrait connaître...; l'élève du Conservatoire, échouée là par on ne sait quel hasard, qui s'est trompée de porte ou de jour et qui, croyant entendre M Faguet, demeure comme médusée devant les explications que M. Luchaire lui fournit sur «Innocent III et la question d'Orient».
M. Aulard intéresse davantage. M. Aulard est un peu, du côté des historiens, ce qu'est M. Lanson du côté des professeurs de lettres. C'est un militant, dont les idées ont fait du bruit. Il nous explique, cet hiver, la «Méthode des principaux historiens de la Révolution». Auditoire d'étudiants, d'institutrices, de rentiers graves. Le rentier fréquente volontiers, en Sorbonne, les cours d'histoire. Et il n'a que l'embarras du choix. L'histoire ancienne le tente-t-elle? MM. Leclercq et Grébaut la lui enseigneront. Celle de l'art byzantin lui plaît-elle davantage? M. Diehl est là pour la lui raconter. Est-il friand «d'actualité»? Voici les cours où M. Revon, très entouré, traite de «l'Évolution morale du Japon», et M. Augustin Bernard du Maroc, et M. Denis de «la Russie depuis Paul Ier». M. Vidal de la Blache, M. Marcel Dubois, lui enseigneront, s'il veut, toutes sortes de géographies; M. Lemonnier, l'«Histoire de l'art»; M. Romain Rolland, celle de «l'Opéra, de Lulli à Gluck». Et je m'en voudrais enfin d'oublier le docte cours de psychologie de M. Egger, et celui de M. Espinas sur les «Vues sociologiques de Voltaire et de Rousseau». Le rentier de Sorbonne est le plus respectueux des auditeurs. Il prend rarement des notes. Ancien commerçant, fonctionnaire ou vieux militaire retraité, sa fonction est de se reposer. Il écoute, simplement, et quelquefois il s'endort. Interpellé par un avocat qui s'irritait de le voir dormir depuis le commencement de sa plaidoirie, un vieux juge osa répondre que le sommeil était quelquefois «une opinion».
Le mot est spirituel, mais ne vaudrait rien si on l'appliquait aux
dormeurs de Sorbonne. Car leur sommeil, à ceux-là, ne veut pas dire:
«Vous êtes ennuyeux», mais le plus souvent: «Vous êtes, monsieur le
professeur, un peu trop fort pour moi». Et cela est tout à l'honneur de
nos maîtres. Ils ne cherchent pas à plaire quand même à l'auditoire qui
les écoute; ils l'appellent à eux; ils ne descendent point à lui; ils
savent résister, parlant au public, à la tentation de se faire
courtisans. C'est une des vertus que le Palais-Bourbon pourrait envier à
la Sorbonne.
Emile Berr.
LE POPE GAPONE A PARIS Le pope Gapone, principal instigateur du mouvement populaire de Saint-Pétersbourg qui aboutit, le 22 janvier dernier, à la fusillade du Palais d'Hiver et aux scènes tragiques qui ensanglantèrent les faubourgs de la capitale russe, avait pu s'enfuir et éviter la répression. Au mois d'octobre dernier, quoique le gouvernement eût refusé de le comprendre dans l'amnistie, il était rentré clandestinement en Russie. Mais, traqué par la police à laquelle il n'échappa que grâce au dévouement de ses amis, il dut de nouveau prendre la fuite. C'est à Paris, où il est venu chercher un asile, qu'a été prise la photographie que nous publions de lui, et qui le représente sous le costume laïque. Un de nos confrères du Matin l'a interviewé. D'après ses déclarations, il apparaît sinon découragé du moins inquiet de la tournure qu'ont prise les événements. |
«AU JARDIN DE PARIS», TABLEAU DE TOULOUSE-LAUTREC La Société des Amis du Luxembourg s'est constituée dans le but d'enrichir notre musée des artistes contemporains. Or, la première oeuvre qu'elle songea à lui offrir, dès que ses ressources le lui permirent, fut le tableau que nous reproduisons ici: Au Jardin de Paris, oeuvre du peintre Henri de Toulouse-Lautrec, mort il y a quelques années. Présentée d'abord au Comité consultatif des musées, l'oeuvre fut agréée. Le Conseil supérieur des musées, par contre, quand elle arriva devant lui, la repoussa. Des polémiques s'engagèrent, au cours desquelles l'éminent président du Conseil supérieur, M. Léon Bonnat, déclara n'avoir gardé aucun souvenir que cette toile eût été examinée par le Conseil. Elle vient donc de lui être soumise de nouveau, et une faible majorité lui a refusé une seconde fois l'entrée du Luxembourg. |
M. Charles Bargone
(Claude Farrère), enseigne de
vaisseau à bord du
Saint-Louis.
