The Project Gutenberg EBook of Le vaisseau fantôme, by Richard Wagner

This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
almost no restrictions whatsoever.  You may copy it, give it away or
re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
with this eBook or online at www.gutenberg.org


Title: Le vaisseau fantôme

Author: Richard Wagner

Translator: Charles Nuitter

Release Date: October 18, 2008 [EBook #26943]

Language: French

Character set encoding: ISO-8859-1

*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE VAISSEAU FANTÔME ***




Produced by Laurent Vogel and the Online Distributed
Proofreading Team at http://www.pgdp.net






NOUVELLE ÉDITION

LE
VAISSEAU FANTÔME

OPÉRA EN TROIS ACTES
DE
RICHARD WAGNER

TRADUCTION FRANÇAISE DE
M. CHARLES NUITTER

[marque d'imprimeur]

PARIS
P.-V. STOCK, ÉDITEUR

(Ancienne librairie TRESSE & STOCK)
8, 9, 10, 11, GALERIE DU THÉÂTRE-FRANÇAIS
PALAIS-ROYAL

1897

Tous droits de traduction, de reproduction et d'analyse réservés
pour tous les pays, y compris la Suède et la Norvège.


LE
VAISSEAU FANTÔME

Représenté pour la première fois
à Paris, sur le théâtre national de l'Opéra-Comique,
le 10 mai 1897.


P.-V. STOCK, ÉDITEUR

LES PREMIERS OPÉRAS
DE
RICHARD WAGNER

(Traduction de M. Ch. Nuitter)

Pour la partition et les parties d'orchestre, s'adresser à MM. A. Durand et Fils, éditeurs de musique, 4, place de la Madeleine, à Paris.

ÉMILE COLIN—IMPRIMERIE DE LAGNY


La note de Richard Wagner, relative à la mise en scène du Vaisseau fantôme, qu'il nous a paru intéressant de reproduire, a été insérée dans le tome V de ses œuvres complètes. S'il en était besoin, elle démontrerait une fois de plus avec quel soin minutieux il savait régler tout ce qui doit contribuer à la bonne exécution de ses drames lyriques et rendre plus complète l'intime union du poème et de la musique. Cette note ne sera pas inutile aux artistes qui auront à interpréter le Vaisseau fantôme, et parfois elle peut rendre à l'œuvre originale quelque chose de ce que lui fait perdre forcément une traduction musicale.

Après avoir parlé des décorations et des effets de lumière, le maître passe à ce qui concerne le jeu des chanteurs:

Je m'adresse donc exclusivement aux acteurs, et parmi eux surtout, à celui qui est chargé du rôle d'homme principal «Le Hollandais», qui est si difficile.

C'est de l'heureuse exécution de cette partie principale seule que dépend le succès véritable de tout l'opéra. Il faut que l'acteur parvienne à faire naître et à faire durer la compassion la plus profonde; il pourra y arriver s'il suit exactement les traits principaux caractéristiques suivants:

Son aspect extérieur est suffisamment indiqué. Sa première entrée est excessivement solennelle et grave. La lenteur hésitante avec laquelle il avance sur la terre ferme doit faire un contraste tout particulier avec le tangage extraordinairement violent et inquiétant du vaisseau sur la mer.

Pendant les sons graves de trompettes (si mineur) tout à fait à la fin de l'introduction, il s'est avancé sur une planche placée par ses hommes du bordage du vaisseau jusqu'à une roche plate du rivage.

La première note de la ritournelle de l'air, le mi dièze grave des basses, accompagne le premier pas du Hollandais sur la terre; sa démarche chancelante, telle que l'ont les marins qui touchent terre, pour la première fois après une longue absence en mer, est de nouveau accompagnée par l'imitation musicale des vagues que font les violoncelles et les altos.

Sur le premier temps de la troisième mesure il fait le second pas, toujours les bras croisés et la tête baissée; il fait son troisième et son quatrième pas à la huitième et à la dixième mesure.

À partir de ce moment, ses mouvements suivent la spontanéité instinctive de son exécution vocale et dramatique, mais il faut que l'acteur prenne garde de jamais se laisser entraîner par une vivacité exagérée dans ses mouvements scéniques. Un certain calme, particulièrement effrayant, dans son attitude et son aspect extérieurs, même, en exprimant, avec la passion intérieure la plus forte, sa douleur et son désespoir, assurera l'effet voulu à tout ce qui doit vraiment caractériser son apparition.

Les premières phrases sont chantées sans la moindre passion, comme par un homme épuisé de fatigue; presque exactement en mesure, comme en général tout le récitatif. Aux paroles: «Ah! superbe océan, etc...», chantées avec une rage amère, il ne donne pas cours encore à la passion véritable: c'est plutôt avec un dédain terrible qu'il se contente de tourner à demi la tête vers la mer.

Pendant la ritournelle qui suit: «Et ma peine est sans fin», il baisse de nouveau la tête, comme fatigué et brisé de tristesse; il chante les paroles: «Mer, tu seras le témoin, etc...», avec les yeux hagards, le regard perdu devant lui.

Pour la mimique qui doit accompagner l'allegro: «Combien de fois las de souffrir, etc...», je ne veux pas restreindre trop étroitement le chanteur dans ses mouvements extérieurs, mais qu'il s'en tienne toujours, là aussi, à ma principale observation, de conserver encore la plus grande tranquillité possible dans son attitude, au moment même de la passion la plus grande, la plus saisissante, du sentiment de la plus profonde douleur, dont il doit animer l'expression de son chant; qu'il se contente d'un geste, pas trop large cependant, du bras ou de la main pour les quelques accents violents de la diction. Même les paroles: «Mais ni la tombe, ni la mort!» qui doivent être chantées avec la plus puissante accentuation sont la «description» de sa souffrance plutôt que l'explosion véritable et directe de son désespoir. Il y arrive seulement dans le passage qui suit, et pour ceci il lui faut réserver la suprême énergie de l'action.

En répétant les paroles: «Tel est l'arrêt cruel du sort», il a courbé la tête et s'est un peu incliné: il reste ainsi jusque pendant les quatre dernières mesures avec le trémolo des violons dans la cinquième mesure, et, conservant toujours la même attitude, il lève les yeux vers le ciel. À l'entrée pianissimo des timbales, dans la neuvième mesure, il commence à trembler épouvanté, les mains baissées se crispent, serrant le poing, ses lèvres frémissent, jusqu'à ce qu'il commence enfin, les yeux hagards toujours tournés vers le ciel, la phrase: «Ange du ciel». Toute cette apostrophe presque directe à «l'ange, du ciel» qui doit être chantée avec la plus terrible expression, sera exécutée dans l'attitude déjà indiquée sans autres changements importants que ceux qui sont exigés par la diction de tels ou tels passages: nous devons voir devant nous un ange déchu, qui, en sa terrible torture, exhale sa tragique fureur, en s'adressant à la justice éternelle. Enfin, aux paroles: «En vain, j'espère», toute la force de son désespoir se déchaîne; il se redresse avec rage, et, les yeux toujours dirigés vers le ciel, il exprime toute la plus violente énergie de la douleur.

Vaine espérance: il ne veut plus rien savoir de la délivrance promise, et son attitude change maintenant, à l'entrée des timbales et des basses, comme s'il était anéanti.

À l'entrée de la ritournelle de l'allegro, ses traits se raniment, il revient à une nouvelle espérance, espérance horrible, la dernière, l'espérance en la fin du monde, où il devra périr, lui aussi.

Cet allegro final exige la plus effrayante énergie dans le chant comme dans la mimique, car tout ici est émotion directe. Que le chanteur parvienne cependant à faire paraître ce «tempo», entier, malgré toute la puissance de la diction, comme n'étant que l'effet de toutes ses forces réunies: cette explosion devient la plus extrême et la plus écrasante, aux paroles: «Ô mondes, cessez votre cours.» C'est là que la sublimité de l'expression doit atteindre à son comble.

Après les dernières paroles: «À moi, néant, et pour toujours», il demeure debout, pendant tout le fortissimo dans une fière attitude, presque semblable à une statue. Ce n'est qu'à l'entrée du «piano», pendant le chant sourd qui vient du vaisseau, que cette violente fixité se détend peu à peu; ses bras s'abandonnent, retombent.

Aux quatre mesures «expressivo» des premiers violons, il baisse la tête, épuisé, et va en chancelant sur les dernières huit mesures vers les roches de la falaise opposée: là il s'adosse au roc, et alors les bras croisés sur la poitrine, il demeure longtemps dans cette position.

Je n'ai détaillé si soigneusement cette scène qu'afin de montrer en quel sens je veux que le «Hollandais» soit représenté, et combien est grande l'importance de la plus minutieuse concordance du jeu avec la musique.

Que l'acteur se donne la peine de chercher à concevoir dans le même sens son rôle tout entier. Au reste, cet «air» est la partie la plus difficile du rôle, surtout parce que c'est de la bonne réalisation de cette scène qui dépend, pour le public, la compréhension ultérieure du sujet.

Si ce monologue, selon mes intentions, a su saisir et émouvoir complétement, le succès est assuré pour la partie la plus importante de l'œuvre entière, tandis que tout ce qui suit ne serait pas capable de faire regagner ce que l'on aurait abandonné ici.

Dans la scène avec Daland, le «Hollandais» reste pour un moment dans l'attitude précédente. Il répond, en relevant un peu la tête, aux paroles que Daland lui adresse de son bord.

Quand Daland le rejoint à terre, le Hollandais s'avance, avec un calme imposant, vers le milieu de la scène.

