Project Gutenberg's Poésies choisies de André Chénier, by André Chénier This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: Poésies choisies de André Chénier Author: André Chénier Editor: Jules Derocquigny Release Date: March 2, 2006 [EBook #17899] Language: French Character set encoding: ISO-8859-1 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK POÉSIES CHOISIES DE ANDRÉ CHÉNIER *** Produced by Charles Aldarondo, Renald Levesque and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net
HENRY FROWDE, M.A.
PUBLISHER TO THE UNIVERSITY OF OXFORD
LONDON, EDINBURGH
NEW YORK, AND TORONTO
H.F. XVII
Encouraged by the favourable reception accorded to the 'Oxford Modern French Series,' the Delegates of the Clarendon Press determined, some time since, to issue a 'Higher Series' of French works intended for Upper Forms of Public Schools and for University and Private Students, and have entrusted me with the task of selecting and editing the various volumes that will be issued in due course.
The titles of the works selected will at once make it clear that this series is a new departure, and that an attempt is made to provide annotated editions of books which have hitherto been obtainable only in the original French texts. That Madame de Staël, Madame de Girardin, Daniel Stern, Victor Hugo, Lamartine, Flaubert, Gautier are among the authors whose works have been selected will leave no doubt as to the literary excellence of the texts included in this series.
Works of such quality, intended only for advanced scholars, could not be annotated in the way hitherto usual, since those for whom they have been prepared are familiar with many things and many events of which younger students have no knowledge. Geographical and mythological notes have therefore been generally omitted, as also historical events either too well known to require elucidation or easily found in the ordinary books of reference.
By such omissions a considerable amount of space has been saved which has allowed of the extension of the texts, and of their equipment with notes less elementary than usual, and at the same time brighter and more interesting, whilst great care has been taken to adapt them to the special character of each volume.
The Introductions are also a novel feature of the present series. Originally they were to be exclusively written in English, but as it was desired that they should be as characteristic as possible, and not merely extracted from reference books, but real studies of the various authors and their works, it was decided that the editors should write them in their own native language.
Whenever it has been possible each volume has been adorned with a portrait of the author at the time he wrote his book.
In conclusion I wish to repeat here what I have said in the General Preface to the 'Oxford Modern French Series,' that 'those who speak a modern language best invariably possess a good literary knowledge of it.' This has been endorsed by the best teachers in this and other countries, and is a generally admitted fact. The present series by providing works of high literary merit will certainly facilitate the acquisition of the French language—a tongue which perhaps more than any other offers a variety of literary specimens which, for beauty of style, depth of sentiment, accuracy and neatness of expression, may be equalled but not surpassed.
LEON DELBOS.
OXFORD, December, 1905.
C'est à Galata, faubourg de Constantinople, et d'une mère grecque que naissait, le 30 octobre 1762, celui qui devait être surtout connu et aimé comme poète grec en français. Il est vrai qu'il ne vit jamais la Grèce et qu'il quitta Galata dès l'âge de deux ans et demi. Cependant ces circonstances de son origine et de son lieu de naissance ont leur importance, ne fût-ce que celle qu'il y attachait lui-même. Il a, en effet, aimé à les rappeler. 'Salut,' s'écrie-t-il lorsqu'il pense être à la veille d'aller visiter la Grèce.
'Salut, Thrace ma mère et la mère d'Orphée,
Galata, que mes yeux désiraient dès longtemps;
Car c'est là qu'une Grecque, en son jeune printemps,
Belle, au lit d'un époux nourrisson de la France,
Me fit naître Français dans les murs de Byzance.'
Et l'on peut se demander si, parce qu'il se sentait dans les veines du sang hellène et que le hasard l'avait fait naître 'dans les murs de Byzance,' il ne s'est pas cru désigné particulièrement pour ressusciter l'hellénisme. Il convient d'ailleurs de reconnaître tout de suite que cette suggestion pouvait lui venir d'un autre côté. Il vivait en effet au milieu d'un mouvement puissant de retour à l'antique.
Ç'avait été d'abord le comte de Caylus qui, entre 1753 et 1767, avait publié les sept volumes de son Histoire de l'Art. En même temps, entre 1757 et 1766, on traduisait en français les travaux de Winckelmann sur les fouilles d'Herculanum et son Histoire de l'Art ancien. L'Essai de R. Wood sur le génie original d'Homère et sur ses écrits, paru à Londres en 1775, fut ensuite presque aussitôt traduit. Entre 1772 et 1776 paraissaient à Strasbourg les trois volumes de Brunck, les Analecta veterum poetarum graecorum, anthologie des poètes alexandrins. Dès 1757 l'abbé Barthélemy travaille à son Voyage du jeune Anacharsis en Grèce, où, s'inspirant des récentes découvertes et les fondant, il s'attache à évoquer, à faire vivre comme des créatures de chair et de sang, les Athéniens d'autrefois, jusque-là demeurés un peu trop à l'état d'idées abstraites. Un voyageur, Guys, publiera, dès avant 1789, le premier volume de son Voyage littéraire de la Grèce ou Lettres sur les Grecs anciens et modernes, avec un parallèle de leurs moeurs. L'antiquité déborde du domaine des archéologues et des érudits. La peinture se fait grecque avec David; grecques deviennent et la décoration des appartements et la toilette des femmes. Tout, au moins, s'unissait pour pousser André Chénier vers l'hellénisme.
Est-on en droit d'attribuer à l'origine d'André Chénier une influence plus profonde? Faut-il écrire, avec M. Faguet, que le sang oriental qui coulait dans ses veines peut expliquer cette fougue, cette véhémence en amour du poète élégiaque, s'il est vrai que ces traits sont peu communs dans le tempérament français, si encore André Chénier n'a pas pris cette fougue et cette véhémence dans ses modèles grecs et latins, chez Sapho et chez Catulle? Ce sont là problèmes obscurs. Il faut se contenter de les poser sans présumer de les résoudre.
Quoiqu'il en soit, cette mère grecque,—elle s'appelait Élisabeth Santi Lomaca, et Louis Chénier, consul de France, l'avait épousée à Constantinople en 1755—c'est à côté d'elle seule que l'enfant André grandit, puisque son père, rentré à Paris en 1765, repartait dès 1767 pour un séjour de dix-sept ans à Salé, au Maroc, où il était consul général. Elle dut d'ailleurs être très Parisienne. Femme intelligente et mondaine, elle avait un salon très fréquenté. Artistes et littérateurs y étaient assidus, et André connut là les peintres Cazes, Mme Vigée Lebrun et David—et André s'essaiera à peindre; Florian, Mencievicz, Alfieri, avec qui il aura commerce de vers ou de lettres; Brunck, à l'anthologie de qui il doit tant; l'abbé Barthélémy; Guys, qui inséra dans son ouvrage sur la Grèce deux lettres de Mme Chénier sur les enterrements et sur les danses en Grèce, parues d'abord dans le Mercure de France; Le Brun enfin, Le Brun-Pindare, dont l'influence sur son futur émule n'est malheureusement que trop palpable.
On ne sait où André Chénier fit ses premières études. On sait seulement que, tout enfant, il fit de longs séjours dans le Languedoc, chez une tante maternelle. Des notes de lui nous le montrent pieux—il sera plus tard athée 'avec délices'—et recevant une impression profonde de certain paysage de montagne.
Vers 1773, c'est-à-dire vers l'âge de quinze ans, il est au collège de Navarre, où il fait de brillantes études, obtenant un premier prix de discours français au concours général en 1778, où, de plus, il forma d'ardentes et solides amitiés, plus tard inspiratrices de mâles vers, avec Abel de Malartic, les frères de Pange et les frères Trudaine.
Dès le collège il dut savoir par coeur les plus beaux passages des auteurs anciens. Déjà il rimait, et ses premiers vers, imités de l'Iliade, sont, par leurs enjambements, par une certaine hardiesse de langue, déjà caractéristiques de sa manière:
Faible, à peine allumé, le flambeau de ses jours
S'éteint: dompté d'Ajax, le guerrier sans secours
Tombe, un sommeil de fer accable sa paupière;
Et son corps palpitant roule sur la poussière.
En 1781 (on ne sait s'il quitta le collège en 1780 ou 1781) il avait commencé à couvrir de commentaires les marges de son Malherbe. En 1782 une note d'une élégie datée du 23 avril 1782 nous le montre ayant déjà adopté sa manière d'imiter l'antiquité. Il déclare en effet que le fond de son élégie est dû à Properce: 'mais, ajoute-t-il, je ne me suis point asservi à le copier. Je l'ai souvent abandonné pour y mêler, selon ma coutume, tout ce qui me tombait sous la main, des morceaux de Virgile, et d'Horace et d'Ovide—Et quels vers! (s'écrie-t-il, en citant Virgile) et comment ose-t-on en faire après ceux-là!'
Il lui fallut penser à une profession. De ses trois frères, l'aîné, Constantin, était entré dans les consulats. Comme ses deux autres frères, Sauveur et Marie-Joseph, on le fit entrer, lui, dans l'armée. Il partit donc en 1783 pour Strasbourg en qualité de cadet-gentilhomme attaché à un régiment d'infanterie, le régiment d'Angoumois. Au bout de six mois il abandonnait le service. A Strasbourg un commun amour des lettres l'avait rapproché du marquis de Brazais, capitaine au régiment de Dauphin-Cavalerie, à qui il adressa une de ses premières productions, l'Épître sur l'Amitié (p. 78). Revenu à Paris, souffrant déjà d'un mal qui lui arrachera des plaintes fréquentes (p. 61, l. 19—p. 66. ll. 33-4), la gravelle, très affecté même (p. 51, III, p. 65, XI), il saisit avec joie une offre qui vient l'arracher à lui-même, l'offre que lui font ses amis les Trudaine de l'emmener faire un voyage de deux années. Il dit en effet dans ses adieux aux frères de Pange:
Si je vis, le soleil aura passé deux fois
Dans les douze palais où résident les mois,
D'une double moisson la grange sera pleine
Avant que dans vos bras la voile me ramène
On devait visiter la Suisse, l'Italie et la Grèce, André vit la Suisse. Il fit un long séjour à Rome. Sinon la Rome chrétienne, du moins la Rome antique l'émerveilla. Les Romaines, s'il avait prolongé ce séjour, auraient pu, à en croire ses vers (p. 72, XV), tout comme les Parisiennes, lui inspirer des élégies amoureuses. Il pousse de là jusqu'à Naples, puis brusquement, souffrant sans doute, il interrompt son voyage, sans aller voir la Grèce, et reprend le chemin de Paris.
Ici se placent trois années selon le coeur d'André Chénier, trois années de vie intense, faites d'alternatives de solitude studieuse et de plaisirs. Ces trois années, 1785, 1786, 1787, il les passe à Paris, coupées de séjours à la campagne, à Montigny (p. 58, l. 16) chez les Trudaine, ou à Maroeuil (p. 68, ll. 17-18) chez les de Pange. Il fait de sa vie deux parts, l'une donnée au travail, l'autre à la société, à la politique, aux plaisirs. Il se mêle au milieu intellectuel de son temps. Il est par conséquent encyclopédiste et philosophe, il a le culte de la raison; il est athée—et c'est là l'inspiration de son Hermès et de son Amérique. Il mène—et c'est là, avec l'imitation des élégiaques de l'antiquité, l'origine de ses élégies qui sont ses confessions amoureuses—la vie dissipée et voluptueuse de cette société licencieuse et sceptique du XVIIIe siècle. Il fut des soupers joyeux de Grimod de la Reynière. Il aima Glycère et autres beautés faciles. Il eut des amours plus relevées. Il aima Mme de Bonneuil, femme distinguée originaire de l'île Bourbon, et la chanta sous le nom de Camille. Il aima Mrs. Cosway, Irlandaise née sur les rives de l'Arno, musicienne et peintre, femme d'un miniaturiste anglais, qu'il rencontra dans l'hiver de 1785-6 et qui fut la belle D. R. des élégies. Il aima et il fut aimé. Car, malgré qu'il fût fort laid, avec sa tête énorme, ses cheveux rares sur le devant, son teint bilieux et olivâtre, ses traits gros, ses yeux petits, il avait de la vivacité dans le regard, bref, il était 'rempli de charmes.' C'est une femme, Mme Hocquart, qui nous le dit. Nous avons aussi le rapport d'un homme, Lacretelle, qui le vit plus tard à la tribune des Feuillants et fut frappé de l'impression de force qui se dégageait de cette figure 'athlétique.' La fougue que Lacretelle lui vit à la tribune, André Chénier dut l'avoir en amour. Cela paraît assez dans ses élégies et, s'il s'y montre parfois sensuel et mignard, comme les élégiaques de son temps, cette note domine, et, jointe aux retours de mélancolie profonde où il songe à la mort, aux rêveries poétiques, aux aspirations à la solitude studieuse et aux demandes de consolation à l'amitié, marque ces pièces, d'une écriture d'ailleurs si précise, comme très différentes des productions d'un Parny.
Et la même ardeur que cet homme, vraiment homme, apportait au plaisir, il l'apportait aussi à l'étude. A vrai dire on se demande si jamais poète fut plus industrieux. Il lit dans toutes les directions et la plume à la main—d'abord, peut-être, pour le désir de savoir et parce que, étant bien de son temps, il avait l'âme d'un encyclopédiste—étant d'avis aussi que 'savoir lire et savoir penser' sont le 'préliminaire indispensable de l'art d'écrire,'—mais surtout pour faire provision de matériaux à utiliser et parce que, en lisant, les idées lui venaient. Il lit donc les Analecta de Brunck, son livre de chevet; il lit Homère, Hésiode, Platon, Aristophane, Callimaque, Théocrite, Méléagre, Catulle, Lucrèce, Virgile (Virgile est partout dans son oeuvre), Horace, Tibulle, Properce, Tacite, Salluste, Cicéron, le Florilegium de Stobée, Pétrarque, Sannazar, Rabelais, Montaigne, Ronsard, Malherbe, qu'il commente et admire fort, Pascal, qu'il juge durement, Molière, Corneille, Racine, qu'il cite souvent, Voltaire, qu'il aime peu et n'estime guère, Montesquieu, J.-J. Rousseau, Raynal, Condorcet, Mably, Buffon, Lebrun. Il lit Shakespeare dont il imite deux passages (p. 39, XIX) et pour lequel son frère Marie-Joseph lui reprochera d'être trop indulgent, Milton ('le grand Milton,' 'grand aveugle dont l'âme a su voir tant de choses'), le bon Suisse Gessner, comme il l'appelait, qui lui suggère, entre autres choses, Pannychis (p. 31), et que parfois il traduit (p. 43, XXVI), Richardson, dont il aime les douces héroïnes, Clarisse et Clémentine (p. 57, ll. 67-72), Thomson (p. 44, XXX), Ossian (p. 59, l. 55). Il lit la Bible, dont il tire un poème, Suzanne, et qu'il imite parfois (p. 37, XVI). Il lit des auteurs chinois, notant son regret que davantage ne soit point traduit de cette littérature. Il écrit des pages de prose qui le révèlent moraliste à la façon de La Bruyère. Surtout, sous l'aiguillon de la lecture, il compose ses vers, et, ce qu'il y a d'extraordinaire, il gardait tout en portefeuille, nullement pressé de rien publier, se réservant de revoir tout, d'améliorer tout, jamais prêt à rien lire à ses amis (p. 60, l. 80; p. 85, ll. 64-9) dans ce petit cénacle littéraire, présidé par Lebrun et dont étaient Brazais, les deux Trudaine, les deux de Pange, et son frère, Marie-Joseph Chénier.
Ses oeuvres, toutes posthumes, sauf deux, où l'inachevé coudoie l'achevé, nous admettent dans le secret de cet atelier. Nous y voyons André Chénier, lecteur industrieux, butinant, faisant des extraits, mettant en réserve mots, tournures, images, qu'il compte utiliser dans un poème futur. Ce sont, par exemple, des canevas avec l'indication des textes à imiter:
'Il faut en faire une (une bucolique) sur les Triétériques, en Béotie, et imiter d'une manière bien antique tout ce qu'il y a de bien dans le Penthée d'Euripide, vers 13, etc.... ce qu'il chante, au choeur des femmes, au thiasus, pour l'exciter, vers 55. Tout le choeur. Toute la scène du bouvier, vers 659. Voir la traduction des vers 693 et suivants, mêlés avec les vers 142 et suivants, édition de Brunck, etc.
Ce sont des vers ou des expressions à placer: 'en commencer une (bucolique) par ces vers... en commencer ou en finir une ainsi...'
Dans une Histoire de la Chine il rencontre deux pièces traduites du Chi-King, le livre des vers. Il se promet de faire entrer cela dans ses Bucoliques. Le même feuillet souvent nous offre un fragment d'élégie, une note pour son Hermès, une remarque philologique, quelques vers indiquant un projet d'églogue, une citation de Tibulle, etc.
Ainsi il accumulait les matériaux que sa fin prématurée ne lui a pas laissé le temps d'exploiter, qu'il n'aurait sans doute pas utilisés tous au cours d'une longue vie. Il l'a dit lui-même (Épître II, v. 47-92), il commençait cent choses à la fois. Sans compter les projets de 'quadri,' dont on ne sait pas s'ils désignaient un tableau qu'il aurait peint ou une idylle.
Voilà donc la vie, complète réellement, que mène André Chénier durant ces années de Paris. En 1787, c'est-à-dire alors qu'il a vingt-cinq ans, il est probable que la plus grande partie de ses oeuvres poétiques sont déjà exécutées. C'est alors qu'il est nommé secrétaire d'ambassade à Londres.
Il se rendit à son poste en décembre 1787 (p. 74, XIX). Il se déplut à Londres (p. 75, XX), soit qu'il se sentît humilié dans une situation dépendante (p. 68, XIII), soit que, peu muni d'argent, il fût réduit à faire pauvre figure au milieu d'une société aristocratique riche et volontiers dédaigneuse, soit plutôt que, comme jadis à Strasbourg, comme peut-être en Italie, il fût pris de la nostalgie de son Paris et de ses habitudes faciles.
La littérature anglaise, malgré 'l'indulgence' que, selon Marie-Joseph, il avait pour Shakespeare, ne paraît pas lui avoir inspiré grand enthousiasme, peut-être parce que, connaissant insuffisamment l'Anglais, il lui était assez difficile de l'apprécier. Il a même sur les poètes anglais un jugement assez dur et fort injuste, à peine adouci par cette concession malgracieuse que 'quelquefois, dans leurs écrits nombreux' ils sont 'dignes d'être admirés par d'autres que par eux.' Sans doute, remarque M. Faguet, André Chénier songeait-il à Young, très en faveur à cette époque, et on aime à le supposer avec lui.
Ce séjour à Londres de trois ou quatre ans (jusqu'au milieu de 1790 ou l'été de 1791) fut d'ailleurs, surtout vers la fin, coupé de tant de voyages à Paris, qu'André Chénier finit par être plus souvent à Paris qu'à Londres.
Rentré à Paris, il y fait la connaissance de Mme Necker, de M. et Mme de Montmorin, de Mme de Staël, toute jeune encore. Il s'occupe plus que jamais de politique. Dès 1789 il fait partie de la Société Trudaine, cercle d'amis qui accueille la Révolution avec transport et devient la Société de 1789, puis la Société des amis de la Constitution. Il entre dans la politique militante par son Avis au peuple français sur ses véritables ennemis inséré dans le Journal de la Société de 1789, le 28 août 1790, pour lequel il reçut du roi de Pologne une médaille accompagnée d'une lettre flatteuse. En avril 1791 il publie une brochure, L'Esprit de parti. Il écrit Le Jeu de Paume, où il trace à grands traits la naissance de l'Assemblée nationale et un programme politique, la première oeuvre poétique qu'il livre au public, composée dans le goût des odes pindariques de Lebrun, mythologique, périphrastique et oratoire. Il écrit vingt et un articles (de novembre 1791 à juillet 1792) dans le Journal de Paris, rédigé par les Amis de la Constitution ou Feuillants. Il publie, le 15 avril 1792, ses premiers Ïambes, l'Hymne sur l'entrée triomphale des Suisses révoltés du régiment de Châteauvieux (p. 123), la deuxième et dernière oeuvre poétique qu'il ait jamais imprimée.
Lors du procès de Louis XVI il écrit pour le malheureux roi quatre plaidoyers divers. Peu en sûreté à Paris, malade de corps et d'âme, après l'exécution du roi, il se retire à Versailles. Là, dans sa retraite de la rue de Satory (n° 69), il retourne sans doute à son Hermès, et, sous l'influence du sentiment tendre que lui inspire Mme Lecoulteux (Fanny) qu'il voyait à 'Luciennes,' c'est-à-dire Louveciennes, chez sa mère, Mme Pourrat, il produit ses dernières poésies amoureuses et les plus pures, comme son Ode à Versailles (p. 116; voir aussi p. 75, XXII) et les élégies à Fanny. C'est là aussi qu'il écrivit son Ode à Charlotte Corday (p. 118), si différente d'ailleurs d'inspiration et plus semblable à la poésie officielle du temps.
De retour chez son père, rue de Cléry, à l'automne de 1793, au plus fort de la Terreur, il se trouve le 7 mars 1794 à Auteuil, chez Mme Pastoret, née Piscatory, lorsque les commissaires chargés, en exécution d'un ordre du Comité de sûreté générale, d'arrêter cette femme, se présentent sans la trouver et l'arrêtent, lui, comme suspect. Il est mené à Saint-Lazare (la lettre d'écrou est datée du 9 mars), où il devait rester quatre mois et treize jours. En prison il se trouve en compagnie de Roucher, l'auteur des Mois, son collaborateur au Journal de Paris, de ses amis les Trudaine, qui vinrent bientôt l'y rejoindre, et du peintre Suvée, qui, le 29 messidor, fit le portrait du poète dans sa cellule.
C'est en prison qu'il écrit l'Ode à Marie-Joseph, rangé en politique dans le camp adverse, cet adieu si triste qui sonne comme une rupture, où il dit à ce frère:
...mes amis, ma famille,
Sont tous les opprimés, ceux qui versent des pleurs.
C'est en prison qu'il compose ses Ïambes vengeurs (pp. 124-7) et sa touchante Jeune Captive (p. 120), inspirée par une de ses compagnes d'infortune, la duchesse de Fleury, née de Coigny.
Nous approchons maintenant du triste dénouement. Les prisons regorgeant de monde, le Comité de sûreté générale découvre—ou invente—la 'Conspiration des prisons,' vaste complot d'évasion. C'était l'occasion pour la justice d'être expéditive. André Chénier comparut le 7 thermidor devant le tribunal révolutionnaire avec vingt-six autres victimes, dont Roucher. L'acte d'accusation—tellement était grande l'incurie de cette soi-disant justice—reprochait à André des faits concernant son frère Sauveur, également arrêté et interné dans une autre prison! Quand on se fut aperçu de cette confusion, on ne prit même pas la peine de rayer de l'acte d'accusation d'André ce qui s'appliquait à Sauveur. André Chénier fut condamné et exécuté le soir même, à six heures, sur la place du Trône1—et non sur la place de la Révolution comme A. de Vigny le dit par erreur dans son roman de Stello. Sa mort précéda de vingt-quatre heures celle des frères Trudaine. Deux jours plus tard Robespierre tombait et les exécutions cessaient.
Footnote 1: (return)Pendant la Terreur cette place prit le nom de place du Trône-Renversé, et elle fut le théâtre de nombreuses exécutions. On l'appelle actuellement la place de la Nation.
L'oeuvre d'André Chénier resta inconnue jusqu'en 1819, à l'exclusion de quelques poèmes ou fragments de poèmes publiés successivement en 17942, 18013, 18024, 1814-165 et 18166.
En 1819 enfin, H. de Latouche7, à qui Daunou, qui les tenait de Marie-Joseph Chénier, mort en 1811, avait confié une partie des manuscrits, donna la première édition, forcément incomplète, infidèle même, puisque l'éditeur, qui était lui-même un poète, faisait çà et là des retouches, discrètes d'ailleurs, ainsi que des suppressions et des coupures.
La critique de 1819 fut unanime à reconnaître en Chénier un poète. Elle fut unanime aussi à reprocher à ce poète ses innovations en langue et en versification.
Chénier a, selon Népomucène Lemercier8, des 'incorrections sans nombre.' Il supprime les articles et les liaisons grammaticales. Il 'dénature le sens des mots.' Il embarrasse sa phrase de 'trop d'incises' et 'tourmente ses périodes.'
Footnote a: (return)The notes constitute a Bibliography in order of dates, of which only those with reference numbers relate to the text of the Introduction.
Footnote 2: (return)LA JEUNE CAPTIVE, publiée dans la Décade philosophique du 20 nivôse, an iii (décembre 1794).
Footnote 3: (return)LA JEUNE TARENTINE, publiée par le Mercure de France du 1er germinal, an ix.
Footnote 4: (return)ACCOURS, JEUNE CHROMIS... et SOUVENT LAS D'ÊTRE SEUL... dans le Génie du Christianisme de Chateaubriand, note 15 des Éclaircissements, 1802.
Footnote 5: (return)FRAGMENTS DE L'AVEUGLE dans une note des Élégies de Millevoye, 1814-16.
Footnote 6: (return)FRAGMENTS DU MENDIANT dans Mélanges littéraires, composés de morceaux inédits de Diderot, Caylus, Thomas, Rivarol, ANDRÉ CHÉNIER, par Fayolle, Paris, Pouplin, 1816.
Footnote 7: (return)OEUVRES POÉTIQUES D'ANDRÉ CHÉNIER, publiées par H. de Latouche. Paris, Beaudoin frères, Foulon et Cie, 1819. (A la fin du volume Latouche donne MÈLANGES DE PROSE, articles publiés du vivant de l'auteur, et quelques morceaux et fragments posthumes.) (Réimpressions en 1820 et 1822.)
Footnote 8: (return)Revue encyclopédique, octobre 1819, compte rendu par Népomucène Lemercier.
Il fait une 'imitation outrée des formules et des tours antiques.' Il multiplie les césures et rompt ses vers par de brusques enjambements. Et toute cette 'témérité systématique' vient de ce qu'il est 'agité du désir d'innover partout.' Il a d'ailleurs 'des beautés éparses mais éclatantes,' des 'expressions trouvées,' une 'tendance à traduire les idées en figures,' enfin un 'abandon, un naturel exquis.' Détail caractéristique, Lemercier admire la périphrase:
Dans les douze palais où résident les mois,
comme 'une élégante circonlocution.'
Incorrections de style et de construction, déplacement des césures, voilà les défauts que déplore aussi Charles Loyson9. Son admiration va aux élégies et aux idylles. C'est là seulement que l'on trouve ce que le talent d'André 'a de beau, d'heureux et d'original,' c'est là seulement qu'il se montre 'vrai, naturel et touchant.'