Les hésitations ont été longues à l'Académie Goncourt. Parmi la masse, plus nombreuse que jamais, des livres présentés pour le prix, aucun ne semblait attirer les suffrages des nouveaux et jeunes immortels. Presque au dernier moment, quelqu'un du cénacle a mis en avant un volume auquel personne ne songeait: les Civilisés (Ollendorff, 3 fr. 50), d'un jeune officier de marine qui avait déjà publié, sous le même pseudonyme de Claude Farrère: Fumées d'opium. Ces messieurs de l'Académie Goncourt ont le goût des impromptus; ils aiment à prendre des décisions rapides et à couronner les pages de la dernière heure. N'ont-ils pas pareillement le dessein de tromper le public et de choisir le favori que l'on ne soupçonnait pas?
Les Civilisés, qui viennent de réunir la majorité des voix, méritaient-ils tant d'honneur? Nous avons, dans la vie, rencontré des êtres, hommes ou femmes, qui nous attirent dès le premier abord. A peine la porte s'ouvre-t-elle devant eux et apparaissent-ils, qu'ils conquièrent tout le salon. Ils ont des manières si engageantes, un tel sourire sur les lèvres, une telle contenance, qu'on est pris et disposé à tout accorder sans réfléchir davantage. Ainsi en est-il des Civilisés. La phrase en est vive et à la fois caressante, avec des mots neufs et éclatants, avec un réalisme qui se voile sous des couleurs très poétiques, à la Loti.--L'auteur de Mon frère Yves semble avoir marqué toute la marine littéraire.
Au bout d'un certain temps, et après quelque examen, on aperçoit bien quelques défauts dans l'inconnu séduisant, mais on reste malgré tout, sous le charme de la première impression.
Trois personnages principaux remplissent presque tout le livre de M. Farrère: un médecin, Mévil; un ingénieur, Torral, et un officier de marine, Fierce. C'est à Saigon qu'ils se rencontrent et qu'ils mènent la vie de civilisés, dans cette ville étrange, facile, où les plaisirs sont sous la main et où rien ne retient plus de ce qui constitue les préjugés de la vieille Europe. Se rappelle-t-on le serpent noir de Nietzsche que notre éducation et notre atavisme nous ont attaché à la gorge et dont nous ne pouvons facilement nous défaire? C'est l'ensemble de lois morales, de conventions mondaines et sages, par lesquelles nous sommes tenus. M. Farrère, sous le vocable de «civilisés», comprend ceux qui ont rompu avec les principes anciens, avec les prétendues superstitions morales pour se livrer uniquement à leur fantaisie et se procurer le maximum possible de jouissances. «Ils vivent en marge de notre vie conventionnelle; ils en ont abjuré tous les fanatismes et toutes les religions. L'éclosion de pareils hommes n'était possible que dans cette Indo-Chine à la fois très vieille et très neuve...; il y fallait la corruption d'une société en qui la morale d'Europe a fait faillite; il y fallait l'humidité brûlante de Saigon où tout se fond au soleil et se dissout,--les énergies, les croyances et le sens du bien et du mal.»
Tandis que Nietzsche prêche la suppression du serpent noir, pour donner plus de vigueur à l'homme, pour exalter son orgueil, pour écarter de lui ce qui l'empêche de devenir un surhomme, les civilisés de M. Farrère n'élèvent pas si haut leurs pensées et ne visent qu'à la satisfaction de leurs moins nobles instincts. Les trois Européens de Saïgon se dépouillent de toute croyance pour se précipiter dans la vie la plus ignominieuse et la plus débilitante. Ah! les viles orgies où les entraîne leur scepticisme! A trente ans, le docteur Mévil n'est plus qu'une loque humaine, amollie et annihilée par les basses voluptés, par le vin et par l'opium. En vain essaye-t-il de se raccrocher à une branche de salut, à un amour pour une jeune fille pure. Mais elle rejette, méprisante, sa vieillesse prématurée. La branche se soustrait à sa main. Il meurt misérablement sur une route, un matin, après une nuit honteuse. Fierce a été sur le point de se relever et d'épouser la ravissante Sélysette; peu s'en est fallu qu'il ne quittât les civilisés pour rentrer parmi les barbares. Mais, surpris, en une débauche, par sa fiancée, il perd tout espoir et se fait tuer dans une lutte maritime avec les Anglais. Pour éviter le service militaire, Torral, avant les hostilités, avait déserté.
Ainsi finissent lamentablement les civilisés, victimes de leur
scepticisme et de leur révolte contre les vieilles lois et les vieilles
coutumes. Malgré la hardiesse des peintures, la crudité fréquente des
mots, les Civilisés, par leur conclusion, se présentent comme une
oeuvre morale. Peut-être l'auteur--il est assez artiste pour le
faire--aurait-il pu atténuer certains détails, nuancer quelques
couleurs. Peut-être aussi aurait-il pu, à la fin, ne pas se transporter
dans l'avenir, en pleine guerre maritime contre l'Angleterre. Cette
conception nuit à la vraisemblance du récit. Mais ne soyons pas trop
pédants devant la beauté; n'écartons pas le rayonnement d'art qui
enveloppe les Civilisés et qui en dérobe si heureusement toutes les
légères taches.