Tout son aspect dénote ici une dignité calme et tranquille; dans tout ce qu'il dit l'expression est mesurée, noble, mais sans aucun accent de force: il agit et parle comme s'il était habitué dès longtemps à ce qui se passe: si souvent déjà, il lui est arrivé d'avoir de telles rencontres et de procéder à de semblables négociations; tout, même les questions et les réponses qui paraissent les plus intentionnelles, doivent avoir lieu comme involontairement; il agit pour ainsi dire sous la contrainte de sa magique situation à laquelle il s'abandonne machinalement, comme épuisé et indifférent. Mais tout aussi involontairement se réveille en lui cet ardent désir de rédemption: après la terrible explosion de son désespoir, il est devenu plus doux, moins rude, et c'est avec une tristesse émouvante qu'il exprime son ardent désir de repos. Il pose encore avec une apparente tranquillité la question: «As-tu donc une fille?» La réponse enthousiaste de Daland: «Mais oui, fidèle enfant,» le rappelle de nouveau subitement à l'ancien espoir si souvent reconnu vain! Avec une hâte poignante il s'écrie: «Donne-la-moi!» L'ardent désir d'autrefois s'empare de lui à nouveau, et c'est avec l'expression la plus émouvante qu'il s'abandonne à dépeindre sa situation, tout en gardant le calme extérieur, en chantant: «Sans une épouse, sans un enfant.» La chaleureuse description que le père fait ensuite de sa fille anime de plus en plus en lui son ardent désir de «délivrance par la fidélité d'une femme» et l'élève dans l'allegro final du duo, jusqu'au combat le plus passionné entre l'espérance et le désespoir, combat dans lequel l'espérance semble déjà triompher.

À sa première rencontre avec Senta, au deuxième acte, le Hollandais apparaît de nouveau, calme et solennel dans son attitude extérieure: tous ses sentiments passionnés sont refoulés avec une tension énergique, en son for intérieur.

Pendant la longue durée du premier point d'orgue, il reste immobile sous la porte; avec l'entrée du solo de timbales, il s'avance lentement vers le devant de la scène; avec la huitième mesure de ce solo, il s'arrête, les deux mesures «accelerando» aux instruments à cordes se rapportent au geste de Daland, qui, tout étonné, attend que Senta lui souhaite la bienvenue, et l'y invite avec un mouvement de ses bras ouverts, dans une sorte d'impatience; pendant les trois mesures de timbales qui suivent, le Hollandais s'avance tout à fait sur le devant de la scène, de côté; il reste là maintenant pendant tout ce qui suit, sans mouvement, les yeux toujours fixés sur Senta. Le dessin des instruments à cordes qui se répète, se rapporte à la répétition plus accentuée du geste de Daland: au pizzicato, au point d'orgue, il cesse de l'inviter du geste, et tout étonné secoue la tête; avec l'entrée des basses après le point d'orgue, il s'approche lui-même de Senta.

Ce qui suit l'air de Daland doit être réalisé mimiquement en entier. Pendant les quatre premières mesures «forte», Daland se dispose tout de suite et avec décision à partir: sur la cinquième mesure et la sixième il s'arrête et se retourne; les sept mesures qui suivent accompagnent sa mimique exprimant son attente, où la satisfaction se mêle à la curiosité; pendant les deux mesures suivantes de basses, il va jusqu'à la porte en secouant la tête; quand le thème revient aux instruments à vent, il passe encore une fois la tête, se retire avec dépit et ferme la porte sur lui, de sorte qu'à l'entrée de l'accord en fa dièse majeur des instruments à vent, il est déjà loin. Pendant le reste de même que pendant la ritournelle du duo qui suit, pas un mot, pas un geste sur la scène.

Senta et le Hollandais, aux deux côtés opposés, sur le devant de la scène, restent fascinés par la vue l'un de l'autre.

Que les acteurs ne craignent pas de fatiguer par là le public, il a été prouvé que c'est justement cette situation qui saisissait le plus le spectateur et le préparait le mieux à la scène suivante.

Dans la phrase en mi majeur qui suit, le Hollandais doit conserver, en chantant de la manière la plus émue, la plus saisissante, une attitude ayant l'apparence du plus grand calme extérieur; qu'il ne se serve pour soutenir les accents les plus marqués que de la main et du bras (et ceci même avec modération).

Ce n'est qu'aux deux mesures du solo de timbales qui précède le passage en mi mineur que le Hollandais fait un mouvement, afin de s'approcher un peu de Senta: il marche avec une certaine timidité et une courtoisie triste, en faisant quelques pas vers le milieu de la scène pendant la petite ritournelle.

Je dois ici faire observer au chef d'orchestre que l'expérience m'a démontré que je me suis trompé en indiquant: «un poco meno sostenuto;» il est vrai que le grand mouvement précédent est assez lent au début surtout pour le premier solo du Hollandais; petit à petit jusqu'à la fin il s'anime involontairement mais de façon telle que forcément il doit de nouveau un peu ralentir, en rentrant en mi mineur, afin de donner au commencement du moins de cette phrase l'expression nécessaire, solennelle et calme. Cette phrase de quatre mesures doit même être retardée de manière que la quatrième mesure soit exécutée avec un grand «ritenuto». Le même cas se représente dans la première phrase chantée du Hollandais.

Sur la neuvième mesure et sur la dixième, pendant le solo de timbales, il s'approche encore de Senta d'un pas d'abord et de deux pas ensuite.

Pour la onzième et la douzième mesure, il s'agit de serrer un peu le mouvement afin d'arriver sur la phrase en la mineur «Dois-tu donner ta main, etc.» dans le vrai mouvement, toujours modéré, mais moins traînant, mouvement qui doit être maintenu par la suite sans être altéré. Dans le «piu animato:» «Quoi, pour toujours» le Hollandais trahit l'impression vivifiante qu'a faite sur lui la sincérité des premières paroles de Senta: il faut déjà qu'il chante cette phrase avec une grande émotion.

Mais l'exclamation passionnée de Senta: «De ses tourments qu'enfin je le délivre», le remue au plus profond de l'être. Plein d'étonnement et d'admiration, il est pris d'un tremblement, en disant à voix presque basse: Ô doux accents au sein de ma douleur.»

Dans le «molto piu animato», il n'est presque plus maître de lui; il chante avec feu et passion, et tombe à genoux en disant: «Qu'il vienne d'elle, ô Dieu puissant.»

Avec l'agitato en si mineur, il se relève par un mouvement violent: son amour pour Senta se fait sentir tout de suite dans la plus terrible angoisse qui l'étreint en songeant au sort auquel elle s'expose en lui tendant la main pour le sauver. Cette pensée entre dans son esprit comme un effrayant remords, et dans ce passage passionné où il dissuade Senta de compatir à sa destinée, il devient tout à fait un être humain véritable, tandis que jusqu'alors il ne faisait surtout, la plupart du temps, que l'horrible impression d'un fantôme.

Là encore l'acteur doit s'abandonner, en son attitude extérieure, à la passion la plus humaine. Comme anéanti, il se prosterne devant Senta, aux paroles «Fidélité ne brille en toi», de sorte que Senta, debout, le domine, sublime, pareille à un ange, tandis que par les paroles suivantes, elle lui donne l'assurance de ce qu'elle entend par «Fidélité».

Dans l'«allegro molto» qui suit, pendant la ritournelle le «Hollandais» se redresse tout debout avec une émotion solennelle et un transport grandiose: ses accents s'échauffent jusqu'au plus sublime chant de victoire.

Pour ce qui reste, il ne peut y avoir aucun malentendu: dans sa dernière entrée au troisième acte, tout est passion, douleur et désespoir.

Tout particulièrement je recommande de ne jamais élargir les récitatifs, mais de tout prendre au contraire dans le mouvement le plus vif, le plus serré.

Il serait difficile de rendre mal le rôle de Senta. Il suffit d'avertir l'interprète d'un point seulement: on ne doit pas concevoir cet être «rêveur» dans le sens d'une sentimentalité moderne, maladive! Bien au contraire, Senta est une jeune fille du Nord, tout à fait énergique, et même, sous son apparence de sentimentalité, elle est absolument naïve. Ce n'est précisément que sur une jeune fille tout à fait naïve, avec le caractère spécial de la nature du Nord, que les impressions telles que celles de la ballade du Vaisseau fantôme et du portrait du pâle marin pouvaient produire un attrait aussi miraculeusement puissant, tel que celui qui la pousse à la délivrance du Maudit. Cette impulsion se manifeste chez elle comme une puissante folie que seules les natures tout à fait naïves sont capables de ressentir. Il a été reconnu que des jeunes filles du Nord éprouvaient des émotions d'une telle puissance que la mort était instantanée par arrêt subit du cœur. Il en serait à peu près de même pour l'état maladif en apparence de la pâle Senta.

Érik non plus ne doit pas paraître un être larmoyant et sentimental; il est au contraire impétueux, véhément et sombre, tel que doit l'être un solitaire, surtout dans les hautes terres du Nord. Celui qui chanterait la cavatine du troisième acte d'une façon agréable, me rendrait un mauvais service, car elle ne doit respirer qu'une douloureuse mélancolie et une profonde tristesse. Tout ce qui pourrait justifier une fausse conception de ce morceau, par exemple le passage chanté en voix de tête et le point d'orgue final, doit être changé ou supprimé, je le demande avec instance.

Je prie encore l'acteur chargé du rôle de Daland, de ne pas tourner ce rôle au comique proprement dit. C'est une exacte manifestation de l'existence vulgaire, c'est un marin qui brave les tempêtes et les dangers par amour du gain; l'on ne doit pas du tout considérer, par exemple, comme immoral—bien que cela puisse paraître mériter ce nom—l'acte par lequel il vend sa fille à un homme riche. Il pense et agit, comme font bien d'autres, et sans supposer à cela le moindre mal.

Richard Wagner.

PERSONNAGES

LE HOLLANDAISMM. Bouvet.
DALAND, marin Norvégien Belhomme.
ÉRIK, chasseur Jérome.
LE PILOTE, de Daland Carbonne.
SENTA, fille de Daland Mlle Marcy.
MARIE, nourrice de Senta Mme Carré-Delorn.

