Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3259, 12 Août 1905, by Various

This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
almost no restrictions whatsoever.  You may copy it, give it away or
re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
with this eBook or online at www.gutenberg.org


Title: L'Illustration, No. 3259, 12 Août 1905

Author: Various

Release Date: April 11, 2011 [EBook #35827]

Language: French

Character set encoding: ISO-8859-1

*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3259 12 AOÛT 1905 ***




Produced by Jeroen Hellingman and Rénald Lévesque







L'Illustration, No. 3259, 12 Août 1905


(Agrandissement)

Supplément musical: Fragments de Maïa, par MM. Gallois
et Samuel-Rousseau, prix de Rome.


L'amiral Wilson.
L'amiral Wilson, commandant de la flotte anglaise du Détroit, précède le roi.
L'amiral Gaillard. S. M. le roi.
Le roi Édouard VII, suivi de l'amiral Caillard, quitte le Masséna.


Les ambassadeurs d'Angleterre et de France et l'état-major royal montent à bord.
LA VISITE DU ROI ÉDOUARD VII A BORD DU "MASSÉNA"
Comment le correspondant anglais de "L'Illustration", M. Stephen Cribb, installé dans la superstructure du "Masséna", a pu photographier les visites officielles.
--Voir l'article, page 109.



L'ILLUSTRATION du 19 août sera accompagnée d'un numéro de L'ILLUSTRATION THÉÂTRALE contenant une oeuvre--inédite sous sa forme dramatique--d'un des plus grands écrivains contemporains:

CRAINQUEBILLE, par Anatole France.

On n'a pas oublié le succès de ces trois tableaux au théâtre de la Renaissance où le rôle de Crainquebille était tenu par M. Lucien Guitry.

Le même numéro de L'ILLUSTRATION contiendra de beaux dessins de M. Georges Scott sur la Fête des Vignerons de Vevey.


COURRIER DE PARIS

Journal d'une étrangère

Dimanche soir, en wagon. Dix heures. Je suis allée dîner, comme tout le monde, à la campagne et, dans la cohue, parmi les cris et les bousculades du retour, je me suis laissé pousser, hisser vers le premier wagon venu. Troisième classe. Des gens sont debout sur le marchepied; d'autres, assis sur l'escalier qui mène à l'impériale de la voiture. On s'entasse, on s'écrase joyeusement. Quatorze personnes se sont empilées dans le compartiment de dix places où je suis assise. Les jeunes gens, un peu «allumés», s'excusent, en propos comiques, de tenir tant de place; les femmes rient; une petite fille pleure: on lui donne une claque; elle se tait. La chaleur est intenable; on a entassé sur les planches supérieures du compartiment des brassées de fleurs, une brouette d'enfant, des paniers où sonnent la vaisselle et les bouteilles vides du déjeuner, des filets mouillés où il y a du poisson frais, des engins de pêche. On roule... A côté de moi, est installée toute une famille: le père, la mère, la grand'mère, deux petits garçons, un bébé. Types d'ouvriers aisés. La mère secoue sur ses genoux, pour l'endormir, le dernier-né dont les petites mains se crispent sur un biberon; la grand'mère s'est assoupie tout doucement, contre mon épaule; le lumignon jaune de la voiture éclaire de reflets tragiques ses joues en sueur, ses mèches grises dénouées que coiffe un chapeau trop fleuri, posé de travers. D'une voix pâteuse--la voix d'un homme qui a eu soif depuis ce matin et ne semble pas encore désaltéré--le père raconte aux voisins sa journée: lever à cinq heures; quatre heures de course au soleil, à la recherche d'une «bonne place»; déjeuner sur 1 herbe, «trop de mouches»; pêche et promenade jusqu'au dîner; orage; retour à la gare sous l'averse... Il bâille en contant cela. Tout le monde s'est endormi; la grand'mère est maintenant affalée sur moi de tout son poids, et ronfle. On la réveille. C'est Paris.

Je les regarde descendre de wagon, chargés de paquets, titubants, les yeux brouillés de sommeil, exténués. On a posé le petit enfant dans la brouette et la famille, lentement, se met en marche, parmi les groupes braillards qui la bousculent.

Et j'admire au prix de quels éreintements le peuple s'amuse, et ce que représente, pour lui, de fatigue une journée de «repos». On mettrait en interdit le patron qui oserait, à quelque prix que ce fût, imposer à des ouvriers de pareilles tâches...

Tous, il est vrai, n'ont pas les mêmes goûts; et, par exemple, un grand nombre de Parisiens avaient, dimanche dernier, préféré au plaisir de la «balade» champêtre celui de demeurer à Paris pour y acclamer Étienne Dolet. Justement, à l'heure de prendre mon train, j'ai vu passer, sous ma fenêtre, un de ces groupes. Une jeune femme, coiffée d'un chapeau rouge, le précédait; derrière elle, un drapeau rouge était déployé, que portaient des jeunes gens. Je les ai suivis jusqu'à l'Hôtel de Ville. Ils criaient, sur un rythme de marche: Hou! Hou! la calotte! Un de mes amis, professeur à l'École des Langues orientales, m'accompagnait; je le priai de me renseigner sur l'étymologie de ce cri, que j'entendais pour la première fois.

--J'ignore, me dit-il, l'origine de Hou! Hou! Je sais seulement que cette sorte de beuglement est très usitée dans les réunions hostiles au clergé. C'est également le clergé que désigne cette expression: la calotte, et je ne saurais non plus vous dire à qui revient le mérite de l'avoir lancée.

--Y a-t-il longtemps, demandai-je, qu'existe cette coutume parisienne de commémorer Étienne Dolet?

--Non, dit mon ami. Cela est tout récent. C'est venu comme une mode. Les libres penseurs cherchaient un ancêtre; ils ont découvert celui-là.

--Ce sont des prêtres qui ont brûlé Dolet?

--Du tout. Ce sont des juges ordinaires.

--Avait-il commis quelque crime de lèse-majesté?

--Non. Dolet respectait et aimait passionnément son roi; et jusqu'à la fin de sa vie--jusqu'au bûcher exclusivement--François Ier le protégea.

--C'était un ennemi de la religion, sans doute?

--Nullement. Dolet fut un parfait catholique, ennemi de toutes les hérésies, et qui ne dut l'ennui d'être brûlé vif qu'à des haines personnelles, à des jalousies, à des cabales d'école où la religion n'était pour rien. En sorte que ce martyr serait fort étonné s'il pouvait apprendre aujourd'hui quelles sortes de gens l'acclament. Il est vrai que ceux qui l'acclament seraient bien plus surpris encore si on leur apprenait au juste ce que c'était qu'Etienne Dolet. La plupart n'éprouvent pas, d'ailleurs, le besoin de le savoir. La statue de Dolet, c'est quelque chose au sujet de quoi l'on manifeste contre quelqu'un; c'est, une fois par an, l'occasion de pousser des cris dans la rue, «d'embêter Lépine», et de remplir d'un peu d'agitation les loisirs d'un dimanche d'été.

Il ne m'a pas paru cependant que cette manifestation, ces défilés de couronnes, de bouquets d'immortelles et de drapeaux causassent à M. le préfet de police beaucoup d'émotion. Il allait et venait, presque souriant, et l'on eût dit que lui aussi était heureux de cette occasion d'occuper sa journée... Car il est devenu, depuis quinze jours, terriblement vide d'événements, notre Paris. C'est effrayant à avouer: on s'y ennuie. Il semble que les vacances aient emporté loin de lui tous les sujets de curiosité, de plaisir ou d'émotion que la vie ordinairement y multiplie; et nous sommes de pauvres abandonnés qui n'avons plus d'autre ressource, pour nous distraire, que de braquer nos lunettes au loin, sur l'horizon de la province et de l'étranger.

Le prince Kadolin et M. Bouvier se reposent, et c'est aux États-Unis que sont engagés, à cette heure, les grands colloques diplomatiques. Witte... Komura... que nous voilà loin du quai d'Orsay! Les fêtes de l'Entente cordiale s'étaient commencées à Brest et continuées à Paris; elles s'achèvent au-delà du détroit, et c'est de Portsmouth que nous vient, cette semaine, le bruit des canonnades fraternelles et des clameurs de fête. Nos champs de courses sont déserts; c'est en Normandie qu'il faut aller pour perdre avec élégance son argent. Les amateurs de théâtre courent à Orange acclamer Berlioz, Eschyle et Boïto, ou célébrer à Vevey la Fête des Vignerons; et, pour ceux qui ne veulent pas, quand même, s'éloigner trop du boulevard, il y a le théâtre de la Nature, à Champigny... Les reporters suivent M. Deibler à Dunkerque; un congrès de Bleus s'ouvre en Bretagne et c'est à Boulogne-sur-Mer que M. le docteur Zamenhof inaugurait, tout à l'heure, un autre congrès: celui des espérantistes.
Sonia.



QU'EST-CE QUE L'ESPÉRANTO?

Les espérantistes viennent de tenir, à Boulogne-sur-Mer, leur premier congrès international. L'espéranto, la première «langue universelle» qui ait la chance d'être patronnée par de nombreux savants, compte aujourd'hui en France 30.000 adhérents; mais la plupart des personnes qu'il laisse sceptiques ou indifférentes en ignorent totalement le principe. Essayons de le préciser en quelques lignes.


     Le docteur Zamenhof, inventeur
          de l'espéranto.
Phot. Meys.

Pour chaque mot, ou plutôt pour chaque idée, on a choisi la racine correspondant à cette idée dans le plus grand nombre de langues aryennes. Ainsi, on a pris les racines doktor, honest, pur, qui se retrouvent dans cinq ou six langues; dom (maison), via (voir), qui existent dans deux ou trois. Les mots spéciaux à une langue, comme sport, ont été conservés; enfin, entre deux racines différentes représentant chacune la même idée dans un nombre de langues égal ou sensiblement égal, on a généralement donné la préférence à la racine la plus latine.

Fait à noter, d'ailleurs, cette langue internationale n'est pas construite comme l'exigerait une langue «universelle» dans l'acception scientifique du mot; elle se préoccupe surtout d'être accessible au monde américo-européen. Or, si l'on songe que l'anglais peut être considéré comme une langue franco-allemande, on ne s'étonnera point de rencontrer les racines latines en majorité dans le vocabulaire espéranto.

Ce vocabulaire comprend actuellement un millier de racines, chiffre très suffisant pour répondre aux besoins normaux de la conversation et de la correspondance. Toute la connaissance de la langue se réduit à la possession de ces racines, en général faciles à retenir pour les Latins, surtout s'ils possèdent quelques notions d'allemand.