Footnote 9: (return)Lycée Français, tome ii, 1819, quatre articles par Charles Loyson.
Les 'imperfections de style et la versification brisée' frappent également Raynouard10. André Chénier 'décline les participes présents.' Il 'donne aux adjectifs des régimes inusités.' Il a des métaphores incohérentes. La césure de son vers est brisée 'd'une manière qui choque l'oreille et le goût.' De ces coupes pourtant il a parfois tiré 'de très saisissants effets,' mais il en fait une habitude presque constante. Raynouard admire fort le Jeune Malade et reconnaît que Chénier, qui 'a visé à l'originalité' dans le choix des sujets, dans le style, dans la versification, a déployé 'une véritable originalité dans l'idylle.'
Footnote 10: (return)Journal des Savants, article sur les oeuvres complètes d'André Chénier par Raynouard, 1819.
Style incorrect, parfois barbare, idées vagues et incohérentes, manie de mutiler la phrase et de la tailler à la grecque, coupes bizarres, prononce Victor Hugo11. 'Chacun de ces défauts du poète, ajoute-t-il, est peut-être le germe d'un perfectionnement pour la poésie.' Victor Hugo voit dans l'oeuvre de Chénier une poésie nouvelle. Il y trouve même fraîcheur d'idées, même luxe d'images que dans Lamartine.
Footnote 11: (return)Littérature et philosophie mêlées, par Victor Hugo, édition ne varietur, Hetzel-Quantin, 1882—t. i: Sur André de Chénier (1819); Sur un poète apparu en 1820—c'est-à-dire Lamartine (1820).
On voit donc que les premiers critiques d'André Chénier reconnaissent en lui un novateur et que, même, leurs habitudes sont vivement heurtées par ses innovations.
En 1828—après une nouvelle édition12, augmentée de quelques morceaux inédits, mais qui altère souvent le texte,—c'est encore la nouveauté de l'oeuvre que constate Villemain13. Chénier a 'une manière neuve de sentir et de rendre l'antiquité.' Il a fait pour la poésie ce que Bernardin de Saint-Pierre avait fait pour la prose; il lui a rendu le coloris par la simplicité.
Footnote 12: (return)OEUVRES POSTHUMES D'ANDRÉ CHÉNIER, édition nouvelle publiée par D. Charles Robert, Paris, Guillaume, 1824-26, 2 volumes avec un facsimilé.
Footnote 13: (return)Tableau de la Littérature du XVIIIe siècle, par Villemain (1828), 3e édition, Didier, 1841 (tome iv, leçons 58, 59, 60).
En cette même année Sainte-Beuve, dans son Tableau de la Poésie française au XVIe siècle14, donne André Chénier, avec les hommes de la Pléiade: Ronsard, Du Bellay, etc., comme ancêtre aux romantiques. André Chénier ouvre une époque15. Il a retrempé le vers flasque du XVIIIe siècle. Son alexandrin n'est celui ni de Racine ni de Delille, mais celui de Ronsard, de Baïf et de Régnier16. Sainte-Beuve se passionne pour André Chénier. Il ne cesse plus de s'occuper de lui. Après les fragments inédits donnés par H. de Latouche17 et sa nouvelle édition18, Sainte-Beuve lui-même publie de nouveaux fragments19, insérés dans l'édition clichée de 183920; il entreprend de corriger les éditions de H. de Latouche, se met en rapport avec Gabriel de Chénier (fils de Sauveur Chénier) et publie une importante étude sur André Chénier21, où, examinant l'Hermès et corrigeant son impression première, il prononce que celui qu'il revendiquait naguère comme un précurseur du romantisme était 'un homme aussi pleinement et chaudement de son siècle à sa manière que pouvait l'être Raynal ou Diderot.'
Footnote 14: (return)Tableau de la poésie française au seizième siècle, par Sainte-Beuve, 1828.
Footnote 15: (return)Mathurin Régnier et André Chénier, par Sainte-Beuve (août 1829), dans Portraits Littéraires, tome i, pp. 159-75.
Footnote 16: (return)Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme, par Sainte-Beuve, 1829.
Footnote 17: (return)FRAGMENTS D'ANDRÉ CHÉNIER, publiés par H. de Latouche dans la Revue de Paris, décembre 1829, mars 1830.
Footnote 18: (return)ANDRÉ CHÉNIER, POÉSIES POSTHUMES ET INÉDITES publiées par H. de Latouche, Paris, Charpentier et Randuel, 1833, 2 vol. Revue des Deux Mondes, 15 juin 1838, article de G. Planche.
Footnote 19: (return)FRAGMENTS DE CHÉNIER, publiés par Sainte-Beuve dans la Revue des Deux Mondes, 1er février 1839, sous le titre Quelques documents inédits sur André Chénier.
Footnote 20: (return)POÉSIES D'ANDRÉ, précédées d'une notice par M. Henri de Latouche, suivie de notes et fragments, etc. Nouvelle édition. Paris, Charpentier, 1839.
Footnote 21: (return)Portraits littéraires, par Sainte-Beuve, t. i, pp. 176-208 (1er février 1839). OEUVRES EN PROSE D'ANDRÉ CHÉNIER, augmentées d'un grand nombre de morceaux inédits et précédées de toutes les relatives à son procès devant le tribunal révolutionnaire... Paris, Ch. Gosselin, 1840.
André Chénier, que l'on vient de voir revendiquer un moment comme ancêtre du romantisme, sera plus tard proclamé précurseur de l'École parnassienne. Il est donc curieux d'enregistrer l'appréciation que fit de lui en 1840 le jeune Leconte de Lisle22: 'La facture de son vers, la coupe de sa phrase pittoresque et énergique, ont fait de ses poèmes une oeuvre nouvelle et savante d'une mélodie entièrement ignorée, d'un éclat inattendu.'
Footnote 22: (return)André Chénier, par Leconte de Lisle, article publié dans la Variété, Rennes, 1840-41.
Poésies de François Malherbe avec un COMMENTAIRE inédit par ANDRÉ CHÉNIER, publiées par M. de Latour, Paris, Charpentier, 1842.
En avançant dans cette revue de la critique qu'a provoquée l'oeuvre d'André Chénier, il semble qu'on s'enfonce dans un fourré d'opinions contradictoires. Voici Saint-Marc Girardin23 pour qui rien, chez André Chénier, ne laisse prévoir le romantisme, et qui, tout en déclarant, avec une apparente contradiction, que sa poésie annonce Lamartine, lui attribue une mélancolie uniquement littéraire. Voici Nisard24 pour qui André Chénier ne fut point de son temps et a égalé ses maîtres antiques.
Footnote 23: (return)Cours de littérature dramatique, par Saint-Marc Girardin, Paris, Charpentier, 1843, 5 volumes in-12°(t. IV, ch. liv).
Footnote 24: (return)Histoire de la littérature française, par D. Nisard, Paris, Firmin Didot, 1844. 4 vol. La Vérité sur la famille de Chénier, par L.J.G, de Chénier, Avocat, Paris, Dumaine, 1844.
Voici un autre critique25 qui accuse André Chénier d'avoir, en les traduisant et en les imitant, communiqué aux poètes grecs l'affectation et le faux goût du XVIIIe siècle, prétention que combat Sainte-Beuve26 par une analyse du poème de L'Aveugle.
Footnote 25: (return)André Chénier et les poètes grecs, par Arnould Frémy, dans la Revue indépendante du 10 mai 1844.
Footnote 26: (return)Portraits contemporains, par Sainte-Beuve (t. v: Un factum contre André Chénier, juin 1844). Causeries du Lundi, par Sainte Beuve (t. iv, pp. 144-64, André Chénier, homme politique.)
Pendant tout ce temps on n'avait pas encore d'édition correcte de Chénier. Gabriel de Chénier, qui détenait cette partie des manuscrits que n'avait pas eue H. de Latouche, dès 1844 en annonçait une qui ne devait paraître que trente ans plus tard. Becq de Fouquières27, sans les manuscrits, s'était acharné à constituer un texte pur, à retrouver les nombreuses sources du poète et, enfin, en 1862, il donnait son édition critique, dont la deuxième édition, donnée en 1872, reste encore aujourd'hui la plus précieuse à consulter—en la contrôlant par les éditions plus récentes—à cause de son introduction et de son commentaire continu.
Footnote 27: (return)POÉSIES D'ANDRÉ CHÉNIER. Édition critique, publiée par Becq de Fouquières, Paris, Charpentier, 1862.
Mais continuons notre audition des témoignages contradictoires sur André Chénier. Pour Egger28 André Chénier se distingue des élégiaques vulgaires par 'de nobles retours de tristesse et de sévérité.'
Footnote 28: (return)L'Hellénisme en France, par E. Egger, Paris, Didier, 1869, 2 vol. (Leçons 31 et 32).
POÉSIES D'ANDRÉ CHÉNIER. Édition critique, par Becq de Fouquières, deuxième édition, Paris, Charpentier, 1872.
OEUVRES EN PROSE D'ANDRÉ CHÉNIER, Nouvelle édition; revue sur les textes originaux, précédée d'une étude sur la vie et les écrits politiques d'André Chénier et sur la conspiration de Saint-Lazare, accompagnée de notes historiques, par Becq de Fouquières, Paris, Charpentier, 1872.
OEUVRES POÉTIQUES D'ANDRÉ DE CHÉNIER, publiées par Gabriel de Chénier, Paris, Lemerre, 1874, 3 vol. (Collection elzévirienne.)
Documents nouveaux sur André Chénier, par Becq de Fouquières, Paris, Charpentier, 1875.
Leçons nouvelles et Remarques sur le texte de divers auteurs, Mathurin Régnier, André Chénier, Ausone, par R. Dezeimeris, Bordeaux, Vvo Paul Chaumas, 1876.
OEUVRES EN PROSE D'ANDRÉ CHÉNIER, précédées d'une notice sur le procès d'André Chénier et des actes de ce procès, nouvelle édition, mise en ordre et annotée par Louis Moland, Paris, Garnier, 1879.
Pour Caro29, il est le dernier des classiques et 'un véritable ancien dans une langue moderne.'
Footnote 29: (return)La fin du XVIIIe siècle, par E. Caro, 1880. 2 vol. Tome ii, pp. 206-378.
POÉSIES D'ANDRÉ CHÉNIER, par Becq de Fouquières, Paris, Charpentier, 1881.
POÉSIES CHOISIES D'ANDRÉ CHÉNIER, à l'usage des classes, publiées avec une notice biographique et des notes par Becq de Fouquières, Paris, Delagrave, 1881.
Lettres critiques sur la vie, les oeuvres, les manuscrits d'André Chénier, par Becq de Fouquières, Paris, Charavay, 1881.
Pour Léo Joubert30, il est 'un des maîtres de la poésie de notre temps.'—'Il fit dériver les genres vers une forme nouvelle; chez lui l'idylle tourne au tableau épique, l'élégie tend à la méditation poétique.'
Footnote 30: (return)ANDRÉ CHÉNIER. POÉSIES. Édition nouvelle, avec une notice biographique et des notes par Léo Joubert, Paris, F. Didot, 1883.
OEUVRES POÉTIQUES D'ANDRÉ CHÉNIER, précédées d'une étude sur André Chénier par Sainte-Beuve, nouvelle édition, complète en un volume, par Louis Moland, Paris, Garnier, 1884.
Pour Eugène Manuel31, ce qui survit d'abord en lui, c'est le poète bucolique et élégiaque qui parlait une langue toute nouvelle. Il ne ressemble à personne dans notre littérature. Il forme la transition entre deux périodes littéraires.
Footnote 31: (return)OEUVRES POÉTIQUES D'ANDRÉ CHÉNIER, publiées avec une introduction et des notes, par Eugène Manuel, Paris, Jonaust Flammarion, librairie des Bibliophiles, n. d. (1884).
Pour Fournel32, c'est un mâle et hardi génie.—La complexité de sa poésie est extrême, ses copies sont des créations. Tout en gardant 'une horreur du néologisme' il sait renouveler le style par 'des alliances, des combinaisons empruntées au génie des langues classiques et de notre vieille langue.' Vers la fin, lancé dans la mêlée politique, sa langue se teinte de réalisme. Lui qui avait usé de la périphrase, il ne craint plus l'image triviale et cynique.
Footnote 32: (return)De Jean-Baptiste Rousseau à Chénier, par V. Fournel, Paris, F. Didot, 1886.
ŒUVRES POÉTIQUES D'ANDRÉ CHÉNIER, avec les études de Sainte-Beuve sur André Chénier, les mélanges littéraires, la correspondance et une notice bibliographique, par Louis Moland, Paris, Garnier, 1889. 2 vol. (Chefs-d'oeuvre de la littérature française.)
Pour Pellissier33, il faut compter Chénier parmí les précurseurs du XIXe siècle, parce que les chefs de la jeune école romantique l'ont considéré comme tel. Il est au fond un homme du XVIIIe siècle. On relève bien encore chez lui des vestiges du style noble, 'mais on peut en dire autant des débuts de V. Hugo et d'A. de Vigny.' Le premier, depuis Ronsard, il ressuscite la poésie d'images. Il est ému; son Hermès même affecte des allures d'épopée.
Footnote 33: (return)Le Mouvement littéraire au XIXe siècle, par G. Pellissier, Paris, Hachette, 1889.
Pour Anatole France34, personne ne fut moins novateur.
Footnote 34: (return)La vie littéraire, par Anatole France, Paris, C. Lévy, 1889-97. 4 vol. (t. ii, 1890).
Il fut la 'dernière expression d'un art expirant.' Il 'résume le style Louis XVI et l'esprit encyclopédique,' et son influence 'n'est sensible chez aucun des poètes de ce siècle.'
Pour E. Faguet35, c'est un homme de la Pléiade en retard. Il est plus grec que latin. Les petites pièces font songer aux frises, aux groupes légers, sans profondeur, sans vigoureux relief... mais d'un dessin net, d'une précision élégante. Dans les Élégies, on retrouve la rhétorique laborieuse, la fadeur, l'abus de l'esprit, tous défauts du temps. Il a été créateur en fait de style. Les Idylles et les fragments épiques sont d'une nouveauté et d'une fraîcheur merveilleuses. Le principal mérite de cette langue est la qualité du son. Il a le secret des vers 'amis de la mémoire,' comme dit Sainte-Beuve, et c'est 'parce qu'ils sont amis de l'oreille.' En versification, pour la liberté des coupes, il remontait à la Pléiade. L'abus rapproche parfois ses vers de la prose.—C'est un isolé.
Footnote 35: (return)Le XVIIIe siècle, par E. Faguet, Paris, Lecène et Oudin, 1890.
Pour Haraszti36, il n'a imité que les poètes de la décadence grecque, ou même plutôt les imitateurs romains de la poésie alexandrine. 'Il transforme inconsciemment tous ses emprunts selon le goût de son temps.' Le critique voit une trace de l'esprit gaulois dans le sensualisme, c'est-à-dire le caractère érotique de sa poésie. André Chénier a la sentimentalité du XVIIIe siècle. Il ne se défend pas assez de la mignardise. Ses paysages, il va les chercher dans les parcs. Il est le poète de l'art pur. Le critique n'est pas tendre pour Chénier. Il lui reproche son absence d'originalité et son excès d'imitation. Il fait une analyse sévère de sa langue, de sa versification, de ses procédés de style.
Footnote 36: (return)La poésie d'André Chénier, par Jules Haraszti, professeur à l'école-réale du VIe arrondissement de Buda-Pest; traduit du Hongrois par l'auteur, Paris, Hachette, 1892.
Pour Brunetière37, André Chénier est un homme de la fin du XVIIIe siècle, admirateur de Buffon et contemporain de Parny. Seulement il se sépare de son époque par ses rares qualités d'artiste.
Footnote 37: (return)Le XVIIIe siècle, par E. Faguet, Paris, Lecène et Oudin, 1890.
Pour P. Morillot38, c'est un grand artiste, un Ronsard moderne, avec plus de goût, plus de science, et l'expérience de Boileau et de Voltaire.
Footnote 38: (return)André Chénier, par Paul Morillot, Paris, Lecène et Oudin, 1894 (Classiques populaires).
Pour Louis Bertrand39, c'est un dilettante, avec le sens esthétique plus développé que le sens poétique. Il a le goût du dessin, même de la couleur. C'est un dilettante à qui le don de l'invention a manqué; un humaniste opprimé par ses souvenirs classiques.
Footnote 39: (return)La fin du classicisme et le retour à l'antique dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et les premières années du XIXe en France, par Louis Bertrand, Paris, Hachette, 1897.
Pour Henri Potez40, il y a dans les Élégies du Dorat, du Parny, du Bertin, et une inspiration plus sincère dans les passages où André Chénier chante l'amitié que dans sa note amoureuse.
Footnote 40: (return)L'Élégie en France avant le Romantisme, de Parny à Lamartine (1778-1820), par Henri Potez, Paris, C. Levy, 1898.
Pour Petit de Julleville41, les Bucoliques sont 'des récits pathétiques enfermés dans un cadre antique.'
Footnote 41: (return)Histoire de la Langue et de la Littérature françaises, par Petit de Julleville, Paris, A. Colin, 8 vol. (t. vi, 650-78, par Petit de Julleville).
Pour Brunetière42, que nous retrouvons jugeant André Chénier, André Chénier est artiste, dilettante, autant que poète: idées ou sentiments n'ont pour lui de valeur que revêtus d'une forme somptueuse. Il a contribué à la déformation de l'idéal classique43. C'est 'un Ronsard qui aurait lu Voltaire, Montesquieu, Buffon.'
Footnote 42: (return)Revue des Deux Mondes, 15 mars 1898. Classique ou Romantique? (non signé).
Footnote 43: (return)Manuel de l'histoire de la littérature française, par F. Brunetière, Paris, Delagrave, 1898 (pp. 367-72, 375-9).
On a vu comme avait été successive et échelonnée sur de longues années la révélation de l'oeuvre d'André Chénier. En 1874 seulement avait paru, donnée par le détenteur des manuscrits, l'édition qu'on pouvait croire complète et définitive. Mais l'on sait aussi combien cette oeuvre laissée en portefeuille était demeurée fragmentaire.
Or, l'éditeur de 1874 n'avait pas publié tous les fragments. Sa veuve, qui était restée en possession des manuscrits, les légua à sa mort à la Bibliothèque Nationale avec cette clause qu'on ne pourrait les consulter qu'en 1899. Cette date venue, M. Abel Lefranc exhuma ces reliques. Ce furent d'abord des fragments d'une Histoire générale des Littératures rêvée par A. Chénier44, puis une oeuvre politique et sociale, intitulée Apologie45, enfin des Notes philologiques et littéraires sur la littérature chinoise, des fragments sur l'histoire du christianisme, des projets et plans de poésies et des 'quadri46.'
Footnote 44: (return)Revue de Paris, 19 octobre, 1er novembre 1899. OEUVRES INÉDITES D'ANDRÉ CHÉNIER.
SUR LA PERFECTION DES ARTS, publié avec un avant-propos, par M. Abel Lefranc.
Footnote 45: (return)Revue bleue (Revue politique et littéraire), 5 mai 1900. APOLOGIE; UNE OEUVRE INÉDITE D'ANDRÉ CHÉNIER, publiée par M.A. Lefranc.
Footnote 46: (return)Revue d'Histoire littéraire de la France, avril-juin 1901. FRAGMENTS INÉDITS D'A. CHÉNIER, publ. par A. Lefranc.
En 1902 M. Paul Glachant47 donnait une très ample bibliographie d'André Chénier où nous avons puisé largement. La même année M. Faguet48 revenait à André Chénier dans une charmante biographie littéraire. Il distingue assez subtilement les trois ou même quatre manières (simultanées plutôt que successives) du poète: la première exquise et qui est restée pour tout le monde la caractéristique même du génie d'André Chénier, où il réalise le rêve de tous les humanistes français depuis Ronsard: se faire une âme antique, penser, sentir, être ému et voir même comme un ancien, manière concise où il semble qu'il ait voulu lutter de précision énergique avec les bas-reliefs antiques, où, d'un mot choisi, court et juste, il suggère un infini de tristesse, de mélancolie, de rêverie souriante ou de volupté, manière que, du reste, il n'abandonna jamais. La deuxième manière, celle des élégies, qui n'a plus la sobriété, la finesse, la ligne précise, l'arrêt net des poèmes antiques, mais abandonnée, sans diffusion, oratoire, sans déclamation, manière qui va d'une ardeur lascive qui rappelle Catulle à une mélancolie profonde et tendre qui à la fois rappelle La Fontaine et annonce Lamartine, non sans quelque contagion de ce goût faux ou de ce goût fade qui était celui du temps où il vivait. Enfin après le Chénier-Ronsard, le Chénier-Tibulle, voici le Chénier-Lucrèce avec l'Hermès et surtout le Chénier personnel, lyrique, qu'annonce le morceau Oh nécessité dure et qui s'affirme dans l'Ode à Versailles et les vers légers et aériens, aux sonorités chantantes, au rythme de vol d'oiseau, des pièces à Fanny, et dans les Ïambes. M. Faguet met en dehors les morceaux comme le Jeu de Paume et peut-être aussi l'Hymne de Châteauvieux et A Charlotte Corday, guindés et pompeux, dignes de Lefranc de Pompignan, de Lebrun et de Marie-Joseph Chénier, et qui n'appartiennent à aucune de ses manières.
Footnote 47: (return)André Chénier critique et critiqué, par Paul Glachant, Paris, A. Lemerre, 1902.
Footnote 48: (return)André Chénier, par E. Faguet, Paris, Hachette, 1902 (Les grands écrivains français).
Nous voici en 1905.
José-Maria de Hérédia, qui est mort avant d'avoir pu réaliser son projet d'une édition des Bucoliques, en avait écrit la préface, qui parut dans la Revue des Deux Mondes49. Selon lui les Élégies, les Poèmes, l'Hermès, sont l'oeuvre du plus grand des poètes du XVIIIe siècle; les Hymnes, les Odes, les Ïambes, du seul grand poète de la Révolution, et les Bucoliques d'un grand poète de tous les âges. André Chénier renouvelle dans la poésie française le sentiment de la nature que le seul La Fontaine n'avait pas entièrement méconnu. Il voit, il sent la beauté multiple des choses, il en écoute la musique et les traduit en des vers d'une harmonie et d'une couleur jusqu'alors ignorées. Son génie est essentiellement objectif et dramatique. Le paysage, quelque sommaire qu'il soit, participe à l'action. Sa vision première est toute plastique. Il se plaît aux brusques débuts, et cette allure soudaine, qui précipite en plein drame, prête aux gestes, aux paroles et aux sentiments qu'ils expriment toute la force, le charme saisissant de la vie. Hérédia admire la souplesse du vers d'André Chénier dans les quarante-quatre vers du combat des Lapithes et des Centaures de L'Aveugle. Le vers y va par bonds, heurts, chocs et soubresauts. Il s'arrête, il reprend brusquement. Et, par son allure haletante, saccadée, en une suite de traits où sont accumulés et variés les artifices du plus admirable métier, il fait percevoir du même coup à l'oeil, à l'oreille et à l'esprit tout le désordre furieux de cette héroïque mêlée. Hérédia note encore les ellipses violentes, les latinismes hardis, les souples inversions, les dérèglements de syntaxe où le libre génie de Chénier s'irrite et se joue.
Footnote 49: (return)Revue des Deux Mondes, 1er novembre 1905. Le manuscrit des Bucoliques, par José Maria de Hérédia.
Nous voici au terme de notre enquête. Après les multiples contradictions parmi lesquelles elle nous a promené, elle nous a ramené à notre point de départ. Pour Hérédia, comme pour les critiques de 1819, c'est surtout le poète des bucoliques ou idylles qui est original. Pour lui, comme pour eux, la langue et la versification sont très caractéristiques. Seulement là où ils se récriaient, traitant André Chénier de barbare, lui, il admire. C'est donc que là encore André Chénier était original et d'une originalité tellement hardie qu'il a fallu tout ce long temps et toutes les audaces du romantisme pour nous y accoutumer.
JULES DEROCQUIGNY.
LILLE, mars 1907.
L'éditeur reconnaît avec gratitude sa grande obligation, pour beaucoup de notes, à l'édition critique de Becq de Fouquières; pour la seconde partie de l'introduction et la bibliographie, au livre de M. Paul Glachant, André Chénier critique et critiqué.
TABLE DES MATIÈRES
GENERAL PREFACE
INTRODUCTION
BIBLIOGRAPHIE
BUCOLIQUES. IDYLLES ET FRAGMENTS D'IDYLLES.
VII. SUR UN GROUPE DE JUPITER ET D'EUROPE.
XXII. BLANCHE ET DOUCE COLOMBE
XXIV. DE NUIT, LA NYMPHE ERRANTE
XXVII. MES CHANTS SAVENT TOUT PEINDRE
XXVIII. LE LYS EST LE PLUS BEAU
XXX. AH! PRENDS UN COEUR HUMAIN
XXXII. TOUJOURS CE SOUVENIR M'ATTENDRIT
I. JEUNE FILLE, TON COEUR AVEC NOUS
VII. L'ART, DES TRANSPORTS DE L'ÂME
XVIII. TOUT HOMME A SES DOULEURS
I. A LE BRUN ET AU MARQUIS DE BRAZAIS
II
III
III. L'AMÉRIQUE. I. LE POÈTE DIVIN
II. SALUT, Ô BELLE NUIT
IV. L'ART D'AIMER. I. AH! TREMBLE
II. QUE SERT DES TOURS
III. AUX BORDS OÙ
III. LE RAT DE VILLE ET LE RAT DES CHAMPS
'Dieu dont l'arc est d'argent, dieu de Claros, écoute;
O Sminthée-Apollon, je périrai sans doute,
Si tu ne sers de guide à cet aveugle errant.'
C'est ainsi qu'achevait l'aveugle en soupirant,
5Et près des bois marchait, faible, et sur une pierre
S'asseyait. Trois pasteurs, enfants de cette terre,
Le suivaient, accourus aux abois turbulents
Des molosses, gardiens de leurs troupeaux bêlants.
Ils avaient, retenant leur fureur indiscrète,
10Protégé du vieillard la faiblesse inquiète;
Ils l'écoutaient de loin, et s'approchant de lui:
Quel est ce vieillard blanc, aveugle et sans appui?
Serait-ce un habitant de l'empire céleste?
Ses traits sont grands et fiers; de sa ceinture agreste
15Pend une lyre informe; et les sons de sa voix
Émeuvent l'air et l'onde, et le ciel et les bois.'
Mais il entend leurs pas, prête l'oreille, espère,
Se trouble, et tend déjà les mains à la prière.
'Ne crains point, disent-ils, malheureux étranger,
20Si plutôt, sous un corps terrestre et passager,
Tu n'es point quelque dieu protecteur de la Grèce,
Tant une grâce auguste ennoblit ta vieillesse!