L'action se passe en Norvège, au bord de la mer.

LE
VAISSEAU FANTÔME

ACTE PREMIER

Le Théâtre représente un rivage bordé de rochers à pic.—La mer occupe une grande partie de la scène.—La vue s'étend au loin sur les flots.—Temps sombre.—Violent ouragan.

SCÈNE PREMIÈRE

LES MATELOTS NORVÉGIENS, DALAND, LE PILOTE.

(Le navire de Daland vient de jeter l'ancre près du rivage. Les Matelots travaillent bruyamment à carguer les voiles, à lancer des câbles.

Daland est à terre, il gravit un rocher et regarde autour de lui pour reconnaître la contrée.)

LES MATELOTS, travaillant.

Hiva! ho! hiva! ho!

DALAND, descendant du rocher.

Plus de doute. En ce jour, l'orage
Nous a poussés à sept milles du port.
Si près du but d'un long voyage,
Faut-il subir ce coup du sort?

LE PILOTE, criant du bord à travers ses mains.

Eh! capitaine! hé!...

DALAND.

Tout va-t-il bien à bord?

LE PILOTE.

Ici le fond est bon, tout va bien, capitaine.

DALAND.

C'est bien Sandwik! La chose est trop certaine!
Malheur! J'allais revoir ce qui m'est cher
Senta, ma fille, et mon toit secourable,
Quand de ce gouffre il souffle un vent d'enfer,
Se fier au vent, c'est compter sur le diable!

(Allant à bord.)

Mais à quoi bon?... Déjà l'air est moins lourd,
Pareil orage sera court.

(Aux Matelots.)

Holà! vous, c'est assez veiller, reposez-vous,
Je n'ai plus peur.

(Les Matelots descendent dans la cale.—Au Timonier.)

Toi, timonier, demeure.
Il faut veiller pour nous.
Tout est au mieux, mais veillons à toute heure.

LE PILOTE.

Ne craignez rien,
Capitaine! Dormez bien.

(Daland rentre dans sa cabine.)

SCÈNE II

LE PILOTE.

(Le Pilote est seul sur le pont. L'ouragan s'est un peu calmé et ne reprend plus que par intervalles. Au large les vagues s'élèvent énormes. Le Pilote fait encore une fois la ronde; puis il s'assied au gouvernail. Bientôt il sent venir le sommeil, il se secoue et chante.)

Malgré vents et tempête,
Auprès des miens,
Ma belle, je reviens.
L'ouragan sur ma tête
En vain gronda,
Ma belle, me voilà.
Sans un bon vent du sud, jamais
À toi je ne reviendrais.
Ah! souffle! souffle encor, bon vent,
Ma belle en ce jour m'attend.
Ah! ah! la! la! ah!

(Une vague ébranle le navire. Le Pilote se lève vivement et regarde. Il s'assure qu'il n'y a pas de mal, se rassied et chante tandis que le sommeil le gagne par degrés.)

Des confins de la terre,
À toi toujours
J'ai pensé, mes amours!
En bravant le tonnerre
Et flots et vent
Je t'apporte un présent.
Grâce au bon vent, je viens encor
Avec une chaîne d'or!
Bon vent! ah! souffle sans faiblir,
Ce don lui fera plaisir!
Ah! ah! la! la! ah!

(Il lutte contre la fatigue et finit par s'endormir. La tempête recommence. Le temps s'assombrit. Dans le lointain se montre le vaisseau fantôme avec ses voiles d'un rouge de sang et ses mâts noirs. Il s'approche avec rapidité du rivage à côté du navire norvégien. L'ancre tombe avec un bruit terrible. Le Pilote de Daland s'éveille en sursaut. Sans quitter sa place, il jette un coup d'œil sur le gouvernail, et, assuré que tout est bien, il murmure quelques mots de sa chanson.)

Sans un bon vent du sud, jamais...

(Il se rendort.)

SCÈNE III

LE HOLLANDAIS, LE PILOTE, endormi.

(Sans le moindre bruit l'équipage fantastique du vaisseau fantôme cargue ses voiles. Le Hollandais descend à terre.)

LE HOLLANDAIS.

L'heure a sonné! Sept ans avec l'aurore
Sont écoulés! Le flot
Lassé me rejette aussitôt.
Ah! superbe Océan, bientôt
Tes flots me porteront encore.
Ta rage expire, et ma peine est sans fin!
Je cherche en vain
Sur cette terre
Celle en qui j'espère.
Mer, tu seras le témoin de mes maux
Jusqu'au moment où l'abîme en repos
Verra tarir enfin les flots.

Combien de fois, las de souffrir.
Je courus affronter l'orage!
Hélas! la mort sembla me fuir.
En vain ma rage
À maint écueil
Souvent demanda le naufrage.
Jamais ne s'ouvre mon cercueil!
Parfois j'ai bravé le pirate,
Dans les combats cherchant la mort.
«Viens! viens! que ta bravoure éclate;
L'argent ruisselle sur mon bord...»
Des mers j'ai vu l'enfant sauvage
En se signant au loin s'enfuir.
Combien de fois, voulant mourir,
J'ai défié les vents, l'orage!
Dans l'espérance d'un cercueil,
Souvent j'allai chercher l'écueil;
Mais ni la tombe ni la mort!
Tel est l'arrêt cruel du sort!

Ange du ciel, messager d'espérance,
Qui du salut m'as montré le chemin,
En m'annonçant un jour de délivrance,
T'es-tu raillé de mon cruel destin?

En vain j'espère,
Ô vœux superflus!
Non! non! sur terre
Un cœur fidèle... il n'en est plus!
Un seul espoir encor me reste,
Et cet espoir jamais ne ment.
Si long que soit ce sort funeste,
Le monde aura sa fin pourtant!
Ô jour céleste
Du jugement,
Quand dois-tu luire
Enfin pour moi?
Qu'il sonne, ce signal d'effroi
Qui doit tout perdre et tout détruire.
Lorsque seront levés les morts,
Enfin la paix m'attend alors.
Ô mondes, cessez votre cours!
À moi, néant, et pour toujours!

(Chœur sourd de l'équipage du Vaisseau Fantôme.)

À nous, néant, et pour toujours!

(Le Hollandais se couche sur un rocher à l'avant-scène.)

SCÈNE IV

LE HOLLANDAIS, DALAND, LE PILOTE.

(Daland sort de sa cabine; il vient sur le pont et aperçoit le vaisseau du Hollandais.)

DALAND, se tournant vers le pilote.

Eh! timonier! holà!

LE PILOTE, se levant à demi, encore sommeillant.

C'est bien! c'est bien!

(Continuant sa chanson.)

«Ah! souffle, souffle encor, bon vent...»

DALAND.

Ne vois-tu rien?
Bien! l'on veille
À merveille!
Vois ce vaisseau! Depuis quand dors-tu là?

LE PILOTE.

Au diable, aussi! Pardon, capitaine.

(Il prend à la hâte son porte-voix et hèle le vaisseau.)

Holà!

(Long silence. On entend deux fois l'écho.)

Holà! hé!

(Long silence. Nouvel écho.)

DALAND.

Leur paresse à la nôtre est pareille!

LE PILOTE.

Répondez!—Quel pays? Quel navire?

DALAND, apercevant le Hollandais à terre.

C'est bon!
Là bas je crois voir le patron.
Holà! marin, dis-moi ton pays et ton nom.

LE HOLLANDAIS, sans changer de place.

Je viens de loin. Pendant l'orage
Voudrais-tu me chasser d'ici?

DALAND.

Non! Dieu, merci,
Des marins ce n'est pas l'usage!
Qui donc es-tu?

LE HOLLANDAIS.

Hollandais.

DALAND.

Sois le bienvenu!
Du vent la violence
Nous a poussés vers ce rocher,
Tous deux ensemble.—À bien peu de distance
Est mon pays. Près d'y toucher
Je suis jeté sur cette plage.
Mais, parle encore: as-tu quelque dommage?

LE HOLLANDAIS.

Mon navire est solide et peut braver l'orage!
Jouet du vent qui se déchaîne,
J'ai sur les flots erré longtemps;
Depuis quand? je le sais à peine,
Car je ne compte plus les ans.
Je ne pourrais jamais te dire
Tous les pays où j'ai passé,
Il n'en est qu'un auquel j'aspire,
Et c'est le mien, qui m'est fermé!
Dans ta maison consens à me conduire;
De ton accueil tu n'auras nul regret.
Les plus brillants trésors dans mon navire
Sont entassés sans nombre, c'est peu dire;
Ami, crois-moi, tu seras satisfait.

DALAND.

Discours étrange! Est-il pourtant sincère?

(Au Hollandais.)

Un sort fatal t'a poursuivi longtemps?
Pour te servir je suis prêt à tout faire,
Peut-on connaître, au moins, ces biens si grands?

(Le Hollandais fait signe aux hommes de son équipage. Deux d'entre eux apportent un coffre.)

LE HOLLANDAIS.

Tu vas trouver des splendeurs infinies,
Perles d'Asie et riches pierreries.
Vois donc, de l'hospitalité
La noble récompense,
À ton œil tenté
Briller d'avance.

DALAND.

Grand Dieu! Richesses sans pareilles!
Qui donc pourrait payer tant de merveilles?

LE HOLLANDAIS.

Payer! Le prix déjà je te l'ai dit,
Tout est à toi pour l'abri d'une nuit.
Mais ce n'est là que le moindre trésor
De ceux que mon vaisseau recèle encor.
Qu'en puis-je faire, hélas! sans femme, sans enfant,
De mon pays toujours absent?
Tous mes trésors seront à toi
Si tu me fais une famille
Chez les tiens.

DALAND.

Dieu! qu'entends-je?

LE HOLLANDAIS.

As-tu donc une fille?