Avec ces racines qui expriment des idées, nous formons les mots et les phrases, à l'aide d'une trentaine de préfixes et de suffixes et de seize règles extrêmement simples ne comportant aucune exception.

L'article défini la est invariable comme le the anglais. Le genre grammatical n'existe pas: il n'y a que le genre de sexe.

Tous les modes d'un mot s'expriment par un changement de finale: patro, père; patra, paternel; pâtre, paternellement; patrino, mère; patrina, maternel.

Le verbe ne change pas pour les personnes, celles-ci sont désignées par le seul pronom. Tous les temps sont déterminés par douze finales: mi jaras, je fais; mi jaris, je faisais ou j'ai fait; mifaros, nous ferons; mi farus, nous ferions, etc.

L'emploi des préfixes et des suffixes évite encore un nombre considérable de mots nouveaux. Mal indique le contraire: ami, aimer; malami, haïr. Ist indique la profession: boto, botte; botisto, bottier, etc.

Ces quelques exemples nous paraissent résumer de façon très claire les principes de l'espéranto.

Ajoutons que chaque mot se prononce absolument comme il est écrit, les lettres gardant le son alphabétique qui se trouve presque toujours conforme à celui de l'alphabet français. L'accent tonique se place sur l'avant-dernière syllabe. On supprime ainsi toute difficulté sérieuse pour l'intelligence de la langue entre personnes de nationalités différentes.

Le volapük, qui occupait le monde vers 1885, était plus compliqué et empruntait presque tous ses éléments aux langues saxonnes. Cette phrase: «La vie de l'homme est courte», s'exprimait en volapük: «Lif mena binom blefik.» En espéranto, elle se traduit: «La vivo de l'homo estas mallonga.»

L'espéranto est justement considéré comme un chef-d'oeuvre et il est à prévoir que, d'ici quelques années, il sera parlé et compris sur tous les points du globe par les personnes possédant une certaine culture intellectuelle. Il fut créé de toutes pièces par un Russe, le docteur Zamenhof, né en 1859, à Biélostok, dans le gouvernement de Grodno (Pologne). Ce savant, dont le nom encore ignoré du grand public deviendra bientôt mondial, a ainsi résolu un problème qui, depuis deux siècles, hantait les esprits les plus remarquables et auquel on n'avait apporté que des solutions lamentables. Il conçut son projet de langue universelle vers 1878, alors qu'il était élève au gymnase de Varsovie; c'est seulement en 1887 qu'il publia son premier ouvrage sous le pseudonyme de Doktoro Espéranto (qui espère).

Détail amusant et éloquent: c'est la librairie Hachette, la maison classique par excellence, qui édite tous les ouvrages concernant l'espéranto, approuvés par le docteur Zamenhof.


LA POLICE AU CONGRÈS DES ZEMSTVOS


UN DOCUMENT QUI A ÉCHAPPÉ A LA POLICE RUSSE.
--Le maître de la police de Moscou venant interrompre la première séance du Congrès des zemstvos.

Nous avons publié la semaine dernière deux photographies du Congrès des zemstvos à Moscou. Celle que nous donnons aujourd'hui présente un intérêt tout particulier et l'on peut dire qu'elle était attendue de tous nos lecteurs depuis que le Temps du 21 juillet avait publié le récit suivant:

Au moment où le comte Heyden va occuper le fauteuil présidentiel, le prince Paul Dolgoroukof entre, annonçant l'arrivée de la police et demandant au Congrès la permission d'introduire les agents.

Le maître de la police, accompagné de plusieurs sous-officiers, pénètre et déclare qu'il a l'ordre de la préfecture d'interdire la réunion et de saisir les documents. Il lit les articles du code et la circulaire du ministre de l'Intérieur en vertu desquels il se prépare à instrumenter. Le président proteste; le maître de la police voulant dresser la liste des membres du Congrès, une voix s'élève: «Inscrivez toute la Russie!» Les membres des zemstvos présents comme témoins, non comme délégués, sont les premiers à lui donner leurs noms. Le maître de la police prend alors le parti de sortir pour rédiger un procès-verbal et la séance continue.

Un photographe, qui a enregistré l'incident, se hâte de mettre ses instantanés en sûreté...

Le maître de la police rentre à ce moment et lit son procès-verbal...

La séance est levée après une déclaration de M. Golovine. Le photographe, qui a seul instrumenté, pendant que le commissaire s'en allait bredouille, est arrêté; la perquisition faite dans ses appareils reste sans résultat.

Nous n'ajouterons à ce compte rendu que quelques lignes. L'opérateur incorrigible qui, en dépit du maître de la police et au péril de sa liberté, photographia ce grave incident, n'était autre--on l'a deviné--que le correspondant de L'Illustration en personne.

Malgré toutes les vicissitudes qui en ont retardé l'envoi, la photographie séditieuse nous est enfin parvenue. Le maître de la police de Moscou a fait arrêter notre photographe et perquisitionner dans ses appareils. Nous prenons aujourd'hui notre revanche malicieuse en dédiant à ce fonctionnaire sa propre image dans un document historique que les circonstances ont rendu inestimable.

L'IMPÉRATRICE EUGÉNIE A STOCKHOLM

Parfois, au hasard de ses croisières sur le yacht Thistle, l'impératrice Eugénie passe en vue d'une capitale étrangère. Il y a là, tout auprès, le palais d'une famille dont jadis, au temps des fêtes impériales, les membres furent reçus, en pompe, aux Tuileries. L'impératrice errante, qui se souvient, interrompt son voyage pendant quelques heures. Elle fait une courte visite à ces princes et ces reines qui sont demeurés ses amis. A la souveraine détrônée, on rend les honneurs dus aux souverains régnants qui voyagent incognito; on lui prodigue, en plus, les marques de vénération que commandent son grand âge et le souvenir de ses infortunes.

Notre photographie représente l'ex-impératrice au moment où, après avoir déjeuné, le 25 juillet, avec le roi Oscar, à Stockholm, elle se dispose à regagner son yacht.


L'EX-IMPÉRATRICE EUGÉNIE A STOCKHOLM regagnant son yacht
après avoir déjeuné au palais du roi.
--Phot. Blomberg.


LA VISITE DE L'ESCADRE FRANÇAISE A COWES ET A PORTSMOUTH

Photographies copyright S. Cribb, Gale and Polden et Topical Press Agency.

L'hôtel, de ville de Portsmouth et son souhait de bienvenue. Le Masséna dans la fumée de ses canons,
après le salut au roi.


La foule anglaise massée sur la plage, attendant
l'arrivée de l'escadre française.


Les escadres anglaise et française en rade de Cowes.


LE CUIRASSÉ «MASSÉNA», BATTANT PAVILLON DE L'AMIRAL
CAILLARD, EN RADE DE COWES.

La visite de la flotte française en Angleterre a été l'occasion de grandes fêtes maritimes qui ont duré toute cette semaine. Suivant le programme arrêté par l'Amirauté britannique, notre escadre du Nord venait mouiller en rade de Cowes, ayant en tête le Masséna, battant pavillon de l'amiral Gaillard, commandant en chef. Celui-ci, aussitôt après le mouillage, se faisait conduire à bord du yacht Victoria-and-Albert, pour saluer le roi; puis Édouard VII lui rendait sa visite à bord du Masséna. Cette première journée était, d'ailleurs, plus particulièrement consacrée aux réceptions officielles; dans le bruit des canons tonnant en salves d'allégresse, ce fut, sur le pont du vaisseau-amiral français, un va-et-vient de brillants uniformes: l'amiral Wilson, commandant en chef de la flotte anglaise de la Manche, les états-majors, les ambassadeurs, etc. Spectacle curieusement animé, dont, malgré la sévérité des consignes prohibitives, le correspondant de L'Illustration, posté à une hauteur favorable, a réussi à obtenir les curieuses photographies que nous reproduisons en première page.



LA FÊTE DES VIGNERONS, A VEVEY.--La danse du Printemps.

Vevey est une gracieuse cité vaudoise, assise sur la rive nord-est du lac de Genève, à l'endroit même où se jette la Vevayse. Cette petite ville de 6.000 habitants est deux fois célèbre, à cause d'un livre et à cause d'une tradition. C'est dans les environs de Vevey que Rousseau trouva le cadre de sa Nouvelle Héloïse. C'est à Vevey même que, de loin en loin, une fête fameuse, la Fête des Vignerons, réunit d'innombrables spectateurs dans un admirable théâtre de la nature.

La scène de ce théâtre est une place de la ville. Le décor, c'est, aux plans lointains, au-dessus des toits et des clochers, le paysage des monts abrupts et des verts pâturages. Les acteurs, ce sont tous les habitants du pays, en costumes de fête nationaux.

La Fête des Vignerons se présente sous un double aspect: elle est à la fois antique et moderne. Il y a des nymphes, des bacchantes et des bergers à houlettes. Les musiciens portent l'habit et la perruque du temps des baillis de Vevey. Les données du poème ne varient guère depuis l'année 1797. Ce sont, exaltés par les chants et mimés par des danses, les principaux événements de la vie rustique au cours des quatre saisons. Cette année, comme lors des représentations précédentes, on a applaudi la danse du Printemps, le pas des Bacchantes, le ballet des Feuilles mortes, le chant des Glaneuses, le défilé des chars de l'Été et l'Hymne à Gérés, et, naturellement, le Ranz des vaches.

Nous publierons la semaine prochaine les dessins de notre envoyé spécial, M. Georges Scott,


L'Hymne à Cérès devant les chars de l'Été.--Photographies Fisher.



Gravé par Ch. Maylander. Peint par Mme Colin-Libour.
EN DÉTRESSE

Au bord de la mer: un coin de plage, le ciel et l'eau se confondant presque en une vaste étendue; à l'horizon, les voiles d'une flottille de pêche; au premier plan, deux personnages. Sujet d'une composition très simple, que Mme Colin-Libour a traité avec la sobriété qui convenait; mais, en sa simplicité, quelle scène émouvante évoque ce tableau! S'écartant des abords trop fréquentés de la terrasse banale, une jeune mère s'est aventurée au loin, avec sa fillette, sur une de ces langues de sable où l'on se sent en pleine sécurité, à marée basse. Là, pendant qu'elle partageait les jeux ingénus de l'enfant, elle a perdu la notion du temps, s'est attardée, sans prendre garde au flot perfide; et voici que la mer, continuant de monter, menace de couper toute retraite en couvrant la langue de sable déjà transformée en îlot. La situation est critique: l'imprudente, affolée, dans une anxiété poignante, multiplie les appels, les signaux de détresse; espérons qu'elle en sera quitte pour la peur et que, grâce à un prompt sauvetage, l'aventure n'aura pas un dénouement tragique.