E. Ledrain.
La «Société normande du Livre illustré» vient d'éditer luxueusement un curieux recueil: Chansonnier normand (chez Carteret, suce, de Conquet; 125 exemplaires à 150 fr.) En forme de préface, une notice historique sur la chanson normande, par M. Joseph L'Hôpital, ouvre le volume. M. Joseph L'Hôpital n'est pas un inconnu pour les lecteurs de L'Illustration: il a publié ici même un exquis roman, Rêve d'enfants, et une saisissante nouvelle, la Dame verte. Sa présentation du Chansonnier normand débute par de bien jolies généralités sur la chanson:
«La chanson est aussi vieille que le monde. Du jour où l'homme a commencé à traîner sur la terre l'éternel fardeau de ses pensées et de ses douleurs, elle s'est mise en marche avec lui sur la route de la vie; elle en a poétisé les sanglants détours, en a fleuri les dures étapes d'espérance, en a pleuré et exalté tour à tour les mauvais pas et les riants passages: chanson de guerre, chanson de prière, chanson de deuil, chanson de joie, chanson d'amour.
» Ainsi s'est formé le grand concert que le passé donne au présent et que le présent à son tour enrichit de sonorités nouvelles. Car la route n'est pas finie; l'homme marche toujours; il a toujours besoin que sa compagne la chanson lui redise les paroles qui ont donné des jambes et du coeur à ses pères tombés avant lui sur ce chemin sans fin; et il lui demande à toute heure des chants pour lutter, pour aimer, pour jouir et pour souffrir...»
Un court fragment de la Chanson de Roland ouvre le recueil: la «Société normande» a voulu ainsi manifester que, malgré toutes les démonstrations de M. Gaston Paris, elle s'en tient à l'opinion de M. Léon Gautier, qui voyait dans l'auteur de la vieille épopée un compagnon de Guillaume le Conquérant. Mais le premier chansonnier normand incontesté qu'on nous présente est Richard de Sémilly, baron d'Aunay, qui nous chante une chanson d'amour:
J'aime la plus sade rien (1), qui soit de mère née,
En qui j'ai trestout mis, âme et cors et pensée.
Plus est blanche que noif (2), comme rose vermeille.
Note 1: La plus gracieuse personne. Note 2: Neige.
Voilà comme un Normand chantait au douzième siècle. Et voici comme un autre Normand chante au vingtième:
Messieurs, grâce au gouvernement
Dont nous jouissons à l'heure actuelle
Le pays vit dons l'enchant'ment
D'une félicité perpétuelle.
Au dedans, point d'agitations;
Le gâchis simplement, rien autre.
A l'extérieur, quoi? des nations
Messieurs! étrangers à la nôtre!
Enfin, chose extraordinaire!
--A quoi c'la tient-il? J'n'en sais rien--
Nous ne sommes pas même en guerre!
Tout va bien, messieurs, tout va bien!
Et zim la boum!... Vive la République!
L'auteur de ce couplet--que beaucoup d'autres couplets accompagnent--est M. Jacques Ferny, qui naquit à Yerville (Seine-Inférieure), et qui dit chaque soir lui-même ses Chansons immobiles dans les cabarets de Montmartre.
On voit combien est éclectique l'anthologie chansonnière de la «Société normande». Entre le douzième et le vingtième siècle, entre Richard de Sémilly et Jacques Ferny, nous rencontrons successivement: Marie de France, qui écrivit des lais pour le roi Henri d'Angleterre, en pure langue normande; Alain Chartier, né à Bayeux; Olivier Basselin et ses compagnons du Vau de Vire:
L'amour de moy sy est enclose
Dedans ung iolly jardinet,
Où croist la rose et le muguet,
Et aussi faict le passerose.
Et puis c'est Jean Marot, père de Clément; Gringoire; Jean Le Houx, qui chanta le cidre... et aussi le vin; Vauquelin de La Fresnaye et son fils Vauquelin des Yvetaux; François de Malherbe, dont tant de stances furent mises en musique de son temps et depuis; Gaultier Garguille; le grand Corneille lui-même; Madeleine et Georges de Scudéry... Et, plus près de nous: Malfilâtre, Casimir Delavigne, Louis Bouilhet, Barbey d'Aurevilly, Guy de Maupassant... Enfin, nos contemporains: Charles Frémine, Eugène Le Mouel, Paul Harel le bon poète-aubergiste, Henri de Régnier, enfin Louis Beuve, qui écrit en patois ses chansons.
Cette sélection est le résultat de longues et érudites recherches. Les lecteurs du Chansonnier normand trouveront dans la remarquable préface de M. Joseph L'Hôpital l'exposition claire et brillante des faits généraux qui rattachent les uns aux autres les auteurs cités.
Mais pourquoi ces lecteurs doivent-ils être si peu nombreux? Cent vingt-cinq exemplaires à cent cinquante francs: que les bibliophiles sont égoïstes! Certes, ce prix est justifié par la beauté de la présentation typographique et par la richesse harmonieuse des vignettes en couleurs de Giraldon, gravées sur bois par Quesnel, qui encadrent chaque page. Cependant, ne pourrait-on maintenant faire une édition plus modeste d'un ouvrage que beaucoup de simples lettrés, qui n'ont pas les moyens d'être bibliophiles, seraient heureux de mettre, eux aussi, dans leur bibliothèque?