DALAND.

Mais oui... charmante enfant.

LE HOLLANDAIS.

Donne-la-moi.

DALAND, avec joie.

Lui! se peut-il! épouser mon enfant!
Ah! sa pensée est la mienne.
Ah! j'ai grand peur si j'hésite un instant
Qu'un autre projet survienne.

LE HOLLANDAIS.

Sans une épouse, hélas, sans un enfant,
Rien ne m'attache à la terre.
Un sort cruel me poursuit constamment
Tout vient combler ma misère.

ENSEMBLE.

LE HOLLANDAIS.

Chassé du lieu de ma naissance,
Qu'ai-je encor besoin d'un trésor?
À moi cette heureuse alliance
Et prends pour toi, prends tout mon or.

DALAND.

Quel rêve, ô fortune subite!
Pourrais-je jamais trouver mieux?
Bien fou qui du sort ne profite!
Quelle ivresse, quel jour heureux!...

DALAND.

Oui, je possède aimable jeune fille,
Trésor d'amour, fidèle et noble cœur.
C'est mon seul bien, l'orgueil de ma famille,
L'oubli des maux, le charme du bonheur.

LE HOLLANDAIS.

Qu'elle ait toujours pour toi même tendresse,
Elle sera fidèle à son époux.

DALAND.

Perles, bijoux,
Oui, c'est là ta richesse;
Mais quel trésor plus grand
Qu'un cœur constant.

LE HOLLANDAIS.

Tu me le donnes?

DALAND.

Vraiment oui, je le veux!
Ton sort m'émeut, cœur noble et généreux,
Par ta grandeur, ta force, tu m'étonnes.
Un gendre comme toi
Fût-il moins riche encore ma foi,
Par moi serait choisi.

LE HOLLANDAIS.

Merci!
Verrai-je ta fille aujourd'hui?

DALAND.

Le premier vent nous conduira près d'elle,
Tu la verras, si tu la trouves belle...

LE HOLLANDAIS.

Elle est à moi!...

(À lui-même.)

Mon bon ange, est-ce toi?

Lorsque, brisé par la souffrance,
Dans mon salut encor j'ai foi
Du malheureux seule espérance.
Pourrai-je enfin compter sur toi?

DALAND.

Ah! gloire à toi, terrible orage,
Qui m'as guidé dans ta fureur,
Je n'ai, sans chercher davantage,
Qu'à profiter de mon bonheur.
Soyez bénis, ô vents contraires,
Qui vers ces bords m'avez poussé;
Mon vœu, ce vœu de tous les pères,
«Un gendre riche!» est exaucé!

LE HOLLANDAIS.

Ah! faut-il que du ciel un ange
Pour me sauver soit descendu!
Enfin de ma torture étrange,
Pour moi le terme est-il venu?

ENSEMBLE.

LE HOLLANDAIS.

Ah! quand l'espoir a fui mon cœur
Puis-je rêver un sort meilleur?

DALAND.

À lui, si généreux, si bon,
À lui ma fille et ma maison!

(La tempête est complétement apaisée, le vent a tourné.)

LE PILOTE, à bord.

Vent du sud! Vent du sud!...

LES MATELOTS, agitant leurs chapeaux.

Hé! là!...

LE PILOTE, répétant sa chanson.

Bon vent du sud, ah! souffle encore!

LES MATELOTS.

Hiva!...
Hiva! ah! Hiva!...

DALAND, au Hollandais.

Tu vois tout est calme à présent.
Le vent est bon, la mer est belle
Allons! levons l'ancre à l'instant
Vers mon pays tout nous appelle.

(Les Matelots lèvent l'ancre et mettent les voiles dehors.)

LE HOLLANDAIS.

Pars je t'en prie, ami, ne m'attends pas:
Le vent est frais, mon équipage est las.
Après un court repos, je suis ta route.

DALAND.

Mais notre vent?...

LE HOLLANDAIS.

Il va durer sans doute.
Ce vaisseau-là
Bientôt te rejoindra!

DALAND

Tu crois? Eh! bien! qu'il soit fait à ta guise.
Adieu! Puisses tu voir
Ma fille dès ce soir!

LE HOLLANDAIS.

C'est dit!

DALAND, allant au bord de son navire.

Hé! matelots! holà! voici la brise.
Allons? allons!
Alerte, compagnons!

LES MATELOTS, avec joie.

Malgré vents et tempête
Auprès des miens
Ma belle, je reviens.
L'ouragan sur ma tête
En vain gronda
Ma belle me voilà!
Hurrah!...
Sans un bon vent du sud jamais
À toi je ne reviendrais!
Ah! souffle! souffle encor bon vent
Ma belle en ce jour m'attend!

(Le Hollandais monte sur son navire.)

FIN DU PREMIER ACTE.

ACTE DEUXIÈME

Une chambre spacieuse dans la maison de Daland. Aux murs sont accrochés des instruments de marine, des cartes, etc.—Au fond un portrait d'homme au visage pâle, à la barbe brune, au vêtement noir.

SCÈNE PREMIÈRE

SENTA, MARIE, JEUNES FILLES.

(Marie et les Jeunes Filles filent, assises autour de la cheminée. Senta, au fond d'un grand fauteuil les bras croisés, semble absorbée dans la contemplation du portrait.)

CHŒUR DES JEUNES FILLES.

Bon rouet, gronde et bourdonne!
Tourne, tourne, va gaîment.
Bon rouet tourne et nous donne
Mille fils en bourdonnant.
Mon bien-aimé s'en va voguant
Et pense à celle qui l'attend.
Mon bon rouet tourne en sifflant
Si tu pouvais donner le vent
Comme il viendrait promptement.
File vite, ô jeune fille!...
Bon rouet tourne et babille.

MARIE

Courage!
Voyez comme va l'ouvrage!
Chacune pense au mariage.

LES JEUNES FILLES.

Marie!
Silence vous savez bien
Que la chanson n'est pas finie!

MARIE.

Chantez et que le rouet crie!
Mais toi, Senta, tu ne dis rien?...

LES JEUNES FILLES.

Bon rouet, tourne et bourdonne,
Tourne, tourne, va gaîment
Bon rouet tourne et nous donne
Mille fils en bourdonnant
Mon bien-aimé voyage encore
Au sud il va gagner de l'or.
Mon bon rouet tourne gaîment
Cet or est pour la belle enfant
Qui file, file vaillamment
File vite ô jeune fille
Bon rouet, tourne et babille

MARIE, à Senta qui reste plongée dans sa contemplation.

Méchante enfant,
Si tu ne files, vraiment,
Tu n'auras nul présent.

LES JEUNES FILLES.

Elle a le temps, le fait est clair.
Son bien-aimé n'est pas en mer
C'est du gibier qu'il lui promet...
Ce qu'un chasseur vaut, on le sait.
Ah! ah! ah! ah!...

(Senta semble chanter tout bas et comme pour elle un motif de la ballade.)

MARIE.

Voyez-la! toujours même attrait!...
Veux-tu passer ta vie entière
À rêver devant un portrait?

SENTA, sans changer de place.

Pourquoi m'avoir dit sa misère?
Pourquoi m'avoir dit ce qu'il est?

(Soupirant.)

L'infortuné!

MARIE.

Que dieu t'assiste!...

LES JEUNES FILLES, entre elles.

Eh! eh! eh! eh! comment juger?...
Le noir marin la fait songer.

MARIE.

Toujours cet air pensif et triste!

LES JEUNES FILLES.

Voyez ce que peut un portrait!

MARIE.

Toujours je gronde et sans effet;
Viens, Senta; viens donc, s'il te plaît.

LES JEUNES FILLES.

Son cœur est sourd
Il est rempli d'un fol amour,
Cela peut mal finir vraiment!
Érik est vif! au sang ardent!
Un malheur vient si promptement.

(Elles s'interrompent en riant.)

Assez!...

(Entre elles.)

Sa balle percerait
De son noir rival le portrait:
Ah! ah!...

SENTA, avec vivacité.

Cessez! ce jeu ne peut me plaire.
Voulez-vous me mettre en colère?

LES JEUNES FILLES, se remettant au travail avec un empressement affecté et comme pour ôter à Senta le temps de les gronder.

Bon rouet tourne et bourdonne,
Tourne, tourne, va gaîment.
Bon rouet tourne et nous donne
Mille fils en bourdonnant!

SENTA.

Oh! quelle chanson déplaisante
Qui gronde et bourdonne sans fin!
Si vous voulez qu'aussi je chante
Il faut chercher meilleur refrain!

LES JEUNES FILLES.

Bien chante alors!

SENTA.

Non. Toi, Marie.
Dis la ballade je t'en prie.

MARIE.

Moi! la chanter! oh! non! jamais!
Que le Vaisseau Fantôme reste en paix!

SENTA, aux Jeunes Filles.

Je vais la dire, écoutez bien
Et que votre âme s'attendrisse
Sur ce cruel et long supplice!

LES JEUNES FILLES.

Oui! chante donc!

SENTA.

N'en perdez rien!

LES JEUNES FILLES.

Laissons là nos rouets,

MARIE, avec dépit.

Et moi je prends le mien.

(Les jeunes filles quittent leurs rouets et se groupent autour de Senta placée dans le grand fauteuil. Marie prend son rouet et va filer près de la cheminée.)

BALLADE.

SENTA.

I
Hiva! hiva!...
Avez-vous vu le vaisseau mort,
Mât noir et voile rouge?
Un homme pâle veille à bord
Sans que jamais il bouge:
Hui!... quel sifflement
Hui!... quel bruit du vent
Hiva!...
Il doit fuir sur les flots
Et sans fin, sans merci, sans repos!

Dans son malheur
L'instant peut venir de la délivrance
S'il trouve un cœur
Qui jusqu'à la mort l'aime avec constance.
Pauvre marin
Exauçant ma prière,
Le ciel j'espère
Te le fera trouver enfin!