UN SPECTACLE DE L'AN 1452 QU'ON A REVU, LE 6 AOUT 1905, A BRUXELLES
Le cortège historique des fêtes de l'Indépendance belge sur la Grand'Place: Philippe le Bon et le comte de Charolais.
--Voir l'article, page 116.


EN NORVÈGE

Fragments d'un journal de voyage.

(Suite III.--Voir les numéros des 8 et 29 juillet:)

LES LAPONS

Dans les rues de Tromsoe; de-ci de-là, de bizarres personnages, petits, roux, coiffés d'un bonnet bleu et rouge, comme des valets de carreau, déambulent, couverts de fourrures, chaussés de bottes en peau de renne, avec un assortiment d'objets bizarres en os, pendus à la ceinture et au bout des doigts. Ce sont des Lapons. Ils sont moins sales qu'on ne s'y attendait. Le visage rose ou rouge est éclairé par des yeux bleus, et des cheveux filasses encadrent les pommettes saillantes du type mongol.


                                    Le cap Nord.

Ce sont bien des Lapons; mais ils sont trop liants, trop bons vendeurs, ils parlent trop bien l'anglais; ils ressemblent trop, comme mentalité commerciale, aux Italiens marchands de moulages qui nous mettent dans les mains, à Paris, un objet dont on a offert le dixième du prix demandé. Les Lapons suivent les touristes, offrant des spoons, cuillers faites d'un os de renne et ornées d'un dessin en profil de cet animal.

À Tromsdal, en face de Tromsoe, se trouve le fameux camp des Lapons tant «blagué», tant attendu aussi. Il est établi à quatre kilomètres de la côte. Pourquoi? Parce que le propriétaire du terrain qui le reçoit l'a voulu ainsi afin de forcer les touristes à utiliser des voitures sur le prix de location desquelles une part d'argent lui est remise.

Par un chemin impossible, cahoteux, détrempé, étroit, rocailleux, franchissant des torrents et sur lequel les voitures tressautent, on arrive au camp, après avoir traversé un bois de bouleaux qui, l'hiver, disparaît sous la neige.


                         Un camp lapon, à Tromsdal.

On nous a tellement dit que, ces Lapons, nous aurions pu les voir au Jardin d'acclimatation, que nous sommes ravis de les trouver tout de même un peu plus pittoresques. Sur un mamelon vert environné de montagnes, trois ou quatre huttes ressemblent à de gros tas de terre. Dans un enclos, voici les rennes, deux cents environ. Ils sont tout petits et leurs ramures confondues font comme un fouillis agité de branchages.

Nous entrons dans une hutte. Elle est bien telle qu'on l'a décrite, avec le feu de bois au centre, au-dessous du trou ménagé au sommet. Tout autour, à terre, sur des peaux, sont étendus les habitants. Des têtes de morues sont suspendues pour sécher. Une montre en argent, à remontoir, brille dans un coin. Une femme vêtue de fourrures et de lainages rouges et bleus surveille un bébé tout blanc, bien emmailloté, dont le berceau est un grand sabot de bois. Sur la prière d'un touriste, prière affirmée par le don d'une pièce blanche, elle sort de la hutte pour être photographiée, et, complaisamment, lève le voile qui cachait la figure de l'enfant; mais, lorsque survient un nouveau touriste armé d'un nouvel appareil, le voile est précipitamment baissé et ne se relèvera que contre une nouvelle obole. Vous vous rappelez les tableaux d'église dont le sacristain lève le rideau en Italie?

Les touristes--nous sommes près de deux cents--entourent et absorbent les Lapons. Ce camp de Lapons ne ressemble plus maintenant qu'au pesage d'un champ de courses de province. Il faut se contenter de contempler des groupes. Là, une élégante Française a pris des mains d'une Laponne un travail d'aiguille et lui montre un point de broderie nouveau. La Laponne est dans le ravissement. Ici, un touriste bourre et allume la pipe d'un être bizarre à l'oeil allumé, au visage d'ivrogne, un Quasimodo avec des couleurs de personnage, d'un jeu de cartes barbares. Des enfants norvégiens vendent des cartes postales. La carte postale illustrée a unifié le monde.

Les Lapons font des affaires d'or. Ils vendent, à des prix très exagérés, des objets fabriqués par eux: cornes de rennes, pipes d'os de renne, blagues à tabac en peau de renne, cuillers d'os de renne, etc.

Voici l'heure de la fantasia finale. Un Lapon pénètre dans l'enclos où sont les rennes, tenant un de ces animaux en laisse, un conducteur docile qui donnera l'exemple aux autres. Le troupeau sort en tumulte de l'enclos et, sous les aboiements des chiens et les cris des hommes, traverse un torrent que le mouvement de la multitude de pattes minces raye d'une barre d'écume. Tous les animaux, en un clin d'oeil, se dispersent dans la montagne où ils disparaissent dans le taillis.

Il pleut, lentement, doucement, pleinement, avec constance. Le ciel et la mer sont du même gris, on ne voit pas une ligne d'horizon, de sorte que les bateaux tout noirs, avec leurs mâts, semblent suspendus dans l'espace opalin et laiteux.

*
* *

Il y aurait à bord une jolie moisson de confessions à faire. Mais ce serait une trahison que de répéter les secrets qu'on a pu surprendre dans l'abandon forcé d'une vie commune d'un mois. C'est malheureux. On ne peut ici indiquer que des silhouettes de groupes. Il y a tout un clan d'isolées, de veuves ou de femmes mariées dont les maris sont restés en France. Quels drames intimes ces séparations consenties ou imposées peuvent-elles cacher? Il y a aussi des isolés. De quelles peines cherchent-ils l'oubli? Pendant les heures du crépuscule sans fin, on rêve à toutes ces misères et l'on sent qu'elle n'était pas exacte, l'impression du début, qui nous faisait croire que notre bateau était celui des gens heureux; nous avons aussi embarqué des douleurs.

LES ACHATS

Une scène amusante, pendant les escales, est celle du retour à bord des touristes chargés d'achats. Tout le long de l'escalier, c'est une succession de paquets enveloppés de papiers jaunes, de hautes cornes de rennes. Les femmes sont particulièrement heureuses. On a pu faire du Shoping à Tromsoe. Une fois sur le pont, chacun déballe ses acquisitions devant tout le monde. Ce sont des peaux d'ours blancs qui coûtent 150 ou 200 couronnes, c'est-à-dire 200 ou 300 francs, des renards bleus plus chers qu'à Paris, naturellement, non montés, mal préparés, mais qu'on déclare des occasions extraordinaires, chère madame; des bottes de fourrures de tous les modèles; des pantoufles de peau de renne ornées de lainages blancs et rouges qu'on trouve délicieuses et qui, à Paris, seront déclarées des horreurs.

Une dame a acheté... un bateau. Elle en est folle de joie. Dès la montée de l'échelle, ce sont des cris: «J'ai acheté un bateau. Vous savez, j'ai acheté un bateau...!» Et sur le pont: «Vous allez voir mon bateau, parce que je dois vous dire que j'ai acheté un bateau.»

Et comme quelqu'un, peu de temps après, lui dit: «Il parait, madame, que vous avez acheté un bateau...» De très bonne foi, elle s'écrie:

--Comment savez-vous cela? C'est curieux comme on potine à bord...

Les retours sont gais. C'est un babillage, un piaillement, un étalage naïf de petites vanités dans l'ébrouement des parapluies mouillés et des caoutchoucs ruisselants.

Vendredi 15 juillet.--Départ de Tromsoe.

Navigation dans le Lygenfiord. Toute la journée nous avons navigue, par un soleil superbe, dans le Lygenfiord, entre deux rangées de hautes montagnes couvertes de neige et séparées par des glaciers qui descendent jusqu'à la mer. C'est un spectacle merveilleux que ce défilé de verdure, de blancheurs neigeuses et de bleus glaciaires.

Il faudrait abuser des épithètes superlatives pour essayer de dépeindre ce spectacle. J'avoue m'en sentir incapable. Je ne puis que dire notre émotion, et le silence auquel nous étions condamnés par la grandeur de ce décor dont les toiles de fonds étaient d'une hauteur dépassant mille mètres.

Nous longeons la côte et tous les appareils photographiques, délaissés sous les brumes des jours passés sont sortis des étuis, de sorte que la vue des glaciers est, dans mon souvenir, accompagnée des bruits de déclics de kodak et de plaques de vérascope qui tombent.

HISTOIRE DE CHIENS

Il y a eu à Tromsoe et chez les Lapons un enlèvement de chiens. Nous en avons huit à bord, je crois. Les Lapons en font l'élevage en vue de l'arrivée des touristes. Il y en a de gros et de petits, de jeunes et de vieux, de dociles et d'inapprochables; ce sont de gros loulous au poil rude et fourni qui souffriront en France, aux chaleurs de l'été.

Hier, quelqu'un en achète un et l'envoie à bord.

C'est une jeune Norvégienne, trop blonde, qui le conduit. Elle arrive avant l'acheteur, l'attend, s'ennuie. Le chien est son chien, son père l'a vendu malgré elle et elle en a le coeur gros. Elle veut le remporter, heureuse de ce contre-temps. Et c'est un peu triste, ce passage de gens venus de si loin et qui, pour la satisfaction d'un caprice, vont laisser derrière eux ce gros chagrin dans ces yeux bleu pâle.

On ne laisse pas partir la jeune fille avec son chien, qui d'ailleurs est fort beau. Une dame élégante déclare que, si le premier acheteur n'en veut plus, à son retour, elle le prendra. On paye les 30 couronnes à la petite Norvégienne si blonde, qui descend en sanglotant l'escalier du bord et s'éloigne dans une barque que dirigent d'autres fillettes. Elle ne songe plus alors à cacher son chagrin et nous suivons des yeux son petit châle noir que les épaules secouent.

*
* *

Je cherche des comparaisons pour donner une idée du spectacle qu'offre le Lygenfiord. Je n'en trouve qu'une vieille, celle des vagues immenses subitement fixées, vagues neigeuses à la base verte. Ces vagues ont plus de mille mètres de haut, et il y en a sur une longueur de quinze lieues.

Au fond d'un des bras du fiord, voici une fumée. Les lorgnettes découvrent un yacht qui vient sur nous. C'est un bateau français. Petite émotion patriotique lorsque les sirènes et les pavillons échangent leurs saluts. Le yacht s'éloigne et bientôt il n'est plus qu'une fumée qui disparaît... Hélas! nous devions le revoir, ce bateau!


Le soleil de minuit.

On nous promet pour ce soir le soleil de minuit. Nous désespérions, mais le ciel est bleu et la chance nous est revenue.