Si tu n'es qu'un mortel, vieillard infortuné,
Les humains près de qui les flots t'ont amené
25Aux mortels malheureux n'apportent point d'injures.
Les destins n'ont jamais de faveurs qui soient pures.
Ta voix noble et touchante est un bienfait des dieux;
Mais aux clartés du jour ils ont fermé tes yeux.
—Enfants, car votre voix est enfantine et tendre,
30Vos discours sont prudents plus qu'on n'eût dû l'attendre;
Mais, toujours soupçonneux, l'indigent étranger
Croit qu'on rit de ses maux et qu'on veut l'outrager.
Ne me comparez point à la troupe immortelle:
Ces rides, ces cheveux, cette nuit éternelle,
35Voyez, est-ce le front d'un habitant des cieux?
Je ne suis qu'un mortel, un des plus malheureux!
Si vous en savez un, pauvre, errant, misérable,
C'est à celui-là seul que je suis comparable;
Et pourtant je n'ai point, comme fit Thamyris,
40Des chansons à Phoebus voulu ravir le prix;
Ni, livré comme Œdipe à la noire Euménide,
Je n'ai puni sur moi l'inceste parricide;
Mais les dieux tout-puissants gardaient à mon déclin
Les ténèbres, l'exil, l'indigence et la faim.
45—Prends, et puisse bientôt changer ta destinée!'
Disent-ils. Et tirant ce que, pour leur journée,
Tient la peau d'une chèvre aux crins noirs et luisants,
Ils versent à l'envi, sur ses genoux pesants,
Le pain de pur froment, les olives huileuses,
50Le fromage et l'amande et les figues mielleuses;
Et du pain à son chien entre ses pieds gisant,
Tout hors d'haleine encore, humide et languissant,
Qui, malgré les rameurs, se lançant à la nage,
L'avait loin du vaisseau rejoint sur le rivage.
55'Le sort, dit le vieillard, n'est pas toujours de fer;
Je vous salue, enfants venus de Jupiter;
Heureux sont les parents qui tels vous firent naître!
Mais venez, que mes mains cherchent à vous connaître;
Je crois avoir des yeux. Vous êtes beaux tous trois.
60Vos visages sont doux, car douce est votre voix.
Qu'aimable est la vertu que la grâce environne!
Croissez, comme j'ai vu ce palmier de Latone,
Alors qu'ayant des yeux je traversai les flots;
Car jadis, abordant à la sainte Délos,
65Je vis près d'Apollon, à son autel de pierre,
Un palmier, don du ciel, merveille de la terre.
Vous croîtrez, comme lui, grands, féconds, révérés,
Puisque les malheureux sont par vous honorés.
Le plus âgé de vous aura vu treize années:
70A peine, mes enfants, vos mères étaient nées,
Que j'étais presque vieux. Assieds-toi près de moi,
Toi, le plus grand de tous; je me confie à toi.
Prends soin du vieil aveugle.—O sage magnanime!
Comment, et d'où viens-tu? car l'onde maritime
75Mugit de toutes parts sur nos bords orageux.
—Des marchands de Cymé m'avaient pris avec eux.
J'allais voir, m'éloignant des rives de Carie,
Si la Grèce pour moi n'aurait point de patrie,
Et des dieux moins jaloux, et de moins tristes jours;
80Car jusques à la mort nous espérons toujours.
Mais pauvre et n'ayant rien pour payer mon passage,
Ils m'ont, je ne sais où, jeté sur le rivage.
—Harmonieux vieillard, tu n'as donc point chanté?
Quelques sons de ta voix auraient tout acheté.
85—Enfants! du rossignol la voix pure et légère
N'a jamais apaisé le vautour sanguinaire;
Et les riches, grossiers, avares, insolents,
N'ont pas une âme ouverte à sentir les talents.
Guidé par ce bâton, sur l'arène glissante,
90Seul, en silence, au bord de l'onde mugissante,
J'allais, et j'écoutais le bêlement lointain
De troupeaux agitant leurs sonnettes d'airain.
Puis j'ai pris cette lyre, et les cordes mobiles
Ont encor résonné sous mes vieux doigts débiles
95Je voulais des grands dieux implorer la bonté,
Et surtout Jupiter, dieu d'hospitalité,
Lorsque d'énormes chiens à la voix formidable
Sont venus m'assaillir; et j'étais misérable,
Si vous (car c'était vous), avant qu'ils m'eussent pris,
100N'eussiez armé pour moi les pierres et les cris. 100
—Mon père, il est donc vrai: tout est devenu pire,
Car jadis, aux accents d'une éloquente lyre,
Les tigres et les loups, vaincus, humiliés,
D'un chanteur comme toi vinrent baiser les pieds.
105—Les barbares! J'étais assis près de la poupe.
"Aveugle vagabond, dit l'insolente troupe,
Chante, si ton esprit n'est point comme tes yeux,
Amuse notre ennui; tu rendras grâce aux dieux."
J'ai fait taire mon coeur qui voulait les confondre:
110Ma bouche ne s'est point ouverte à leur répondre;
Ils n'ont pas entendu ma voix, et sous ma main
J'ai retenu le dieu courroucé dans mon sein.
Cymé, puisque tes fils dédaignent Mnémosyne,
Puisqu'ils ont fait outrage à la muse divine,
115Que leur vie et leur mort s'éteignent dans l'oubli,
Que ton nom dans la nuit demeure enseveli!
—Viens, suis-nous à la ville; elle est toute voisine,
Et chérit les amis de la muse divine.
Un siège aux clous d'argent te place à nos festins;
120Et là les mets choisis, le miel et les bons vins,
Sous la colonne où pend une lyre d'ivoire,
Te feront de tes maux oublier la mémoire.
Et si, dans le chemin, rapsode ingénieux,
Ta veux nous accorder tes chants dignes des cieux,
125Nous dirons qu'Apollon, pour charmer les oreilles,
T'a lui-même dicté de si douces merveilles.
—Oui, je le veux; marchons. Mais où m'entraînez-vous?
Enfants du vieil aveugle, en quel lieu sommes-nous?
—Syros est l'île heureuse où nous vivons, mon père.
130—Salut, belle Syros, deux fois hospitalière!
Car sur ses bords heureux je suis déjà venu:
Amis, je la connais. Vos pères m'ont connu.
Ils croissaient comme vous; mes yeux s'ouvraient encore
Au soleil, au printemps, aux roses de l'aurore;
135J'étais jeune et vaillant. Aux danses des guerriers,
A la course, aux combats, j'ai paru des premiers.
J'ai vu Corinthe, Argos, et Crète et les cent villes,
Et du fleuve Egyptus les rivages fertiles;
Mais la terre et la mer, et l'âge et les malheurs,
140Ont épuisé ce corps fatigué de douleurs.
La voix me reste. Ainsi la cigale innocente,
Sur un arbuste assise, et se console et chante.
Commençons par les dieux: "Souverain Jupiter,
Soleil qui vois, entends, connais tout, et toi, mer,
145Fleuves, terre, et noirs dieux des vengeances trop lentes,
Salut! Venez à moi, de l'Olympe habitantes,
Muses! vous savez tout, vous, déesses, et nous,
Mortels, ne savons rien qui ne vienne de vous."'
Il poursuit; et déjà les antiques ombrages
150Mollement en cadence inclinaient leurs feuillages;
Et pâtres oubliant leur troupeau délaissé,
Et voyageurs quittant leur chemin commencé,
Couraient. Il les entend près de son jeune guide,
L'un sur l'autre pressés, tendre une oreille avide;
155Et nymphes et sylvains sortaient pour l'admirer,
Et l'écoutaient en foule, et n'osaient respirer,
Car en de longs détours de chansons vagabondes
Il enchaînait de tout les semences fécondes,
Les principes du feu, les eaux, la terre et l'air,
160Les fleuves descendus du sein de Jupiter,
Les oracles, les arts, les cités fraternelles,
Et depuis le chaos les amours immortelles;
D'abord le roi divin, et l'Olympe, et les cieux,
Et le monde ébranlé d'un signe de ses yeux,
165Et les dieux partagés en une immense guerre,
Et le sang plus qu'humain venant rougir la terre,
Et les rois assemblés, et sous les pieds guerriers
Une nuit de poussière, et les chars meurtriers,
Et les héros armés, brillant dans les campagnes
170Comme un vaste incendie aux cimes des montagnes,
Les coursiers hérissant leur crinière à longs flots,
Et d'une voix humaine excitant les héros;
De là, portant ses pas dans les paisibles villes,
Les lois, les orateurs, les récoltes fertiles;
175Mais bientôt de soldats les remparts entourés,
Les victimes tombant dans les parvis sacrés,
Et les assauts mortels aux épouses plaintives,
Et les mères en deuil, et les filles captives;
Puis aussi les moissons joyeuses, les troupeaux
180Bêlants ou mugissants, les rustiques pipeaux,
Les chansons, les festins, les vendanges bruyantes,
Et la flûte et la lyre, et les noces dansantes.
Puis, déchaînant les vents à soulever les mers,
Il perdait les rochers sur les gouffres amers;
185De là, dans le sein frais d'une roche azurée,
En foule il appelait les filles de Nérée,
Qui, bientôt à ses cris s'élevant sur les eaux,
Aux rivages troyens parcouraient les vaisseaux.
Puis il ouvrait du Styx la rive criminelle,
190Et puis les demi-dieux et les champs d'asphodèle,
Et la foule des morts: vieillards seuls et souffrants,
Jeunes gens emportés aux yeux de leurs parents,
Enfants dont au berceau la vie est terminée,
Vierges dont le trépas suspendit l'hyménée.
195Mais, ô bois, ô ruisseaux, ô monts, ô durs cailloux!
Quels doux frémissements vous agitèrent tous,
Quand bientôt à Lemnos, sur l'enclume divine,
Il forgeait cette trame irrésistible et fine
Autant que d'Arachné les pièges inconnus,
200Et dans ce fer mobile emprisonnait Vénus,
Et quand il revêtait d'une pierre soudaine
La fière Niobé, cette mère thébaine;
Et quand il répétait en accents de douleur
De la triste Aédon l'imprudence et les pleurs,
205Qui d'un fils méconnu marâtre involontaire,
Vola, doux rossignol, sous le bois solitaire!
Ensuite, avec le vin, il versait aux héros
Le puissant népenthès, oubli de tous les maux;
Il cueillait le moly, fleur qui rend l'homme sage;
210Du paisible lotos il mêlait le breuvage:
Les mortels oubliaient, à ce philtre charmés,
Et la douce patrie et les parents aimés.
Enfin l'Ossa, l'Olympe et les bois du Pénée
Voyaient ensanglanter les banquets d'hyménée,
215Quand Thésée, au milieu de la joie et du vin,
La nuit où son ami reçut à son festin
Le peuple monstrueux des enfants de la nue,
Fut contraint d'arracher l'épouse demi-nue
Au bras ivre et nerveux du sauvage Eurytus.
220Soudain, le glaive en main, l'ardent Pirithoüs:
'Attends; il faut ici que mon affront s'expie,
Traître!' Mais avant lui, sur le centaure impie
Dryas a fait tomber, avec tous ses rameaux,
Un long arbre de fer hérissé de flambeaux.
225L'insolent quadrupède en vain s'écrie; il tombe,
Et son pied bat le sol qui doit être sa tombe.
Sous l'effort de Nessus, la table du repas
Roule, écrase Cymèle, Évagre, Périphas.
Pirithoüs égorge Antimaque et Pétrée,
230Et Cyllare aux pieds blancs, et le noir Macarée,
Qui de trois fiers lions, dépouillés par sa main,
Couvrait ses quatre flancs, armait son double sein.
Courbé, levant un roc choisi pour leur vengeance,
Tout à coup, sous l'airain d'un vase antique, immense,
235L'imprudent Bianor, par Hercule surpris,
Sent de sa tête énorme éclater les débris.
Hercule et la massue entassent en trophée
Clanis, Démoléon, Lycotas, et Riphée
Qui portait sur ses crins, de taches colorés,
240L'héréditaire éclat des nuages dorés.
Mais d'un double combat Eurynome est avide,
Car ses pieds, agités en un cercle rapide,
Battent à coups pressés l'armure de Nestor;
Le quadrupède Hélops fuit; l'agile Crantor,
245Le bras levé, l'atteint; Eurynome l'arrête;
D'un érable noueux il va fendre sa tête,
Lorsque le fils d'Égée, invincible, sanglant,
L'aperçoit, à l'autel prend un chêne brûlant,
Sur sa croupe indomptée, avec un cri terrible,
250S'élance, va saisir sa chevelure horrible,
L'entraîne, et, quand sa bouche, ouverte avec effort,
Crie, il y plonge ensemble et la flamme et la mort.
L'autel est dépouillé. Tous vont s'armer de flamme,
Et le bois porte au loin des hurlements de femme,
255L'ongle frappant la terre, et les guerriers meurtris,
Et les vases brisés, et l'injure, et les cris.
Ainsi le grand vieillard, en images hardies,
Déployait le tissu des saintes mélodies.
Les trois enfants émus, à son auguste aspect,
260Admiraient, d'un regard de joie et de respect,
De sa bouche abonder les paroles divines,
Comme en hiver la neige aux sommets des collines.
Et, partout accourus, dansant sur son chemin,
Hommes, femmes, enfants, les rameaux à la main,
265Et vierges et guerriers, jeunes fleurs de la ville,
Chantaient: 'Viens dans nos murs, viens habiter notre île;
Viens, prophète éloquent, aveugle harmonieux,
Convive du nectar, disciple aimé des dieux;
Des jeux, tous les cinq ans, rendront saint et prospère
270Le jour où nous avons reçu le grand HOMÈRE.'
C'était quand le printemps a reverdi les prés.
La fille de Lycus, vierge aux cheveux dorés,
Sous les monts Achéens, non loin de Cérynée,
. . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . .
Errait à l'ombre, aux bords du faible et pur Crathis,
5Car les eaux du Crathis, sous des berceaux de frêne,
Entouraient de Lycus le fertile domaine.
. . . . . . . . . . Soudain, à l'autre bord,
Du fond d'un bois épais, un noir fantôme sort,
Tout pâle, demi-nu, la barbe hérissée:
10Il remuait à peine une lèvre glacée,
Des hommes et des dieux implorait le secours,
Et dans la forêt sombre errait depuis deux jours;
Il se traîne, il n'attend qu'une mort douloureuse;
Il succombe. L'enfant, interdite et peureuse,
15A ce hideux aspect sorti du fond des bois,
Veut fuir; mais elle entend sa lamentable voix.
Il tend les bras, il tombe à genoux; il lui crie
Qu'au nom de tous les dieux il la conjure, il prie,
Et qu'il n'est point à craindre, et qu'une ardente faim
20L'aiguillonne et le tue, et qu'il expire enfin.
'Si, comme je le crois, belle dès ton enfance,
C'est le dieu de ces eaux qui t'a donné naissance,
Nymphe, souvent les voeux des malheureux humains
Ouvrent des immortels les bienfaisantes mains,
25Ou si c'est quelque front porteur d'une couronne25
Qui te nomme sa fille et te destine au trône,
Souviens-toi, jeune enfant, que le ciel quelquefois
Venge les opprimés sur la tête des rois.
Belle vierge, sans doute enfant d'une déesse,
30Crains de laisser périr l'étranger en détresse:
L'étranger qui supplie est envoyé des dieux.'
Elle reste. A le voir, elle enhardit ses yeux,
. . . . . . . . et d'une voix encore
Tremblante: 'Ami, le ciel écoute qui l'implore.
35Mais ce soir, quand la nuit descend sur l'horizon,
Passe le pont mobile, entre dans la maison;
J'aurai soin qu'on te laisse entrer sans méfiance.
Pour la douzième fois célébrant ma naissance,
Mon père doit donner une fête aujourd'hui.
40Il m'aime, il n'a que moi: viens t'adresser à lui,
C'est le riche Lycus. Viens ce soir; il est tendre,
Il est humain: il pleure aux pleurs qu'il voit répandre.'
Elle achève ces mots, et, le coeur palpitant,
S'enfuit; car l'étranger sur elle, en l'écoutant,
45Fixait de ses yeux creux l'attention avide.
Elle rentre, cherchant dans le palais splendide
L'esclave près de qui toujours ses jeunes ans
Trouvent un doux accueil et des soins complaisants.
Cette sage affranchie avait nourri sa mère;
50Maintenant sous des lois de vigilance austère,
Elle et son vieil époux, au devoir rigoureux,
Rangent des serviteurs le cortège nombreux.
Elle la voit de loin dans le fond du portique,
Court, et, posant ses mains sur ce visage antique:
55'Indulgente nourrice, écoute: il faut de toi
Que j'obtienne un grand bien. Ma mère, écoute-moi;
Un pauvre, un étranger, dans la misère extrême,
Gémit sur l'autre bord, mourant, affamé, blême...
Ne me décèle point. De mon père aujourd'hui
60J'ai promis qu'il pourrait solliciter l'appui.
Fais qu'il entre: et surtout, ô mère de ma mère!
Garde que nul mortel a'insulte à sa misère.
—Oui, ma fille; chacun fera ce que tu veux,
Dit l'esclave en baisant son front et ses cheveux;
65Oui, qu'à ton protégé ta fête soit ouverte,
Ta mère, mon élève (inestimable perte!),
Aimait à soulager les faibles abattus;
Tu lui ressembleras autant par tes vertus
Que par tes yeux si doux et tes grâces naïves,'
70Mais cependant la nuit assemble les convives:
En habits somptueux, d'essences parfumés,
Ils entrent. Aux lambris d'ivoire et d'or formés
Pend le lin d'Ionie en brillantes courtines;
Le toit s'égaye et rit de mille odeurs divines.
75La table au loin circule, et d'apprêts savoureux
Se charge. L'encens vole en longs flots vaporeux:
Sur leurs bases d'argent, des formes animées
Élèvent dans leurs mains des torches enflammées;
Les figures, l'onyx, le cristal, les métaux
80En vases hérissés d'hommes ou d'animaux,
Partout, sur les buffets, sur la table, étincellent;
Plus d'une lyre est prête; et partout s'amoncellent
Et les rameaux de myrte et les bouquets de fleurs.
On s'étend sur les lits teints de mille couleurs;
85Près de Lycus, sa fille, idole de la fête,
Est admise. La rose a couronné sa tête.
Mais, pour que la décence impose un juste frein,
Lui-même est par eux tous élu roi du festin.
Et déjà vins, chansons, joie, entretiens sans nombre,
90Lorsque, la double porte ouverte, un spectre sombre
Entre, cherchant des yeux l'autel hospitalier.
La jeune enfant rougit. Il court vers le foyer,
Il embrasse l'autel, s'assied parmi la cendre;
Et tous, l'oeil étonné, se taisent pour l'entendre.
95'Lycus, fils d'Évémon, que les dieux et le temps
N'osent jamais troubler tes destins éclatants!
Ta pourpre, tes trésors, ton front noble et tranquille,
Semblent d'un roi puissant, l'idole de sa ville.
A ton riche banquet un peuple convié
100T'honore comme un dieu de l'Olympe envoyé.
Regarde un étranger qui meurt dans la poussière,
Si tu ne tends vers lui la main hospitalière.
Inconnu, j'ai franchi le seuil de ton palais:
Trop de pudeur peut nuire à qui vit de bienfaits.
105Lycus, par Jupiter, par ta fille innocente
Qui m'a seule indiqué ta porte bienfaisante!...
Je fus riche autrefois: mon banquet opulent
N'a jamais repoussé l'étranger suppliant.
Et pourtant aujourd'hui la faim est mon partage,
110La faim qui flétrit l'âme autant que le visage,
Par qui l'homme souvent, importun, odieux,
Est contraint de rougir et de baisser les yeux!
—Étranger, tu dis vrai, le hasard téméraire
Des bons ou des méchants fait le destin prospère.
115Mais sois mon hôte. Ici l'on hait plus que l'enfer
Le public ennemi, le riche au coeur de fer,
Enfant de Némésis, dont le dédain barbare
Aux besoins des mortels ferme son coeur avare.
Je rends grâce à l'enfant qui t'a conduit ici.
120Ma fille, c'est bien fait; poursuis toujours ainsi.
Respecter l'indigence est un devoir suprême.
Souvent les immortels (et Jupiter lui-même)
Sous des haillons poudreux, de seuil en seuil traînés,
Viennent tenter le coeur des humains fortunés.'
125D'accueil et de faveur un murmure s'élève.
Lycus descend, accourt, tend la main, le relève:
'Salut, père étranger; et que puissent tes voeux
Trouver le ciel propice à tout ce que tu veux!
Mon hôte, lève-toi. Tu parais noble et sage;
130Mais cesse avec ta main de cacher ton visage.
Souvent marchent ensemble indigence et vertu,
Souvent d'un vil manteau le sage revêtu,
Seul, vit avec les dieux et brave un sort inique.
Couvert de chauds tissus, à l'ombre du portique,
135Sur de molles toisons, en un calme sommeil,
Tu peux ici, dans l'ombre, attendre le soleil.
Je te ferai revoir tes foyers, ta patrie,
Tes parents, si les dieux ont épargné leur vie.
Car tout mortel errant nourrit un long amour
140D'aller revoir le sol qui lui donna le jour.
Mon hôte, tu franchis le seuil de ma famille
A l'heure qui jadis a vu naître ma fille.
Salut! Vois, l'on t'apporte et la table et le pain:
Sieds-toi. Tu vas d'abord rassasier ta faim.
145Puis, si nulle raison ne te force au mystère,
Tu nous diras ton nom, ta patrie et ton père!'
Il retourne à sa place après que l'indigent
S'est assis. Sur ses mains, d'une aiguière d'argent,
Par une jeune esclave une eau pure est versée.
150Une table de cèdre, où l'éponge est passée,
S'approche, et vient offrir à son avide main
Et les fumantes chairs sur le disque d'airain,
Et l'amphore vineuse, et la coupe aux deux anses.
'Mange et bois, dit Lycus; oublions les souffrances,
155Ami! leur lendemain est, dit-on, un beau jour.'
Bientôt Lycus se lève et fait emplir sa coupe,
Et veut que l'échanson verse à toute la troupe:
'Pour boire à Jupiter, qui nous daigne envoyer
L'étranger devenu l'hôte de mon foyer.'
160Le vin de main en main va coulant à la ronde;
Lycus lui-même emplit une coupe profonde,
L'envoie à l'étranger: 'Salut, mon hôte, bois.
De ta ville bientôt tu reverras les toits,
Fussent-ils par-delà les glaces du Caucase.'
165Des mains de l'échanson l'étranger prend le vase,
Se lève et sur eux tous il invoque les dieux.
On boit; il se rassied. Et jusque sur ses yeux
Ses noirs cheveux toujours ombrageant son visage,
De sourire et de plainte il mêle son langage:
170'Mon hôte, maintenant que sous tes nobles toits
De l'importun besoin j'ai calmé les abois,
Oserai-je à ma langue abandonner les rênes?
Je n'ai plus ni pays, ni parents, ni domaines.
Mais écoute: le vin, par toi-même versé,
175M'ouvre la bouche. Ainsi, puisque j'ai commencé,
Entends ce que peut-être il eût mieux valu taire.
Excuse enfin ma langue, excuse ma prière;
Car du vin, tu le sais, la téméraire ardeur
Souvent à l'excès même enhardit la pudeur.
180Meurtri de durs cailloux ou de sables arides,
Déchiré de buissons ou d'insectes avides,
D'un long jeûne flétri, d'un long chemin lassé
Et de plus d'un grand fleuve en nageant traversé,
Je parais énervé, sans vigueur, sans courage;
185Mais je suis né robuste et n'ai point passé l'âge.
La force et le travail, que je n'ai point perdus,
Par un peu de repos me vont être rendus.
Emploie alors mes bras à quelques soins rustiques.
Je puis dresser au char tes coursiers olympiques,
190Ou, sous les feux du jour, courbé vers le sillon,
Presser deux forts taureaux du piquant aiguillon.
Je puis même, tournant la meule nourricière,
Broyer le pur froment en farine légère.
Je puis, la serpe en main, planter et diriger
195Et le cep et la treille, espoir de ton verger.
Je tiendrai la faucille ou la faux recourbée,
Et devant mes pas l'herbe ou la moisson tombée
Viendra remplir ta grange en la belle saison;
Afin que nul mortel ne dise en ta maison,
200Me regardant d'un oeil insultant et colère:
O vorace étranger, qu'on nourrit à rien faire!
—Vénérable indigent, va, nul mortel chez moi
N'oserait élever sa langue contre toi.
Tu peux ici rester, même oisif et tranquille,
205Sans craindre qu'un affront ne trouble ton asile.
—L'indigent se méfie.—Il n'est plus de danger.
—L'homme est né pour souffrir.—Il est né pour changer.
—Il change d'infortune!—Ami, reprends courage:
Toujours un vent glacé ne souffle point l'orage.
210Le ciel d'un jour à l'autre est humide ou serein,
Et tel pleure aujourd'hui qui sourira demain.
—Mon hôte, en tes discours préside la sagesse.
Mais quoi! la confiante et paisible richesse
Parle ainsi!... L'indigent espère en vain du sort;
215En espérant toujours il arrive à la mort.
Dévoré de besoins, de projets, d'insomnie,
Il vieillit dans l'opprobre et dans l'ignominie.
Rebuté des humains durs, envieux, ingrats,
Il a recours aux dieux qui ne l'entendent pas.
220Toutefois ta richesse accueille mes misères;
Et puisque ton coeur s'ouvre à la voix des prières.
Puisqu'il sait, ménageant le faible humilié,
D'indulgence et d'égards tempérer la pitié,
S'il est des dieux du pauvre, ô Lycus! que ta vie
225Soit un objet pour tous et d'amour et d'envie!
—Je te le dis encore: espérons, étranger.
Que mon exemple au moins serve à t'encourager
Des changements du sort j'ai fait l'expérience.
Toujours un même éclat n'a point à l'indigence
230Fait du riche Lycus envier le destin.
J'ai moi-même été pauvre et j'ai tendu la main.
Cléotas de Larisse, en ses jardins immenses,
Offrit à mon travail de justes récompenses.
"Jeune ami, j'ai trouvé quelques vertus en toi;
235Va, sois heureux, dit-il, et te souviens de moi."
Oui, oui, je m'en souviens: Cléotas fut mon père;
Tu vois le fruit des dons de sa bonté prospère.
A tous les malheureux je rendrai désormais
Ce que dans mon malheur je dus à ses bienfaits.
240Dieux, l'homme bienfaisant est votre cher ouvrage;
Vous n'avez point ici d'autre visible image;
Il porte votre empreinte, il sortit de vos mains
Pour vous représenter aux regards des humains.