(Vers la fin Senta se tourne vers le portrait. Les jeunes filles écoutent avec intérêt. Marie a cessé de filer.)

II
Doublant un cap, il blasphémait,
En vain la foudre gronde,
Je veux lutter quand ce serait
Jusqu'à la fin du monde!
Hui! Satan bientôt
Hui! l'a pris au mot!
Hiva!
Son arrêt est d'errer sur les flots
Sans merci, sans repos!

Dans son malheur,
L'instant peut venir de la délivrance.
L'ange sauveur
En lui du salut a mis l'espérance.
Pauvre marin,
Exauçant ma prière
Le ciel j'espère
Te le fera trouver enfin!

LES JEUNES FILLES.

Pauvre marin,
Exauçant ma prière
Le ciel j'espère
Te le fera trouver enfin.

SENTA.

(Après que les Jeunes Filles ont répété le refrain, elle continue avec une émotion croissante.)

III
À l'ancre il vient tous les sept ans
Pour chercher une belle.
Pas une, hélas! depuis le temps
Ne lui resta fidèle.
Hui! la voile au vent!
Hui! Vite en avant!
Hiva! Ah! faux amour! faux serment!
Sans merci, sans repos, en avant!

LES JEUNES FILLES.

Ah! vers quel port
Celle que promit Dieu se trouve-t-elle?
Jusqu'à la mort
Où trouver ce cœur qui sera fidèle?

SENTA, se levant saisie d'une inspiration soudaine.

C'est moi qui veux t'aimer sans cesse,
Dieu tout-puissant, fais qu'il paraisse,
Que grâce à moi sa peine cesse!

(Les Jeunes Filles se lèvent effrayées.)

MARIE et LES JEUNES FILLES.

—Qu'entends-je? Dieu!

SCÈNE II

Les Mêmes, ÉRIK.

ÉRIK, qui du seuil a entendu Senta.

—Senta! veux-tu donc que j'expire?...

LES JEUNES FILLES.

À l'aide, Érik; ah! quel délire!

MARIE.

De crainte à peine je respire.
Portrait maudit! Il s'en ira.
Dès que le père reviendra,

ÉRIK, sérieusement.

Le père vient.

SENTA, qui était restée immobile et semblait ne rien entendre paraît s'éveiller et s'élance avec joie.

Mon père vient!

ÉRIK.

Déjà
L'on peut voir son navire.

MARIE.

On s'amuse à quelque chanson
Et rien n'est prêt dans la maison!

LES JEUNES FILLES.

Ils sont venus! Courons vers eux!

MARIE.

Holà! restez donc, je le veux!
Les marins ont fait maigre chère
À la cuisine il faut courir.

LES JEUNES FILLES.

Que de questions à lui faire!
Je ne saurais me contenir.

MARIE.

Faisons d'abord ce qu'il faut faire,
C'est son devoir qu'on doit remplir.

LES JEUNES FILLES.

C'est bon! Hâtons-nous de tout faire
Rien ne pourra nous retenir.

(Marie pousse les Jeunes Filles devant elle et les suit.)

SCÈNE III

SENTA, ÉRIK.

Senta veut suivre les Jeunes Filles, Érik la retient.

ÉRIK.

Ô reste! reste encore un seul instant!
Délivre moi de mon tourment,
Ou bien achève, ôte-moi l'existence?

SENTA, hésitant.

Comment! Eh quoi!

ÉRIK.

Senta! Que faut-il que je pense?
Ton père vient; et s'il doit repartir,
À son désir il faudra bien te rendre.

SENTA.

Et quel désir?

ÉRIK.

Il fera choix d'un gendre.
Mon cœur toujours fidèle et tendre,
Mon peu de bien, ma chance de chasseur,
À toi, réponds, est-ce assez pour prétendre,
Est-ce un refus qu'il faut attendre?
Et quand mon cœur sera meurtri,
Senta, qui doit parler pour lui?

SENTA.

Ah! c'est assez, Érik; car, de ce pas,
Je vais chercher mon père
À son retour, s'il ne me voyait pas,
Cela pourrait déplaire.

ÉRIK.

Eh! quoi, tu pars!

SENTA.

Voici l'instant.

ÉRIK.

Tu veux me fuir!

SENTA.

Mon père attend.

ÉRIK.

Tu fuis l'aspect de ma blessure!
Tu fuis devant ma folle ardeur!
Entends encor, je t'en conjure,
Ce dernier cri de ma douleur;
Lorsque mon cœur sera meurtri
Senta, qui doit parler pour lui?...

SENTA.

Quoi! sans compter sur ma tendresse
Ainsi tu doutes de mon cœur?
D'où vient le trouble qui t'oppresse,
Dis-moi qui cause ta douleur?

ÉRIK.

Ton père! c'est l'or seul qui le séduit.
En toi, Senta, faut-il donc que j'espère?
Exauças-tu jamais une prière?
Mon cœur gémit et jour et nuit!

SENTA.

Ton cœur...

ÉRIK.

Que dois-je faire?
Ce portrait...

SENTA.

Le portrait?

ÉRIK.

D'un rêve ardent quand finira l'effet.

SENTA.

Puis-je empêcher un charme qui me tente?

ÉRIK.

Et la ballade... encor tu la chantais?

SENTA.

Comme une enfant, sais-je ce que je chante?
Réponds! as-tu donc peur des chansons, des portraits?

ÉRIK.

Ton front pâlit, dis, n'ai-je rien à craindre?

SENTA.

L'infortuné n'est-il donc pas à plaindre?

ÉRIK.

Songe plutôt aux maux que je ressens!

SENTA.

Ah! ne t'en vante pas! Que sont donc tes tourments?

(Conduisant Érik près du portrait.)

Connais-tu donc le sort de ce marin?
Vois comme avec un noir chagrin
Son œil voilé vers moi s'abaisse.
Ah! de son sort l'éternelle détresse
Me fait souffrir d'affreux tourments!

ÉRIK.

Malheur!
Tu disais vrai, songe d'horreur!
Dieu te protége!
Satan t'a prise au piége.

SENTA.

Mais quel effroi soudain?

ÉRIK.

Écoute-moi, Senta!
Un rêve ici t'éclairera.

(Senta s'assied épuisée dans le fauteuil. Au commencement du récit d'Érik elle semble tomber dans un sommeil magnétique et voir à son tour tout ce qu'on lui raconte. Érik est debout auprès d'elle, appuyé sur le siége.)

ÉRIK, d'une voix voilée.

Sur le sommet d'un roc sauvage
Je contemplais le flot bruyant,
Et chaque vague sur la plage
Venait s'abattre en écumant,
Quand un vaisseau fend l'onde amère
Étrange, bizarre, inconnu.
Deux hommes s'avançaient à terre,
L'un d'eux, Senta, c'était ton père.

SENTA, les yeux fermés.

Et l'autre?

ÉRIK.

Je l'ai reconnu!
Au noir habit, au front sévère.

SENTA, de même.

À l'œil chagrin!

ÉRIK, montrant le portrait.

C'était bien lui!

SENTA.

Et moi?...

ÉRIK.

Sortant alors d'ici,
Tu vins pour saluer ton père.
Avec ferveur tu t'es hâtée,
Vers l'étranger lors emportée,
À ses genoux tu t'es jetée.

SENTA, avec une impatience croissante.

Il prit mes mains...

ÉRIK.

Et sur son cœur
Il te pressait dans son ardeur.
Tu l'embrassais avec bonheur...

SENTA.

Et puis?...

ÉRIK, regardant Senta avec un étonnement douloureux.

Sur mer tous deux enfuis!...

SENTA, s'éveillant tout à coup, avec la plus vive exaltation.

Il vient à moi! Je dois le voir!

ÉRIK.

L'effroi me tue!...

SENTA.

Unie à lui, moi je mourrai!

ÉRIK.

Ô sort trop clair! Elle est perdue!...
Mon rêve est vrai!...

(Érik s'enfuit rempli d'épouvante. Senta après un élan d'enthousiasme retombe dans une muette contemplation et reste à la même place l'œil fixé sur le portrait.)

SENTA, d'une voix douce, mais très-émue.

Pauvre marin,
Qu'exauçant ma prière
Ce cœur sincère
Le ciel te le réserve enfin!

SCÈNE IV

SENTA, DALAND, le HOLLANDAIS.

La porte s'ouvre. Daland et le Hollandais entrent. Aussitôt que le Hollandais paraît, le regard de Senta passe du portrait sur lui. Elle pousse un cri de surprise et demeure immobile, comme fascinée, sans quitter l'étranger des yeux.—Le Hollandais s'avance sur le devant de la scène. Daland s'est arrêté à la porte et y reste comme attendant que Senta vienne au-devant de lui.

DALAND, s'approchant lentement de Senta.

Ma fille, enfin vers toi j'arrive,
Quoi! pas un sourire, un baiser?
Quel charme étrange te captive?
Est-ce ainsi qu'on doit me traiter?

SENTA, dès que Daland est arrivé près d'elle, elle lui prend la main.

Salut à toi!

(L'attirant plus près d'elle.)

Cet étranger,
Père, qui peut-il être?

DALAND.

Tu le voudrais connaître?
A l'étranger enfant, ton accueil peut sourire,
C'est un marin qui vient demander un abri,
Sans femme, sans patrie, errant sur son navire,
Des biens les plus vantés il revient enrichi.
Il veut, chassé de sa patrie,
Payer bien cher un toit ami.
Veux-tu, Senta, dis, je t'en prie,
Que l'étranger habite ici?
Chez nous qu'il trouve un abri?

(Au Hollandais.)

L'ai-je dépeinte trop charmante?
De tant d'attraits es-tu content?
Est-il besoin que je la vante?
De son sexe elle est l'ornement.