LE SOLEIL DE MINUIT

J'ai vu le soleil de minuit ou plutôt, j'ai vu le soleil à minuit. Il y a eu sur le bateau, pendant toute la journée, une effervescence, et, dans les groupes, les savants ont expliqué le phénomène. On dîne en hâte, et l'on va prendre sa place sur le pont, la lorgnette à la main. Nous sommes arrivés un peu tôt à la sortie du Lygenfiord et, en attendant l'heure de la représentation, notre bateau décrit un grand cercle dans la baie. Il est onze heures du soir. Le soleil brille d'un éclat affaibli. Vraiment il faut saluer. Devant un tel spectacle, les sentiments religieux s'exaltent, naissent ou ressuscitent en chacun de nous. Nous sommes d'abord effarés, car nos yeux reçoivent des impressions de couleurs qu'ils n'ont jamais ressenties. Nous sommes devant un spectacle tellement différent de ceux que nous avons l'habitude de contempler qu'il y a certainement une inquiétude, un trouble, tout au moins dans notre admiration.

Devant nous, la pleine mer et le soleil.

Au-dessus de l'horizon et sur une ligne parallèle, de petits nuages verts, rares comme des choses très précieuses et très belles, nous étonnent, car ils sont à la fois verts comme du bronze et délicats comme une soie vaporeuse effilochée.

Voilà ce qui est devant nous. A droite et à gauche, de hautes montagnes avec des plis verticaux, dans lesquels la neige est restée et qui font de larges lignes blanches sinueuses du sommet jusqu'à la mer, et non seulement jusqu'à la mer, mais jusqu'à nous, par leurs reflets dans l'eau.

Au fond, loin, des glaciers.

Tout cela si grand, si beau, n'est rien en soi... Cela vaut par l'éclairage. Ce qui est extraordinaire ici, c'est la lumière, elle est autre et cela rend l'évocation presque impossible. Elle est différente à ce point de celle dont nous avons l'habitude que la sensation persistante est celle d'être non pas dépaysé, mais déplanétisé.

A vrai dire, le paysage est, en bien, un paysage de la terre. Il y a autre part la mer, des montagnes neigeuses et des glaciers, mais la coloration qui les baigne ici les rend tels que la comparaison qui vient à plusieurs de nous est que nous pourrions nous croire dans la planète Mars... On s'aperçoit du petit nombre de mots que nous possédons pour désigner les couleurs...

Dans la partie que le soleil couchant n'éclaire pas, la masse sombre et lumineuse pourtant est éclairée par des neiges qui sont bleues et mauves. Le reflet dans la mer moire tout cela dans une vibration lente. Vers le soleil, c'est une coulée d'or. D'un bout à l'autre de la baie, il y a jusqu'à l'horizon, jusqu'au soleil, une succession de vagues minces comme des frissons, parallèles, et qui sont véritablement de l'or vert en fusion.

La mer derrière nous, vers les glaciers, est grise, mais du gris le plus fin et le plus varié, le plus lumineux. Il faut encore évoquer ici l'idée d'un métal en fusion, mais d'un métal léger, fluide. Ces gris comportent des violets et des blancs effacés.

Le rire d'un groupe de passagers qui échappent à l'émotion générale nous irrite jusqu'à la crispation. On voudrait un silence absolu. Seule la petite musique que fait l'eau refoulée doucement par l'étrave ne détonne pas ici.

Nous sommes à l'extrême-avant. De là, en nous retournant, nous voyons se projeter sur les glaciers voisins la cheminée et les mâts de notre bateau, qui deviennent gigantesques et fantastiques, dans la solitude, dans la désolation du paysage. Grosse surprise: lorsque nous détournons nos yeux éblouis, toutes les colorations sont changées, et le pavillon rouge de notre grand mât est vert. L'irritation de notre rétine nous fait voir partout non les couleurs réelles, mais leurs complémentaires. C'est une fantasmagorie.

Les sentiments religieux évoqués sont ceux du paganisme. Nous venons certes de faire une sorte de pèlerinage à l'astre qui entretient la vie sur notre planète, nous sommes venus de très loin pour saluer la perpétuité, la continuité visible du soleil. Il y a eu comme une adoration dans notre attente silencieuse et recueillie. A voir ce soleil qui ne meurt pas et la joie naïve que nous avons éprouvée devant sa pérennité évidente, les profanes pensent au cri de la Pâque russe: «Christ est ressuscité», et aux baisers qu'échangent les fidèles. Nous les avons remplacés par un toast au soleil--libations aux dieux--parce que certains voulaient choisir leurs voisines.

(A suivre.)Brieux.



LES FÊTES DE L'INDÉPENDANCE BELGE

LE GRAND CORTÈGE HISTORIQUE DE BRUXELLES

Dans le programme de ces fêtes, il faut citer, comme une des parties les plus réussies, le grand cortège historique organisé à Bruxelles.

Pendant trois après-midi, les 22 juillet, 6 et 15 août, il aura parcouru les rues de la ville, suivant chaque fois un itinéraire différent. Au point de vue de la reconstitution pittoresque du passé, sa sortie de dimanche dernier offrait un attrait particulier, en raison de l'itinéraire de ce jour, comprenant la fameuse Grand'Place, d'un caractère si original, avec son superbe hôtel de ville et le décor si complet de ses vieilles architectures. Nul autre cadre, en effet, ne pouvait mieux s'adapter au groupe du cortège correspondant à la «période bourguignonne» de l'histoire des Flandres, puisque celui-ci
               LE PLUS HAUT ASCENSEUR DU MONDE.
                  --Au sommet de la Hammetschwand,
                           sur le lac des Quatre-Cantons.

                                    --Phot. Goet
représentait, abrités sorts le dais ducal et accompagnés d'une brillante escorte, Philippe le Bon et son fils, le comte de Charolais, se rendant au tournoi qui eut lieu sur cette même Grand'Place, le 20 février 1452, et où le futur Charles le Téméraire reçut le baptême des armes. Personnages et milieu s'harmonisaient donc à merveille, et les spectateurs, fortement illusionnés, auraient pu se croire transportés en plein quinzième siècle, sans l'anachronisme discordant de leurs costumes modernes.

LE PLUS HAUT ASCENSEUR DU MONDE

On vient d'inaugurer, au Burgenstock, une des plus charmantes stations d'altitude (800 m.), vis-à-vis de Lucerne, très fréquentée surtout par des Français, un ascenseur électrique, qui peut transporter six à sept personnes à la fois, en moins de trois minutes, au sommet de la Hammetschwand (1.140 m.), d'où la vue sur le lac des Quatre-Cantons et sur les Alpes d'Uri et d'Unterwalden est incomparable. On arrive en funiculaire de Kehrsiten (aux bords du lac), aux hôtels du Burgenstock, d'où un chemin des plus pittoresques, longeant la montagne tout droit au-dessus du lac et creusé en grande partie dans le rocher, vous conduit en trente minutes à l'ascenseur, caché dans une grotte rocheuse à côté de la chambre des machines. La cabine, de 4 mètres carrés, s'élève d'abord dans une cage en pierre, de 64 mètres de hauteur, au sommet de laquelle s'érige une tour aérienne en fer de 116 mètres. Cette tour, cela va sans dire, est solidement attachée au rocher à différents endroits, sans compter le pont d'accès, très solide, qui conduit les voyageurs sur le sommet de la montagne.

La cabine, suspendue à deux cordes en acier, offre toutes les garanties de sécurité: en cas d'excès de vitesse, arrêt automatique par un contrepoids; en cas d'interruption du courant, possibilité de conduire à la main la cabine à l'un des points de départ; enfin, une échelle en fer le long de la tour permet de monter ou de descendre aux personnes qui ne souffrent pas du vertige.
Dr. Guglielminetti.



UNE BAIGNADE DANS UNE FONTAINE PUBLIQUE

Une bande de gamins à demi dévêtus a envahi le bassin d'une fontaine publique: plongés dans l'eau jusqu'à la ceinture, ils barbotent à coeur joie, s'éclaboussent copieusement, se livrent, avec des cris aigus et de francs éclats de rire, à toute sorte de jeux aquatiques; quelques-uns, sous les jets en chute de la vasque supérieure, ont, inconsciemment, un mouvement, une pose du torse nu d'un tel caractère sculptural que l'on croirait voir s'animer les tritons de bronze du parc de Versailles ou de la place de la Concorde.

Mais ce n'est pas chez nous que s'offre ce tableau d'un réalisme pittoresque; nos règlements de police n'autorisent ni ne tolèrent la transformation des fontaines publiques en piscines populaires où nos gavroches puissent prendre leurs ébats devant les badauds amusés. Ce privilège est un de ceux de la libre Amérique, et la scène reproduite ici, à titre d'exemple, a été photographiée récemment dans un square de New-York: là-bas, pendant les chaleurs de l'été, particulièrement torrides cette année, il est permis aux boys, parmi lesquels il y a peut-être de futurs milliardaires, de se procurer gratis l'agrément et les bienfaits du bain froid complet, douche comprise; cette hydrothérapie en plein air n'offusque personne et l'hygiène y trouve son compte.


L'ÉTÉ A NEW-YORK.--Baignade d'enfants dans une fontaine publique.--Phot. Grantham Bain.



Le baron Komura.                      M. Sato.
LE PLÉNIPOTENTIAIRE JAPONAIS ET SON PREMIER SECRÉTAIRE, ARRIVANT A NEW-YORK.

Samedi dernier 5 août, les plénipotentiaires russes et japonais, chargés de discuter les bases de la paix, entraient en contact au large d'Oyster-Bay, à bord du May-Flower, yacht du gouvernement américain, où les présentations étaient faites par le président Roosevelt; mardi 8, ils s'installaient à Portsmouth (New-Hampshire), lieu choisi pour les travaux de la conférence, dont les résultats sont si impatiemment attendus.

L'attention se porte tout naturellement vers les éminents diplomates auxquels incombe la tâche difficile de mettre un terme à la guerre désastreuse allumée depuis un an et demi en Extrême-Orient, et qui, dès maintenant, sont des figures historiques.

Nous avons déjà donné de M. Witte, le premier plénipotentiaire russe, un portrait obtenu lors de son récent passage à Paris; une photographie du baron Komura, prise au moment de son arrivée à New-York, nous permet de montrer sous un aspect caractéristique le premier plénipotentiaire japonais, accompagné de M. Sato, son premier secrétaire, le personnage le plus interviewé de la délégation.

LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Un livre d'actualité: Dans l'intimité du sultan du Maroc, par Gabriel Veyre[1].

[Note 1: Librairie Universelle, 1 vol., 3 fr. 50.]