Veillez sur Cléotas! Qu'une fleur éternelle,
245Fille d'une âme pure, en ses traits étincelle;
Que nombre de bienfaits, ce sont là ses amours,
Fassent une couronne à chacun de ses jours;
Et quand une mort douce et d'amis entourée
Recevra sans douleur sa vieillesse sacrée,
250Qu'il laisse avec ses biens ses vertus pour appui
A des fils, s'il se peut, encor meilleurs que lui.
—Hôte des malheureux, le sort inexorable
Ne prend point les avis de l'homme secourable.
Tous, par sa main de fer en aveugles poussés,
255Nous vivons; et tes voeux ne sont point exaucés.
Cléotas est perdu; son injuste patrie
L'a privé de ses biens; elle a proscrit sa vie.
De ses concitoyens dès longtemps envié,
De ses nombreux amis en un jour oublié,
260Au lieu de ces tapis qu'avait tissus l'Euphrate,
Au lieu de ces festins brillants d'or et d'agate
Où ses hôtes, parmi les chants harmonieux,
Savouraient jusqu'au jour les vins délicieux,
Seul maintenant, sa faim, visitant les feuillages,
265Dépouille les buissons de quelques fruits sauvages;
Ou, chez le riche altier apportant ses douleurs,
Il mange un pain amer tout trempé de ses pleurs.
Errant et fugitif, de ses beaux jours de gloire
Gardant, pour son malheur, la pénible mémoire,
270Sous les feux du midi, sous le froid des hivers,
Seul, d'exil en exil, de déserts en déserts,
Pauvre et semblable à moi, languissant et débile,
Sans appui qu'un bâton, sans foyer, sans asile,
Revêtu de ramée ou de quelques lambeaux,
275Et sans que nul mortel attendri sur ses maux
D'un souhait de bonheur le flatte et l'encourage;
Les torrents et la mer, l'aquilon et l'orage,
Les corbeaux, et des loups les tristes hurlements
Répondant seuls la nuit à ses gémissements;
280N'ayant d'autres amis que les bois solitaires,
D'autres consolateurs que ses larmes amères,
Il se traîne; et souvent sur la pierre il s'endort
A la porte d'un temple, en invoquant la mort.
—Que m'as-tu dit? La foudre a tombé sur ma tête.
285Dieux! ah! grands dieux! partons. Plus de jeux, plus de fête!
Partons. Il faut vers lui trouver des chemins sûrs;
Partons. Jamais sans lui je ne revois ces murs.
Ah! dieux! quand dans le vin, les festins, l'abondance,
Enivré des vapeurs d'une folle opulence,
290Celui qui lui doit tout chante, et s'oublie, et rit,
Lui peut-être il expire, affamé, nu, proscrit,
Maudissant, comme ingrat, son vieil ami qui l'aime.
Parle: était-ce bien lui? le connais-tu toi-même?
En quels lieux était-il? où portait-il ses pas?
295Il sait où vit Lycus, pourquoi ne vient-il pas?
Parle: était-ce bien lui? parle, parle, te dis-je;
Où l'as-tu vu?—Mon hôte, à regret je t'afflige.
C'était lui, je l'ai vu ........................
.........................Les douleurs de son âme
300Avaient changé ses traits. Ses deux fils et sa femme
A Delphes, confiés au ministre du dieu,
Vivaient de quelques dons offerts dans le saint lieu.
Par des sentiers secrets fuyant l'aspect des villes,
On les avait suivis jusques aux Thermopyles.
305Il en gardait encore un douloureux effroi.5
Je le connais; je fus son ami comme toi.
D'un même sort jaloux une même injustice
Nous a tous deux plongés au même précipice.
Il me donna jadis (ce bien seul m'est resté)
310Sa marque d'alliance et d'hospitalité.
Vois si tu la connais.' De surprise immobile,
Lycus a reconnu son propre sceau d'argile;
Ce sceau, don mutuel d'immortelle amitié,
Jadis à Cléotas par lui-même envoyé.
315Il ouvre un oeil avide, et longtemps envisage
L'étranger. Puis enfin sa voix trouve un passage.
'Est-ce toi, Cléotas? toi qu'ainsi je revoi?
Tout ici t'appartient. O mon père! est-ce toi?
Je rougis que mes yeux aient pu te méconnaître.
320Cléotas! ô mon père! ô toi qui fus mon maître,
Viens; je n'ai fait ici que garder ton trésor,
Et ton ancien Lycus veut te servir encor;
J'ai honte à ma fortune en regardant la tienne.'
Et, dépouillant soudain la pourpre tyrienne
325Que tient sur son épaule une agrafe d'argent,
Il l'attache lui-même à l'auguste indigent.
Les convives levés l'entourent; l'allégresse
Rayonne en tous les yeux. La famille s'empresse;
On cherche des habits, on réchauffe le bain.
330La jeune enfant approche; il rit, lui tend la main:
'Car c'est toi, lui dit-il, c'est toi qui, la première,
Ma fille, m'as ouvert la porte hospitalière.'
UN CHEVRIER, UN BERGER
LE CHEVRIER
Berger, quel es-tu donc? qui t'agite? et quels dieux
De noirs cheveux épars enveloppent tes yeux?
LE BERGER
Blond pasteur de chevreaux, oui, tu veux me l'apprendre:
Oui, ton front est plus beau, ton regard est plus tendre.
LE CHEVRIER
Quoi! tu sors de ces monts où tu n'as vu que toi,
Et qu'on n'approche point sans peine et sans effroi?
LE BERGER
Tu te plais mieux sans doute au bois, à la prairie;
Tu le peux. Assieds-toi parmi l'herbe fleurie:
Moi, sous un antre aride, en cet affreux séjour,
10Je me plais sur le roc à voir passer le jour.
LE CHEVRIER
Mais Cérès a maudit cette terre âpre et dure;
Un noir torrent pierreux y roule une onde impure;
Tous ces rocs, calcinés sous un soleil rongeur,
Brûlent et font hâter les pas du voyageur.
15Point de fleurs, point de fruits, nul ombrage fertile
N'y donne au rossignol un balsamique asile.
Quelque olivier au loin, maigre fécondité,
Y rampe et fait mieux voir leur triste nudité.
Comment as-tu donc su d'herbes accoutumées
20Nourrir dans ce désert tes brebis affamées?
LE BERGER
Que m'importe! est-ce à moi qu'appartient ce troupeau?
Je suis esclave.
LE CHEVRIER
Au moins un rustique pipeau
A-t-il chassé l'ennui de ton rocher sauvage?
Tiens, veux-tu cette flûte? Elle fut mon ouvrage.
25Prends: sur ce buis, fertile en agréables sons,
Tu pourras des oiseaux imiter les chansons.
LE BERGER
Non, garde tes présents. Les oiseaux de ténèbres,
La chouette et l'orfraie, et leurs accents funèbres,
Voilà les seuls chanteurs que je veuille écouter;
30Voilà quelles chansons je voudrais imiter.
Ta flûte sous mes pieds serait bientôt brisée:
Je hais tous vos plaisirs. Les fleurs et la rosée,
Et de vos rossignols les soupirs caressants,
Rien ne plaît à mon coeur, rien ne flatte mes sens.
Je suis esclave.
LE CHEVRIER
Hélas! que je te trouve à plaindre!
Oui, l'esclavage est dur; oui, tout mortel doit craindre
De servir, de plier sous une injuste loi,
De vivre pour autrui, de n'avoir rien à soi.
Protège-moi toujours, ô liberté chérie!
40O mère des vertus, mère de la patrie!
LE BERGER
Va, patrie et vertu ne sont que de vains noms.
Toutefois tes discours sont pour moi des affronts:
Ton prétendu bonheur et m'afflige et me brave;
Comme moi, je voudrais que tu fusses esclave.
LE CHEVRIER
Et moi, je te voudrais libre, heureux comme moi.
Mais les dieux n'ont-ils point de remède pour toi?
Il est des baumes doux, des lustrations pures
Qui peuvent de notre âme assoupir les blessures,
Et de magiques chants qui tarissent les pleurs.
LE BERGER
Il n'en est point; il n'est pour moi que des douleurs:
Mon sort est de servir, il faut qu'il s'accomplisse.
Moi, j'ai ce chien aussi qui tremble à mon service;
C'est mon esclave aussi. Mon désespoir muet
Ne peut rendre qu'à lui tous les maux qu'on me fait.
LE CHEVRIER
La terre, notre mère, et sa douce richesse,
Ne peut-elle, du moins, égayer ta tristesse?
Vois combien elle est belle! et vois l'été vermeil,
Prodigue de trésors, brillants fils du soleil,
Qui vient, fertile amant d'une heureuse culture,
60Varier du printemps l'uniforme verdure;
Vois l'abricot naissant, sous les yeux d'un beau ciel,
Arrondir son fruit doux et blond comme le miel;
Vois la pourpre des fleurs dont le pêcher se pare
Nous annoncer l'éclat des fruits qu'il nous prépare.
Au bord de ces prés verts regarde ces guérets,
65De qui les blés touffus, jaunissantes forêts,
Du joyeux moissonneur attendent la faucille.
D'agrestes déités quelle noble famille!
La Récolte et la Paix, aux yeux purs et sereins,
70Les épis sur le front, les épis dans les mains,
Qui viennent, sur les pas de la belle Espérance,
Verser la corne d'or où fleurit l'abondance.
LE BERGER
Sans doute qu'à tes yeux elles montrent leurs pas;
Moi, j'ai des yeux d'esclave, et je ne les vois pas.
75Je n'y vois qu'un sol dur, laborieux, servile,
Que j'ai, non pas pour moi, contraint d'être fertile;
Où, sous un ciel brûlant, je moissonne le grain
Qui va nourrir un autre, et me laisse ma faim.
Voilà quelle est la terre. Elle n'est point ma mère,
80Elle est pour moi marâtre; et la nature entière
Est plus nue à mes yeux, plus horrible à mon coeur
Que ce vallon de mort qui te fait tant d'horreur.
LE CHEVRIER
Le soin de tes brebis, leur voix douce et paisible,
N'ont-ils donc rien qui plaise à ton âme insensible?
85N'aimes-tu point à voir les jeux de tes agneaux?
Moi, je me plais auprès de mes jeunes chevreaux;
Je m'occupe à leurs jeux, j'aime leur voix bêlante;
Et quand sur la rosée et sur l'herbe brillante
Vers leur mère en criant je les vois accourir,
90Je bondis avec eux de joie et de plaisir.
LE BERGER
Ils sont à toi: mais moi, j'eus une autre fortune;
Ceux-ci de mes tourments sont la cause importune
Deux fois, avec ennui, promenés chaque jour,
Un maître soupçonneux nous attend au retour
95Rien ne le satisfait: ils ont trop peu de laine;
Ou bien ils sont mourants, ils se traînent à peine;
En un mot, tout est mal. Si le loup quelquefois
En saisit un, l'emporte et s'enfuit dans les bois,
C'est ma faute; il fallait braver ses dents avides.
100Je dois rendre les loups innocents et timides!
Et puis, menaces, cris, injure, emportements,
Et lâches cruautés qu'il nomme châtiments.
LE CHEVRIER
Toujours à l'innocent les dieux sont favorables:
Pourquoi fuir leur présence, appui des misérables?
105Autour de leurs autels, parés de nos festons,
Que ne viens-tu danser, offrir de simples dons,
Du chaume, quelques fleurs, et, par ces sacrifices,
Te rendre Jupiter et les nymphes propices?
LE BERGER
Non; les danses, les jeux, les plaisirs des bergers
110Sont à mon triste coeur des plaisirs étrangers.
Que parles-tu de dieux, de nymphes et d'offrandes?
Moi, je n'ai pour les dieux ni chaume ni guirlandes;
Je les crains, car j'ai vu leur foudre et leurs éclairs;
Je ne les aime pas: ils m'ont donné des fers.
LE CHEVRIER
Eh bien, que n'aimes-tu? Quelle amertume extrême
Résiste aux doux souris d'une vierge qu'on aime?
L'autre jour, à la mienne, en ce bois fortuné,
Je vins offrir le don d'un chevreau nouveau-né.
Son oeil tomba sur moi, si doux, si beau, si tendre!...
120Sa voix prit un accent!... Je crois toujours l'entendre.
LE BERGER
Eh! quel oeil virginal voudrait tomber sur moi?
Ai-je, moi, des chevreaux à donner comme toi?
Chaque jour, par ce maître inflexible et barbare,
Mes agneaux sont comptés avec un soin avare.
125Trop heureux quand il daigne à mes cris superflus
N'en pas redemander plus que je n'en reçus!
O juste Némésis! si jamais je puis être
Le plus fort à mon tour, si je puis me voir maître,
Je serai dur, méchant, intraitable, sans foi,
130Sanguinaire, cruel, comme on l'est avec moi!
LE CHEVRIER
Et moi, c'est vous qu'ici pour témoins j'en appelle,
Dieux! de mes serviteurs la cohorte fidèle
Me trouvera toujours humain, compatissant,
A leurs justes désirs facile et complaisant,
135Afin qu'ils soient heureux et qu'ils aiment leur maître
Et bénissent en paix l'instant qui les vit naître.
LE BERGER
Et moi, je le maudis, cet instant douloureux
Qui me donna le jour pour être malheureux;
Pour agir quand un autre exige, veut, ordonne;
140Pour n'avoir rien à moi, pour ne plaire à personne;
Pour endurer la faim, quand ma peine et mon deuil
Engraissent d'un tyran l'indolence et l'orgueil.
LE CHEVRIER
Berger infortuné! ta plaintive détresse
De ton coeur dans le mien fait passer la tristesse.
145Vois cette chèvre mère et ces chevreaux, tous deux
Aussi blancs que le lait qu'elle garde pour eux;
Qu'ils aillent avec toi, je te les abandonne.
Adieu, puisse du moins ce peu que je te donne
De ta triste mémoire effacer tes malheurs,
150Et, soigné par tes mains, distraire tes douleurs!
LE BERGER
Oui, donne et sois maudit; car, si j'étais plus sage,
Ces dons sont pour mon coeur d'un sinistre présage:
De mon despote avare ils choqueront les yeux.
Il ne croit pas qu'on donne; il est fourbe, envieux;
155Il dira que chez lui j'ai volé le salaire
Dont j'aurai pu payer les chevreaux et la mère;
Et, d'un si bon prétexte ardent à se servir,
C'est à moi que lui-même il viendra les ravir.
(Commencé le vendredi au soir 16, et fini le dimanche au soir, 18 mars 1787.)
'Apollon, dieu sauveur, dieu des savants mystères,
Dieu de la vie, et dieu des plantes salutaires,
Dieu vainqueur de Python, dieu jeune et triomphant,
Prends pitié de mon fils, de mon unique enfant!
5Prends pitié de sa mère aux larmes condamnée,
Qui ne vit que pour lui, qui meurt abandonnée,
Qui n'a pas dû rester pour voir mourir son fils!
Dieu jeune, viens aider sa jeunesse. Assoupis,
Assoupis dans son sein cette fièvre brûlante
10Qui dévore la fleur de sa vie innocente.
Apollon! si jamais, échappé du tombeau,
Il retourne au Ménale avoir soin du troupeau,
Ces mains, ces vieilles mains orneront ta statue
De ma coupe d'onyx à tes pieds suspendue;
15Et, chaque été nouveau, d'un jeune taureau blanc
La hache à ton autel fera couler le sang.
Eh bien, mon fils, es-tu toujours impitoyable?
Ton funeste silence est-il inexorable?
Enfant, tu veux mourir? Tu veux, dans ses vieux ans,
20Laisser ta mère seule avec ses cheveux blancs?20
Tu veux que ce soit moi qui ferme ta paupière?
Que j'unisse ta cendre à celle de ton père?
C'est toi qui me devais ces soins religieux,
Et ma tombe attendait tes pleurs et tes adieux.
25Parle, parle, mon fils! quel chagrin te consume?
Les maux qu'on dissimule en ont plus d'amertume.
Ne lèveras-tu point ces yeux appesantis?
—Ma mère, adieu; je meurs, et tu n'as plus de fils.
Non, tu n'as plus de fils, ma mère bien-aimée.
30Je te perds. Une plaie ardente, envenimée,
Me ronge; avec effort je respire, et je crois
Chaque fois respirer pour la dernière fois.
Je ne parlerai pas. Adieu; ce lit me blesse,
Ce tapis qui me couvre accable ma faiblesse;
35Tout me pèse et me lasse. Aide-moi, je me meurs.
Tourne-moi sur le flanc. Ah! j'expire! ô douleurs!
—Tiens, mon unique enfant, mon fils, prends ce breuvage;
Sa chaleur te rendra ta force et ton courage.
La mauve, le dictame ont, avec les pavots,
40Mêlé leurs sucs puissants qui donnent le repos;
Sur le vase bouillant, attendrie à mes larmes,
Une Thessalienne a composé des charmes.
Ton corps débile a vu trois retours du soleil
Sans connaître Cérès, ni tes yeux le sommeil.
45Prends, mon fils, laisse-toi fléchir à ma prière;
C'est ta mère, ta vieille inconsolable mère
Qui pleure, qui jadis te guidait pas à pas,
T'asseyait sur son sein, te portait dans ses bras,
Que tu disais aimer, qui t'apprit à le dire,
50Qui chantait, et souvent te forçait à sourire
Lorsque tes jeunes dents, par de vives douleurs,
De tes yeux enfantins faisaient couler des pleurs.
Tiens, presse de ta lèvre, hélas! pâle et glacée,
Par qui cette mamelle était jadis pressée;
55Que ce suc te nourrisse et vienne à ton secours,
Comme autrefois mon lait nourrit tes premiers jours!
—O coteaux d'Érymanthe! ô vallons! ô bocage!
O vent sonore et frais qui troublais le feuillage,
Et faisais frémir l'onde, et sur leur jeune sein
60Agitais les replis de leur robe de lin!
De légères beautés troupe agile et dansante ...
Tu sais, tu sais, ma mère? aux bords de l'Érymanthe ...
Là, ni loups ravisseurs, ni serpents, ni poisons ...
O visage divin! ô fêtes! ô chansons!
65Des pas entrelacés, des fleurs, une onde pure,
Aucun lieu n'est si beau dans toute la nature.
Dieux! ces bras et ces flancs, ces cheveux, ces pieds nus
Si blancs, si délicats!... Je ne te verrai plus!
Oh! portez, portez-moi sur les bords d'Érymanthe,
70Que je la voie encor, cette vierge dansante!
Oh! que je voie au loin la fumée à longs flots
S'élever de ce toit au bord de cet enclos!
Assise à tes côtés, ses discours, sa tendresse,
Sa voix, trop heureux père! enchante ta vieillesse,
75Dieux! par-dessus la haie élevée en remparts,
Je la vois, à pas lents, en longs cheveux épars,
Seule, sur un tombeau, pensive, inanimée,
S'arrêter et pleurer sa mère bien-aimée.
Oh! que tes yeux sont doux! que ton visage est beau!
80Viendras-tu point aussi pleurer sur mon tombeau?
Viendras-tu point aussi, la plus belle des belles,
Dire sur mon tombeau: Les Parques sont cruelles!
—Ah! mon fils, c'est l'amour, c'est l'amour insensé
Qui t'a jusqu'à ce point cruellement blessé?
85Ah! mon malheureux fils! Oui, faibles que nous sommes,
C'est toujours cet amour qui tourmente les hommes.
S'ils pleurent en secret, qui lira dans leur coeur
Verra que c'est toujours cet amour en fureur.
Mais, mon fils, mais dis-moi, quelle belle dansante,
90Quelle vierge as-tu vue au bord de l'Érymanthe?
N'es-tu pas riche et beau? du moins quand la douleur
N'avait point de ta joue éteint la jeune fleur!
Parle. Est-ce cette Eglé, fille du roi des ondes,
Ou cette jeune Irène aux longues tresses blondes?
95Ou ne sera-ce point cette fière beauté
Dont j'entends le beau nom chaque jour répété,
Dont j'apprends que partout les belles sont jalouses?
Qu'aux temples, aux festins, les mères, les épouses,
Ne sauraient voir, dit-on, sans peine et sans effroi?
100Cette belle Daphné?....—Dieux! ma mère, tais-toi,
Tais-toi. Dieux! qu'as-tu dit? Elle est fière, inflexible;
Comme les immortels, elle est belle et terrible!
Mille amants l'ont aimée; ils l'ont aimée en vain.
Comme eux j'aurais trouvé quelque refus hautain.
105Non, garde que jamais elle soit informée...
Mais, ô mort! ô tourment! ô mère bien-aimée!
Tu vois dans quels ennuis dépérissent mes jours.
Ma mère bien-aimée, ah! viens à mon secours.
Je meurs; va la trouver: que tes traits, que ton âge,
110De sa mère à ses yeux offrent la sainte image.
Tiens, prends cette corbeille et nos fruits les plus beaux,
Prends notre Amour d'ivoire, honneur de ces hameaux;
Prends la coupe d'onyx à Corinthe ravie;
Prends mes jeunes chevreaux, prends mon coeur, prends ma vie;
115Jette tout à ses pieds; apprends-lui qui je suis;
Dis-lui que je me meurs, que tu n'as plus de fils.
Tombe aux pieds du vieillard, gémis, implore, presse;
Adjure cieux et mers, dieu, temple, autel, déesse.
Pars; et si tu reviens sans les avoir fléchis,
120Adieu, ma mère, adieu, tu n'auras plus de fils.
—J'aurai toujours un fils, va, la belle espérance
Me dit...' Elle s'incline, et, dans un doux silence,
Elle couvre ce front, terni par les douleurs,
De baisers maternels entremêlés de pleurs.
125Puis elle sort en hâte, inquiète et tremblante;
Sa démarche est de crainte et d'âge chancelante.
Elle arrive; et bientôt revenant sur ses pas,
Haletante, de loin: 'Mon cher fils, tu vivras,
Tu vivras.' Elle vient s'asseoir près de la couche,
130Le vieillard la suivait, le sourire à la bouche,
La jeune belle aussi, rouge et le front baissé,
Vient, jette sur le lit un coup d'oeil. L'insensé
Tremble; sous ses tapis il veut cacher sa tête.
'Ami, depuis trois jours tu n'es d'aucune fête,
135Dit-elle; que fais-tu? Pourquoi veux-tu mourir?
Tu souffres. On me dit que je peux te guérir;
Vis, et formons ensemble une seule famille:
Que mon père ait un fils, et ta mère une fille!'
Au chevalier de Pange.
Le navire éloquent, fils des bois du Pénée,
Qui portait à Colchos la Grèce fortunée,
Craignant près de l'Euxin les menaces du Nord,
S'arrête, et se confie au doux calme d'un port.
5Aux regards des héros le rivage est tranquille;
Ils descendent. Hylas prend un vase d'argile,
Et va, pour leurs banquets sur l'herbe préparés,
Chercher une onde pure en ces bords ignorés.
Reines, au sein d'un bois, d'une source prochaine,
10Trois naïades l'ont vu s'avancer dans la plaine.
Elles ont vu ce front de jeunesse éclatant,
Cette bouche, ces yeux. Et leur onde à l'instant
Plus limpide, plus belle, un plus léger zéphire,
Un murmure plus doux l'avertit et soupire.
15Il accourt. Devant lui l'herbe jette des fleurs;
Sa main errante suit l'éclat de leurs couleurs;
Elle oublie, à les voir, l'emploi qui la demande,
Et s'égare à cueillir une belle guirlande.
Mais l'onde encor soupire et sait le rappeler.
20Sur l'immobile arène il l'admire couler,
Se courbe, et, s'appuyant à la rive penchante,
Dans le cristal sonnant plonge l'urne pesante.
De leurs roseaux touffus les trois nymphes soudain
Volent, fendent leurs eaux, l'entraînent par la main
25En un lit de joncs frais et de mousses nouvelles.
Sur leur sein, dans leurs bras, assis au milieu d'elles,
Leur bouche, en mots mielleux où l'amour est vanté,
Le rassure et le loue et flatte sa beauté.
Leurs mains vont caressant sur sa joue enfantine
30De la jeunesse en fleur la première étamine,
Ou sèchent en riant quelques pleurs gracieux
Dont la frayeur subite avait rempli ses yeux.
'Quand ces trois corps d'albâtre atteignaient le rivage,
D'abord j'ai cru, dit-il, que c'était mon image
35Qui, de cent flots brisés prompte à suivre la loi,
Ondoyante, volait et s'élançait vers moi.'
Mais Alcide inquiet, que presse un noir augure,
Va, vient, le cherche, crie auprès de l'onde pure:
'Hylas! Hylas!' Il crie et mille et mille fois.
40Le jeune enfant de loin croit entendre sa voix;
Et du fond des roseaux, pour le tirer de peine,
Lui répond une voix non entendue et vaine.
De Pange, c'est vers toi qu'à l'heure du réveil
Court cette jeune idylle au teint frais et vermeil.
45Va trouver mon ami, va, ma fille nouvelle,
Lui disais-je. Aussitôt, pour te paraître belle,
L'eau pure a ranimé son front, ses yeux brillants;
D'une étroite ceinture elle a pressé ses flancs;
Et des fleurs sur son sein, et des fleurs sur sa tête,
50Et sa flûte à la main, sa flûte qui s'apprête
A défier un jour les pipeaux de Segrais,
Seuls connus parmi nous aux nymphes des forêts.
Pleurez, doux alcyons! ô vous, oiseaux sacrés,
Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez!
Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine!
Un vaisseau la portait aux bords de Camarine:
5Là, l'hymen, les chansons, les flûtes, lentement
Devaient la reconduire au seuil de son amant.
Une clef vigilante a, pour cette journée,
Dans le cèdre enfermé sa robe d'hyménée,
Et l'or dont au festin ses bras seraient parés,
10Et pour ses blonds cheveux les parfums préparés.
Mais, seule sur la proue, invoquant les étoiles,
Le vent impétueux qui soufflait dans les voiles
L'enveloppe; étonnée et loin des matelots,
Elle crie, elle tombe, elle est au sein des flots.
15Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine!
Son beau corps a roulé sous la vague marine.
Thétis, les yeux en pleurs, dans le creux d'un rocher,
Aux monstres dévorants eut soin de le cacher.
Par ses ordres bientôt les belles Néréides
20L'élèvent au-dessus des demeures humides,
Le portent au rivage, et dans ce monument
L'ont au cap du Zéphyr déposé mollement;
Puis de loin, à grands cris appelant leurs compagnes,
Et les nymphes des bois, des sources, des montagnes,
25Toutes, frappant leur sein et traînant un long deuil,
Répétèrent, hélas! autour de son cercueil:
'Hélas! chez ton amant tu n'es point ramenée;
Tu n'as point revêtu ta robe d'hyménée;
L'or autour de tes bras n'a point serré de noeuds;
30Les doux parfums n'ont point coulé sur tes cheveux.'