(Le Hollandais fait un mouvement d'assentiment.)

DALAND, à Senta.

À l'étranger, enfant, ton accueil peut sourire,
L'espoir de ton amour l'amène auprès de nous
Tends-lui la main, qu'il soit, si ton cœur le désire,
Ton fiancé ce soir, et demain ton époux.

(Senta tressaille, mais reste calme. Daland prend une parure et la montre à sa fille).

Vois ces bijoux, chaîne brillante;
Il garde encor plus beaux présents.
N'est-il donc là rien qui te tente?
Tout est à toi, si tu consens.

(Senta, sans paraître entendre, demeure les yeux fixés sur le Hollandais. Celui-ci, de son côté, la contemple sans écouter Daland.)

Mais, pas un mot! je suis de trop pour eux.
Allons! laissons-les seuls, cela vaut mieux.

(Il considère attentivement le Hollandais et sa fille.)

(À Senta.)

Fais qu'il te garde sa tendresse,
Un tel bonheur n'est pas fréquent.

(Au Hollandais.)

Restez donc seuls, moi je vous laisse.
Son front est pur, son cœur constant.

(Daland s'éloigne lentement en les considérant tous deux avec complaisance. Le Hollandais et Senta restent seuls. Ils demeurent immobiles.)

SCÈNE V

SENTA, LE HOLLANDAIS.

LE HOLLANDAIS.

Du temps passé, comme un lointain mirage,
Son seul aspect vient m'émouvoir.
Telle souvent m'apparut son image,
Telle à présent j'ai cru la voir.
Combien de fois mes yeux sur une femme
Se sont levés dans un ardent désir!
Car à mon cœur Satan laissa sa flamme
Pour redoubler les maux qu'il doit souffrir.
Le sombre feu qui toujours me dévore,
Du nom d'amour l'appellerai-je encore?
Oh! non! plutôt du salut c'est l'espoir!
À ce cœur pur puisse-je le devoir!

SENTA.

Suis-je perdue, à présent, dans un songe,
Mirage étrange du sommeil?
Jusqu'à ce jour, jouet d'un vain mensonge,
Est-ce l'instant de mon réveil?
Lorsque je vois cette angoisse mortelle
Où tant de maux se lisent à la fois,
De la pitié la voix me trompe-t-elle?
Tel je le vis, et tel je le revois.
Ce feu brûlant dont l'ardeur me dévore,
Ah! de quel nom l'appellerai-je encore?
La grâce, le salut, ton seul espoir,
À mon amour puisses-tu le devoir!

LE HOLLANDAIS, s'approchant de Senta.

Veux-tu, docile aux vœux d'un père,
Céder au choix qu'il a su faire?
Veux-tu donner la main, ta vie entière,
À l'étranger, et pour l'éternité?
Pour obtenir le repos que j'espère,
Puis-je compter sur ta fidélité?

SENTA.

Qui que tu sois, quelque tourment barbare
Que le destin te condamne à subir,
Et quel que soit le sort qu'il me prépare,
Mon père parle, et je veux obéir.

LE HOLLANDAIS.

Quoi! pour toujours tu consens à me suivre?
De mes tourments ainsi s'émeut ton cœur!

SENTA, à elle-même.

De ses tourments, qu'enfin je le délivre!

LE HOLLANDAIS, qui a entendu Senta.

Ô doux accents, au sein de ma douleur!
Ange clément, oui, ton amour céleste
Vaincrait l'enfer et son tourment.
Ah! du salut si quelque espoir me reste,
Qu'il vienne d'elle, ô Dieu puissant!
Si tu savais à quel supplice
Le sort t'expose auprès de moi,
Tu comprendrais quel sacrifice
Tu fais en me donnant ta foi!
À ce spectacle, ta jeune âme
Frissonnerait avec effroi,
Si la vertu qui fait la femme,
Fidélité! ne brille en toi.

SENTA.

Je sais le devoir d'une femme,
Infortuné, rassure-toi!
Que le destin éprouve l'âme
Qui veut braver sa dure loi.
Dans la ferveur d'un cœur sans tache,
Ma foi se donne sans effort.
Oui, je saurai remplir ma tâche:
Fidélité jusqu'à la mort!

LE HOLLANDAIS.

Un baume saint sur ma blessure
Paraît versé par son serment.

SENTA.

Quelle est la voix qui me conjure
De mettre fin à son tourment?

LE HOLLANDAIS.

C'est mon salut, ah! tout enfin le prouve!
Cesse, rigueur d'un triste sort!

SENTA.

Ah! comme en son pays, qu'il trouve
Après l'orage enfin le port!
D'où naît en moi pareille audace,
Et dans mon sein quel feu nouveau?

LE HOLLANDAIS.

L'étoile du malheur s'efface,
L'espoir rallume son flambeau.

SENTA.

Le charme puissant qui m'enflamme,
C'est ton pouvoir, fidélité!

LE HOLLANDAIS.

Vous, anges, faites qu'en son âme
Règne à jamais fidélité!

SCÈNE VI

Les Mêmes, DALAND.

DALAND, rentrant.

Pardon! mes gens sont là, criant bien fort.
Chez nous on fête
Le retour au port.
Et quand s'apprête
Ce jour de plaisir,
Par votre hymen pourra-t-on l'embellir?

(Au Hollandais.)

Tous deux vous avez pu vous connaître à loisir.

(À Senta.)

Parle, Senta, dis, veux-tu consentir?

SENTA, au Hollandais, avec une résolution solennelle.

Voici ma main! à toi mon sort!
Fidélité jusqu'à la mort!

LE HOLLANDAIS.

À moi son cœur jusqu'à la mort!
Enfin, l'enfer est le moins fort!

DALAND.

Pour nous s'annonce un heureux sort!
Allons! Tout est en fête au port!

FIN DU DEUXIÈME ACTE.

ACTE TROISIÈME

Un havre bordé de rochers d'un côté. Sur le devant de la scène, la maison de Daland. Au fond, le navire du Norvégien, et celui du Hollandais assez rapprochés l'un de l'autre. Nuit claire. Le navire norvégien est illuminé, les matelots sont sur le pont, bruyants éclats de joie. L'aspect du navire Hollandais forme avec cette allégresse un contraste sinistre; une nuit fantastique l'enveloppe de toutes parts. Il y règne un silence de mort.

SCÈNE PREMIÈRE

LES MATELOTS HOLLANDAIS.

CHŒUR DE MATELOTS.

Timonier, viens à nous!
Le repos est si doux!
Hiva! matelots, carguez,
Et mouillez!
Nous ne craignons guère
Flots ni vent,
Sachons nous distraire
En chantant.
J'ai ma belle à terre
Qui m'attend,
Un flacon de rack
Et d'excellent tabac.
Hiva!
En narguant
Flots et vent,
Amarrez
Et mouillez!

(Ils dansent gaîment sur le tillac en frappant du pied.)

SCÈNE II

LES MATELOTS, LES JEUNES FILLES.

Les jeunes filles arrivent apportant des corbeilles pleines de vivres et de liqueurs.

LES JEUNES FILLES.

Ah! regardez! ils dansent tous,
Ils n'ont pas besoin de nous!

(Elles s'approchent du vaisseau hollandais.)

LES MATELOTS.

Les belles, où donc allez-vous?

LES JEUNES FILLES.

Quoi! ne pensez-vous donc qu'au vin?
Avec vous seuls loin d'être aimables,
Faisons la part pour le voisin.

LES MATELOTS.

C'est vrai! donnez aux pauvres diables,
Ils sont mourants de soif, de faim.

(Examinant le vaisseau hollandais.)

J'écoute en vain!
Mais nul fanal! voyez, sur leur bord nul marin!

LES JEUNES FILLES, se dirigeant vers le vaisseau hollandais.

Eh! matelot! veux-tu du feu?
Où donc es-tu? on y voit peu!

LES MATELOTS, riant.

Laissez-les donc! ils dorment tous!

LES JEUNES FILLES.

Holà marins! réveillez-vous!

(Long silence.)

LES MATELOTS.

Ah! ah! je pense qu'ils sont morts!
Ils n'ont besoin de rien alors!
Allons! qu'on s'apprête
Marins paresseux!
N'est-ce donc pas fête
Aujourd'hui pour eux?
Ils restent tous muets encor
Comme un dragon gardant de l'or.
Holà! hé! marin
Veux-tu du bon vin?
Quoi, rien ne te tente,
Tu fuis tout régal,
Pas un ne boit, pas un ne chante,
À bord ne brille aucun fanal.
N'as-tu sur la plage
Aucun rendez-vous?
Viens sur le rivage
Danser avec nous.
Ils sont tous vieux et tous perclus,
Leurs amoureuses ne sont plus.
Marins! marins! réveillez-vous!
Voilà des fruits et du vin doux!

(Long silence.)

LES JEUNES FILLES, surprises et effrayées.

C'est bien certain! ils sont tous morts!
Ils n'ont besoin de rien alors!

LES MATELOTS, plaisantant.

Sachez-le bien, ce vaisseau qu'on nomma
«Le vaisseau Fantôme» il est là!

LES JEUNES FILLES.

Ah! n'éveillez pas l'équipage!
Ce sont, je gage,
Des esprits!

LES MATELOTS.

Combien sur vos têtes
De siècles enfuis?
Des vents, des tempêtes
Vous narguez les bruits!

LES JEUNES FILLES.

Ils n'ont besoin d'aucun régal
À bord ne brille aucun fanal.

LES MATELOTS.

N'est-il pas de lettre
Que, depuis le temps,
Il faudrait remettre
À vos grands parents?

LES JEUNES FILLES.

Ils sont tous vieux et tous perclus,
Leurs amoureuses ne sont plus.

LES MATELOTS.

Hé! montrez-nous comme,
Les voiles au vent,
Le Vaisseau Fantôme
S'enfuit promptement!