Un premier mérite de ce livre, et qu'on peut lui accorder a priori sur le seul vu de son titre, c'est l'opportunité; il paraît au moment où la question marocaine occupe le premier plan de l'actualité, s'impose à l'attention de l'Europe et met particulièrement en jeu la politique extérieure de la France. Les autres mérites, le chapitre introductif les fait pressentir par les explications de l'auteur touchant les motifs et les conditions de son séjour au Maroc.

M. Gabriel Veyre est un ingénieur dont on a eu plus d'une fois l'occasion de remarquer le nom dans L'Illustration, sous d'intéressants documents relatifs précisément au sujet qu'il traite aujourd'hui. Après avoir déjà pas mal couru le monde, il se reposait aux bords du Rhône, lorsqu'il apprit qu'on cherchait un homme capable d'enseigner tout d'abord au sultan Mouley Abd-el-Aziz la photographie pour laquelle il s'était passionné, puis de l'initier, au besoin, aux plus récentes inventions: cinématographe, applications de l'électricité à la télégraphie, à la téléphonie, à la phonographie, à l'éclairage; modes de locomotion modernes, bicyclette, voire automobile. Tenté par l'attrait d'un pays nouveau, plus mystérieux et plus fermé encore que tous ceux qu'il avait parcourus jusque-là, il posait sa candidature, était agréé, débarquait à Tanger au commencement de 1901 Son séjour, qui, suivant ses prévisions, ne devait guère excéder une durée de six mois, se prolongea quatre ans, et, à son retour en France, à la fin de 1904, il possédait, pour une utile contribution à l'histoire de l'Afrique contemporaine, de précieux éléments, sinon régulièrement notés sur des carnets et systématiquement classés dans des dossiers, du moins nettement fixés dans sa mémoire.

Car M. Veyre, il tient à le déclarer, n'avait pas le dessein préconçu de faire un livre. La moindre ambition littéraire était si loin de sa pensée qu'à aucun moment il ne tint de «journal» et que, pour préciser ses souvenirs sur certains points, il a dû feuilleter, avant d'écrire ces pages, tout un lot de lettres adressées de Marakech et de Fez à ses proches, à des amis, «conversations très libres au courant de la plume».

Cet aveu n'est pas, tant s'en faut, de nature à déprécier la valeur de l'ouvrage ainsi composé.

Les auteurs de relations de voyage et autres travaux similaires pourraient, en effet, se diviser en trois catégories: 1° le voyageur qui passe rapidement, note à la hâte quelques observations superficielles, quelques impressions fugitives, et, mettant dans son récit plus d'imagination et de littérature que de faits positifs et scrupuleusement vérifiés, risque des affirmations téméraires comme le proverbial: «Ici, toutes les femmes sont rousses»; 2° le chargé de mission--officielle ou officieuse--embarrassé d'un programme ou trop vaste ou trop étroit, qui, dans un temps limité, accumule documents, statistiques, renseignements de seconde main, regarde les réalités à travers les verres brouillés ou déformateurs de lunettes spéciales, et, rédigeant sa relation en style de rapport, y fait tout converge vers des conclusions préméditées et tendancieuses; 3° l'hôte indépendant,--commerçant, industriel, ingénieur, peu importe!--séjournant un temps assez long parmi les étrangers pour s'initier peu à peu, par la force même de l'habitude, à leur vie qu'il partage, observant d'un oeil curieux mais tranquille hommes et choses, caractères et moeurs, sachant simplement voir, écouter et retenir.

M. Veyre appartient à cette troisième catégorie, la meilleure, à notre sens, parce que c'est celle qui présente le plus de garanties de sincérité, d'impartialité, partant d'exactitude, et l'on a eu bien raison de l'engager à réunir, rédiger et publier les souvenirs personnels que sa situation tout exceptionnelle et privilégiée là-bas lui a permis de recueillir sur le jeune sultan et la cour chérifienne; certes, surtout dans les circonstances actuelles, l'intérêt n'en est pas douteux. Il les a, d'ailleurs, résumés, coordonnés et présentés d'excellente façon, en une série de chapitres bien coupés: Comment j'abordai au Maroc.--Les Commencements d'un règne.--El Menebhy, ministre de la Guerre.--Le Caïd Mac Lean.--Dans la cour des Amusements.--La Vie au palais: une journée du sultan.--Mouley Abd-el-Aziz: l'homme, le souverain.--Moeurs marocaines: l'esclavage.--La France au Maroc: la «pénétration pacifique».

Ce chapitre final contient, au sujet du rôle de notre diplomatie, diverses critiques et indications formulées avec beaucoup de réserve et de modestie par un homme étrange--il s'empresse de le proclame--aux subtilités de la politique, mais qui n'en semblent pas moins fort judicieuses et dignes d'être prises en sérieuse considération.

En somme, un volume à la fois maniable et substantiel, dont le texte s'agrémente et se complète de nombreuses reproductions photographiques; une narration sans prétention, mais claire, concise, alerte, relevée fréquemment d'une note pittoresque, d'une pointe d'humour, abondante en anecdotes caractéristiques; des portraits qu'on sent dépourvus d'artifices conventionnels, tant les personnages apparaissent vivants; un livre de bonne foi, mieux approprié que tels ouvrages compacts, de pâte ferme, à la propagation d'utiles enseignements, parce que, sous la légèreté de la forme, qui n'exclut pas la solidité du fond, il est plus accessible à tous et, d'une lecture captivante, répand la lumière sans engendrer l'ennui.
Edmond Frank.



Ont paru:



Peu de livres nouveaux en cette saison d'été. Parmi les derniers ouvrages parus, il faut mentionner spécialement:

Romans.--Dans l'ornière, par Mme la duchesse de Brissac (Plon-Nourrit et Cie, 3 fr. 50).--L'Impossible Pardon, oeuvre très émouvante de M. Antoine Albalat, qui, après avoir publié des livres sur l'Art d'écrire, prouve l'excellence de ses leçons en écrivant lui-même avec beaucoup d'art (E. Petit, 3 fr. 50).--L'Invasion de la mer, la première oeuvre posthume de Jules Verne (Hetzel, 3 fr.).--Les Visites d'Elisabeth, le célèbre roman anglais d'Elenor Glysa, traduit par Arnelle (Ollendorff, 3 fr. 50).--Les Chevaliers teutoniques, par Henrik Sienkiewiez, le célèbre auteur de Quo vadis? (Fasquelle, 3 fr. 50).

Questions actuelles.--La France en Afrique, par le commandant Edmond Ferry, qui connaît admirablement les hommes et les choses de l'Islam et qui détermine avec une remarquable précision les conditions essentielles et permanentes de l'existence de notre empire africain (Armand Colin, 3 fr. 50).--Trois Mois avec Kuroki, par M. Ch. Victor-Thomas, avec préface de M. Henry Houssaye: un récit très net, très instructif, sans phrases, d'un correspondant de guerre occasionnel (A. Challamel, 2 fr. 50). --Causeries morales et d'utilité générale, par le capitaine d'artillerie A. Grange, recueil de conférences familières qui ont été faites par l'auteur dans une caserne et qui devraient être répétées ou imitées dans toutes les casernes (H. Charles-Lavauzelle, 2 fr.). Les Colonies françaises à l'Exposition de Liège, par M. L. Brunet (Walhoff et Roche).

Beaux-Arts.--Schumann, sa vie et ses oeuvres, par MM. Louis Schneider et Marcel Mareschal. On sait la grande place que Schumann occupe dans la musique à côté de Bach, de Beethoven, de Mozart et de Schubert. C'est ce que MM. Louis Schneider et Marcel Mareschal ont établi avec une compétence très éclairée. Ils l'ont même fait avec une rare conscience, puisqu'ils n'ont pas émis une assertion sans la légitimer par des extraits de la correspondance du grand musicien. Ce mode de procéder, très scientifique, fait aussi que le lecteur prend part à la vie même du maître que l'on veut faire connaître. La tâche était difficile, puisque la correspondance de Schumann était inconnue en France et qu'il a fallu aller la trouver en Allemagne et en Angleterre. Elle est, du reste, attachante au suprême degré, comme on le verra en lisant ce Schumann. MM. Louis Schneider et Marcel Mareschal ont aussi poussé le scrupule jusqu'à analyser en détail les principales grandes oeuvres de Schumann. Aussi leur livre est-il d'une incontestable utilité. Cette Vie de Schumann mérite d'être aussi connue que les oeuvres du maître dont la vogue est aujourd'hui si grande (Fasquelle, 3 fr. 50).

Le sculpteur Le Veel.

Une erreur typographique nous a fait prêter, dans notre dernier numéro, le nom de Seveel au sculpteur Le Veel, qui vient de mourir. Cette rectification était due à la mémoire d'un artiste éminent, dont une des oeuvres, une statue équestre de Napoléon, est unanimement admirée sur les quais de Cherbourg.


DOCUMENTS et INFORMATIONS

Le pont à transbordeur de Marseille.


                         Le nouveau pont à transbordeur
                         de Marseille
--Phot. J. Fabre.

Dans le but de réunir le quai de la Tourette au boulevard du Phare, c'est-à-dire pour éviter aux véhicules et aux piétons venant de la Juliette les longs détours qu'ils seraient obligés de faire en suivant les quais ou en descendant la rue de la République pour se rendre dans les quais sud de Marseille, Eudonne ou les Catalans, un pont métallique à transbordeur a été mis en construction (la photographie ci-dessus le montre à la veille d'être terminé).

Tout le monde connaît ce mode de traversée qui consiste à jeter par-dessus la passe maritime un pont métallique dont le tablier sera situé à la hauteur exigée par les plus hautes mâtures. Sur une voie ferrée placée sur ce tablier, se meuvent des trains de galets, reliés à un cadre de roulement sous lequel est suspendue une nacelle qui se meut à la hauteur des quais. Les dimensions de cette nacelle sont proportionnées au trafic qu'elle est appelée à desservir. Les constructions de ce type qui ont été élevées par M. F. Arnodin à Bilbao (Espagne), entre les deux plages de Portugalete et de Las Arenas, sur les deux rives du Nervion (1889); à Rouen, sur la Seine (1897); à Bizerte, à l'entrée du canal (Tunisie), en 1898; à Martrou, sur la Charente, près Rochefort (1899); à Newport-Mon, sur l'Usk, en Angleterre (1903), sont des câbles suspendus à courbes paraboliques avec poutre raidissante du type de pont appelé «semi-rigide».

Un tel système a besoin de prendre ses points d'appui pour l'amarrage de ses câbles dans des massifs en maçonnerie très importants. Dans tous ces ouvrages, la traversée s'effectue en une minute environ.

Quant au trafic, il passe en moyenne, par jour, à Bilbao, 2.000 piétons et, à Rouen, 5.500 personnes, sans compter les voitures, bestiaux, etc., etc.