Des nymphes et des satyres chantent dans une grotte qu'il faut peindre bien romantique, pittoresque, divine, en soupant, avec des coupes ciselées; chacun chante le sujet représenté sur sa coupe. L'un: Étranger, ce taureau, etc.; l'autre: Pasiphaé; d'autres, d'autres...
EUROPE
Étranger, ce taureau, qu'au sein des mers profondes
D'un pied léger et sûr tu vois fendre les ondes,
Est le seul que jamais Amphitrite ait porté.
Il nage aux bords crétois. Une jeune beauté
5Dont le vent fait voler l'écharpe obéissante5
Sur ses flancs est assise, et d'une main tremblante
Tient sa corne d'ivoire, et, les pleurs dans les yeux,
Appelle ses parents, ses compagnes, ses jeux;
Et, redoutant la vague et ses assauts humides,
10Retire et veut sous soi cacher ses pieds timides.
L'art a rendu l'airain fluide et frémissant,
On croit le voir flotter. Ce nageur mugissant,
Ce taureau, c'est un dieu; c'est Jupiter lui-même.
Dans ses traits déguisés, du monarque suprême
15Tu reconnais encore et la foudre et les traits.
Sidon l'a vu descendre au bord de ses guérets,
Sous ce front emprunté couvrant ses artifices,
Brillant objet des voeux de toutes les génisses.
La vierge tyrienne, Europe, son amour,
20Imprudente, le flatte; il la flatte à son tour;
Et, se fiant à lui, la belle désirée
Ose asseoir sur son flanc cette charge adorée.
Il s'est lancé dans l'onde; et le divin nageur,
Le taureau, roi des dieux, l'humide ravisseur,
25A déjà passé Chypre et ses rives fertiles;
Il s'approche de Crète, et va voir les cent villes.
Tu gémis sur l'Ida, mourante, échevelée,
O reine! ô de Minos épouse désolée!
Heureuse si jamais, dans ses riches travaux,
Cérès n'eût pour le joug élevé des troupeaux!...
5Tu voles épier sous quelle yeuse obscure,
Tranquille, il ruminait son antique pâture,
Quel lit de fleurs reçut ses membres nonchalants,
Quelle onde a ranimé l'albâtre de ses flancs.
'O nymphes, entourez, fermez, nymphes de Crète,
10De ces vallons, fermez, entourez la retraite,
Si peut-être vers lui des vestiges épars
Ne viendront point guider mes pas et mes regards.'
Insensée! à travers ronces, forêts, montagnes,
Elle court. O fureur! dans les vertes campagnes,
15Une belle génisse à son superbe amant
Adressait devant elle un doux mugissement.
'La perfide mourra. Jupiter la demande.'
Elle-même à son front attache la guirlande,
L'entraîne, et sur l'autel prenant le fer vengeur:
20'Sois belle maintenant, et plais à mon vainqueur.'
Elle frappe, et sa haine, à la flamme lustrale,
Rit de voir palpiter le coeur de sa rivale.
Plusieurs jeunes files entourent un petit enfant... le caressent...
—On dit que tu as fait une chanson pour Pannychis, ta cousine?
—Oui, je l'aime, Pannychis... elle est belle. Elle a cinq ans comme moi... Nous avons arrondi en berceau ces buissons de roses... Nous nous promenons sous cet ombrage... On ne peut nous y troubler, car il est trop bas pour qu'on y puisse entrer. Je lui ai donné une statue de Vénus que mon père m'a faite avec du buis. Elle l'appelle sa fille, elle la couche sur des feuilles de rose dans une écorce de grenade... Tous les amants font toujours des chansons pour leur bergère... Et moi aussi, j'en ai fait une pour elle...
—Eh bien, chante-nous ta chanson et nous te donnerons des raisins et des figues mielleuses...
—Donnez-les-moi d'abord et puis je vais chanter... Il tend ses deux mains... on lui donne... et puis, d'une voix claire et douce, il se met à chanter:
'Ma belle Pannychis, il faut bien que tu m'aimes;
Nous avons même toit, nos âges sont les mêmes.
Vois comme je suis grand, vois comme je suis beau.
Hier je me suis mis auprès de mon chevreau;
5Par Pollux et Minerve! il ne pouvait qu'à peine
Faire arriver sa tête au niveau de la mienne.
D'une coque de noix j'ai fait un abri sûr
Pour un beau scarabée étincelant d'azur;
Il couche sur la laine, et je te le destine.
10Ce matin, j'ai trouvé parmi l'algue marine
Une vaste coquille aux brillantes couleurs;
Nous l'emplirons de terre, il y viendra des fleurs.
Je veux, pour te montrer une flotte nombreuse,
Lancer sur notre étang des écorces d'yeuse.
15Le chien de la maison est si doux! chaque soir,
Mollement sur son dos je veux te faire asseoir;
Et, marchant devant toi jusques à notre asile,
Je guiderai les pas de ce coursier docile.'
Il s'en va bien baisé, bien caressé... Les jeunes beautés le suivent de loin. Arrivées aux rosiers, elles regardent par-dessus le berceau sous lequel elles les voient occupés à former avec des buissons de myrte et de roses un temple de verdure autour d'un petit autel, pour leur statue de Vénus; elles rient. Ils lèvent la tête, les voient et leur disent de s'en aller. On les embrasse... En s'en allant, la jeune Myro dit:... O heureux âge!... Mes compagnes, venez voir aussi chez moi les monuments de notre enfance... j'ai entouré d'une haie, pour le conserver, le jardin que j'avais alors... Une chèvre l'aurait brouté tout entier en une heure... C'est là que je vivais avec...; il m'appelait déjà sa femme et je l'appelais mon époux... Nous n'étions pas plus hauts que telle plante... Nous nous serions perdus dans une forêt de thym... Vous y verrez encore les romarins s'élever en berceau comme des cyprès autour du tombeau de marbre où sont écrits les vers d'Anyté... Mon bien-aimé m'avait donné une cigale et une sauterelle. Elles moururent, je leur élevai ce tombeau parmi le romarin. J'étais en pleurs... La belle Anyté passa, sa lyre à la main...
—Qu'as-tu? me demanda-t-elle.
—Ma cigale et ma sauterelle sont mortes...
—Ah! me dit-elle, nous devons tous mourir (cinq ou six vers de morale)...
Puis elle écrivit sur la pierre:
'Tout est-il prêt? partons. Oui, le mât est dressé;
Adieu donc.' Sur les bancs le rameur est placé;
La voile, ouverte aux vents, s'enfle et s'agite et flotte;
Déjà le gouvernail tourne aux mains du pilote.
5Insensé! vainement le serrant dans leurs bras,
Femme, enfants, tout se jette au-devant de ses pas;
Il monte, on lève l'ancre. Élevé sur la poupe,
Il remplit et couronne une écumante coupe,
Prie, et la verse aux dieux qui commandent aux flots.
10Tout retentit de cris, adieux des matelots.
Sur sa famille en pleurs il tourne encor la vue,
Et des yeux et des mains longtemps il les salue.
Insensé! vainement une fois averti!
On détache le câble; il part; il est parti!
15Car il ne voyait pas que bientôt sur sa tête
L'automne impétueux amassant la tempête
L'attendait au passage, et là, loin de tout bord,
Lui préparait bientôt le naufrage et la mort.
'Dieux de la mer Égée, ô vents, ô dieux humides,
20Glaucus et Palémon, et blanches Néréides,
Sauvez, sauvez Dryas. Déjà voisin du port,
Entre la terre et moi je rencontre la mort.
Mon navire est brisé. Sous les ondes avares
Tous les miens ont péri. Dieux! rendez-moi mes lares!
25Dieux! entendez les cris d'un père et d'un époux!
Sauvez, sauvez Dryas, il s'abandonne à vous.'
Il dit, plonge, et, perdant au sein de la tourmente
La planche, sous ses pieds fugitive et flottante,
Nage, et lutte, et ses bras et ses efforts nombreux...
30Et la vague en roulant sur les sables pierreux,
Blême, expirant, couvert d'une écume salée,
Le vomit. Sa famille errante, échevelée,
Qui perçait l'air de cris et se frappait le sein,
Court, le saisit, l'entraîne, et, le fer à la main,
35Rendant grâces aux flots d'avoir sauvé sa tête,
Offre une brebis noire à la noire tempête.
Viens, ô divin Bacchus, ô jeune Thyonée,
O Dionyse, Évan, Iacchus et Lénée;
Viens, tel que tu parus aux déserts de Naxos
Quand tu vins rassurer la fille de Minos.
5Le superbe éléphant, en proie à ta victoire,
Avait de ses débris formé ton char d'ivoire.
De pampres, de raisins mollement enchaîné,
Le tigre aux larges flancs de taches sillonné,
Et le lynx étoilé, la panthère sauvage,
10Promenaient avec toi ta cour sur ce rivage.
L'or reluisait partout aux axes de tes chars.
Les Ménades couraient en longs cheveux épars
Et chantaient Évoé, Bacchus et Thyonée,
Et Dionyse, Évan, Iacchus et Lénée,
15Et tout ce que pour toi la Grèce eut de beaux noms.
Et la voix des rochers répétait leurs chansons,
Et le rauque tambour, les sonores cymbales,
Les hautbois tortueux, et les doubles crotales
Qu'agitaient en dansant sur ton bruyant chemin
20Le faune, le satyre et le jeune Sylvain,
Au hasard attroupés autour du vieux Silène,
Qui, sa coupe à la main, de la rive indienne,
Toujours ivre, toujours débile, chancelant,
Pas à pas cheminait sur son âne indolent.
(Tiré d'Ovide, Mét., viii.)
Oeta, mont ennobli par cette nuit ardente,
Quand l'infidèle époux d'une épouse imprudente
Reçut de son amour un présent trop jaloux,
Victime du centaure immolé par ses coups;
5Il brise tes forêts: ta cime épaisse et sombre
En un bûcher immense amoncelle sans nombre
Les sapins résineux que son bras a ployés.
Il y porte la flamme; il monte, sous ses pieds
Étend du vieux lion la dépouille héroïque,
10Et l'oeil au ciel, la main sur la massue antique,
Attend sa récompense et l'heure d'être un dieu.
Le vent souffle et mugit. Le bûcher tout en feu
Brille autour du héros, et la flamme rapide
Porte au palais divin l'âme du grand Alcide!
J'apprends, pour disputer un prix si glorieux,
Le bel art d'Érichthon, mortel prodigieux
Qui sur l'herbe glissante, en longs anneaux mobiles,
Jadis homme et serpent, traînait ses pieds agiles.
5Élevé sur un axe, Érichthon le premier
Aux liens du timon attacha le coursier,
Et vainqueur, près des mers, sur les sables arides,
Fit voler à grand bruit les quadriges rapides.
Le Lapithe, hardi dans ses jeux turbulents,
10Le premier, des coursiers osa presser les flancs.
Sous lui, dans un long cercle achevant leur carrière,
Ils surent aux liens livrer leur tête altière,
Blanchir un frein d'écume, et, légers, bondissants,
Agiter, mesurer leurs pas retentissants.
(Pris de Virgile.)
Mais telle qu'à sa mort, pour la dernière fois,
Un beau cygne soupire, et de sa douce voix,
De sa voix qui bientôt lui doit être ravie,
Chante, avant de partir, ses adieux à la vie,
5Ainsi, les yeux remplis de langueur et de mort,
Pâle, elle ouvrit sa bouche en un dernier effort:
'O vous, du Sébéthus naïades vagabondes,
Coupez sur mon tombeau vos chevelures blondes.
Adieu, mon Clinias! moi, celle qui te plus,
10Moi, celle qui t'aimai, que tu ne verras plus. 10
O cieux, ô terre, ô mer, prés, montagnes, rivages,
Fleurs, bois mélodieux, vallons, grottes sauvages,
Rappelez-lui souvent, rappelez-lui toujours
Néère tout son bien, Néère ses amours;
15Cette Néère, hélas! qu'il nommait sa Néère,
Qui, pour lui criminelle, abandonna sa mère;
Qui, pour lui fugitive, errant de lieux en lieux,
Aux regards des humains n'osa lever les yeux.
Oh! soit que l'astre pur des deux frères d'Hélène
20Calme sous ton vaisseau la vague ionienne;
Soit qu'aux bords de Pæstum, sous ta soigneuse main,
Les roses deux fois l'an couronnent ton jardin;
Au coucher du soleil, si ton âme attendrie
Tombe en une muette et molle rêverie,
25Alors, mon Clinias, appelle, appelle-moi.
Je viendrai, Clinias; je volerai vers toi.
Mon âme vagabonde, à travers le feuillage,
Frémira; sur les vents ou sur quelque nuage
Tu la verras descendre, ou du sein de la mer,
30S'élevant comme un songe, étinceler dans l'air,
Et ma voix, toujours tendre et doucement plaintive,
Caresser, en fuyant, ton oreille attentive.'
Mon visage est flétri des regards du soleil.
Mon pied blanc sous la ronce est devenu vermeil.
J'ai suivi tout le jour le fond de la vallée;
Des bêlements lointains partout m'ont appelée.
5J'ai couru: tu fuyais sans doute loin de moi:
C'étaient d'autres pasteurs. Où te chercher, ô toi
Le plus beau des humains? Dis-moi, fais-moi connaître
Où sont donc tes troupeaux, où tu les mènes paître,
Pour que je cesse enfin de courir sur les pas
10Des troupeaux étrangers que tu ne conduis pas.
(Tiré du Cantique des cantiques.)
O jeune adolescent! tu rougis devant moi.
Vois mes traits sans couleurs; ils pâlissent pour toi:
C'est ton front virginal, ta grâce, ta décence;
Viens. Il est d'autres jeux que les jeux de l'enfance.
5O jeune adolescent, viens savoir que mon coeur
N'a pu de ton visage oublier la douceur.
Bel enfant, sur ton front la volupté réside.
Ton regard est celui d'une vierge timide.
Ton sein blanc, que ta robe ose cacher au jour,
10Semble encore ignorer qu'on soupire d'amour.
Viens le savoir de moi. Viens, je veux te l'apprendre;
Viens remettre en mes mains ton âme vierge et tendre,
Afin que mes leçons, moins timides que toi,
Te fassent soupirer et languir comme moi;
15Et qu'enfin rassuré, cette joue enfantine
Doive à mes seuls baisers cette rougeur divine.
Oh! je voudrais qu'ici tu vinsses un matin
Reposer mollement ta tête sur mon sein!
Je te verrais dormir, retenant mon haleine,
20De peur de t'éveiller, ne respirant qu'à peine.
Mon écharpe de lin, que je ferais flotter,
Loin de ton beau visage aurait soin d'écarter
Les insectes volants dont les ailes bruyantes
Aiment à se poser sur les lèvres dormantes.
La nymphe l'aperçoit, et l'arrête, et soupire.
Vers un banc de gazon, tremblante, elle l'attire;
Elle s'assied. Il vient, timide avec candeur,
Ému d'un peu d'orgueil, de joie et de pudeur.
5Les deux mains de la nymphe errent à l'aventure.
L'une, sur son front blanc, va de sa chevelure
Former les blonds anneaux. L'autre de son menton
Caresse lentement le mol et doux coton.
'Approche, bel enfant, approche, lui dit-elle,
10Toi si jeune et si beau, près de moi jeune et belle.
Viens, ô mon bel ami, viens, assieds-toi sur moi.
Dis, quel âge, mon fils, s'est écoulé pour toi?
Aux combats du gymnase as-tu quelque victoire?
Aujourd'hui, m'a-t-on dit, tes compagnons de gloire,
15Trop heureux, te pressaient entre leurs bras glissants,
Et l'olive a coulé sur tes membres luisants.
Tu baisses tes yeux noirs? Bienheureuse la mère
Qui t'a formé si beau, qui t'a nourri pour plaire!
Tu souris? tu rougis? Que ta joue est brillante!
20Que ta bouche est vermeille et ta peau transparente!
N'es-tu pas Hyacinthe au blond Phoebus si cher?
Ou ce jeune Troyen ami de Jupiter?
Ou celui qui, naissant pour plus d'une immortelle,
Entr'ouvrit de Myrrha l'écorce maternelle?
25Ami, qui que tu sois, oh! tes jeux sont charmants:
Bel enfant, aime-moi. Mon coeur de mille amants
Rejeta mille fois la poursuite enflammée;
Mais toi seul, aime-moi, j'ai besoin d'être aimée...'
Viens: là, sur des joncs frais ta place est toute prête.
Viens, viens, sur mes genoux viens reposer ta tête.
Les yeux levés sur moi, tu resteras muet,
Et je te chanterai la chanson qui te plaît.
5Comme on voit, au moment où Phoebus va renaître,
La nuit prête à s'enfuir, le jour prêt à paraître,
Je verrai tes beaux yeux, les yeux de mon ami,
En un demi-sommeil se fermer à demi.
Tu me diras: 'Adieu, je dors, adieu, ma belle.
10—Adieu, dirai-je, adieu, dors, mon ami fidèle,
Car le... aussi dort le front vers les cieux,'
Et j'irai te baiser et le front et les yeux.
Ne me regarde point; cache, cache tes yeux;
Mon sang en est brûlé; tes regards sont des feux.
15Viens, viens. Quoique vivant, et dans ta fleur première,
Je veux avec mes mains te fermer la paupière,
Ou, malgré tes efforts, je prendrai tes cheveux
Pour en faire un bandeau qui te cache les yeux.
(Le commencement est imité de Shakespeare, Henry IV.)
'Les esclaves d'amour ont tant versé de pleurs!
S'il a quelques plaisirs, il a tant de douleurs!
Qu'il garde ses plaisirs. Dans un vallon tranquille,
Les muses contre lui nous offrent un asile;
5Les muses, seul objet de mes jeunes désirs,
Mes uniques amours, mes uniques plaisirs.
L'amour n'ose troubler la paix de ce rivage.
Leurs modestes regards ont, loin de leur bocage,
Fait fuir ce dieu cruel, leur légitime effroi,
10Chastes muses, veillez, veillez toujours sur moi.'
—'Non, non, le dieu d'amour n'est point l'effroi des muses.
Elles cherchent ses pas, elles aiment ses ruses.
Le coeur qui n'aime rien a beau les implorer,
Leur troupe qui s'enfuit ne veut pas l'inspirer.
15Qu'un amant les invoque, et sa voix les attire.
C'est ainsi que toujours elles montent ma lyre.
Si je chante les dieux, ou les héros, soudain
Ma langue balbutie et se travaille en vain.
Si je chante l'amour, ma chanson d'elle-même
20S'écoule de ma bouche et vole à ce que j'aime.'
O quel que soit ton nom, soit Vesper, soit Phosphore,
Messager de la nuit, messager de l'aurore,
Cruel astre au matin, le soir astre si doux!
Phosphore, le matin, loin de nos bras jaloux,
5Ta fais fuir nos amours tremblantes, incertaines,
Mais le soir, en secret, Vesper, tu les ramènes,
La vierge qu'à l'hymen la nuit doit présenter
Redoute que Vesper se hâte d'arriver.
Puis, au bras d'un époux, elle accuse Phosphore
10De rallumer trop tôt les flambeaux de l'aurore,
Brillante étoile, adieu, le jour s'avance, cours,
Ramène-moi bientôt la nuit et mes amours.
Blanche et douce colombe, aimable prisonnière,
Quel injuste ennemi te cache à la lumière?
Je t'ai vue aujourd'hui (que le ciel était beau!)
Te promener longtemps sur le bord du ruisseau,
5Au hasard, en tous lieux, languissante, muette,
Tournant tes doux regards et tes pas et ta tête.
Caché dans le feuillage, et n'osant l'agiter,
D'un rameau sur un autre à peine osant sauter,
J'avais peur que le vent décelât mon asile.
10Tout seul je gémissais, sur moi-même immobile,
De ne pouvoir aller, le ciel était si beau!
Promener avec toi sur le bord du ruisseau.
Car, si j'avais osé, sortant de ma retraite,
Près de ta tête amie aller porter ma tête,
15Avec toi murmurer et fouler sous mes pas
Le même pré foulé sous tes pieds délicats,
Mes ailes et ma voix auraient frémi de joie,
Et les noirs ennemis, les deux oiseaux de proie,
Ces gardiens envieux qui te suivent toujours,
20Auraient connu soudain que tu fais mes amours.
Tous les deux à l'instant, timide prisonnière,
T'auraient, dans ta prison, ravie à la lumière,
Et tu ne viendrais plus, quand le ciel sera beau,
Te promener encor sur le bord du ruisseau.
25Blanche et douce brebis à la voix innocente,
Si j'avais, pour toucher ta laine obéissante,
Osé sortir du bois et bondir avec toi,
Te bêler mes amours et t'appeler à moi,
Les deux loups soupçonneux qui marchaient à ta suite
30M'auraient vu. Par leurs cris ils t'auraient mise en fuite,
Et pour te dévorer eussent fondu sur toi
Plutôt que te laisser un moment avec moi.
Toi, de Mopsus ami! Non loin de Bérécynthe,
Certain satyre, un jour, trouva la flûte sainte
Dont Hyagnis calmait ou rendait furieux
Le cortège énervé de la mère des dieux.
5Il appelle aussitôt du Sangar au Méandre
Les nymphes de l'Asie, et leur dit de l'entendre;
Que tout l'art d'Hyagnis n'était que dans ce bui;
Qu'il a, grâce au destin, des doigts tout comme lui.
On s'assied. Le voilà qui se travaille et sue,
10Souffle, agite ses doigts, tord sa lèvre touffue,
Enfle sa joue épaisse, et fait tant qu'à la fin
Le buis résonne et pousse un cri rauque et chagrin.
L'auditoire étonné se lève, non sans rire,
Les éloges railleurs fondent sur le satyre,
15Qui pleure, et des chiens même, en fuyant vers le bois,
Évite comme il peut les dents et les abois.
Ma Muse fuit les champs abreuvés de carnage,
Et ses pieds innocents ne se poseront pas
Où la cendre des morts gémirait sous ses pas.
Elle pâlit d'entendre et le cri des batailles,
5Et les assauts tonnants qui frappent les murailles,
Et le sang qui jaillit sous les pointes d'airain
Souillerait la blancheur de sa robe de lin.
(Traduit de Gessner.)
Un berger poète dira:
Mes chants savent tout peindre; accours, viens les entendre.
Ma voix plaît, Astérie, elle est flexible et tendre.
Philomèle, les bois, les eaux, les pampres verts,
Les muses, le printemps, habitent dans mes vers.
5Le baiser dans mes vers étincelle et respire.
La source aux pieds d'argent qui m'arrête et m'inspire
Y roule en murmurant son flot léger et pur.
Souvent avec les cieux il se pare d'azur.
Le souffle insinuant, qui frémit sous l'ombrage,
10Voltige dans mes vers comme dans le feuillage.
Mes vers sont parfumés et de myrte et de fleurs,
Soit les fleurs dont l'été ranime les couleurs,
Soit celles que seize ans, été plus doux encore,
Sur une belle joue ont l'art de faire éclore.
Le lys est le plus beau des enfants du zéphire,
Il lève un front superbe et demande l'empire.
Des suaves esprits dans sa coupe formés,
L'air, les eaux, le bocage, au loin sont embaumés.
5Sous l'herbe, loin des yeux, plus aimable et moins belle,
La violette fuit. Son parfum la révèle,
Avertit qu'elle est là; que, voulant se cacher
Là, pour le sein qu'on aime, il faut l'aller chercher.
Fille de Pandion, ô jeune Athénienne,
La cigale est ta proie, hirondelle inhumaine,
Et nourrit tes petits qui, débiles encor,
Nus, tremblants, dans les airs n'osent prendre l'essor.
5Tu voles; comme toi la cigale a des ailes.
Tu chantes; elle chante. À vos chansons fidèles
Le moissonneur s'égaye, et l'automne orageux
En des climats lointains vous chasse toutes deux.
Oses-tu donc porter dans ta cruelle joie
10A ton nid sans pitié cette innocente proie?
Et faut-il voir périr un chanteur sans appui
Sous la morsure, hélas! d'un chanteur comme lui!
(Trad. d'Événus de Paros.)
Ah! prends un coeur humain, laboureur trop avide,
Lorsque d'un pas tremblant l'indigence timide
De tes larges moissons vient, le regard confus,
Recueillir après toi les restes superflus.
5Souviens-toi que Cybèle est la mère commune.
Laisse la probité que trahit la fortune.
Comme l'oiseau du ciel, se nourrir à tes pieds
De quelques grains épars sur la terre oubliés.
(Tiré de Thomson.)
Fille du vieux pasteur, qui d'une main agile
Le soir emplis de lait trente vases d'argile,
Crains la génisse pourpre, au farouche regard,
Qui marche toujours seule et qui paît à l'écart.
5Libre, elle lutte et fuit, intraitable et rebelle.
Tu ne presseras point sa féconde mamelle,
A moins qu'avec adresse un de ses pieds lié
Sous un cuir souple et lent ne demeure plié.
(Vu et fait à Catillon, près Forges, le 4 août 1792, et écrit à Gournay le lendemain.)
Toujours ce souvenir m'attendrit et me touche,
Quand lui-même, appliquant la flûte sur ma bouche,
Riant et m'asseyant sur lui, près de son coeur,
M'appelant son rival et déjà son vainqueur,
5Il façonnait ma lèvre inhabile et peu sûre
A souffler une haleine harmonieuse et pure;
Et ses savantes mains prenaient mes jeunes doigts,
Les levaient, les baissaient, recommençaient vingt fois,
Leur enseignant ainsi, quoique faibles encore,
10A fermer tour à tour les trous du buis sonore.
'Bergers, vous dont ici la chèvre vagabonde,
La brebis se traînant sous sa laine féconde,
Au dos de la colline accompagnent les pas,
A la jeune Mnaïs rendez, rendez, hélas!
5Par Cérès, par sa fille et la Terre sacrée,
Une grâce légère, autant que désirée.
Ah! près de vous, jadis, elle avait son berceau,
Et sa vingtième année a trouvé le tombeau.
Que vos agneaux du moins viennent près de ma cendre
10Me bêler les accents de leur voix douce et tendre,
Et paître au pied d'un roc où d'un son enchanteur
La flûte parlera sous les doigts du pasteur.
Qu'au retour du printemps, dépouillant la prairie,
Des dons du villageois ma tombe soit fleurie;
15Puis d'une brebis mère et docile à sa main
En un vase d'argile il pressera le sein;
Et sera chaque jour d'un lait pur arrosée
La pierre en ce tombeau sur mes mânes posée.
Morts et vivants, il est encor pour nous unir
20Un commerce d'amour et de doux souvenir.'
C'est en songe que la jeune Mnaïs est venue leur dire cela.
(Trad. de Léonidas de Tarente.)
Secrets observateurs, leur studieuse main
En des vases d'argile et de verre et d'airain
Enferme la nature et les riches campagnes.