LES JEUNES FILLES, s'éloignant avec effroi du navire hollandais.

Pas un n'entend! Ah! quel frisson!
Les appeler... Mais à quoi bon?

LES MATELOTS.

Allons! laissez les morts en paix.
Gardez pour nous ces gais apprêts.

LES JEUNES FILLES, tendant leurs corbeilles par-dessus le bord.

Prenez sans gêne, l'autre dort.

LES MATELOTS.

Quoi! ne venez-vous pas à bord?

LES JEUNES FILLES.

Il n'est pas temps, non, pas si vite.
C'est pour plus tard; buvez à flots,
Et, s'il vous plaît, dansez ensuite,
Mais ne troublez pas leur repos.
Laissez le voisin en repos!

(Elles s'en vont.)

SCÈNE III

LES MATELOTS, LE TIMONIER.

LES MATELOTS, vidant les corbeilles.

Hurrah! la bonne aubaine!
Ah! cher voisin, merci!

LE TIMONIER.

Buvons, amis, à tasse pleine.
Merci, voisin! Buvons à lui!
Voisin, s'il te reste la voix,
Éveille-toi! viens, chante et bois!

(À partir de ce moment, le mouvement commence sur le vaisseau hollandais.)

LES MATELOTS NORVÉGIENS.

Éveille toi! viens! chante et bois!
Hurrah!

(Ils boivent et choquent fortement leurs gobelets.)

Timonier, viens à nous
Le repos est si doux!
Hiva!
Matelots, carguez,
Et mouillez!
De la mer profonde
Plus d'un grain
Nous fit goûter l'onde,
C'est malsain.
Chantons à la ronde,
Verre en main.
Plus chaude liqueur
Va nous donner du cœur
Hiva!
En narguant
Flots et vent,
Amarrez
Et carguez.
Timonier viens à nous
Le repos est si doux,
Hiva!
Timonier, bois, avec nous,
En narguant
Flots et vent!

SCÈNE IV

LES MARINS NORVÉGIENS, LES MARINS HOLLANDAIS.

L'équipage du Vaisseau fantôme paraît sur le pont du navire. La mer, qui reste calme partout ailleurs, s'agite soudainement autour du Vaisseau fantôme. Une lueur bleuâtre et sinistre flamboie sur le navire comme un fanal de garde. Un vent de tempête se met à siffler dans les cordages. L'équipage qui, auparavant, n'avait pas donné signe de vie, commence à s'animer et exécute avec rapidité les diverses manœuvres.

LES MARINS DU VAISSEAU FANTÔME.

Ah! Hiva! Hui! Hiva! L'ouragan pousse au port!
Voile au vent, ancre à bord!
Et dans l'anse
On s'élance!
Noir marin, allons, descends!
Déjà sont passés sept ans,
Fais la cour à blonde enfant.
Blonde enfant tiens ton serment!
Quelle fête!
Ô fiancés, la tempête
Et le vent
Des noces c'est le chant!
Capitaine, es-tu de retour?
Voile au vent! mais ta belle
Où donc est-elle?
Vite en mer! Tu n'as pas de bonheur en amour!

Hiva! ah!
Que mugissent vents et flots!
Pour nos voiles nul repos!
Satan même les tissa,
Nul orage n'y mordra!
Ah! Hiva! ah!
Rien n'y fera!

Les matelots norvégiens observent d'abord avec surprise, ensuite avec épouvante ce qui se passe à bord du Vaisseau fantôme.

Pendant le chant des Hollandais leur navire est ballotte par les flots. Un vent horrible se fait sentir à travers les cordages et les voiles qui s'agitent avec un bruit lugubre et menaçant.

Par un contraste surnaturel le calme le plus parfait règne dans l'air et sur la mer, partout, excepté autour du Vaisseau fantôme.

LES MATELOTS NORVÉGIENS.

Ah! quels cris
Des esprits!
Je frémis!
Répétons hardiment
Notre chant!
Timonier, viens à nous
Le repos est si doux
Répétons
Nos chansons!

LES HOLLANDAIS.

Hiva! ah!
Que mugissent vents et flots,
Pour nos voiles nul repos!
Satan même les tissa,
Nul orage n'y mordra.
Non! rien n'y fera,
Ah! Hiva!

Le chant des Hollandais est devenu de plus en plus sauvage, les Norvégiens cherchent vainement à le dominer par leur chanson. Le tumulte de la mer et le mugissement d'une tempête surnaturelle les réduisent an silence. Au comble de l'épouvante ils s'enfuient en abandonnant le pont de leur navire. Les Hollandais qui les voient fuir, poussent un cri strident de moquerie. Tout à coup un silence profond règne de nouveau sur le Vaisseau fantôme, la mer et la tempête se calment également.

SCÈNE V

SENTA, ÉRIK.

Senta sort tout émue de la maison. Érik la suit dans une vive agitation.

ÉRIK.

Que viens-je d'entendre!
Ô fatalité!
Est-ce mensonge ou vérité?...

SENTA, se détournant avec une émotion douloureuse

Ah! laisse-moi! je n'ai rien à t'apprendre.

ÉRIK.

Ô juste Dieu! nul doute... plus d'erreur!
Par quel pouvoir fatal fus-tu séduite
Et quel attrait t'a fait céder si vite?
C'est en riant que tu brisas mon cœur.
Ton père, lui, guida le fiancé!
Je le connais!... J'avais tout annoncé!...
Mais toi, quand j'y pense,
À peine est-il venu, soudain,
À l'étranger donner ta main...

SENTA, en proie à une lutte intérieure.

Silence!...
Ah! je le dois!...

ÉRIK.

Aveugle obéissance
Et plus aveugle choix!
Sans hésiter je te vis te soumettre,
Du même coup tu m'ôtes tout espoir!...

SENTA.

Assez! va-t'en! il ne faut plus nous voir,
Ni nous connaître.
C'est là mon devoir!

ÉRIK.

Et quel devoir? Eh quoi! ta foi chancelle!...
Tu m'as promis naguère amour fidèle!...

SENTA, avec vivacité.

Quoi! ce serment aurait pu nous lier?

ÉRIK, avec douleur.

Parle! Senta! Dis! peux-tu le nier?

Te souvient-il du jour où dans la plaine
Auprès de toi tu m'appelais alors,
Ou sur un pic cherchant la fleur lointaine,
Je la cueillais au prix de mille efforts.
Songe à ce jour ou de ce roc qui penche
Nous avons vu ton père fuir le port?
Nous regardions au loin sa voile blanche,
Et c'est à moi qu'il confia ton sort.

Sur mon épaule alors jetant ton bras,
De tes serments ne te souviens-tu pas?
Ta main tremblait dans la mienne, et ce jour
Me présageait le plus fidèle amour!

SCÈNE VI

Les Mêmes, LE HOLLANDAIS.

(Le Hollandais, qui depuis un moment écoutait, accourt dans une violente agitation.)

LE HOLLANDAIS.

C'en est fait! Ô misère!...
Ah! tout salut me fuit!...

ÉRIK, reculant épouvanté.

Que vois-je! Dieu!...

LE HOLLANDAIS.

Senta, je pars! adieu!...

SENTA, se jetant devant le Hollandais.

Arrête, malheureux!

ÉRIK.

Senta! que veux-tu faire?...

LE HOLLANDAIS.

En mer! En mer! et pour l'éternité...

(À Senta.)

Oui, c'en est fait de ta fidélité...
L'espoir du salut m'est ôté.
Adieu! Je veux au péril te soustraire.

ÉRIK.

Son aspect fait frémir!...

SENTA, au Hollandais, le retenant.

Attends! d'ici tu ne dois plus partir!...

LE HOLLANDAIS, donnant le signal à son équipage.

Voile au vent!
En avant!
Et pour jamais renoncez à la terre!

SENTA, au Hollandais.

Peux-tu douter d'un cœur sincère?
Tu dois encor compter sur moi!
Attends! en notre hymen espère,
Car je saurai garder ma foi!

LE HOLLANDAIS.

La mer encor, la mer m'appelle,
Doutant de toi, doutant de Dieu!...
Jamais, jamais d'amour fidèle
Et tes serments ne sont qu'un jeu!...

ÉRIK.

Qu'entends-je, ô ciel! Terreur soudaine
Qu'entends-je et qu'est-ce que je vois!
Senta, ta perte est trop certaine...
Reviens! Satan est avec toi!

LE HOLLANDAIS, à Senta.

Apprends de quel destin je veux te garantir:
Victime, hélas! d'un sort inexorable,
La froide mort voilà mon seul désir.
Seule, de me sauver une femme est capable,
Un cœur, qui soit jusqu'au trépas constant.
Déjà j'ai reçu ton serment,
Mais tu n'as rien promis encore au tout-puissant!
Apprends quel est l'horrible châtiment
Que le destin réserve à l'infidèle:
Damnation éternelle!
Plus d'une a dû subir cette inflexible loi
Mais je veux l'écarter de toi!
Adieu! Je pars et pour l'éternité!

(Il remonte.)

ÉRIK, criant et courant avec agitation de la maison au vaisseau. À Senta.

Suis-moi!
À l'aide! Dieu! pitié pour elle.

SENTA, arrêtant le Hollandais.

Je te connais, je connaissais ton sort
Je savais tout quand je t'ai vu d'abord
De tes tourments voici la fin!
Oui, ma fidélité rend ton salut certain.

ÉRIK.

À l'aide! elle est perdue!

SCÈNE VII

Les Mêmes, DALAND, MARIE, les Jeunes Filles, les Matelots.

(Aux cris d'Érik sont accourus Daland, Marie et les Jeunes Filles, les matelots sont descendus du navire.)

DALAND.

Ah! Dieu!...

TOUS.

Dieu! qu'ai-je vu!

LE HOLLANDAIS, à Senta.

Tu ne sais rien! mon sort t'est inconnu!