Le pont à transbordeur de Marseille aura la plus grande longueur de tablier de tous les ouvrages jusqu'à ce jour construits (240 mètres). La hauteur de ses pylônes (84 mètres) sera également la plus grande.

Par son architecture imposante, malgré toute la légèreté métallique de ses pylônes et de son tablier, ce pont à transbordeur constituera, à l'entrée du Port-Vieux de Marseille, un nouvel embellissement qui, nous le souhaitons, coopérera dans la mesure de ses fonctions à la prospérité et à la grandeur de ce port.

Cafés sans caféine.

On sait que le café doit son action excitante spéciale à un alcaloïde, la caféine, qui agit sur le coeur en renforçant sa contractilité et augmente ainsi, de façon passagère, la tension sanguine. Par ce mécanisme, la sensation de fatigue disparaît et le travail cérébral est notablement facilité. De façon générale, on trouve de 10 à 15 grammes de caféine par kilogramme de café.

Or M. Gabriel Bertrand vient de faire connaître qu'il existe, à la Grande-Comore, des cafés sans caféine. Dans l'île de Madagascar, au massif de la montagne d'Ambre, on trouverait aussi des cafés exempts de caféine.

Cette absence ne dépend d'ailleurs ni du sol, ni du climat, car, à côté de ces espèces, on en trouve d'autres qui contiennent de la caféine en quantité normale.

Il y a dans cette constatation une application possible à l'hygiène de la table, car il existe des personnes qui aiment le café avec passion et s'en passeraient difficilement, et auxquelles, cependant, le café est nuisible. Si la caféine est la substance dont les effets physiologiques troublent ces personnes il serait indiqué de leur recommander l'usage des cafés de la Comore et de Madagascar.


                    Un théâtre d'amateurs à Divonne.

Le théâtre des amateurs, de Divonne.

On a récemment inauguré, en présence de S. A. R. le khédive, le nouveau théâtre de Divonne, dont M. Duval, sous-inspecteur des palais nationaux, fut l'architecte.

Une des particularités de l'ancien théâtre actuellement démoli était que, par tradition, des amateurs seuls devaient y tenir des rôles. Bien des gens connus, le marquis Alfieri, la comtesse Amati, M. Millet, résident à Tunis, etc., furent éclairés par sa rampe, aux feux de laquelle Coppée fit représenter sa première pièce: Mon Journal.

Conformément aux vieux principes, c'est une troupe élégante, recrutée dans la haute société parisienne, qui, pour la représentation d'inauguration du nouveau théâtre, a interprété eux pièces, les Coteaux du Médoc, de Tristan Bernard, et 1807, d'Aderer, précédées d'un prologue en vers de M. le comte Durrieu.

Un sérum antituberculeux.

Il y a quelques semaines, au hameau de Goizet, commune de Saint-Denis-de-Piles (Gironde), un mouvement inaccoutumé se produisait autour d'une vache. Cette vache, comme on peut le voir sur une de nos photographies, était présentée à une assemblée d'experts et de notabilités locales par un vétérinaire: elle semblait se fort bien porter. Quelques minutes après elle était sacrifiée et, comme le montre l'autre photographie, on en faisait l'autopsie. Et c'est à cause de cette vache que tout ce monde s'était réuni. Atteinte de tuberculose généralisée, il y a quelques mois, elle était tombée au dernier degré de la cachexie, ne mangeait plus, et paraissait devoir mourir à bref délai. La tuberculine de Koch avait, à diverses reprises, révélé toute l'étendue du mal. Le vétérinaire V.-J.-T. Faure la vit et, aussitôt, à l'instigation de la marquise de Castellane, essaya l'action d'un sérum inventé par le docteur Cuguillière, de Toulouse, qui avait donné de bons résultats dans un autre cas. La vache se remit: on voit qu'elle a bonne apparence. Mais ce n'était pas pour la garder indéfiniment qu'on l'avait ressuscitée: on voulait examiner l'état de ses lésions et s'assurer, par l'autopsie, de sa guérison. On la sacrifia donc et l'autopsie fut faite sous la présidence du docteur Arnozan, le professeur à la faculté de Bordeaux, montrant que les lésions étaient bien guéries, de façon générale. Pourtant, quelques-unes subsistaient encore, mais impuissantes à agir sur l'état général de l'animal et en voie de guérison. La question est de savoir si ces lésions sont stériles ou s'il y reste des bacilles vivants. On ne saura ce qu'il en est que par des cultures et inoculations qui sont actuellement encours. Peut-être s'est-on un peu trop pressé de sacrifier la vache; peut-être aurait-il fallu la traiter 8 ou 10 mois, au lieu de 6.

En tout cas, si l'on avait un sérum capable d'améliorer l'état d'un animal tuberculeux (et aussi d'un être humain) au point où la vache de Goizet a été amélioré, ce serait un résultat des plus remarquables. Nous regrettons toutefois de ne pouvoir donner aucun détail sur le sérum du médecin toulousain: rien n'a été dit sur la manière de l'obtenir et, d'autre part, nous n'avons aucune statistique des cas traités par M. Cuguillière. Il convient donc de rester très réservé tant que nous ne disposerons pas de documents probants et certifiés par des praticiens experts.

Présentation, par le vétérinaire Faure, d'une vache traitée par le sérum antituberculeux du docteur Cuguillière. La vache tuberculeuse, immolée, est autopsiés et reconnus en voie de guérison.
Photographies Sereni.

L'EXPERIMENTATION D'UN NOUVEAU SÉRUM ANTITUBERCULEUX.


Quelle épaisseur doivent avoir les murs des habitations?

En hiver, nous chauffons nos maisons; mais il se perd beaucoup de chaleur. C'est la faute des murs qu'on fait trop minces, par raison d'économie. Les murs de 20 à 25 centimètres, qui sont très courants dans les constructions légères, sont absolument insuffisants. Avec des murs de 60 centimètres, les variations saisonnières de température sont beaucoup moins sensibles. Mais, pour bien faire, il faudrait un mètre d'épaisseur,--comme dans les vieux châteaux. Nous ne sommes pas, tant s'en faut, près d'adopter de telles épaisseurs. Au contraire, on les réduit; et l'on peut le faire, grâce à l'emploi de substances qui, tout en ayant moins d'épaisseur, ont autant de solidité. La nature des matériaux importe beaucoup: les substances poreuses perméables à l'air, briques perforées, mortier maigre au sable, ralentissent les variations thermiques. Mais les matières poreuses prennent vite l'humidité. Dans les murs mitoyens entre habitations, on devrait laisser un intervalle de 5 centimètres, qu'on bourrerait de débris de liège, feutre, coton, papier. Entre les étages, dans les entrevous, il faudrait un matelas de mâchefer, de scories, de charbon. Et les toitures devraient être à double paroi, avec matelas d'air interposé. Telles sont les conclusions d'un hygiéniste allemand, M. Nussbaum, de Hanovre, qui vient de s'occuper dé la question.

Prognathisme et dégénérescence.

On entend par prognathisme une hypertrophie du maxillaire inférieur, qui se caractérise, à l'extérieur, par une proéminence du menton, dont la hauteur est exagérée, et une saillie anormale de la lèvre inférieure.

M. Galippe, qui a fait, de cette anomalie, une étude particulière, montre qu'elle s'observe aussi bien chez les animaux que chez l'homme et, en particulier, chez les animaux vivant à l'état de domesticité; et il la considère comme étant toujours un stigmate de dégénérescence.

Ce stigmate apparaît surtout chez les dogues de Bordeaux et chez les mastiffs, et, fixé par voie de sélection, il a donné naissance aux bull-dogs. Il se rencontre également chez certaines espèces de chèvres, de cochons, chez les bovidés (boeufs natos), chez le cheval et même chez certaines espèces d'animaux sauvages.

Dans notre histoire, on trouve d'illustres prognathes, parmi lesquels Louis XIII et Marie-Antoinette. M. Galippe, en présentant un des portraits de cette reine à l'Académie, a fait remarquer qu'il fallait considérer comme inexacts tous les portraits dans lesquels des artistes serviles avaient supprimé le caractère familial pour flatter le modèle. La forme arrondie du maxillaire inférieur et la hauteur de la symphyse mentonnière confèrent aux prognathes une physionomie d'un caractère tout à fait spécial qu'on retrouve chez un groupe de malades dont tout le système osseux subit une hypertrophie particulière, les acromégaliques, dont les géants ne sont qu'une variété.

Une ville intermittente.

Les villes, généralement, comme la plupart des choses, du reste, durent de façon continue, une fois qu'elles ont pris existence: elles finissent bien par disparaître; mais, si leur vie s'affaiblit progressivement, elle n'est jamais totalement suspendue. Leur vie est continue, et non-pas intermittente. Il n'en est pas ainsi, toutefois, pour la ville d'Avalon, en Californie. Avalon est une ville essentiellement intermittente. Située dans l'île de Santa-Catalina, près de Los Angeles, elle n'existe que pendant quatre ou cinq mois par an. Au mois d'avril elle sort de terre. Sur un sol qui n'était qu'un aride désert, des ingénieurs ont établi toute la partie souterraine d'une ville: égouts, canalisation d'eau, etc.; en certains endroits, ils ont planté des palmiers, des arbres. Il y a bien quelques petits chalets sans importance: ce sont les bâtiments administratifs La ville même ne comporte pas une seule maison. Elle est toute en tentes. Celles-ci, remisées à l'abri, en hiver, sortent de leur cachette en avril. On les dresse un peu partout: on peut apporter la sienne ou bien en louer une à l'administration. Elles sont de toutes dimensions; il en est qui ne comportent qu'une seule pièce; d'autres ont un salon, une salle à manger et plusieurs chambres à coucher. Le prix de location est fort modéré. La Compagnie gagne en réalité peu de chose sur la location; son bénéfice est dans la vente des provisions. Elle vend les matières premières à qui veut faire sa cuisine: aux personnes, plus nombreuses, qui veulent être affranchies du souci d'un ménage, elle vend des plats tout préparés. Elle a organisé des tentes de lecture, des tentes de concerts, etc. Et, en été, Avalon contient 80.000 personnes, toutes logées sous d'innombrables tentes éparpillées au bord d'une jolie baie. Elles sont fort confortables, munies d'une salle de bains, d'un cabinet de toilette et du reste. La Compagnie, qui a organisé Avalon, qui est propriétaire des bateaux amenant les voyageurs, des tentes où ils se logent, des restaurants où ils se nourrissent, des cuisines où elle prépare les repas «pour la ville», des magasins de toute sorte, établis pour tenter le public ou lui offrir les objets divers dont il a besoin, est enchantée de sa spéculation. Il est vraisemblable que l'exemple sera suivi et que d'autres susciteront à Avalon une concurrence.