Ce sont là leurs vallons, leurs forêts, leurs montagnes.
5Barbares possesseurs, Procustes furieux,
Sous le niveau jaloux leur fer injurieux
Mutile sans pitié les plaintives dryades.
Le plomb, les murs de pierre enchaînant les naïades,
De bassins en bassins, de degrés en degrés,
10Guident leur chute esclave et leurs pas mesurés,
Là, quelle muse libre et naïve et fidèle
Peut naître? Loin du bois, comme si Philomèle,
Sous leurs treillages peints dont la main du sculpteur
A ciselé l'acanthe ou le lierre imposteur,
15Allait chercher ces sons dont le printemps s'honore,
Délices de la nuit, délices de l'aurore!
Nymphe tendre et vermeille, ô jeune Poésie!
Quel bois est aujourd'hui ta retraite choisie?
Quelles fleurs, près d'une onde où s'égarent tes pas,
Se courbent mollement sous tes pieds délicats?
5Où te faut-il chercher? Vois la saison nouvelle:
Sur son visage blanc quelle pourpre étincelle!
L'hirondelle a chanté; Zéphir est de retour:
Il revient en dansant; il ramène l'amour.
L'ombre, les prés, les fleurs, c'est sa douce famille,
10Et Jupiter se plaît à contempler sa fille,
Cette terre où partout, sous tes doigts gracieux,
S'empressent de germer des vers mélodieux.
Le fleuve qui s'étend dans les vallons humides
Roule pour toi des vers doux, sonores, liquides.
15Des vers, s'ouvrant en foule aux regards du soleil,
Sont ce peuple de fleurs au calice vermeil.
Et les monts, en torrents qui blanchissent leurs cimes,
Lancent des vers brillants dans le fond des abîmes.
Allons, muse rustique, enfant de la nature,
Détache ces cheveux, ceins ton front de verdure,
Va de mon cher de Pange égayer les loisirs.
Rassemble autour de toi tes champêtres plaisirs;
5Ton cortège dansant de légères dryades,
De nymphes au sein blanc, de folâtres ménades.
Entrez dans son asile aux muses consacré,
Où de sphères, d'écrits, de beaux-arts entouré,
Sur les doctes feuillets sa jeunesse prudente
10Pâlit au sein des nuits près d'une lampe ardente.
Hélas! de tous les dieux il n'eut point les faveurs.
Souvent son corps débile est en proie aux douleurs.
Muse, implore pour lui la Santé secourable,
Cette reine des dieux sans qui rien n'est aimable,
15Qui partout fait briller le sourire, les jeux,
Les grâces, le printemps. Qu'indulgente à tes voeux,
Le dictame à la main, près de lui descendue,
Elle vienne avec toi présenter à sa vue
Cette jeunesse en fleur, et ce teint pur et frais,
20Et le baume et la vie épars dans tous ses traits.
Dis-lui: 'Belle Santé, déesse des déesses,
Toi sans qui rien ne plaît, ni grandeurs, ni richesses,
Ni chansons, ni festins, ni caresses d'amours,
Viens, d'un mortel aimé viens embellir les jours.
25Touche-le de ta main qui répand l'ambroisie.
Ainsi tu nous verras, troupe agreste et choisie,
Les hymnes à la bouche, entourer tes autels,
Santé, reine des dieux, nourrice des mortels.'
(Imité de l'Hymne d'Ariphron.)
Jeune fille, ton coeur avec nous veut se taire.
Tu fuis, tu ne ris plus; rien ne saurait te plaire.
La soie à tes travaux offre en vain des couleurs;
L'aiguille sous tes doigts n'anime plus des fleurs.
5Tu n'aimes qu'à rêver, muette, seule, errante,
Et la rose pâlit sur ta bouche expirante.
Ah! mon oeil est savant et depuis plus d'un jour;
Et ce n'est pas à moi qu'on peut cacher l'amour.
Les belles font aimer; elles aiment. Les belles
10Nous charment tous. Heureux qui peut être aimé d'elles!
Sois tendre, même faible; on doit l'être un moment;
Fidèle, si tu peux. Mais conte-moi comment,
Quel jeune homme aux yeux bleus, empressé, sans audace,
Aux cheveux noirs, au front plein de charme et de grâce...
15Tu rougis? On dirait que je t'ai dit son nom.
Je le connais pourtant. Autour de ta maison
C'est lui qui va, qui vient; et, laissant ton ouvrage,
Tu vas, sans te montrer, épier son passage.
Il fuit vite; et ton oeil, sur sa trace accouru,
20Le suit encor longtemps quand il a disparu.
Certe, en ce bois voisin où trois fêtes brillantes
Font courir au printemps nos nymphes triomphantes,
Nul n'a sa noble aisance et son habile main
A soumettre un coursier aux volontés du frein.
Ah! je les reconnais, et mon coeur se réveille.
O sons! ô douces voix chères à mon oreille!
O mes Muses, c'est vous; vous mon premier amour,
Vous qui m'avez aimé dès que j'ai vu le jour!
5Leurs bras, à mon berceau dérobant mon enfance,
Me portaient sous la grotte où Virgile eut naissance,
Où j'entendais le bois murmurer et frémir,
Où leurs yeux dans les fleurs me regardaient dormir.
Ingrat! ô de l'amour trop coupable folie!
10Souvent je les outrage et fuis et les oublie;
Et sitôt que mon coeur est en proie au chagrin,
Je les vois revenir le front doux et serein.
J'étais seul, je mourais. Seul, Lycoris absente
De soupçons inquiets m'agite et me tourmente.
15Je vois tous ses appas et je vois mes dangers;
Ah! je la vois livrée à des bras étrangers.
Elles viennent! leurs voix, leur aspect me rassure:
Leur chant mélodieux assoupit ma blessure;
Je me fuis, je m'oublie, et mes esprits distraits
20Se plaisent à les suivre et retrouvent la paix.
Par vous, Muses, par vous, franchissant les collines,
Soit que j'aime l'aspect des campagnes sabines,
Soit Catile ou Falerne et leurs riches coteaux,
Ou l'air de Blandusie et l'azur de ses eaux:
25Par vous de l'Anio j'admire le rivage,
Par vous de Tivoli le poétique ombrage,
Et de Bacchus, assis sous des antres profonds,
La nymphe et le satyre écoutant les chansons.
Par vous la rêverie errante, vagabonde,
30Livre à vos favoris la nature et le monde;
Par vous mon âme, au gré de ses illusions,
Vole et franchit les temps, les mers, les nations,
Va vivre en d'autres corps, s'égare, se promène,
Est tout ce qu'il lui plaît, car tout est son domaine.
35Ainsi, bruyante abeille, au retour du matin,
Je vais changer en miel les délices du thym.
Rose, un sein palpitant est ma tombe divine.
Frêle atome d'oiseau, de leur molle étamine
Je vais sous d'autres cieux dépouiller d'autres fleurs.
40Le papillon plus grand offre moins de couleurs;
Et l'Orénoque impur, la Floride fertile
Admirent qu'un oiseau si tendre, si débile,
Mêle tant d'or, de pourpre, en ses riches habits,
Et pensent dans les airs voir nager des rubis.
45Sur un fleuve souvent l'éclat de mon plumage
Fait à quelque Léda souhaiter mon hommage.
Souvent, fleuve moi-même, en mes humides bras
Je presse mollement des membres délicats,
Mille fraîches beautés que partout j'environne;
50Je les tiens, les soulève, et murmure et bouillonne.
Mais surtout, Lycoris, Protée insidieux,
Partout autour de toi je veille, j'ai des yeux,
Partout, sylphe ou zéphyr, invisible et rapide,
Je te vois. Si ton coeur complaisant et perfide
55Livre à d'autres baisers une infidèle main,
Je suis là. C'est moi seul dont le transport soudain,
Agitant tes rideaux ou ta porte secrète,
Par un bruit imprévu t'épouvante et t'arrête.
C'est moi, remords jaloux, qui rappelle en ton coeur
60Mon nom et tes serments et ma juste fureur...
Mais périsse l'amant que satisfait la crainte!
Périsse la beauté qui m'aime par contrainte,
Qui voit dans ses serments une pénible loi,
Et n'a point de plaisir à me garder sa foi!
Aujourd'hui qu'au tombeau je suis prêt à descendre,
Mes amis, dans vos mains je dépose ma cendre.
Je ne veux point, couvert d'un funèbre linceul,
Que les pontifes saints autour de mon cercueil,
5Appelés aux accents de l'airain lent et sombre,
De leur chant lamentable accompagnent mon ombre,
Et sous des murs sacrés aillent ensevelir
Ma vie et ma dépouille, et tout mon souvenir.
Eh! qui peut sans horreur, à ses heures dernières,
10Se voir au loin périr dans des mémoires chères?
L'espoir que des amis pleureront notre sort
Charme l'instant suprême et console la mort.
Vous-même choisirez à mes jeunes reliques
Quelque bord fréquenté des pénates rustiques,
15Des regards d'un beau ciel doucement animé,
Des fleurs et de l'ombrage, et tout ce que j'aimai.
C'est là près d'une eau pure, au coin d'un bois tranquille,
Qu'à mes mânes éteints je demande un asile,
Afin que votre ami soit présent à vos yeux,
20Afin qu'au voyageur amené dans ces lieux
La pierre, par vos mains de ma fortune instruite,
Raconte en ce tombeau quel malheureux habite;
Quels maux ont abrégé ses rapides instants;
Qu'il fut bon, qu'il aima, qu'il dut vivre longtemps.
25Ah! le meurtre jamais n'a souillé mon courage.
Ma bouche du mensonge ignora le langage,
Et jamais, prodiguant un serment faux et vain,
Ne trahit le secret recélé dans mon sein.
Nul forfait odieux, nul remords implacable
30Ne déchire mon âme inquiète et coupable.
Vos regrets la verront pure et digne de pleurs,
Oui, vous plaindrez sans doute, en mes longues douleurs,
Et ce brillant midi qu'annonçait mon aurore,
Et ces fruits dans leur germe éteints avant d'éclore,
35Que mes naissantes fleurs auront en vain promis.
Oui, je vais vivre encore au sein de mes amis.
Souvent à vos festins qu'égaya ma jeunesse,
Au milieu des éclats d'une vive allégresse,
Frappés d'un souvenir, hélas! amer et doux,
40Sans doute vous direz: 'Que n'est-il avec nous!'
Je meurs. Avant le soir j'ai fini ma journée.
A peine ouverte au jour, ma rose s'est fanée.
La vie eut bien pour moi de volages douceurs;
Je les goûtais à peine, et voilà que je meurs.
45Mais, oh! que mollement reposera ma cendre,
Si parfois, un penchant impérieux et tendre
Vous guidant vers la tombe où je suis endormi,
Vos yeux en approchant pensent voir leur ami!
Si vos chants de mes feux vont redisant l'histoire;
50Si vos discours flatteurs, tout pleins de ma mémoire,
Inspirent à vos fils, qui ne m'ont point connu,
L'ennui de naître à peine et de m'avoir perdu!
Qu'à votre belle vie ainsi ma mort obtienne
Tout l'âge, tous les biens dérobés à la mienne;
55Que jamais les douleurs, par de cruels combats,
N'allument dans vos flancs un pénible trépas;
Que la joie en vos coeurs ignore les alarmes;
Que les peines d'autrui causent seules vos larmes;
Que vos heureux destins, les délices du ciel,
60Coulent toujours trempés d'ambroisie et de miel,
Et non sans quelque amour paisible et mutuelle;
Et quand la mort viendra, qu'une amante fidèle,
Près de vous désolée, en accusant les dieux,
Pleure, et veuille vous suivre, et vous ferme les yeux.
Quand la feuille en festons a couronné les bois,
L'amoureux rossignol n'étouffe point sa voix.
Il serait criminel aux yeux de la nature
Si, de ses dons heureux négligeant la culture,
5Sur son triste rameau, muet dans ses amours,5
Il laissait sans chanter expirer les beaux jours.
Et toi, rebelle aux dons d'une si tendre mère,
Dégoûté de poursuivre une muse étrangère
Dont tu choisis la cour trop bruyante pour toi,
10Tu t'es fait du silence une coupable loi!
Tu naquis rossignol. Pourquoi, loin du bocage
Où des jeunes rosiers le balsamique ombrage
Eût redit tes doux sons sans murmure écoutés,
T'en allais-tu chercher la muse des cités,
15Cette muse, d'éclat, de pourpre environnée,
Qui, le glaive à la main, du diadème ornée,
Vient au peuple assemblé, d'une dolente voix,
Pleurer les grands malheurs, les empires, les rois?
Que n'étais-tu fidèle à ces muses tranquilles
20Qui cherchent la fraîcheur des rustiques asiles,
Le front ceint de lilas et de jasmins nouveaux,
Et vont sur leurs attraits consulter les ruisseaux?
Viens dire à leurs concerts la beauté qui te brûle.
Amoureux, avec l'âme et la voix de Tibulle
25Fuirais-tu les hameaux, ce séjour enchanté
Qui rend plus séduisant l'éclat de la beauté?
L'amour aime les champs, et les champs l'ont vu naître.
La fille d'un pasteur, une vierge champêtre,
Dans le fond d'une rose, un matin du printemps,
30Le trouva nouveau-né....
Le sommeil entr'ouvrait ses lèvres colorées.
Elle saisit le bout de ses ailes dorées,
L'ôta de son berceau d'une timide main,
Tout trempé de rosée, et le mit dans son sein.
35Tout, mais surtout les champs sont restés son empire.
Là tout aime, tout plaît, tout jouit, tout soupire;
Là de plus beaux soleils dorent l'azur des cieux;
Là les prés, les gazons, les bois harmonieux,
De mobiles ruisseaux la colline animée,
40L'âme de mille fleurs dans les zéphyrs semée;
Là parmi les oiseaux l'amour vient se poser;
Là sous les antres frais habite le baiser.
Les muses et l'amour ont les mêmes retraites.
L'astre qui fait aimer est l'astre des poètes.
45Bois, écho, frais zéphyrs, dieux champêtres et doux,
Le génie et les vers se plaisent parmi vous.
J'ai choisi parmi vous ma muse jeune et chère;
Et, bien qu'entre ses soeurs elle soit la dernière,
Elle plaît. Mes amis, vos yeux en sont témoins.
50Et puis une plus belle eût voulu plus de soins;
Délicate et craintive, un rien la décourage,
Un rien sait l'animer. Curieuse et volage,
Elle va parcourant tous les objets flatteurs
Sans se fixer jamais, non plus que sur les fleurs
55Les zéphyrs vagabonds, doux rivaux des abeilles, 55
Ou le baiser ravi sur des lèvres vermeilles.
Une source brillante, un buisson qui fleurit,
Tout amuse ses yeux; elle pleure, elle rit.
Tantôt à pas rêveurs, mélancolique et lente,
60Elle erre avec une onde et pure et languissante;
Tantôt elle va, vient, d'un pas léger et sûr
Poursuit le papillon brillant d'or et d'azur,
Ou l'agile écureuil, ou dans un nid timide
Sur un oiseau surpris pose une main rapide.
65Quelquefois, gravissant la mousse du rocher,
Dans une touffe épaisse elle va se cacher,
Et sans bruit épier, sur la grotte pendante,
Ce que dira le faune à la nymphe imprudente
Qui, dans cet antre sourd et des faunes ami,
70Refusait de le suivre, et pourtant l'a suivi.
Souvent même, écoutant de plus hardis caprices,
Elle ose regarder au fond des précipices,
Où sur le roc mugit le torrent effréné
Du droit sommet d'un mont tout à coup déchaîné.
75Elle aime aussi chanter à la moisson nouvelle,
Suivre les moissonneurs et lier la javelle.
L'Automne au front vermeil, ceint de pampres nouveaux,
Parmi les vendangeurs l'égaré en des coteaux;
Elle cueille la grappe, ou blanche, ou purpurine;
80Le doux jus des raisins teint sa bouche enfantine;
Ou, s'ils pressent leurs vins, elle accourt pour les voir,
Et son bras avec eux fait crier le pressoir.
Viens, viens, mon jeune ami; viens, nos muses t'attendent;
Nos fêtes, nos banquets, nos courses te demandent;
85Viens voir ensemble et l'antre et l'onde et les forêts.
Chaque soir une table aux suaves apprêts
Assoira près de nous nos belles adorées,
Ou, cherchant dans le bois des nymphes égarées,
Nous entendrons les ris, les chansons, les festins;
90Et les verres emplis sous les bosquets lointains
Viendront animer l'air, et, du sein d'une treille,
De leur voix argentine égayer notre oreille.
Mais si, toujours ingrat à ces charmantes soeurs,
Ton front rejette encore leurs couronnes de fleurs;
95Si de leurs soins pressants la douce impatience
N'obtient que d'un refus la dédaigneuse offense;
Qu'à ton tour la beauté dont les yeux t'ont soumis
Refuse à tes soupirs ce qu'elle t'a promis;
Qu'un rival loin de toi de ses charmes dispose;
100Et, quand tu lui viendras présenter une rose,
Que l'ingrate étonnée, en recevant ce don,
Ne t'ait vu de sa vie et demande ton nom.
O muses, accourez; solitaires divines,
Amantes des ruisseaux, des grottes, des collines!
Soit qu'en ses beaux vallons Nîme égare vos pas;
Soit que de doux pensers, en de riants climats,
5Vous retiennent aux bords de Loire ou de Garonne;
Soit que parmi les choeurs de ces nymphes da Rhône,
La lune sur les prés, où son flambeau vous luit,
Dansantes vous admire au retour de la nuit;
Venez. J'ai fui la ville aux muses si contraire,
10Et l'écho fatigué des clameurs du vulgaire.
Sur les pavés poudreux d'un bruyant carrefour
Les poétiques fleurs n'ont jamais vu le jour.
Le tumulte et les cris font fuir avec la lyre
L'oisive rêverie au suave délire;
15Et les rapides chars et leurs cercles d'airain
Effarouchent les vers qui se taisent soudain.
Venez. Que vos bontés ne me soient point avares.
Mais, oh! faisant de vous mes pénates, mes lares,
Quand pourrai-je habiter un champ qui soit à moi,
20Et, villageois tranquille, ayant pour tout emploi
Dormir et ne rien faire, inutile poète,
Goûter le doux oubli d'une vie inquiète?
Vous savez si toujours, dès mes plus jeunes ans,
Mes rustiques souhaits m'ont porté vers les champs;
25Si mon coeur dévorait vos champêtres histoires,
Cet âge d'or si cher à vos doctes mémoires,
Ces fleuves, ces vergers, Éden aimé des cieux
Et du premier humain berceau délicieux;
L'épouse de Booz, chaste et belle indigente,
30Qui suit d'un pas tremblant la moisson opulente;
Joseph, qui dans Sichem cherche et retrouve, hélas!
Ses dix frères pasteurs qui ne l'attendaient pas;
Rachel, objet sans prix qu'un amoureux courage
N'a pas trop acheté de quinze ans d'esclavage.
35Oh! oui, je veux un jour en des bords retirés,
Sur un riche coteau ceint de bois et de prés,
Avoir un humble toit, une source d'eau vive
Qui parle, et dans sa fuite et féconde et plaintive
Nourrisse mon verger, abreuve mes troupeaux.
40Là, je veux, ignorant le monde et ses travaux,
Loin du superbe ennui que l'éclat environne,
Vivre comme jadis, aux champs de Babylone,
Ont vécu, nous dit-on, ces pères des humains
Dont le nom aux autels remplit nos fastes saints;
45Avoir amis, enfants, épouse belle et sage;
Errer, un livre en main, de bocage en bocage;
Savourer sans remords, sans crainte, sans désirs,
Une paix dont nul bien n'égale les plaisirs.
Douce mélancolie! aimable mensongère,
50Des antres, des forêts déesse tutélaire,
Qui vient d'une insensible et charmante langueur
Saisir l'ami des champs et pénétrer son coeur,
Quand, sorti vers le soir des grottes reculées,
Il s'égare à pas lents au penchant des vallées,
55Et voit des derniers feux le ciel se colorer,
Et sur les monts lointains un beau jour expirer,
Dans sa volupté sage, et pensive et muette,
Il s'assied, sur son sein laisse tomber sa tête.
Il regarde à ses pieds, dans le liquide azur
60Du fleuve, qui s'étend comme lui calme et pur,
Se peindre les coteaux, les toits et les feuillages,
Et la pourpre en festons couronnant les nuages.
Il revoit près de lui, tout à coup animés,
Ces fantômes si beaux à nos pleurs tant aimés,
65Dont la troupe immortelle habite sa mémoire:
Julie, amante faible et tombée avec gloire;
Clarisse, beauté sainte où respire le ciel,
Dont la douleur ignore et la haine et le fiel,
Qui souffre sans gémir, qui périt sans murmure;
70Clémentine adorée, âme céleste et pure,
Qui, parmi les rigueurs d'une injuste maison,
Ne perd point l'innocence en perdant la raison;
Mânes aux yeux charmants, vos images chéries
Accourent occuper ses belles rêveries;
75Ses yeux laissent tomber une larme. Avec vous
Il est dans vos foyers, il voit vos traits si doux.
A vos persécuteurs il reproche leur crime.
Il aime qui vous aime, il hait qui vous opprime.
Mais tout à coup il pense, ô mortels déplaisirs!
80Que ces touchants objets de pleurs et de soupirs
Ne sont peut-être, hélas! que d'aimables chimères.
De l'âme et du génie enfants imaginaires.
Il se lève, il s'agite à pas tumultueux;
En projets enchanteurs il égare ses voeux.
85Il ira, le coeur plein d'une image divine,
Chercher si quelques lieux ont une Clémentine,
Et dans quelque désert, loin des regards jaloux,
La servir, l'adorer et vivre à ses genoux.
O jours de mon printemps, jours couronnés de rose,
A votre fuite en vain un long regret s'oppose,
Beaux jours, quoique souvent obscurcis de mes pleurs,
Vous dont j'ai su jouir même au sein des douleurs,
5Sur ma tête bientôt vos fleurs seront fanées,
Hélas! bientôt le flux des rapides années
Vous aura loin de moi fait voler sans retour.
Oh! si du moins alors je pouvais à mon tour,
Champêtre possesseur, dans mon humble chaumière
10Offrir à mes amis une ombre hospitalière;
Voir mes lares charmés, pour les bien recevoir,
A de joyeux banquets la nuit les faire asseoir;
Et là nous souvenir, au milieu de nos fêtes,
Combien chez eux longtemps, dans leurs belles retraites,
15Soit sur ces bords heureux, opulents avec choix,
Où Montigny s'enfonce en ses antiques bois,
Soit où la Marne lente, en un long cercle d'îles,
Ombrage de bosquets l'herbe et les prés fertiles,
J'ai su, pauvre et content, savourer à longs traits
20Les muses, les plaisirs, et l'étude et la paix!
Qui ne sait être pauvre est né pour l'esclavage.
Qu'il serve donc les grands, les flatte, les ménage;
Qu'il plie, en approchant de ces superbes fronts,
Sa tête à la prière, et son âme aux affronts,
25Pour qu'il puisse, enrichi de ces affronts utiles,
Enrichir à son tour quelques têtes serviles.
De ses honteux trésors je ne suis point jaloux.
Une pauvreté libre est un trésor si doux!
Il est si doux, si beau de s'être fait soi-même;
30De devoir tout à soi, tout aux beaux-arts qu'on aime;
Vraie abeille en ses dons, en ses soins, en ses moeurs,
D'avoir su se bâtir, des dépouilles des fleurs,
Sa cellule de cire, industrieux asile
Où l'on coule une vie innocente et facile;
35De ne point vendre aux grands ses hymnes avilis;
De n'offrir qu'aux talents de vertus ennoblis,
Et qu'à l'amitié douce et qu'aux douces faiblesses,
D'un encens libre et pur les honnêtes caresses!
Ainsi l'on dort tranquille, et, dans son saint loisir,
40Devant son propre coeur on n'a point à rougir.
Si le sort ennemi m'assiège et me désole,
On pleure; mais bientôt la tristesse s'envole,
Et les arts, dans un coeur de leur amour rempli,
Versent de tous les maux l'indifférent oubli.
45Les délices des arts ont nourri mon enfance.
Tantôt, quand d'un ruisseau, suivi dès sa naissance,
La nymphe aux pieds d'argent a sous de longs berceaux
Fait serpenter ensemble et mes pas et ses eaux,
Ma main donne au papier, sans travail, sans étude,
50Des vers fils de l'amour et de la solitude.
Tantôt de mon pinceau les timides essais
Avec d'autres couleurs cherchent d'autres succès.
Ma toile avec Sapho s'attendrit et soupire;
Elle rit et s'égaye aux danses du satyre;
55Ou l'aveugle Ossian y vient pleurer ses yeux,
Et pense voir et voit ses antiques aïeux
Qui, dans l'air appelés à ses hymnes sauvages,
Arrêtent près de lui leurs palais de nuages.
Beaux-arts, ô de la vie aimables enchanteurs,
60Des plus sombres ennuis riants consolateurs,
Amis sûrs dans la peine et constantes maîtresses,
Dont l'or n'achète point l'amour ni les caresses,
Beaux-arts, dieux bienfaisants, vous que vos favoris
Par un indigne usage ont tant de fois flétris,
65Je n'ai point partagé leur honte trop commune.
Sur le front des époux de l'aveugle fortune
Je n'ai point fait ramper vos lauriers trop jaloux;
J'ai respecté les dons que j'ai reçus de vous.
Je ne vais point, à prix de mensonges serviles,
70Vous marchander au loin des récompenses viles,
Et partout, de mes vers ambitieux lecteur,
Faire trouver charmant mon luth adulateur.
Abel, mon jeune Abel, et Trudaine et son frère,
Ces vieilles amitiés de l'enfance première,
75Quand tous quatre, muets, sous un maître inhumain,
Jadis au châtiment nous présentions la main;
Et mon frère et Lebrun, les muses elles-mêmes;
De Pange, fugitif de ces neuf soeurs qu'il aime:
Voilà le cercle entier qui, le soir, quelquefois,
80A des vers non sans peine obtenus de ma voix,
Prête une oreille amie et cependant sévère.
Puissé-je ainsi toujours dans cette troupe chère
Me revoir, chaque fois que mes avides yeux
Auront porté longtemps mes pas de lieux en lieux,
85Amant des nouveautés compagnes de voyage;
Courant partout, partout cherchant à mon passage
Quelque ange aux yeux divins qui veuille me charmer,
Qui m'écoute ou qui m'aime, ou qui se laisse aimer!
L'art, des transports de l'âme est un faible interprète:
L'art ne fait que des vers; le coeur seul est poète.
Sous sa fécondité le génie opprimé
Ne peut garder l'ouvrage en sa tête formé.
5Malgré lui, dans lui-même, un vers sûr et fidèle
Se teint de sa pensée et s'échappe avec elle.