(Il montre son vaisseau, dont les voiles rouges sont déployées et dont l'équipage est en train d'appareiller avec une agitation effroyable.)

Demande aux flots, d'un pôle à l'autre,
Au matelot vieilli qui partout navigua,
Ils te diront quel navire est le nôtre
Car le Vaisseau Fantôme, le voilà!

LES MATELOTS HOLLANDAIS.

Hohé! Hé! Hiva! Hiva!...

(Le Hollandais, avec la rapidité de l'éclair, monte sur son vaisseau qui s'éloigne à l'instant au bruit des cris de l'équipage; Senta veut suivre le Hollandais, Daland, Érik et Marie la retiennent.)

DALAND, ÉRIK,

Senta! reviens à toi!...

(Senta s'est dégagée par un violent effort, elle atteint une pointe de roches qui s'avance dans la mer, de là elle crie au Hollandais qui s'éloigne.)

SENTA.

Gloire à ton ange! Gloire à sa loi!
Jusqu'à la mort je suis à toi!...

(Elle se jette dans la mer. Au même moment le navire du Hollandais s'abîme avec son équipage au milieu des flots. Au fond on voit s'élever au-dessus de la mer le Hollandais et Senta transfigurés. Il la tient embrassée.)

FIN

ÉMILE COLIN—IMPRIMERIE DE LAGNY






End of the Project Gutenberg EBook of Le vaisseau fantôme, by Richard Wagner

*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE VAISSEAU FANTÔME ***

***** This file should be named 26943-h.htm or 26943-h.zip *****
This and all associated files of various formats will be found in:
        http://www.gutenberg.org/2/6/9/4/26943/

Produced by Laurent Vogel and the Online Distributed
Proofreading Team at http://www.pgdp.net


Updated editions will replace the previous one--the old editions
will be renamed.

Creating the works from public domain print editions means that no
one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
(and you!) can copy and distribute it in the United States without
permission and without paying copyright royalties.  Special rules,
set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to
copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to
protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark.  Project
Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
charge for the eBooks, unless you receive specific permission.  If you
do not charge anything for copies of this eBook, complying with the
rules is very easy.  You may use this eBook for nearly any purpose
such as creation of derivative works, reports, performances and
research.  They may be modified and printed and given away--you may do
practically ANYTHING with public domain eBooks.  Redistribution is
subject to the trademark license, especially commercial
redistribution.



*** START: FULL LICENSE ***

THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK

To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free
distribution of electronic works, by using or distributing this work
(or any other work associated in any way with the phrase "Project
Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project
Gutenberg-tm License (available with this file or online at
http://gutenberg.org/license).


Section 1.  General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm
electronic works

1.A.  By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm
electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
and accept all the terms of this license and intellectual property
(trademark/copyright) agreement.  If you do not agree to abide by all
the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy
all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession.
If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project
Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the
terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or
entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.

1.B.  "Project Gutenberg" is a registered trademark.  It may only be
used on or associated in any way with an electronic work by people who
agree to be bound by the terms of this agreement.  There are a few
things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
even without complying with the full terms of this agreement.  See
paragraph 1.C below.  There are a lot of things you can do with Project
Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
works.  See paragraph 1.E below.

1.C.  The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
Gutenberg-tm electronic works.  Nearly all the individual works in the
collection are in the public domain in the United States.  If an
individual work is in the public domain in the United States and you are
located in the United States, we do not claim a right to prevent you from
copying, distributing, performing, displaying or creating derivative
works based on the work as long as all references to Project Gutenberg
are removed.  Of course, we hope that you will support the Project
Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by
freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of
this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with
the work.  You can easily comply with the terms of this agreement by
keeping this work in the same format with its attached full Project
Gutenberg-tm License when you share it without charge with others.

1.D.  The copyright laws of the place where you are located also govern
what you can do with this work.  Copyright laws in most countries are in
a constant state of change.  If you are outside the United States, check
the laws of your country in addition to the terms of this agreement
before downloading, copying, displaying, performing, distributing or
creating derivative works based on this work or any other Project
Gutenberg-tm work.  The Foundation makes no representations concerning
the copyright status of any work in any country outside the United
States.

1.E.  Unless you have removed all references to Project Gutenberg:

1.E.1.  The following sentence, with active links to, or other immediate
access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently
whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the
phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project
Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed,
copied or distributed:

This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
almost no restrictions whatsoever.  You may copy it, give it away or
re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
with this eBook or online at www.gutenberg.org

1.E.2.  If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived
from the public domain (does not contain a notice indicating that it is
posted with permission of the copyright holder), the work can be copied
and distributed to anyone in the United States without paying any fees
or charges.  If you are redistributing or providing access to a work
with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the
work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1
through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the
Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or
1.E.9.

1.E.3.  If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted
with the permission of the copyright holder, your use and distribution
must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional
terms imposed by the copyright holder.  Additional terms will be linked
to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the
permission of the copyright holder found at the beginning of this work.

1.E.4.  Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm
License terms from this work, or any files containing a part of this
work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.

1.E.5.  Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
electronic work, or any part of this electronic work, without
prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
active links or immediate access to the full terms of the Project
Gutenberg-tm License.

1.E.6.  You may convert to and distribute this work in any binary,
compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any
word processing or hypertext form.  However, if you provide access to or
distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than
"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version
posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org),
you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a
copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon
request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other
form.  Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm
License as specified in paragraph 1.E.1.

1.E.7.  Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works
unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.

1.E.8.  You may charge a reasonable fee for copies of or providing
access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided
that

- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
     the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
     you already use to calculate your applicable taxes.  The fee is
     owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he
     has agreed to donate royalties under this paragraph to the
     Project Gutenberg Literary Archive Foundation.  Royalty payments
     must be paid within 60 days following each date on which you
     prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
     returns.  Royalty payments should be clearly marked as such and
     sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
     address specified in Section 4, "Information about donations to
     the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."

- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
     you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
     does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
     License.  You must require such a user to return or
     destroy all copies of the works possessed in a physical medium
     and discontinue all use of and all access to other copies of
     Project Gutenberg-tm works.

- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any
     money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
     electronic work is discovered and reported to you within 90 days
     of receipt of the work.

- You comply with all other terms of this agreement for free
     distribution of Project Gutenberg-tm works.

1.E.9.  If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm
electronic work or group of works on different terms than are set
forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark.  Contact the
Foundation as set forth in Section 3 below.

1.F.

1.F.1.  Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
public domain works in creating the Project Gutenberg-tm
collection.  Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic
works, and the medium on which they may be stored, may contain
"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or
corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual
property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a
computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by
your equipment.

1.F.2.  LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right
of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project
Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all
liability to you for damages, costs and expenses, including legal
fees.  YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
PROVIDED IN PARAGRAPH F3.  YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
DAMAGE.

1.F.3.  LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
written explanation to the person you received the work from.  If you
received the work on a physical medium, you must return the medium with
your written explanation.  The person or entity that provided you with
the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a
refund.  If you received the work electronically, the person or entity
providing it to you may choose to give you a second opportunity to
receive the work electronically in lieu of a refund.  If the second copy
is also defective, you may demand a refund in writing without further
opportunities to fix the problem.

1.F.4.  Except for the limited right of replacement or refund set forth
in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.

1.F.5.  Some states do not allow disclaimers of certain implied
warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
the applicable state law.  The invalidity or unenforceability of any
provision of this agreement shall not void the remaining provisions.

1.F.6.  INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
with this agreement, and any volunteers associated with the production,
promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
that arise directly or indirectly from any of the following which you do
or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.


Section  2.  Information about the Mission of Project Gutenberg-tm

Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
electronic works in formats readable by the widest variety of computers
including obsolete, old, middle-aged and new computers.  It exists
because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
people in all walks of life.

Volunteers and financial support to provide volunteers with the
assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's
goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
remain freely available for generations to come.  In 2001, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.


Section 3.  Information about the Project Gutenberg Literary Archive
Foundation

The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
Revenue Service.  The Foundation's EIN or federal tax identification
number is 64-6221541.  Its 501(c)(3) letter is posted at
http://pglaf.org/fundraising.  Contributions to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
permitted by U.S. federal laws and your state's laws.

The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
throughout numerous locations.  Its business office is located at
809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
[email protected].  Email contact links and up to date contact
information can be found at the Foundation's web site and official
page at http://pglaf.org

For additional contact information:
     Dr. Gregory B. Newby
     Chief Executive and Director
     [email protected]


Section 4.  Information about Donations to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation

Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
spread public support and donations to carry out its mission of
increasing the number of public domain and licensed works that can be
freely distributed in machine readable form accessible by the widest
array of equipment including outdated equipment.  Many small donations
($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
status with the IRS.

The Foundation is committed to complying with the laws regulating
charities and charitable donations in all 50 states of the United
States.  Compliance requirements are not uniform and it takes a
considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
with these requirements.  We do not solicit donations in locations
where we have not received written confirmation of compliance.  To
SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
particular state visit http://pglaf.org

While we cannot and do not solicit contributions from states where we
have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
against accepting unsolicited donations from donors in such states who
approach us with offers to donate.

International donations are gratefully accepted, but we cannot make
any statements concerning tax treatment of donations received from
outside the United States.  U.S. laws alone swamp our small staff.

Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
methods and addresses.  Donations are accepted in a number of other
ways including checks, online payments and credit card donations.
To donate, please visit: http://pglaf.org/donate


Section 5.  General Information About Project Gutenberg-tm electronic
works.

Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
concept of a library of electronic works that could be freely shared
with anyone.  For thirty years, he produced and distributed Project
Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.


Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
unless a copyright notice is included.  Thus, we do not necessarily
keep eBooks in compliance with any particular paper edition.


Most people start at our Web site which has the main PG search facility:

     http://www.gutenberg.org

This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.