De nos jours, on pardonne assez facilement au Vésuve ses crimes d'autrefois, d'abord parce que ces méfaits sont atteints par une prescription deux fois millénaire, ensuite parce que la science s'est fort heureusement accommodée de leurs résultats. Assurément, lorsqu'il réunissait les documents de son livre, Pompéi (Emile Gaillard, éditeur), M. Pierre Gusman, dans un bel égoïsme de lettré et d'artiste, ne devait pas éprouver des sentiments très hostiles au redoutable ensevelisseur. Plutôt, il lui savait gré d'avoir préservé les cités mortes contre l'inévitable profanation des hommes et d'avoir rendu possible, pour les exhumateurs d'aujourd'hui, la reconstitution minutieuse de la vie romaine d'il y a deux mille ans.
L'ouvrage de M. Pierre Gusman, qui vient d'être magnifiquement réédité, est illustré par l'auteur lui-même de 600 dessins et aquarelles d'un puissant intérêt documentaire. En outre d'une description de Pompéi avant l'éruption et d'un récit du cataclysme, ce livre contient de multiples et précieuses indications. Il nous fait assister aux fouilles anciennes et modernes, nous donne le secret de la vie antique, nous conduit au théâtre, au cirque, aux endroits où l'on votait; il nous initie encore aux langues parlées et à l'écriture en usage au temps de Titus; enfin, il nous fait comprendre, savourer l'art décoratif qu'Alexandrie exporta en Italie, les formes souples de la plastique et le brio des peintures aux charmantes compositions païennes, où la grâce libre et la délicatesse sensuelle des figures offrent un attrait toujours jeune. «La tête humaine, ouvrière dépensées, révèle le caractère de ses oeuvres par l'expression habituelle de ses traits.» Par ces lignes, M. Moreau-Vauthier exprime, sous une forme saisissante, tout l'intérêt du nouvel album, l'Homme et son Image (Hachette, 30 fr.) qu'il présente au public. Et, de fait, en contemplant les 200 gravures et les 12 planches en héliogravure que renferme ce magnifique volume, on voit aisément combien, du Chancelier Rollin de Van Eyck aux aristocratiques figures de Van Dyck et aux somptueux et robustes modèles d'un Titien ou d'un Rubens, des Drapiers de Rembrandt au Portrait de M. Bertin, les physionomies diffèrent, les génies se précisent, les procédés se transforment. Par la représentation de la figure humaine, le sculpteur ou le peintre font transparaître à nos yeux, d'une manière plus immédiate que l'écrivain, le monde intérieur des passions et des sentiments. En s'appliquant à faire l'histoire de l'homme par son image, M. Moreau-Vauthier nous a donné l'esquisse de la société même dans ses évolutions successives. Voyez plutôt les titres des chapitres de l'album: l'Athlète, l'Homme d'épée, l'Homme de cour, l'Homme d'affaires. N'est-ce point là une division rationnelle de l'histoire de la civilisation humaine par les différents âges qu'elle a vécus?
Puvis de Chavannes qui, dans l'intimité, était un homme simple et gai, avait une passion innocente: il dessinait des caricatures. Il en dessinait même constamment avec, d'ailleurs, une maîtrise impeccable, mais sans ajouter la moindre importance à ses coups de crayon et sans se douter qu'on aurait jamais l'idée d'exhumer ces improvisations et de les joindre à son oeuvre géniale. Or, voici justement qu'un grand nombre de ces dessins, recueillis par Mme Ph. Gille, viennent d'être réunis en un luxueux album, remarquablement préfacé par Mlle Adam. Tous les artistes voudront connaître les Caricatures de Puvis de Chavannes (Delagrave,7 fr. 50)au nombre desquelles ils trouveront des «instantanés» saisissants à la manière de Daumier et des imaginations d'un irrésistible comique. En de petits poèmes souples et colorés, qui ont tout le charme attendri des récits de l'aïeul, M. Georges Spetz nous conte des Légendes d'Alsace (Edition de la Revue alsacienne, Strasbourg.) Il nous dit, entre autres, la tragique aventure des frères Ribeaupierre, l'origine merveilleuse de la source de Tiérenbach, la lutte des cloches du Donon contre le violon du diable et la légende gracieuse de la demoiselle blanche de la Fecht. De superbes illustrations hors texte et des vignettes de MM. Joseph Sattler, Léon Schnug et Charles Spindler accompagnent ces évocations du moyen âge allemand que précède un maître frontispice du tant regretté J.-J. Henner.