                M. Jules Jaluzot.--Phot. Benque.

M. JULES JALUZOT

Un krach sur le marché des sucres à la Bourse de commerce de Paris, la situation critique d'une des grandes maisons de nouveautés de la capitale, la fermeture des guichets d'une caisse d'épargne annexée à cette maison, tels sont les faits, amplement exposés et commentés par la presse quotidienne, qui mettent en vedette le nom de M. Jules Jaluzot.

Né à Corvol-l'Orgueilleux (Nièvre), M. Jaluzot a accompli, le 4 mai dernier, sa soixante et onzième année. Notable négociant, fondateur des magasins du Printemps, dont il a pris et conservé jusqu'à présent la direction, il est, en outre, à la tête d'établissements agricoles et industriels; enfin, depuis quinze ans, il occupe un siège législatif à la Chambre des députés, comme représentant de son département natal pour l'arrondissement de Clamecy. Ses divers titres et qualités expliquent le retentissement public des événements d'ordre commercial et financier où sa responsabilité se trouve engagée.

SPORT ET TRANSPORT

Deux grandes épreuves d'automobile, établies dans un but tout différent, presque opposé, viennent d'avoir lieu ces jours derniers: la course de pure vitesse du Circuit des Ardennes, gagnée par Hémery, à plus de 100 kilomètres à l'heure de moyenne, et le concours pratique, utilitariste, qui a promené dans tout le nord-ouest de la France les derniers modèles de camions, de fourgons et d'omnibus; l'une et l'autre de ces épreuves ont leur utilité et nos grandes maisons de construction d'automobiles n'auront pas manqué d'en tirer les enseignements qu'elles comportent.


Hémery, gagnant du Circuit des Ardennes, sur voiture Darracq, passe devant les tribunes de Bastogne, suivi de Le Blon. Le retour aux Tuileries des véhicules industriels et des fourgons militaires ayant participé au concours de transport dans le nord-ouest de la France.


        Les obsèques de l'infant don Fernando: transport
                 du cercueil à l'église de Saint-Sébastien.

MORT DE L'INFANT FERNANDO

L'infant Fernando, second fils du comte de Caserte, prince des Asturies, et de la princesse, soeur aînée d'Alphonse XIII, décédée à la fin de l'année dernière, a succombé à une méningite, le 4 août, à l'âge de deux ans et cinq mois.

Avant le transfert du corps de Saint-Sébastien à Madrid, où ont eu lieu, à l'Escurial, avec le cérémonial d'usage, les obsèques et l'inhumation du neveu du roi d'Espagne, une cérémonie funèbre avait été solennellement célébrée dans l'église del Antiguo, voisine du palais de Miramar, où est mort le jeune prince.

M. le duc de Sotomayor, grand majordome du palais, le capitaine général de la province de Burgos, les aides de camp du roi Alphonse XIII et du prince des Asturies, conduisaient le deuil.


         Le nouveau pont de Valence-sur-Rhône (masquant
                         l'ancien pont suspendu).

                            Phot. de M. Sédallian

LE NOUVEAU PONT DE VALENCE.

Dimanche prochain, la ville de Valence sera triplement en fête pour une triple inauguration: celle d'un nouveau collège, celle d'un nouveau parc (le parc Jouvet), et celle d'un nouveau pont sur le Rhône.

M. Loubet présidera lui-même ces cérémonies.

Le collège est construit sur des plans modernes; le parc est dessiné avec beaucoup d'art; quant au pont, il remplacera avantageusement l'ancien pont suspendu qu'on aperçoit en second plan sur notre photographie.

Construit par M. Clerc, ingénieur en chef, c'est le premier pont de pierre jeté sur le Rhône en aval de Lyon depuis le treizième siècle.

Il n'en existe, en dehors de lui, qu'un seul, conservé dans sa totalité, celui de Pont-Saint-Esprit, qui remonte à 1277.

Le nouveau pont de Valence est formé d'arches de 50 mètres d'ouverture, dimension qui a été dépassée pour des arches isolées, mais qui n'avait pas encore été atteinte pour des arches en série.

La construction des arches du pont de Valence a exigé l'emploi nouveau de cintres métalliques à grande portée, dont le montage et le démontage ont donné lieu à des manoeuvres intéressantes.

NOTRE SUPPLÉMENT MUSICAL

Nous consacrons cette semaine notre supplément musical aux concours du prix de Rome.

Le premier grand prix, qui donne à ses titulaires le droit de résider quatre ans à la Villa Médicis, à Rome, a été attribué à deux concurrents, M. Victor Gallois et M. Marcel Samuel-Rousseau. Ce dernier hérite de la place laissée vacante par la démission de M. Pech, qui a quitté Rome pour se marier; il ne sera pensionnaire de la Villa Médicis que pendant les trois ans qui restent à courir sur les quatre ans de M. Pech.

M. Victor Gallois est né à Douai en 1880; il étudia d'abord l'harmonie au Conservatoire de Paris, sous la direction de M. Xavier Leroux et obtint un premier prix; puis il entra chez M. Lenepveu, professeur de fugue et de contrepoint; c'est dans cette classe qu'il a remporté son premier prix.

Ce qui caractérise la «manière» de M. Gallois--on pourra s'en rendre compte par le fragment que nous publions--c'est l'élégance de la pensée et la recherche de l'écriture. Il semble qu'on retrouverait, dans le duo coloré de Maïa et de Jean, certaines harmonies de Léo Delibes, ce qui n'est pas un mince compliment.

M. Marcel Samuel-Rousseau est le fils du regretté compositeur Samuel Rousseau, auteur de la Cloche du Rhin et de Merowig. Egalement élève de M. Lenepveu, le jeune lauréat a déjà fait recevoir à l'Opéra-Comique un drame lyrique en un acte, le Bonheur des yeux, livret de M. Georges Mitchell.

Le fragment de la dernière scène de Maïa, que nous avons choisi dans la cantate de M. Marcel Rousseau, est d'une noble inspiration et même d'un sentiment dramatique assez puissant. M. Rousseau a su créer une atmosphère à ses personnages et la ligne mélodique est commentée et éclairée fort ingénieusement par l'accompagnement.

Il y a là le souci d'une trame harmonique intéressante et très travaillée.

Détail curieux: M. Marcel Samuel-Rousseau a été classé second des deux grands-prix parce que sa cantate portait le numéro 6 tandis que celle de M. Gallois portait le numéro 5; et voilà aussi pourquoi il ne restera que trois ans à Rome.

Mais les deux concurrents sont d'un égal mérite; et, à Rome, débarrassés du poids de l'enseignement scolaire, ils vont pouvoir dégager leur personnalité et leur originalité.



(Agrandissement)


NOUVELLES INVENTIONS

(Tous les articles compris sous cette rubrique sont entièrement gratuits.)

LE GOUDRONNAGE DES ROUTES

En ces temps d'automobilisme à outrance, la poussière est devenue sur les routes un véritable fléau contre lequel on ne saurait trop prendre de mesures.

Mais comment la combattre d'une façon radicale, permanente et cependant peu dispendieuse?

Les procédés auxquels on a recours à l'heure actuelle sont au nombre de trois:

L'arrosage à l'eau, l'arrosage aux huiles lourdes rendues solubles dans l'eau et le goudronnage à chaud ou à froid. Le procédé véritablement efficace, le goudronnage à chaud, est le seul dont nous entretiendrons nos lecteurs. Ce procédé est celui préconisé tout particulièrement par le docteur Guglielminetti, dont les travaux sur la lutte contre la poussière sont bien connus et appréciés de tout le monde.

Le goudronnage à chaud, convenablement pratiqué, permet de supprimer à peu près totalement la poussière pendant une année entière, sur une chaussée même très fréquentée, tout en réduisant les frais d'entretien.

Son application, pour être efficace et peu coûteuse, réclame des soins et des appareils spéciaux.

Les meilleurs résultats à ce double point de vue ont été obtenus par M. Lassailly, ingénieur-directeur de la Société de goudronnage, 17, rue de Bourgogne, à Paris.

Les lecteurs nous permettront ici quelques considérations utiles concernant le goudron.

Ce produit, tel qu'il est fourni par les usines à gaz et qui doit être employé très chaud pour pouvoir s'épandre facilement sur le sol et y pénétrer, contient, en dissolution et en suspension, suivant les charbons dont il provient et les procédés employés pour l'extraction du gaz, de 4 à 7% d'eau ammoniacale, génératrice des ammoniaques du commerce. Ce sont les vapeurs de ce produit qui, commençant à se former vers 70-80° soulèvent la masse goudronneuse et font mousser le goudron par-dessus les bords de la chaudière; ce goudron vient généralement s'enflammer au contact du foyer et peut provoquer un incendie. Ce grave inconvénient ne peut être évité même avec des chaudières à foyer amovible comme celles qui existent déjà, car il faut toujours compter avec l'imprévoyance d'un chauffeur et, d'ailleurs, une fois que le goudron a commencé à mousser, il arrive fréquemment qu'on ne peut plus l'arrêter, même en cessant le feu, la chaleur acquise par le foyer étant largement suffisante pour assurer la continuation du débordement jusqu'à la vidange de la moitié du contenu de la chaudière, si ce n'est quelquefois de la chaudière entière.

Avec le goudron Lassailly, dépouillé d'eau et de produits légers inflammables, ce grave inconvénient est supprimé; il peut être chauffé impunément dans n'importe quel récipient et notamment dans les chaudières spécialement fournies pour cet usage, jusqu'à 190° de température; il n'y a d'ailleurs pas lieu d'atteindre ce chiffre, 100 à 120° suffisant largement. Ainsi chauffé il peut être appliqué au moyen d'arrosoirs et de balais; étant beaucoup plus chaud que le goudron brut, qu'on ne peut amener sans danger dans une chaudière ordinaire à plus de 70° de température, il possède l'avantage précieux de s'étendre beaucoup plus facilement.


Le tonneau Lassailly, pour le goudronnage
automatique des routes.
--Phot. de M Martin.

L'appareil automatique que représente notre gravure a donné de remarquables résultats et attiré l'attention des pouvoirs publics, en raison de sa grande rapidité opératoire et de l'économie considérable qu'il permet de réaliser, en abaissant de 0 fr. 25 à 0 fr. 15 le prix du goudronnage par mètre carré.

Nous empruntons sa description au remarquable mémoire du docteur Guglielminetti: les Différents Moyens de combattre la poussière des routes.