Son coeur dicte; il écrit. A ce maître divin
Il ne fait qu'obéir et que prêter sa main.
S'il est aimé, content, si rien ne le tourmente,
10Si la folâtre joie et la jeunesse ardente
Étalent sur son teint l'éclat de leurs couleurs,
Ses vers, frais et vermeils, pétris d'ambre et de fleurs,
Brillants de la santé qui luit sur son visage,
Trouvent doux d'être au monde et que vieillir est sage.
15Si, pauvre et généreux, son coeur vient de souffrir
Aux cris d'un indigent qu'il n'a pu secourir;
Si la beauté qu'il aime, inconstante et légère,
L'oublie en écoutant une amour étrangère;
De sables douloureux si ses flancs sont brûlés,
20Ses tristes vers en deuil, d'un long crêpe voilés,
Ne voyant que des maux sur la terre où nous sommes,
Jugent qu'un prompt trépas est le seul bien des hommes.
Toujours vrai, son discours souvent se contredit.
Comme il veut, il s'exprime; il blâme, il applaudit.
25Vainement la pensée est rapide et volage:
Quand elle est prête à fuir, il l'arrête au passage.
Ainsi, dans ses écrits partout se traduisant,
Il fixe le passé pour lui toujours présent,
Et sait, de se connaître ayant la sage envie,
30Refeuilleter sans cesse et son âme et sa vie.
Reste, reste avec nous, ô père des bons vins!
Dieu propice, ô Bacchus! toi dont les flots divins
Versent le doux oubli de ces maux qu'on adore;
Toi, devant qui I'amour s'enfuit et s'évapore,
5Comme de ce cristal aux mobiles éclairs
Tes esprits odorants s'exhalent dans les airs.
Eh bien! mes pas ont-ils refusé de vous suivre?
'Nous venons, disiez-vous, te conseiller de vivre.
Au lieu d'aller gémir, mendier des dédains,
10Suis-nous, si tu le peux. La joie à nos festins
T'appelle. Viens, les fleurs ont couronné la table:
Viens, viens y consoler ton âme inconsolable.'
Vous voyez, mes amis, si de ce noble soin
Mon coeur tranquille et libre avait aucun besoin.
15Camille dans mon coeur ne trouve plus des armes,
Et je l'entends nommer sans trouble, sans alarmes;
Ma pensée est loin d'elle, et je n'en parle plus;
Je crois la voir muette et le regard confus,
Pleurante. Sa beauté présomptueuse et vaine
20Lui disait qu'un captif, une fois dans sa chaîne,
Ne pouvait songer... Mais, que nous font ses ennuis?
Jeune homme, apporte-nous d'autres fleurs et des fruits.
Qu'est-ce, amis? nos éclats, nos jeux se ralentissent?
Que des verres plus grands dans nos mains se remplissent!
25Pourquoi vois-je languir ces vins abandonnés,
Sous le liège tenace encore emprisonnés?
Voyons si ce premier, fils de l'Andalousie,
Vaudra ceux dont Madère a formé l'ambroisie,
Ou ceux dont la Garonne enrichit ses coteaux,
30Ou la vigne foulée aux pressoirs de Cîteaux.
Non, rien n'est plus heureux que le mortel tranquille
Qui, cher à ses amis, à l'amour indocile,
Parmi les entretiens, les jeux et les banquets,
Laisse couler la vie et n'y pense jamais.
35Ah! qu'un front et qu'une âme à la tristesse en proie
Feignent malaisément et le rire et la joie!
Je ne sais, mais partout je l'entends, je la voi;
Son fantôme attrayant est partout devant moi;
Son nom, sa voix absente errent dans mon oreille.
40Peut-être aux feux du vin que l'amour se réveille:
Sous les bosquets de Chypre, à Vénus consacrés,
Bacchus mûrit l'azur de ses pampres dorés.
J'ai peur que, pour tromper ma haine et ma vengeance,
Tous ces dieux malfaisants ne soient d'intelligence.
45Du moins il m'en souvient, quand autrefois, auprès
De cette ingrate aimée, en nos festins secrets,
Je portais à la hâte à ma bouche ravie
La coupe demi-pleine à ses lèvres saisie,
Ce nectar, de l'amour ministre insidieux,
50Bien loin de les éteindre, aiguillonnait mes feux.
Ma main courait saisir, de transports chatouillée,
Sa tête noblement folâtre, échevelée.
Elle riait; et moi, malgré ses bras jaloux,
J'arrivais à sa bouche, à ses baisers si doux;
55J'avais soin de reprendre, utile stratagème!
Les fleurs que sur son sein j'avais mises moi-même;
Et sur ce sein, mes doigts égarés, palpitants,
Les cherchaient, les suivaient, et les ôtaient longtemps.
Ah! je l'aimais alors! Je l'aimerais encore,
60Si de tout conquérir la soif qui la dévore
Eût flatté mon orgueil au lieu de l'outrager,
Si mon amour n'avait qu'un outrage à venger,
Si vingt crimes nouveaux n'avaient trop su l'éteindre,
Si je ne l'abhorrais! Ah! qu'un coeur est à plaindre
65De s'être à son amour longtemps accoutumé,
Quand il faut n'aimer plus ce qu'on a tant aimé!
Pourquoi, grands dieux! pourquoi la fîtes-vous si belle?
Mais ne me parlez plus, amis, de l'infidèle:
Que m'importe qu'un autre adore ses attraits,
70Qu'un autre soit le roi de ses festins secrets;
Que tous deux en riant ils me nomment peut-être;
De ses cheveux épars qu'un autre soit le maître;
Qu'un autre ait ses baisers, son coeur; qu'une autre main
Poursuive lentement des bouquets sur son sein?
75Un autre! Ah! je ne puis en souffrir la pensée!
Riez, amis; nommez ma fureur insensée.
Vous n'aimez pas, et j'aime, et je brûle, et je pars
Me coucher sur sa porte, implorer ses regards;
Elle entendra mes pleurs, elle verra mes larmes;
80Et dans ses yeux divins, pleins de grâces, de charmes,
Le sourire ou la haine, arbitres de mon sort,
Vont ou me pardonner, ou prononcer ma mort.
Tel j'étais autrefois et tel je suis encor.
Quand ma main imprudente a tari mon trésor,
Ou la nuit, accourant au sortir de la table,
Si Laure m'a fermé le seuil inexorable,
5Je regagne mon toit. Là, lecteur studieux,
Content et sans désirs, je rends grâces aux dieux.
Je crie: O soins de l'homme, inquiétudes vaines!
Oh! que de vide, hélas! dans les choses humaines!
Faut-il ainsi poursuivre au hasard emportés
10Et l'argent et l'amour, aveugles déités!
Mais si Plutus revient, de sa source dorée,
Conduire dans mes mains quelque veine égarée;
A mes signes, du fond de son appartement,
Si ma blanche voisine a souri mollement:
15Adieu les grands discours, et le volume antique,
Et le sage Lycée, et l'auguste Portique;
Et reviennent en foule et soupirs et billets,
Soins de plaire, parfums et fêtes et banquets,
Et longs regards d'amour et molles élégies,
20Et jusques au matin amoureuses orgies.
Fumant dans le cristal, que Bacchus à longs flots
Partout aille à la ronde éveiller les bons mots.
Reine de mes banquets, que Lycoris y vienne;
Que des fleurs de sa tête elle pare la mienne;
5Pour enivrer mes sens, que le feu de ses yeux
S'unisse à la vapeur des vins délicieux.
Amis, que ce bonheur soit notre unique étude;
Nous en perdrons sitôt la charmante habitude!
Hâtons-nous, l'heure fuit. Hâtons-nous de saisir
10L'instant, le seul instant donné pour le plaisir.
Un jour, tel est du sort l'arrêt inexorable,
Vénus, qui pour les dieux fit le bonheur durable,
A nos cheveux blanchis refusera des fleurs,
Et le printemps pour nous n'aura plus de couleurs.
15Qu'un sein voluptueux, des lèvres demi-closes
Respirent près de nous leur haleine de roses;
Que Phryné sans réserve abandonne à nos yeux
De ses charmes secrets les contours gracieux.
Quand l'âge aura sur nous mis sa main flétrissante,
20Que pourra la beauté, quoique toute-puissante?
Vainement exposée à nos regards confus,
Nos coeurs en la voyant ne palpiteront plus.
Il faudra bien qu'armés de la philosophie,
Oubliant le plaisir alors qu'il nous oublie,
25La science nous offre un utile secours
Qui dispute à l'ennui le reste de nos jours.
C'est alors qu'exilé dans mon champêtre asile,
De l'antique sagesse admirateur tranquille,
Du mobile univers interrogeant la voix,
30J'irai de la nature étudier les lois:
Par quelle main sur soi la terre suspendue
Voit mugir autour d'elle Amphitrite étendue;
Quel Titan foudroyé respire avec effort
Des cavernes d'Etna la ruine et la mort;
35Quel bras guide les cieux; à quel ordre enchaîné
Le soleil bienfaisant nous ramène l'année;
Quel signe aux ports lointains arrête l'étranger;
Quel autre sur la mer conduit le passager,
Quand sa patrie absente et longtemps appelée
40Lui fait tenter l'Euripe et les flots de Malée;
Et quel, de l'abondance heureux avant-coureur,
Arme d'un aiguillon la main du laboureur.
Cependant jouissons; l'âge nous y convie.
Avant de la quitter, il faut user la vie.
45Le moment d'être sage est voisin du tombeau.
Allons, jeune homme, allons, marche; prends ce flambeau.
Marche, allons. Mène-moi chez ma belle maîtresse.
J'ai pour elle aujourd'hui mille fois plus d'ivresse.
Je veux que des baisers plus doux, plus dévorants,
50N'aient jamais vers le ciel tourné ses yeux mourants.
Souffre un moment encor; tout n'est que changement;
L'axe tourne, mon coeur; souffre encore un moment.
La vie est-elle toute aux ennuis condamnée?
L'hiver ne glace point tous les mois de l'année,
5L'Eurus retient souvent ses bonds impétueux;
Le fleuve, emprisonné dans des rocs tortueux,
Lutte, s'échappe, et va, par des pentes fleuries,
S'étendre mollement sur l'herbe des prairies.
C'est ainsi que, d'écueils et de vagues pressé,
10Pour mieux goûter le calme, il faut avoir passé,
Des pénibles détroits d'une vie orageuse,
Dans une vie enfin plus douce et plus heureuse.
La Fortune, arrivant à pas inattendus,
Frappe, et jette en vos mains mille dons imprévus:
15On le dit. Sur mon seuil jamais cette volage
N'a mis le pied. Mais quoi! son opulent passage,
Moi qui l'attends plongé dans un profond sommeil,
Viendra, sans que j'y pense, enrichir mon réveil.
Toi, qu'aidé de l'aimant plus sûr que les étoiles,
20Le nocher sur la mer poursuit à pleines voiles;
Qui sais de ton palais, d'esclaves abondant,
De diamants, d'azur, d'émeraudes ardent,
Aux gouffres du Potose, aux antres de Golconde,
Tenir les rênes d'or qui gouvernent le monde,
25Brillante déité! tes riches favoris
Te fatiguent sans cesse et de voeux et de cris:
Peu satisfait le pauvre. O belle souveraine!
Peu; seulement assez pour que, libre de chaîne,
Sur les bords où, malgré ses rides, ses revers,
30Belle encor l'Italie attire l'univers,
Je puisse au sein des arts vivre et mourir tranquille!
C'est là que mes désirs m'ont promis un asile;
C'est là qu'un plus beau ciel peut-être dans mes flancs
Éteindra les douleurs et les sables brûlants.
35Là j'irai t'oublier, rire de ton absence;
Là, dans un air plus pur respirer, en silence
Et nonchalant du terme où finiront mes jours,
La santé, le repos, les arts et les amours.
Non, je ne l'aime plus; un autre la possède.
On s'accoutume au mal que l'on voit sans remède.
De ses caprices vains je ne veux plus souffrir:
Mon élégie en pleurs ne sait plus l'attendrir.
5Allez, Muses, partez. Votre art m'est inutile;
Que me font vos lauriers? vous laissez fuir Camille.
Près d'elle je voulais vous avoir pour soutien.
Allez, Muses, partez, si vous n'y pouvez rien.
Voilà donc comme on aime! On vous tient, vous caresse,
10Sur les lèvres toujours on a quelque promesse!
Et puis... Ah! laissez-moi, souvenirs ennemis,
Projets, attente, espoir, qu'elle m'avait permis.
'Nous irons au hameau. Loin, bien loin de la ville,
Ignorés et contents, un silence tranquille
15Ne montrera qu'au ciel notre asile écarté.
Là son âme viendra m'aimer en liberté.
Fuyant d'un luxe vain l'entrave impérieuse,
Sans suite, sans témoins, seule et mystérieuse,
Jamais d'un oeil mortel un regard indiscret
20N'osera la connaître et savoir son secret.
Seul je vivrai pour elle, et mon âme empressée
Épiera ses désirs, ses besoins, sa pensée.
C'est moi qui ferai tout; moi qui de ses cheveux
Sur sa tête le soir assemblerai les noeuds.
25Sa table par mes mains sera prête et choisie;
L'eau pure, de ma main, lui sera l'ambroisie.
Seul, c'est moi qui serai partout, à tout moment,
Son esclave fidèle et son fidèle amant.'
Tels étaient mes projets qu'insensés et volages
30Le vent a dissipés parmi de vains nuages!
Ah! quand d'un long espoir on flatta ses désirs,
On n'y renonce point sans peine et sans soupirs.
Que de fois je t'ai dit: 'Garde d'être inconstante,
Le monde entier déteste une parjure amante;
35Fais-moi plutôt gémir sous des glaives sanglants,
Avec le feu plutôt déchire-moi les flancs.'
O honte! A deux genoux j'exprimais ces alarmes;
J'allais couvrant tes pieds de baisers et de larmes,
Tu me priais alors de cesser de pleurer:
40En foule tes serments venaient me rassurer,
Mes craintes t'offensaient; tu n'étais pas de celles
Qui font jeu de courir à des flammes nouvelles:
Mille sceptres offerts pour ébranler ta foi,
Eût-ce été rien au prix du bonheur d'être à moi?
45Avec de tels discours, ah! tu m'aurais fait croire
Aux clartés du soleil dans la nuit la plus noire.
Tu pleurais même; et moi, lent à me défier,
J'allais avec le lin dans tes yeux essuyer
Ces larmes lentement et malgré toi séchées;
50Et je baisais ce lin qui les avait touchées.
Bien plus, pauvre insensé! j'en rougis: mille fois
Ta louange a monté ma lyre avec ma voix.
Je voudrais que Vulcain, et l'onde où tout s'oublie,
Eût consumé ces vers témoins de ma folie.
55La même lyre encor pourrait bien me venger,
Perfide! Mais, non, non, il faut n'y plus songer.
Quoi! toujours un soupir vers elle me ramène!
Allons! Haïssons-la, puisqu'elle veut ma haine.
Oui, je la hais. Je jure... Eh! serments superflus!
60N'ai-je pas dit assez que je ne l'aimais plus?
O nécessité dure! ô pesant esclavage!
O sort! je dois donc voir, et dans mon plus bel âge,
Flotter mes jours, tissus de désirs et de pleurs,
Dans ce flux et reflux d'espoir et de douleurs!
5Souvent, las d'être esclave et de boire la lie
De ce calice amer que l'on nomme la vie,
Las du mépris des sots qui suit la pauvreté,
Je regarde la tombe, asile souhaité;
Je souris à la mort volontaire et prochaine;
10Je me prie, en pleurant, d'oser rompre ma chaîne;
Déjà le doux poignard qui percerait mon sein
Se présente à mes yeux et frémit sous ma main;
Et puis mon coeur s'écoute et s'ouvre à la faiblesse:
Mes parents, mes amis, l'avenir, ma jeunesse,
15Mes écrits imparfaits; car, à ses propres yeux,
L'homme sait se cacher d'un voile spécieux.
A quelque noir destin qu'elle soit asservie,
D'une étreinte invincible il embrasse la vie,
Et va chercher bien loin, plutôt que de mourir,
20Quelque prétexte ami de vivre et de souffrir.
Il a souffert, il souffre: aveugle d'espérance,
Il se traîne au tombeau de souffrance en souffrance,
Et la mort, de nos maux ce remède si doux,
Lui semble un nouveau mal, le plus cruel de tous.
Amis, couple chéri, coeurs formés pour le mien,
Je suis libre. Camille à mes yeux n'est plus rien.
L'éclat de ses yeux noirs n'éblouit plus ma vue;
Mais cette liberté sera bientôt perdue.
5Je me connais. Toujours je suis libre et je sers;
Être libre pour moi n'est que changer de fers.
Autant que l'univers a de beautés brillantes,
Autant il a d'objets de mes flammes errantes.
Mes amis, sais-je voir d'un oeil indifférent
10Ou l'or des blonds cheveux sur l'albâtre courant,
Ou d'un flanc délicat l'élégante noblesse,
Ou d'un luxe poli la savante richesse?
Sais-je persuader à mes rêves flatteurs
Que les yeux les plus doux peuvent être menteurs?
15Qu'une bouche où la rose, où le baiser respire,
Peut cacher un serpent à l'ombre d'un sourire?
Que sous les beaux contours d'un sein délicieux
Peut habiter un coeur faux, parjure, odieux?
Peu fait à soupçonner le mal qu'on dissimule,
20Dupe de mes regards, à mes désirs crédule,
Elles trouvent mon coeur toujours prêt à s'ouvrir,
Toujours trahi, toujours je me laisse trahir.
Je leur crois des vertus dès que je les vois belles,
Sourd à tous vos conseils, ô mes amis fidèles!
25Relevé d'une chute, une chute m'attend;
De Charybde à Scylla toujours vague et flottant,
Et toujours loin du bord jouet de quelque orage,
Je ne sais que périr de naufrage en naufrage.
Ah! je voudrais n'avoir jamais reçu le jour
30Dans ces vaines cités que tourmente l'amour,
Où les jeunes beautés, par une longue étude,
Font un art des serments et de l'ingratitude,
Heureux loin de ces lieux éclatants et trompeurs,
Eh! qu'il eût mieux valu naître un de ces pasteurs
35Ignorés dans le sein de leurs Alpes fertiles,
Que nos yeux ont connus fortunés et tranquilles!
Oh! que ne suis-je enfant de ce lac enchanté
Où trois pâtres héros ont à la liberté
Rendu tous leurs neveux et l'Helvétie entière!
40Faible, dormant encor sur le sein de ma mère,
Oh! que n'ai-je entendu ces bondissantes eaux,
Ces fleuves, ces torrents, qui de leurs froids berceaux
Viennent du bel Hasly nourrir les doux ombrages!
Hasly! frais Élysée! honneur des pâturages!
45Lieu qu'avec tant d'amour la nature a formé,
Où l'Aar roule un or pur en son onde semé.
Là, je verrais, assis dans ma grotte profonde,
La génisse traînant sa mamelle féconde,
Prodiguant à ses fils ce trésor indulgent,
50A pas lents agiter sa cloche au son d'argent,
Promener près des eaux sa tête nonchalante.
Ou de son large flanc presser l'herbe odorante.
Le soir, lorsque plus loin, s'étend l'ombre des monts,
Ma conque, rappelant mes troupeaux vagabonds,
55Leur chanterait cet air si doux à ces campagnes,
Cet air que d'Appenzell répètent les montagnes.
Si septembre, cédant au long mois qui le suit,
Marquait de froids zéphirs l'approche de la nuit,
Dans ses flancs colorés une luisante argile
60Garderait sous mon toit un feu lent et tranquille,
Ou, brûlant sur la cendre à la fuite du jour,
Un mélèze odorant attendrait mon retour.
Une rustique épouse et soigneuse et zélée,
Blanche (car sous l'ombrage au sein de la vallée
65Les fureurs du soleil n'osent les outrager),
M'offrirait le doux miel, les fruits de mon verger,
Le lait, enfant des sels de ma prairie humide,
Tantôt breuvage pur et tantôt mets solide,
En un globe fondant sous ses mains épaissi,
70En disque savoureux à la longue durci;
Et cependant sa voix simple et douce et légère
Me chanterait les airs que lui chantait sa mère.
Hélas! aux lieux amers où je suis enchaîné,
Ce repos à mes jours ne fut point destiné.
75J'irai: Je veux jamais ne revoir ce rivage.
Je veux, accompagné de ma muse sauvage,
Revoir le Rhin tomber en des gouffres profonds,
Et le Rhône grondant sous d'immenses glaçons,
Et d'Arve aux flots impurs la nymphe injurieuse.
80Je vole, je parcours la cime harmonieuse
Où souvent de leurs cieux les anges descendus,
En des nuages d'or mollement suspendus,
Emplissent l'air des sons de leur voix éthérée.
O lac, fils des torrents! ô Thun, onde sacrée!
85Salut, monts chevelus, verts et sombres remparts
Qui contenez ses flots pressés de toutes parts!
Salut, de la nature admirables caprices,
Où les bois, les cités, pendent en précipices!
Je veux, je veux courir sur vos sommets touffus;
90Je veux, jouet errant de vos sentiers confus,
Foulant de vos rochers la mousse insidieuse,
Suivre de mes chevreaux la trace hasardeuse;
Et toi, grotte escarpée et voisine des cieux,
Qui d'un ami des saints fus l'asile pieux,
95Voûte obscure où s'étend et chemine en silence
L'eau qui de roc en roc bientôt fuit et s'élance,
Ah! sous tes murs, sans doute, un coeur trop agité
Retrouvera la joie et la tranquillité!
O délices d'amour! et toi, molle paresse,
Vous aurez donc usé mon oisive jeunesse!
Les belles sont partout. Pour chercher les beaux-arts,
Des Alpes vainement j'ai franchi les remparts;
5Rome d'amours en foule assiège mon asile,
Sage vieillesse, accours! Ô déesse tranquille,
De ma jeune saison éteins ces feux brûlants,
Sage vieillesse! Heureux qui, dès ses premiers ans,
A senti de son sang, dans ses veines stagnantes,
10Couler d'un pas égal les ondes languissantes;
Dont les désirs jamais n'ont troublé la raison;
Pour qui les yeux n'ont point de suave poison;
Au sein de qui jamais une absente perdue
N'a laissé l'aiguillon d'une trop belle vue;
15Qui, s'il regarde et loue un front si gracieux,
Ne le voit plus, sitôt qu'il n'est plus sous ses yeux!
Doux et cruels tyrans, brillantes héroïnes,
Femmes, de ma mémoire habitantes divines,
Fantômes enchanteurs, cessez de m'égarer.
20O mon coeur! ô mes sens! laissez-moi respirer.
Laissez-moi dans la paix de l'ombre solitaire
Travailler à loisir quelque oeuvre noble et fière
Qui, sur l'amas des temps propre à se maintenir,
Me recommande aux yeux des âges à venir.
25Mais, non! j'implore en vain un repos favorable;
Je t'appartiens, Amour, Amour inexorable!
Souvent le malheureux sourit parmi ses pleurs,
Et voit quelque plaisir naître au sein des douleurs.
Sous ses hauts monts ainsi l'Allobroge recèle,
Sous ses monts, de l'hiver la patrie éternelle,
5Et les fleurs du printemps et les biens de l'été.
Sur leurs arides fronts le voyageur porté
S'étonne. Auprès des rocs d'âge en âge entassée,
En flots âpres et durs brille une mer glacée.
A peine sur le dos de ces sentiers luisants
10Un bois armé de fer soutient ses pas glissants.
Il entend retentir la voix du précipice.
Il se tourne et partout un amas se hérisse
De sommets ou brûlés ou de glace épaissis,
Fils du vaste mont Blanc sur leurs têtes assis,
15Et qui s'élève autant au-dessus de leurs cimes
Qu'ils s'élèvent eux-mêmes au-dessus des abîmes.
Mais bientôt à leurs pieds qu'il descende; à ses yeux
S'étendent mollement vallons délicieux,
Pâturages et prés, doux enfants des rosées,
20Trient, Cluses, Magland, humides Élysées,
Frais coteaux, où partout sur des flots vagabonds
Pend le mélèze altier, vieil habitant des monts.
Je t'indique le fruit qui m'a rendu malade;
Je te crie en quel lieu, sous la route, est caché
Un abîme, où déjà mes pas ont trébuché.
D'un mutuel amour combien doux est l'empire!
5Heureux, et plus heureux que je ne saurais dire,
Deux coeurs qui ne font qu'un, dont la vie et l'amour
N'auront, dans un long temps, qu'un même dernier jour!
Mais bien peu, qu'ont séduits de si douces chimères,
Out fui le repentir et les larmes amères.
10O poètes amants! conseillers dangereux,
Qui vantez la douceur des tourments amoureux,
Votre miel déguisait de funestes breuvages;
Sur les rochers d'Eubée, entourés de naufrages,
Allumant dans la nuit d'infidèles flambeaux,
15Vous avez égaré mes crédules vaisseaux.
Mais que dis-je? vos vers sont tout trempés de larmes.
Ce n'est pas vous qui m'avez perdu... Si je vous avais cru... C'est moi-même; c'est elle et ses yeux... et sa blancheur... et ses artifices et ma... et ma...
Tout homme a ses douleurs. Mais aux yeux de ses frères
Chacun d'un front serein déguise ses misères.
Chacun ne plaint que soi. Chacun dans son ennui
Envie un autre humain qui se plaint comme lui,
5Nul des autres mortels ne mesure les peines,
Qu'ils savent tous cacher comme il cache les siennes;
Et chacun, l'oeil en pleurs, en son coeur douloureux
Se dit: 'Excepté moi, tout le monde est heureux,'
Ils sont tous malheureux. Leur prière importune
10Crie et demande au ciel de changer leur fortune,
Ils changent; et bientôt, versant de nouveaux pleurs,
Ils trouvent qu'ils n'ont fait que changer de malheurs.
Ainsi, lorsque souvent le gouvernail agile
De Douvre ou de Tanger fend la route mobile,
Au fond du noir vaisseau sur la vague roulant
Le passager languit malade et chancelant.
5Son regard obscurci meurt. Sa tête pesante
Tourne comme le vent qui souffle la tourmente,
Et son coeur nage et flotte en son sein agité
Comme de bonds en bonds le navire emporté.
Il croit sentir sous lui fuir la planche légère.
10Triste et pâle, il se couche, et la nausée amère
Soulève sa poitrine, et sa bouche à longs flots
Inonde les tapis destinés au repos.
Il verrait sans chagrin la mort et le naufrage:
Stupide, il a perdu sa force et son courage.
15Il ne retrouve plus ses membres engourdis.
Il ne peut secourir son ami ni son fils,
Ni soutenir son père, et sa main faible et lente
Ne peut serrer la main de sa femme expirante.