Nous signalons avec plaisir à ceux de nos lecteurs qu'intéressent les questions d'automobilisme deux ouvrages importants de notre collaborateur, M. Baudry de Saunier: l'Allumage, qui explique d'une façon extrêmement claire les principes électriques appliqués à l'automobile et qui décrit notamment, avec de nombreuses figures, les bobines et les magnétos de tous systèmes; --et les Recettes du chauffeur, recueil de tous les tours de main que doit connaître un bon conducteur d'automobile. Le premier ouvrage vaut 15 francs; le second, 12 francs. Tous deux sont en vente aux «Ouvrages Baudry de Saunier», 20, rue Duret, Paris.
On connaît le gaz à l'eau, produit par le passage de l'eau sur du charbon porté au rouge, et l'on sait que ce gaz revient à un très bas prix, à peine un centime et demi par mètre cube. Mais l'emploi de ce gaz est très limité, en raison de la très forte proportion d'oxyde de carbone qu'il contient, proportion qui peut aller jusqu'à 40%.
Un industriel anglais, mettant à profit une méthode due à un professeur de l'Université de Toulouse, M. Sabatier, serait arrivé à débarrasser le gaz à l'eau de son oxyde de carbone, et à produire finalement un gaz dont le prix de revient serait encore très faible et dont le pouvoir calorifique serait cependant d'environ 35% supérieur à celui du gaz ordinaire.
On procède actuellement, à Lyon, à des expériences systématiques sur ce nouveau produit, qui exigerait moitié moins de houille que le gaz d'éclairage actuel, et s'accommoderait de houille de qualité secondaire.
C'est une conséquence forcée de l'évolution économique et sociale que les pays les plus arriérés, au point de vue industriel, arrivent peu à peu à s'affranchir de certains tributs payés aux nations étrangères, toutes les fois que des circonstances locales n'y apportent pas un obstacle absolu. Il y a quelques années, un grand industriel hindou, nommé Tata, songea à utiliser sur place les charbons et les minerais de fer indigènes. Il est mort avant d'avoir pu réaliser son projet; mais le consul américain à Bombay signale que ses fils sont en train de constituer une société au capital de 6.480.000 livres (162 millions de francs) pour établir des hauts fourneaux, des aciéries, des laminoirs et pour exploiter les mines. Si l'entreprise réussit, la métallurgie européenne et américaine trouvera sur le marché asiatique une concurrence contre laquelle la lutte pourra devenir singulièrement difficile.
La production annuelle du coton est considérable; elle atteint 3 milliards de kilogrammes, et cependant ne dépasse pas les besoins de l'Industrie.
Les États-Unis tiennent la plus grande place dans cette production: ils fournissent près de 70% du coton utilisé; les Indes en fournissent 15% et l'Égypte 8%.
L'appoint est fourni par les autres pays, Turkestan, Japon, etc.: en tout 500 millions de kilogrammes.
Il n'est pas douteux que nos colonies pourraient jouer un rôle important dans cette production et qu'elles seraient bien placées pour fournir la matière première à l'industrie cotonnière française.
Aussi avait-on tenté d'organiser la culture du coton dans nos colonies africaines. Mais, au Sénégal et au Soudan, cette culture ne paraît devoir être fructueuse, en raison de la climatologie de ces pays, que par l'irrigation.
C'est d'ailleurs ce qui se passe en Égypte, où l'État, qui met en réserve les crues du Nil, est, pour les cultivateurs, une sorte d'entrepreneur de fourniture d'eau.
On peut apprécier aujourd'hui les conséquences des incendies de Bakou sur l'industrie pétrolifère du Caucase. La production du naphte, égale à 50 millions de quintaux en 1904, accusait, pour le premier semestre de 1905, une diminution de 6 millions de quintaux. Depuis les émeutes du mois de septembre, elle s'est abaissée à un chiffre que l'on n'a pas encore fait connaître. L'augmentation des cours, seule, permet de supputer l'importance du déficit. Le poid de 16 kilos n'avait jamais valu, à Bakou, plus de 17 kopecks; depuis longtemps il était descendu à 7 kopecks. Il est aujourd'hui de 21 kopecks et, à Nijni-Novgorod, il atteint 30 kopecks. Les armateurs et les usiniers du Volga, qui employaient tous le pétrole pour produire la force motrice, songent à utiliser désormais la houille; certaines lignes de chemin de fer ont déjà effectué la substitution. Le manque de wagons rend la solution générale difficile, sinon impossible.
D'autre part, le bureau de statistique des industriels de Bakou, tout en évaluant les pertes à 27 millions de roubles, estime que, grâce aux énormes capitaux dont disposent les propriétaires de puits, le désastre est assez facilement réparable. Sur les 1.512 puits existant naguère dans les quatre districts de Bakou, il en reste 580. Parmi les 932 brûlés, quelques-uns étaient abandonnés. L'établissement d'un puits coûte 75.000 roubles; mais si, comme on le suppose, les trous de forage n'ont pas souffert, le dommage se réduirait aux 10.000 roubles représentant la valeur des machines et des appareils.
Chaque année, depuis quelque temps, nous avons à enregistrer un nombre de naissances inférieur à celui de l'année précédente. En 1904, l'excédent des naissances sur les décès n'est que de 57.026, nombre inférieur d'un quart à celui de 1903: 73.106.