Les appareils Lassailly se composent essentiellement de deux voitures: l'une, chauffe-goudron, destinée à porter le goudron à la température voulue (90° environ); l'autre, goudronneuse, prenant le goudron ainsi chauffé dans la première et l'étalant automatiquement sur le sol. Pour les travaux qu'elle a à exécuter dans Paris et la banlieue, la Société Lassailly n'emploie que la seconde voiture, qui vient s'alimenter à l'usine de distillation, à Issy.

La vapeur est l'agent de chauffage et de propulsion adopté; son efficacité est très grande, puisque, en moins d'une demi-heure, on peut charger, chauffer et refouler dans la voiture goudronnante 1.000 litres, soit 1.200 kilos de goudron. Pendant que la goudronneuse étale automatiquement ces 1.000 litres, une nouvelle charge est introduite et chauffée à la température voulue dans le chauffe-goudron et l'opération se continue sans arrêt.

A remarquer dans cette goudronneuse un bac régulateur placé au-dessous de la tonne, dans lequel le goudron est maintenu, suivant les indications d'un flotteur, à une hauteur constante, ce qui permet d'obtenir une vitesse de sortie uniforme et, par suite, un épandage régulier de goudron. Cet épandage se fait au moyen d'une rampe alimentée par ledit bac et percée de trous dont le nombre et le diamètre sont fonction de la vitesse moyenne d'un cheval et de la quantité de goudron à répandre par mètre carré.

Une attention particulière doit être aussi accordée au système de balais-lisseurs qui prennent le goudron chaud au sortir de la tonne et l'étalent en une couche mince parfaitement régulière. Ces balais, absolument mobiles, sont attelés par des chaînes à la voiture et suppriment l'équipe de balayeurs, qui représente le facteur le plus élevé dans l'application du goudronnage, sans compter que ce travail, fait en pleine chaleur, sous les rayons ardents du soleil, constitue un métier très pénible et que l'on peut, sans exagération, taxer de «galérien».

Bref, les appareils Lassailly, tant par leur construction bien comprise que par les résultats qu'ils ont déjà donnés, paraissent réaliser toutes les conditions désirables pour le goudronnage, et nous ne saurions trop engager nos lecteurs que la question intéresse à s'adresser à la Société générale de goudronnage, qu'ils pourront d'ailleurs voir opérer à bref délai dans les différentes rues macadamisées de la capitale (principalement dans le quartier des Ternes), puisque cette Société vient d'être déclarée adjudicataire pour cette année du goudronnage de Paris.




Note du transcripteur: ce supplément ne nous a pas été fourni.











End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3259, 12 Août 1905, by Various

*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3259 12 AOÛT 1905 ***

***** This file should be named 35827-h.htm or 35827-h.zip *****
This and all associated files of various formats will be found in:
        http://www.gutenberg.org/3/5/8/2/35827/

Produced by Jeroen Hellingman and Rénald Lévesque

Updated editions will replace the previous one--the old editions
will be renamed.

Creating the works from public domain print editions means that no
one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
(and you!) can copy and distribute it in the United States without
permission and without paying copyright royalties.  Special rules,
set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to
copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to
protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark.  Project
Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
charge for the eBooks, unless you receive specific permission.  If you
do not charge anything for copies of this eBook, complying with the
rules is very easy.  You may use this eBook for nearly any purpose
such as creation of derivative works, reports, performances and
research.  They may be modified and printed and given away--you may do
practically ANYTHING with public domain eBooks.  Redistribution is
subject to the trademark license, especially commercial
redistribution.



*** START: FULL LICENSE ***

THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK

To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free
distribution of electronic works, by using or distributing this work
(or any other work associated in any way with the phrase "Project
Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project
Gutenberg-tm License (available with this file or online at
http://gutenberg.org/license).


Section 1.  General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm
electronic works

1.A.  By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm
electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
and accept all the terms of this license and intellectual property
(trademark/copyright) agreement.  If you do not agree to abide by all
the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy
all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession.
If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project
Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the
terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or
entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.

1.B.  "Project Gutenberg" is a registered trademark.  It may only be
used on or associated in any way with an electronic work by people who
agree to be bound by the terms of this agreement.  There are a few
things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
even without complying with the full terms of this agreement.  See
paragraph 1.C below.  There are a lot of things you can do with Project
Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
works.  See paragraph 1.E below.

1.C.  The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
Gutenberg-tm electronic works.  Nearly all the individual works in the
collection are in the public domain in the United States.  If an
individual work is in the public domain in the United States and you are
located in the United States, we do not claim a right to prevent you from
copying, distributing, performing, displaying or creating derivative
works based on the work as long as all references to Project Gutenberg
are removed.  Of course, we hope that you will support the Project
Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by
freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of
this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with
the work.  You can easily comply with the terms of this agreement by
keeping this work in the same format with its attached full Project
Gutenberg-tm License when you share it without charge with others.

1.D.  The copyright laws of the place where you are located also govern
what you can do with this work.  Copyright laws in most countries are in
a constant state of change.  If you are outside the United States, check
the laws of your country in addition to the terms of this agreement
before downloading, copying, displaying, performing, distributing or
creating derivative works based on this work or any other Project
Gutenberg-tm work.  The Foundation makes no representations concerning
the copyright status of any work in any country outside the United
States.

1.E.  Unless you have removed all references to Project Gutenberg:

1.E.1.  The following sentence, with active links to, or other immediate
access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently
whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the
phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project
Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed,
copied or distributed:

This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
almost no restrictions whatsoever.  You may copy it, give it away or
re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
with this eBook or online at www.gutenberg.org

1.E.2.  If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived
from the public domain (does not contain a notice indicating that it is
posted with permission of the copyright holder), the work can be copied
and distributed to anyone in the United States without paying any fees
or charges.  If you are redistributing or providing access to a work
with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the
work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1
through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the
Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or
1.E.9.

1.E.3.  If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted
with the permission of the copyright holder, your use and distribution
must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional
terms imposed by the copyright holder.  Additional terms will be linked
to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the
permission of the copyright holder found at the beginning of this work.

1.E.4.  Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm
License terms from this work, or any files containing a part of this
work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.

1.E.5.  Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
electronic work, or any part of this electronic work, without
prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
active links or immediate access to the full terms of the Project
Gutenberg-tm License.

1.E.6.  You may convert to and distribute this work in any binary,
compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any
word processing or hypertext form.  However, if you provide access to or
distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than
"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version
posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org),
you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a
copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon
request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other
form.  Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm
License as specified in paragraph 1.E.1.

1.E.7.  Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works
unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.

1.E.8.  You may charge a reasonable fee for copies of or providing
access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided
that

- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
     the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
     you already use to calculate your applicable taxes.  The fee is
     owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he
     has agreed to donate royalties under this paragraph to the
     Project Gutenberg Literary Archive Foundation.  Royalty payments
     must be paid within 60 days following each date on which you
     prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
     returns.  Royalty payments should be clearly marked as such and
     sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
     address specified in Section 4, "Information about donations to
     the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."

- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
     you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
     does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
     License.  You must require such a user to return or
     destroy all copies of the works possessed in a physical medium
     and discontinue all use of and all access to other copies of
     Project Gutenberg-tm works.

- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any
     money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
     electronic work is discovered and reported to you within 90 days
     of receipt of the work.

- You comply with all other terms of this agreement for free
     distribution of Project Gutenberg-tm works.

1.E.9.  If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm
electronic work or group of works on different terms than are set
forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark.  Contact the
Foundation as set forth in Section 3 below.

1.F.

1.F.1.  Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
public domain works in creating the Project Gutenberg-tm
collection.  Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic
works, and the medium on which they may be stored, may contain
"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or
corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual
property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a
computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by
your equipment.

1.F.2.  LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right
of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project
Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all
liability to you for damages, costs and expenses, including legal
fees.  YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3.  YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
DAMAGE.

1.F.3.  LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
written explanation to the person you received the work from.  If you
received the work on a physical medium, you must return the medium with
your written explanation.  The person or entity that provided you with
the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a
refund.  If you received the work electronically, the person or entity
providing it to you may choose to give you a second opportunity to
receive the work electronically in lieu of a refund.  If the second copy
is also defective, you may demand a refund in writing without further
opportunities to fix the problem.

1.F.4.  Except for the limited right of replacement or refund set forth
in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.

1.F.5.  Some states do not allow disclaimers of certain implied
warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
the applicable state law.  The invalidity or unenforceability of any
provision of this agreement shall not void the remaining provisions.

1.F.6.  INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
with this agreement, and any volunteers associated with the production,
promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
that arise directly or indirectly from any of the following which you do
or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.


Section  2.  Information about the Mission of Project Gutenberg-tm

Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
electronic works in formats readable by the widest variety of computers
including obsolete, old, middle-aged and new computers.  It exists
because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
people in all walks of life.

Volunteers and financial support to provide volunteers with the
assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
remain freely available for generations to come.  In 2001, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.


Section 3.  Information about the Project Gutenberg Literary Archive
Foundation

The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
Revenue Service.  The Foundation's EIN or federal tax identification
number is 64-6221541.  Its 501(c)(3) letter is posted at
http://pglaf.org/fundraising.  Contributions to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
permitted by U.S. federal laws and your state's laws.

The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
throughout numerous locations.  Its business office is located at
809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
[email protected].  Email contact links and up to date contact
information can be found at the Foundation's web site and official
page at http://pglaf.org

For additional contact information:
     Dr. Gregory B. Newby
     Chief Executive and Director
     [email protected]


Section 4.  Information about Donations to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation

Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
spread public support and donations to carry out its mission of
increasing the number of public domain and licensed works that can be
freely distributed in machine readable form accessible by the widest
array of equipment including outdated equipment.  Many small donations
($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
status with the IRS.

The Foundation is committed to complying with the laws regulating
charities and charitable donations in all 50 states of the United
States.  Compliance requirements are not uniform and it takes a
considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
with these requirements.  We do not solicit donations in locations
where we have not received written confirmation of compliance.  To
SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
particular state visit http://pglaf.org

While we cannot and do not solicit contributions from states where we
have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
against accepting unsolicited donations from donors in such states who
approach us with offers to donate.

International donations are gratefully accepted, but we cannot make
any statements concerning tax treatment of donations received from
outside the United States.  U.S. laws alone swamp our small staff.

Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
methods and addresses.  Donations are accepted in a number of other
ways including checks, online payments and credit card donations.
To donate, please visit: http://pglaf.org/donate


Section 5.  General Information About Project Gutenberg-tm electronic
works.

Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
concept of a library of electronic works that could be freely shared
with anyone.  For thirty years, he produced and distributed Project
Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.


Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
unless a copyright notice is included.  Thus, we do not necessarily
keep eBooks in compliance with any particular paper edition.


Most people start at our Web site which has the main PG search facility:

     http://www.gutenberg.org

This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.