Non seulement, en effet, il y a eu, en 1904, 8.483 naissances de moins que l'année précédente, mais il y a eu, en outre, une légère augmentation--7.597 unités--du nombre des décès.
De là un taux d'accroissement de 0,15% inférieur à tous les précédents, depuis 1900.
La diminution du nombre des naissances est assez générale: elle s'étend à 56 départements. Mais elle est le plus sensible dans le Nord, le Var, le Rhône, le Morbihan, la Gironde, la Corse et la Loire.
Le Pas-de-Calais, la Meurthe-et-Moselle, les Alpes-Maritimes et la Vienne se font remarquer au premier rang des 31 départements où la natalité a augmenté.
Par contre, la Seine a enregistré, en 1904, 2.051 décès de plus qu'en 1903; le Finistère, 1.233; le Pas-de-Calais, 1.026; la Seine-et-Oise, 865, et le Nord, 833. Les Bouches-du-Rhône, les Alpes-Maritimes, le Var, la Corse, l'Ain, le Gers, se font remarquer par l'amélioration de leurs chiffres obituaires.
Toutefois, si les naissances se font rares, les mariages sont cependant chaque année plus nombreux. Il y en a eu 298.721 en 1904, soit 2.725 de plus qu'en 1903. C'est surtout dans la Seine que l'accroissement a été relevé (834 en plus). D'ailleurs, il en est de même des divorces: 9.860 en 1904 au lieu de 8.919 en 1903.
Le nombre des naissances a été de 818.229, soit 2,20% de la population légale. De ces enfants, 416.812 étaient des garçons et 401.417 des filles, soit environ 1.038 garçons pour 1.000 filles. Cette proportion reste à peu près invariable.
Le sorbier des oiseleurs est un arbre qui commence à prendre une certaine place dans quelques vergers: on en a trouvé en Moravie des pieds perfectionnés, à fruit très supérieur à celui que donne communément cette espèce; et plusieurs pieds, greffés avec ces sujets d'élite, ont été répandus en Suisse, en Allemagne, et en France même. Les modes d'utilisation possibles du fruit du sorbier amélioré sont divers. On peut le consommer cru, frais ou conservé. Pour le conserver, on le cueille après maturité et on le met sécher en branches, comme les cerises, dans un endroit à température régulière. Il peut, de cette manière, durer jusqu'au printemps suivant. On en fait des confitures aussi, mais il faut cueillir le fruit avant maturité pour avoir des confitures se conservant bien: en septembre, au lieu d'octobre qui est le moment où le fruit, devenu sucré, est le plus agréable pour le consommateur qui l'absorbe cru. Depuis longtemps on fait, avec le fruit du sorbier sauvage, de l'eau-de-vie: une fabrique fonctionne à Izaebnik près Krakau depuis 1884, et de grandes plantations de sorbier doux ont été faites dans la même localité en 1889, pour l'utilisation alcoolique des fruits améliorés. Le sorbier se recommande encore à l'ami des animaux: il donne au gibier et aux oiseaux un aliment très apprécié en hiver.
Illumination intérieure du 8e Salon de l'automobile au
Grand Palais des Champs-Elysées.
On s'était fort extasié l'année dernière sur l'éclairage du Salon de l'automobile, mais le chiffre de 20.000 lampes formant la vasque centrale du plafond était peut-être encore plus impressionnant que l'effet produit. Cette boule étincelante paraissait un peu isolée au milieu de l'immense carcasse vitrée dont les grands cintres seuls étaient dessinés par un sillon lumineux; la surface éclairée présentait des trous qui en rompaient désagréablement l'unité. Un nouvel effort a été tenté cette année, et les résultats obtenus semblent rendre bien difficile tout progrès ultérieur. Le plafond est parsemé d'étoiles, et des festons très simples courant sur les cintres atténuent par la grâce de leurs courbes successives les profils un peu durs de cette architecture spéciale; tout cela dans une mesure et des proportions si heureuses que le regard embrasse d'un seul coup cette constellation pour en admirer le parfait équilibre. Peu de visiteurs, sans doute, sont capables de supputer, même approximativement, l'importance du travail et de la dépense que représente une telle illumination. Quelques chiffres vont nous fixer à cet égard:
La force motrice s'élève à 5.000 chevaux, dont 250 seulement fournis par les sept dynamos installées à demeure dans les sous-sols du Grand Palais et qui assurent l'éclairage du Concours Hippique et des expositions ordinaires. Le supplément de force est emprunté au secteur des Champs-Elysées, à l'usine des Moulineaux et à la Compagnie du Métropolitain. Cette dernière fournit le plus fort contingent: 1.800 chevaux à la tension de 5.000 volts. Les divers courants sont répartis sous la direction unique de la maison Lacarrière. Cette force de 5.000 chevaux, supérieure de 1.500 chevaux à celle utilisée antérieurement, est presque égale à la puissance dont disposent certains secteurs parisiens (6.000 à 10.000 chevaux). Elle suffirait à l'éclairage public et domestique d'une ville de 100.000 habitants, et elle permettrait de faire circuler simultanément, entre la gare des Invalides et Versailles, dix à douze trains de 150 tonnes.
Les stands des exposants utilisent, à eux seuls, environ 90.000 lampes à incandescence, presque toutes de 5 à 7 bougies.
L'éclairage «administratif» en comprend 75.000: 50.000 au plafond (en 1904: 30.000); 10.000 pour le grand escalier de fer, la coupole de l'avenue d'Antin et diverses dépendances; 15.000 pour l'extérieur. Il y a lieu d'ajouter: 130 lampes à arc intensives; 60 lampes tabulaires à vapeur de mercure; 2.000 becs de gaz de 200 bougies.
C'est la première fois qu'on emploie sur une aussi vaste échelle la lampe à mercure. Sa lumière, totalement privée de rayons rouges, est d'aspect blafard, cadavérique, comme on peut s'en rendre compte dans quelques magasins parisiens qui l'ont adoptée. Mais, grâce à la hauteur où les lampes se trouvent ici placées, à la correction apportée par les rayons d'autres foyers et, aussi, aux tons un peu crus des fresques qui décorent l'extérieur du palais, elles emplissent le péristyle d'une sorte d'atmosphère lunaire d'un effet pittoresque.
La consommation horaire totale représente une dépense approximative de 3.600 francs en électricité et 250 francs en gaz, soit, pour une moyenne quotidienne de quatre heures d'éclairage, 15.400 francs, et pour les quinze jours d'exposition: deux cent trente et un mille francs (231.000).
L'éclairage des serres exige une autre force de 800 chevaux et coûte 800 francs par heure. Nous arrivons donc comme total général à une force d'environ 5.800 chevaux et à une consommation de 279.000 francs pour la durée de l'exposition.
Le Grand Palais n'ayant été livré aux électriciens que le 20 novembre, dix-sept jours ont suffi pour une installation qui a occupé un personnel de 150 personnes et qui a nécessité la pose de plus de 15 kilomètres de câble, non compris la longueur des bandes souples où sont piquées les lampes.
La valeur de cette installation, en location, peut être évaluée à 400.000 francs. C'est la première fois que l'on voit en France, et probablement en Europe, une telle masse de lumière inondant un espace relativement si restreint.
Mme la baronne de Suttner.
Dans la répartition des prix Nobel de 1905, dont les titulaires ont été solennellement proclamés à Stockholm dimanche dernier, c'est à une femme, Mme de Suttner, qu'est échu le prix dit «pour la paix».
La baronne Bertha de Suttner, qui fut liée d'amitié avec Nobel, est née à Prague en 1847. Ecrivain de talent, elle a publié plusieurs romans dont un, Bas les armes, où elle plaidait éloquemment la cause de la pacification générale, eut un très grand retentissement et fut traduit dans toutes les langues.
Les autres lauréats sont: le professeur Koch, de Berlin (médecine); le professeur Lénard, de Kiel (physique); le professeur von Baeyer, de Munich (chimie), et Henri Sienkiewicz, le célèbre auteur de Quo vadis? (littérature).
Un socialiste devenu ministre en
Angleterre: M. John Burns.
--Phot, E. H. Mills.
Parmi les collaborateurs que sir Henry Campbell Bannerman s'est adjoints pour former son cabinet libéral, on remarque tout particulièrement M. John Burns, auquel il a confié la présidence du Local Government Board, administration annexe du ministère de l'Intérieur, chargée des affaires concernant l'assistance et le travail. Agé de quarante-sept ans, M. John Burns siège depuis 1892 à la Chambre des communes, où il représente une circonscription de Londres. C'est un personnage bien connu comme propagateur d'idées socialistes, voire comme organisateur de grèves mémorables. Aussi l'élévation au pouvoir d'un chef du parti ouvrier, sorti des rangs des travailleurs--fait sans précédent dans les annales de la monarchie anglaise--est-elle un événement curieux, sensationnel, sujet de quelque étonnement et de beaucoup de commentaires.
Sur la berge de la Seine, à Asnières: M. Gustavus Nordin,
venu de Stockholm en canoë.
Il vient d'arriver à Paris un voyageur de qui l'on peut dire qu'il n'a vraiment pas froid aux yeux. C'est M. Gustavus Nordin, qui a fait tout le voyage, avec ses propres moyens, dans un fragile canoë de sapin, ponté en toile. Il affirmait d'autre part son endurance physique, son beau mépris des intempéries, en n'arborant, dans la majeure partie du trajet, pour tout costume, qu'une simple culotte de flanelle, restant le torse et les jambes nus. C'est dans cet équipage, se nourrissant très frugalement, qu'il a traversé le détroit, suivi les canaux de Danemark, d'Allemagne, de Hollande et de France pour arriver enfin à bon port, à Asnières, où il abordait, la semaine dernière, au garage de la Société de la Basse-Seine. Inutile de dire si les rowingmen français lui ont fait un accueil enthousiaste et l'ont complimenté pour ce bel exploit sportif.
M. Paul Meurice.--Phot. Studio.
Un des doyens des lettres françaises, Paul Meurice, s'est éteint subitement, pendant la nuit de dimanche à lundi, dans son petit hôtel de la rue Fortuny. Il était âgé de quatre-vingt-cinq ans.
Auteur dramatique, romancier, journaliste, il a beaucoup écrit, et l'on est loin d'avoir épuisé la liste de ses ouvrages quand on a cité parmi les pièces: Benvenuto Cellini, Fanfan la Tulipe, Schamyl, les Beaux Messieurs de Bois-Doré, le Songe d'une nuit d'été, Antigone; parmi les livres: la Famille Aubry, Césara, les Chevaliers de l'esprit. Au théâtre surtout, Paul Meurice avait connu des succès éclatants et justifiés; mais il semblait avoir abandonné le soin de sa propre renommée pour se vouer au culte fervent de Victor Hugo, avec lequel, dès sa jeunesse, son ami Auguste Vacquerie l'avait mis en relation. Exécuteur testamentaire du grand poète, il employa, on le sait, le labeur incessant d'une verte vieillesse à la revision de l'oeuvre posthume du maître, et il avait commencé la publication d'une édition définitive en quarante volumes de son oeuvre complète.
M. Zadoc-Kahn, grand rabbin du consistoire central des israélites de France, a succombé, le 8 décembre, dans sa soixante-septième année, aux suites de la maladie dont il souffrait depuis deux mois.
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Il était né à Mommonheim, en Alsace, le 18 février 1839. Après de brillantes études au lycée de Metz, il entrait à l'école rabbinique de cette ville, puis il venait en 1859 achever sa préparation à Paris, où, à peine âgé de vingt-trois ans, il conquérait le grade de grand rabbin avec une remarquable thèse théologique, l'Esclavage suivant la Bible et le Talmud, qui fut traduite dans presque toutes les langues européennes. |
En 1868, lorsqu'il fut appelé à remplacer M. Isidor en qualité de grand rabbin de Paris, il n'avait pas trente ans, l'âge minimum requis, et il fallut différer de quelques mois la signature du décret de nomination. C'est également à M. Isidor qu'il devait succéder, le 25 mars 1890, comme grand rabbin de France.
Dans cette haute fonction, M. Zadoc-Kahn déploya durant quinze ans beaucoup de zèle et d'activité. Chevalier de la Légion d'honneur depuis 1879, il avait été promu officier en 1901.
Ses obsèques ont eu lieu mardi matin, au milieu d'une assistance considérable réunie dans la synagogue de la rue de la Victoire, dont le grand rabbin habitait les dépendances. Le temple où a été célébré le service religieux était entièrement tendu de draperies noires lamées d'argent; mais c'est derrière un char très simple, dépourvu de fleurs et de couronnes, que le long cortège funèbre s'est dirigé vers le cimetière Montparnasse.
L'Odéon vient de donner une pièce en trois actes, de M. André Picard, Jeunesse, qui a charmé le public par l'émotion sincère et saine qui s'en dégage autant que par l'ingéniosité de sa composition. C'est la consécration par l'exemple de la toute-puissance de la jeunesse pour régler les conflits passionnels suivant les lois de la nature. Nous publierons prochainement cette pièce; bornons-nous à dire qu'elle est supérieurement jouée, notamment par Mmes Marthe Régnier, Dux, MM. Tarride et Janvier, qui tiennent les principaux rôles.
Note du transcripteur: Les suppléments mentionnés en titre,
ne nous ont
pas été fournis.
End of the Project Gutenberg EBook of L'Illustration, No. 3277, 16 Décembre 1905, by Various *** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLLUSTRATION, NO. 3277, 16 DÉCEMBRE 1905 *** ***** This file should be named 36806-h.htm or 36806-h.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: http://www.gutenberg.org/3/6/8/0/36806/ Produced by Jeroen Hellingman and Rénald Lévesque Updated editions will replace the previous one--the old editions will be renamed. Creating the works from public domain print editions means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. 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It exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from people in all walks of life. Volunteers and financial support to provide volunteers with the assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will remain freely available for generations to come. In 2001, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 and the Foundation web page at http://www.pglaf.org. Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit 501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by U.S. federal laws and your state's laws. The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered throughout numerous locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email [email protected]. Email contact links and up to date contact information can be found at the Foundation's web site and official page at http://pglaf.org For additional contact information: Dr. Gregory B. Newby Chief Executive and Director [email protected] Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide spread public support and donations to carry out its mission of increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine readable form accessible by the widest array of equipment including outdated equipment. Many small donations ($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt status with the IRS. The Foundation is committed to complying with the laws regulating charities and charitable donations in all 50 states of the United States. Compliance requirements are not uniform and it takes a considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up with these requirements. We do not solicit donations in locations where we have not received written confirmation of compliance. 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Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be freely shared with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper edition. Most people start at our Web site which has the main PG search facility: http://www.gutenberg.org This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, including how to make donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.