Fait en partie dans le vaisseau, en allant à Douvres couché et souffrant, le 6. Ecrit à Londres, le 10 décembre 1787.
Sans parents, sans amis et sans concitoyens,
Oublié sur la terre et loin de tous les miens,
Par les vagues jeté sur cette île farouche,
Le doux nom de la France est souvent sur ma bouche.
5Auprès d'un noir foyer, seul, je me plains du sort.
Je compte les moments, je souhaite la mort;
Et pas un seul ami dont la voix m'encourage,
Qui près de moi s'asseye, et, voyant mon visage
Se baigner de mes pleurs et tomber sur mon sein;
10Me dise: 'Qu'as-tu donc?' et me presse la main. 10
Londres, décembre 1787.
Le doux sommeil habite où sourit la fortune,
Pareil aux faux amis, le malheur l'importune.
Il vole se poser, loin des cris de douleurs,
Sur des yeux que jamais n'ont altérés les pleurs.
L'innocente victime, au terrestre séjour,
N'a vu que le printemps qui lui donna le jour.
Rien n'est resté de lui qu'un nom, un vain nuage,
Un souvenir, un songe, une invisible image.
5Adieu, fragile enfant échappé de nos bras:
Adieu, dans la maison d'où l'on ne revient pas.
Nous ne te verrons plus, quand de moissons couverte
La campagne d'été rend la ville déserte;
Dans l'enclos paternel nous ne te verrons plus,
10De tes pieds, de tes mains, de tes flancs demi-nus,
Presser l'herbe et les fleurs dont les nymphes de Seine
Couronnent tous les ans les coteaux de Lucienne.
L'axe de l'humble char à tes jeux destiné,
Par de fidèles mains avec toi promené,
15Ne sillonnera plus les prés et le rivage.
Tes regards, ton murmure, obscur et doux langage,
N'inquiéteront plus nos soins officieux;
Nous ne recevrons plus avec des cris joyeux
Les efforts impuissants de ta bouche vermeille
20A bégayer les sons offerts à ton oreille.
Adieu, dans la demeure où nous nous suivrons tous,
Où ta mère déjà tourne ses yeux jaloux.
Le courroux d'un amant n'est point inexorable.
Ah! si tu la voyais, cette belle coupable,
Rougir et s'accuser, et se justifier,
Sans implorer sa grâce et sans s'humilier.
5Pourtant de l'obtenir doucement inquiète,
Et, les cheveux épars, immobile, muette,
Les bras, la gorge nue, en un mol abandon,
Tourner sur toi des yeux qui demandent pardon!
Crois qu'abjurant soudain le reproche farouche,
10Tes baisers porteraient son pardon sur sa bouche. 10
Allez, mes vers, allez; je me confie en vous;
Allez fléchir son coeur, désarmer son courroux;
Suppliez, gémissez, implorez sa clémence,
Tant qu'elle vous admette enfin à sa présence.
5Entrez: à ses genoux prosternez vos douleurs,
Le deuil peint sur le front, abattus, tout en pleurs;
Et ne revoyez point mon seuil triste et farouche,
Que vous ne m'apportiez un pardon de sa bouche.
Eh bien! je le voulais. J'aurais bien dû me croire!
Tant de fois à ses torts je cédai la victoire!
Je devais une fois du moins, pour la punir,
Tranquillement l'attendre et la laisser venir.
5Non. Oubliant quels cris, quelle aigre impatience
Hier sut me contraindre à la fuite, au silence,
Ce matin, de mon coeur trop facile bonté!
Je veux la ramener sans blesser sa fierté;
J'y vole; contre moi je lui cherche une excuse.
10Je viens lui pardonner, et c'est moi qu'elle accuse.
C'est moi qui suis injuste, ingrat, capricieux:
Je prends sur sa faiblesse un empire odieux.
Et sanglots et fureurs, injures menaçantes,
Et larmes, à couler toujours obéissantes!
15Et pour la paix il faut, loin d'avoir eu raison,
Confus et repentant, demander mon pardon.
Le Brun, qui nous attends aux rives de la Seine,
Quand un destin jaloux loin de toi nous enchaîne;
Toi, Brazais, comme moi sur ces bords appelé,
Sans qui de l'univers je vivrais exilé;
5Depuis que de Pandore un regard téméraire
Versa sur les humains un trésor de misère,
Pensez-vous que du ciel l'indulgente pitié
Leur ait fait un présent plus beau que l'amitié?
Ah! si quelque mortel est né pour la connaître.
10C'est nous, âmes de feu, dont l'Amour est le maître.
Le cruel trop souvent empoisonne ses coups;
Elle garde à nos coeurs ses baumes les plus doux.
Malheur au jeune enfant seul, sans ami, sans guide,
Qui près de la beauté rougit et s'intimide,
15Et, d'un pouvoir nouveau lentement dominé,
Par l'appât du plaisir doucement entraîné,
Crédule, et sur la foi d'un sourire volage,
A cette mer trompeuse et se livre et s'engage!
Combien de fois, tremblant et les larmes aux yeux,
20Ses cris accuseront l'inconstance des dieux!
Combien il frémira d'entendre sur sa tête
Gronder les aquilons et la noire tempête,
Et d'écueils en écueils portera ses douleurs
Sans trouver une main pour essuyer ses pleurs!
25Mais heureux dont le zèle, au milieu du naufrage,
Viendra le recueillir, le pousser au rivage;
Endormir dans ses flancs le poison ennemi;
Réchauffer dans son sein le sein de son ami,
Et de son fol amour étouffer la semence,
30Ou du moins dans son coeur ranimer l'espérance!
Qu'il est beau de savoir, digne d'un tel lien,
Au repos d'un ami sacrifier le sien!
Plaindre de s'immoler l'occasion ravie,
Être heureux de sa joie et vivre de sa vie!
35Si le ciel a daigné d'un regard amoureux
Accueillir ma prière et sourire à mes voeux,
Je ne demande point que mes sillons avides
Boivent l'or du Pactole et ses trésors liquides;
Ni que le diamant, sur la pourpre enchaîné,
40Pare mon coeur esclave au Louvre prosterné;
Ni même, voeu plus doux! que la main d'Uranie
Embellisse mon front des palmes du génie;
Mais que beaucoup d'amis, accueillis dans mes bras,
Se partagent ma vie et pleurent mon trépas;
45Que ces doctes héros, dont la main de la Gloire
A consacré les noms au temple de Mémoire,
Plutôt que leurs talents, inspirent à mon coeur
Les aimables vertus qui firent leur bonheur;
Et que de l'amitié ces antiques modèles
50Reconnaissent mes pas sur leurs traces fidèles.
Si le feu qui respire en leurs divins écrits
D'une vive étincelle échauffa nos esprits;
Si leur gloire en nos coeurs souffle une noble envie,
Oh! suivons donc aussi l'exemple de leur vie:
55Gardons d'en négliger la plus belle moitié;
Soyons heureux comme eux au sein de l'amitié.
Horace, loin des flots qui tourmentent Cythère,
Y retrouvait d'un port l'asile salutaire;
Lui-même au doux Tibulle, à ses tristes amours,
60Prêta de l'amitié les utiles secours.
L'amitié rendit vains tous les traits de Lesbie;
Elle essuya les yeux que fit pleurer Cynthie.
Virgile n'a-t-il pas, d'un vers doux et flatteur,
De Gallus expirant consolé le malheur?
65Voilà l'exemple saint que mon coeur leur demande.
Ovide, ah! qu'à mes yeux ton infortune est grande!
Non pour n'avoir pu faire aux tyrans irrités
Agréer de tes vers les lâches faussetés;
Je plains ton abandon, ta douleur solitaire.
70Pas un coeur qui, du tien zélé dépositaire,
Vienne adoucir ta plaie, apaiser ton effroi,
Et consoler tes pleurs, et pleurer avec toi!
Ce n'est pas nous, amis, qu'un tel foudre menace.
Que des dieux et des rois l'éclatante disgrâce
75Nous frappe: leur tonnerre aura trompé leurs mains;
Nous resterons unis en dépit des destins.
Qu'ils excitent sur nous la fortune cruelle;
Qu'elle arme tous ses traits: nous sommes trois contre elle.
Nos coeurs peuvent l'attendre, et, dans tous ses combats,
80L'un sur l'autre appuyés, ne chancelleront pas.
Oui, mes amis, voilà le bonheur, la sagesse.
Que nous importe alors si le dieu du Permesse
Dédaigne de nous voir, entre ses favoris,
Charmer de l'Hélicon les bocages fleuris?
85Aux sentiers où leur vie offre un plus doux exemple,
Où la félicité les reçut dans son temple,
Nous les aurons suivis, et, jusques au tombeau,
De leur double laurier su ravir le plus beau.
Mais nous pouvons, comme eux, les cueillir l'un et l'autre.
90Ils reçurent du ciel un coeur tel que le nôtre;
Ce coeur fut leur génie; il fut leur Apollon,
Et leur docte fontaine, et leur sacré vallon.
Castor charme les dieux, et son frère l'inspire.
Loin de Patrocle, Achille aurait brisé sa lyre.
95C'est près de Pollion, dans les bras de Varus,
Que Virgile envia le destin de Nisus.
Que dis-je? ils t'ont transmis ce feu qui les domine.
N'ai-je pas vu ta muse au tombeau de Racine,
Le Brun, faire gémir la lyre de douleurs
100Que jadis Simonide anima de ses pleurs?
Et toi, dont le génie, amant de la retraite,
Et des leçons d'Ascra studieux interprète,
Accompagnant l'année en ses douze palais,
Étale sa richesse et ses vastes bienfaits;
105Brazais, que de tes chants mon âme est pénétrée,
Quand ils vont couronner cette vierge adorée
Dont par la main du temps l'empire est respecté,
Et de qui la vieillesse augmente la beauté!
L'homme insensible et froid en vain s'attache à peindre
110Ces sentiments du coeur que l'esprit ne peut feindre;
De ses tableaux fardés les frivoles appas
N'iront jamais au coeur dont ils ne viennent pas.
Eh! comment me tracer une image fidèle
Des traits dont votre main ignore le modèle?
115Mais celui qui, dans soi descendant en secret,
Le contemple vivant, ce modèle parfait,
C'est lui qui nous enflamme au feu qui le dévore;
Lui qui fait adorer la vertu qu'il adore;
Lui qui trace, en un vers des Muses agréé,
120Un sentiment profond que son coeur a créé.
Aimer, sentir, c'est là cette ivresse vantée
Qu'aux célestes foyers déroba Prométhée.
Calliope jamais daigna-t-elle enflammer
Un coeur inaccessible à la douceur d'aimer?
125Non: l'amour, l'amitié, la sublime harmonie,
Tous ces dons précieux n'ont qu'un même génie;
Même souffle anima le poète charmant,
L'ami religieux et le parfait amant;
Ce sont toutes vertus d'une âme grande et fière.
130Bavius et Zoïle, et Gacon et Linière,
Aux concerts d'Apollon ne furent point admis,
Vécurent sans maîtresse, et n'eurent point d'amis.
Et ceux qui, par leurs moeurs dignes de plus d'estime,
Ne sont point nés pourtant sous cet astre sublime,
135Voyez-les, dans des vers divins, délicieux,
Vous habiller l'amour d'un clinquant précieux;
Badinage insipide où leur ennui se joue,
Et qu'autant que l'amour le bon sens désavoue.
Voyez si d'une belle un jeune amant épris
140A tressailli jamais en lisant leurs écrits;
Si leurs lyres jamais, froides comme leurs âmes,
De la sainte amitié respirèrent les flammes.
O peuples de héros, exemples des mortels!
C'est chez vous que l'encens fuma sur ses autels;
145C'est aux temps glorieux des triomphes d'Athène,
Aux temps sanctifiés par la vertu romaine;
Quand l'âme de Lélie animait Scipion,
Quand Nicoclès mourait au sein de Phocion;
C'est aux murs où Lycurgue a consacré sa vie,
150Où les vertus étaient les lois de la patrie.
O demi-dieux amis! Atticus, Cicéron,
Caton, Brutus, Pompée, et Sulpice, et Varron!
Ces héros, dans le sein de leur ville perdue,
S'assemblaient pour pleurer la liberté vaincue.
155Unis par la vertu, la gloire, le malheur,
Les arts et l'amitié consolaient leur douleur.
Sans l'amitié, quel antre ou quel sable infertile
N'eût été pour le sage un désirable asile,
Quand du Tibre avili le spectre ensanglanté
160Armait la main du vice et la férocité;
Quand d'un vrai citoyen l'éclat et le courage
Réveillaient du tyran la soupçonneuse rage;
Quand l'exil, la prison, le vol, l'assassinat,
Étaient pour l'apaiser l'offrande du Sénat!
165Thraséas, Soranus, Sénécion, Rustique,
Vous tous, dignes enfants de la patrie antique,
Je vous vois tous amis, entourés de bourreaux,
Braver du scélérat les indignes faisceaux,
Du lâche délateur l'impudente richesse,
170Et du vil affranchi l'orgueilleuse bassesse.
Je vous vois, au milieu des crimes, des noirceurs,
Garder une patrie, et des lois, et des moeurs;
Traverser d'un pied sûr, sans tache, sans souillure,
Les flots contagieux de cette mer impure;
175Vous créer, au flambeau de vos mâles aïeux,
Sur ce monde profane un monde vertueux.
Oh! viens rendre à leurs noms nos âmes attentives,
Amitié! de leur gloire ennoblis nos archives.
Viens, viens: que nos climats, par ton souffle épurés,
180Enfantent des rivaux à ces hommes sacrés.
Rends-nous hommes comme eux. Fais sur la France heureuse
Descendre des Vertus la troupe radieuse,
De ces filles du ciel qui naissent dans ton sein,
Et toutes sur tes pas se tiennent par la main.
185Ranime les beaux-arts, éveille leur génie,
Chasse de leur empire et la haine et l'envie:
Loin de toi dans l'opprobre ils meurent avilis;
Pour conserver leur trône ils doivent être unis.
Alors de l'univers ils forcent les hommages:
190Tout, jusqu'à Plutus même, encense leurs images;
Tout devient juste alors; et le peuple et les grands,
Quand l'homme est respectable, honorent les talents.
Ainsi l'on vit les Grecs prôner d'un même zèle
La gloire d'Alexandre et la gloire d'Apelle;
195La main de Phidias créa des immortels,
Et Smyrne à son Homère éleva des autels.
Nous, amis, cependant, de qui la noble audace
Veut atteindre aux lauriers de l'antique Parnasse,
Au rang de ces grands noms nous pouvons être admis;
200Soyons cités comme eux entre les vrais amis.
Qu'au-delà du trépas notre âme mutuelle
Vive et respire encor sur la lyre immortelle.
Que nos noms soient sacrés, que nos chants glorieux
Soient pour tous les amis un code précieux.
205Qu'ils trouvent dans nos vers leur âme et leurs pensées;
Qu'ils raniment encor nos muses éclipsées,
Et qu'en nous imitant ils s'attendent un jour
D'être chez leurs neveux imités à leur tour.
(1782.)
Ami, chez nos Français ma muse voudrait plaire;
Mais j'ai fui la satire à leurs regards si chère.
Le superbe lecteur, toujours content de lui,
Et toujours plus content s'il peut rire d'autrui,
5Veut qu'un nom imprévu, dont l'aspect le déride,
Égayé au bout du vers une rime perfide;
Il s'endort si quelqu'un ne pleure quand il rit.
Mais qu'Horace et sa troupe irascible d'esprit
Daignent me pardonner, si jamais ils pardonnent:
10J'estime peu cet art, ces leçons qu'ils nous donnent
D'immoler bien un sot qui jure en son chagrin,
Au rire âcre et perçant d'un caprice malin.
Le malheureux déjà me semble assez à plaindre
D'avoir, même avant lui, vu sa gloire s'éteindre
15Et son livre au tombeau lui montrer le chemin,
Sans aller, sous la terre au trop fertile sein,
Semant sa renommée et ses tristes merveilles,
Faire à tous les roseaux chanter quelles oreilles
Sur sa tête ont dressé leurs sommets et leurs poids.
20Autres sont mes plaisirs. Soit, comme je le crois,
Que d'une débonnaire et généreuse argile
On ait pétri mon âme innocente et facile;
Soit, comme ici, d'un oeil caustique et médisant,
En secouant le front, dira quelque plaisant,
25Que le ciel, moins propice, enviât à ma plume
D'un sel ingénieux la piquante amertume,
J'en profite à ma gloire, et je viens devant toi
Mépriser les raisins qui sont trop hauts pour moi.
Aux reproches sanglants d'un vers noble et sévère
30Ce pays toutefois offre une ample matière:
Soldats tyrans du peuple obscur et gémissant,
Et juges endormis aux cris de l'innocent;
Ministres oppresseurs, dont la main détestable
Plonge au fond des cachots la vertu redoutable.
35Mais, loin qu'ils aient senti la fureur de nos vers,
Nos vers rampent en foule aux pieds de ces pervers,
Qui savent bien payer d'un mépris légitime
Le lâche qui pour eux feint d'avoir quelque estime.
Certe, un courage ardent qui s'armerait contre eux
40Serait utile au moins s'il était dangereux;
Non d'aller, aiguisant une vaine satire,
Chercher sur quel poète on a droit de médire;
Si tel livre deux fois ne s'est pas imprimé,
Si tel est mal écrit, tel autre mal rimé.
45Ainsi donc, sans coûter de larmes à personne,
A mes goûts innocents, ami, je m'abandonne.
Mes regards vont errant sur mille et mille objets.
Sans renoncer aux vieux, plein de nouveaux projets,
Je les tiens; dans mon camp partout je les rassemble,
50Les enrôle, les suis, les pousse tous ensemble.
S'égarant à son gré, mon ciseau vagabond
Achève à ce poème ou les pieds ou le front,
Creuse à l'autre les flancs, puis l'abandonne et vole
Travailler à cet autre ou la jambe ou l'épaule.
55Tous, boiteux, suspendus, traînent; mais je les vois
Tous bientôt sur leurs pieds se tenir à la fois.
Ensemble lentement tous couvés sous mes ailes,
Tous ensemble quittant leurs coques maternelles,
Sauront d'un beau plumage ensemble se couvrir,
60Ensemble sous le bois voltiger et courir.
Peut-être il vaudrait mieux, plus constant et plus sage,
Commencer, travailler, finir un seul ouvrage.
Mais quoi! cette constance est un pénible ennui.
'Eh bien! nous lirez-vous quelque chose aujourd'hui?
65Me dit un curieux qui s'est toujours fait gloire
D'honorer les neuf Soeurs, et toujours, après boire,
Étendu dans sa chaise et se chauffant les piés,
Aime à dormir au bruit des vers psalmodiés.
—Qui, moi? Non, je n'ai rien. D'ailleurs je ne lis guère.
70—Certe, un tel nous lut hier une épître!... et son frère
Termina par une ode où j'ai trouvé des traits!...
—Ces messieurs plus féconds, dis-je, sont toujours prêts.
Mais moi, que le caprice et le hasard inspire,
Je n'ai jamais sur moi rien qu'on puisse vous lire.
75—Bon! bon! Et cet HERMÈS, dont vous ne parlez pas,
Que devient-il?—Il marche, il arrive à grands pas.
—Oh! je m'en fie à vous.—Hélas! trop, je vous jure.
—Combien de chants de faits?—Pas un, je vous assure.
—Comment?—Vous avez vu sous la main d'un fondeur
80Ensemble se former, diverses en grandeur,
Trente cloches d'airain, rivales du tonnerre?
Il achève leur moule enseveli sous terre;
Puis, par un long canal en rameaux divisé,
Y fait couler les flots de l'airain embrasé;
85Si bien qu'au même instant, cloches, petite et grande,
Sont prêtes, et chacune attend et ne demande
Qu'à sonner quelque mort, et du haut d'une tour
Réveiller la paroisse à la pointe du jour.
Moi, je suis ce fondeur: de mes écrits en foule
90Je prépare longtemps et la forme et le moule;
Puis, sur tous à la fois je fais couler l'airain:
Rien n'est fait aujourd'hui, tout sera fait demain.'
Ami, Phoebus ainsi me verse ses largesses.
Souvent des vieux auteurs j'envahis les richesses.
95Plus souvent leurs écrits, aiguillons généreux,5
M'embrasent de leur flamme, et je crée avec eux.
Un juge sourcilleux, épiant mes ouvrages,
Tout à coup à grands cris dénonce vingt passages
Traduits de tel auteur qu'il nomme; et, les trouvant,
100Il s'admire et se plaît de se voir si savant.
Que ne vient-il vers moi? je lui ferai connaître
Mille de mes larcins qu'il ignore peut-être.
Mon doigt sur mon manteau lui dévoile à l'instant
La couture invisible et qui va serpentant
105Pour joindre à mon étoffe une pourpre étrangère.
Je lui montrerai l'art, ignoré du vulgaire,
De séparer aux yeux, en suivant leur lien,
Tous ces métaux unis dont j'ai formé le mien.
Tout ce que des Anglais la muse inculte et brave,
110Tout ce que des Toscans la voix fière et suave,
Tout ce que les Romains, ces rois de l'univers,
M'offraient d'or et de soie, est passé dans mes vers.
Je m'abreuve surtout des flots que le Permesse
Plus féconds et plus purs fit couler dans la Grèce;
115Là, Prométhée ardent, je dérobe les feux
Dont j'anime l'argile et dont je fais des dieux.
Tantôt chez un auteur j'adopte une pensée,
Mais qui revêt, chez moi, souvent entrelacée,
Mes images, mes tours, jeune et frais ornement;
120Tantôt je ne retiens que les mots seulement:
J'en détourne le sens, et l'art sait les contraindre
Vers des objets nouveaux qu'ils s'étonnent de peindre.
La prose plus souvent vient subir d'autres lois,
Et se transforme, et fuît mes poétiques doigts;
125De rimes couronnée, et légère et dansante,
En nombres mesurés elle s'agite et chante.
Des antiques vergers ces rameaux empruntés
Croissent sur mon terrain mollement transplantés;
Aux troncs de mon verger ma main avec adresse
130Les attache, et bientôt même écorce les presse.
De ce mélange heureux l'insensible douceur
Donne à mes fruits nouveaux une antique saveur.
Dévot adorateur de ces maîtres antiques,
Je veux m'envelopper de leurs saintes reliques.
135Dans leur triomphe admis, je veux le partager,
Ou bien de ma défense eux-mêmes les charger.
Le critique imprudent, qui se croit bien habile,
Donnera sur ma joue un soufflet à Virgile.
Et ceci (tu peux voir si j'observe ma loi),
140Montaigne, il t'en souvient, l'avait dit avant moi.
O fils du Mincius, je te salue, ô toi
Par qui le dieu des arts fut roi du peuple-roi!
Et vous, à qui jadis, pour créer l'harmonie,
L'Attique et l'onde Égée, et la belle Ionie,
5Donnèrent un ciel pur, les plaisirs, la beauté,
Des moeurs simples, des lois, la paix, la liberté,
Un langage sonore aux douceurs souveraines,
Le plus beau qui soit né sur des lèvres humaines!
Nul âge ne verra pâlir vos saints lauriers,
10Car vos pas inventeurs ouvrirent les sentiers;
Et du temple des arts que la gloire environne
Vos mains ont élevé la première colonne.
A nous tous aujourd'hui, vos faibles nourrissons,
Votre exemple a dicté d'importantes leçons.
15Il nous dit que nos mains, pour vous être fidèles,
Y doivent élever des colonnes nouvelles.
L'esclave imitateur naît et s'évanouit;
La nuit vient, le corps reste, et son ombre s'enfuit.
Ce n'est qu'aux inventeurs que la vie est promise.
20Nous voyons les enfants de la fière Tamise,
De toute servitude ennemis indomptés;
Mieux qu'eux, par votre exemple, à vous vaincre excités,
Osons; de votre gloire éclatante et durable
Essayons d'épuiser la source inépuisable.
25Mais inventer n'est pas, en un brusque abandon,
Blesser la vérité, le bon sens, la raison;
Ce n'est pas entasser, sans dessein et sans forme,
Des membres ennemis en un colosse énorme;
Ce n'est pas, élevant des poissons dans les airs,
30A l'aile des vautours ouvrir le sein des mers;
Ce n'est pas sur le front d'une nymphe brillante
Hérisser d'un lion la crinière sanglante:
Délires insensés! fantômes monstrueux!
Et d'un cerveau malsain rêves tumultueux!
35Ces transports déréglés, vagabonde manie,
Sont l'accès de la fièvre et non pas du génie;
D'Ormus et d'Ariman ce sont les noirs combats,
Où, partout confondus, la vie et le trépas,
Les ténèbres, le jour, la forme et la matière,
40Luttent sans être unis; mais l'esprit de lumière
Fait naître en ce chaos la concorde et le jour:
D'éléments divisés il reconnaît l'amour,
Les rappelle; et partout, en d'heureux intervalles,
Sépare et met en paix les semences rivales.
45Ainsi donc, dans les arts, l'inventeur est celui
Qui peint ce que chacun put sentir comme lui;
Qui, fouillant des objets les plus sombres retraites,
Étale et fait briller leurs richesses secrètes;
Qui, par des noeuds certains, imprévus et nouveaux,
50Unissant des objets qui paraissaient rivaux,
Montre et fait adopter à la nature mère
Ce qu'elle n'a point fait, mais ce qu'elle a pu faire;
C'est le fécond pinceau qui, sûr dans ses regards,
Retrouve un seul visage en vingt belles épars,
55Les fait renaître ensemble, et, par un art suprême,
Des traits de vingt beautés forme la beauté même.
La nature dicta vingt genres opposés
D'un fil léger entre eux chez les Grecs divisés.
Nul genre, s'échappant de ses bornes prescrites,
60N'aurait osé d'un autre envahir les limites,
Et Pindare à sa lyre, en un couplet bouffon,
N'aurait point de Marot associé le ton.
De ces fleuves nombreux dont l'antique Permesse
Arrosa si longtemps les cités de la Grèce,
65De nos jours même, hélas! nos aveugles vaisseaux
Ont encore oublié mille vastes rameaux.
Quand Louis et Colbert, sous les murs de Versailles,
Réparaient des beaux-arts les longues funérailles,
De Sophocle et d'Eschyle ardents admirateurs,
70De leur auguste exemple élèves inventeurs,
Des hommes immortels firent sur notre scène
Revivre aux yeux français les théâtres d'Athène.
Comme eux, instruits par eux, Voltaire offre à nos pleurs
Des grands infortunés les illustres douleurs;
75D'autres esprits divins, fouillant d'autres ruines,5
Sous l'amas des débris, des ronces, des épines,
Ont su, pleins des écrits des Grecs et des Romains,
Retrouver, parcourir leurs antiques chemins,
Mais, oh! la belle palme et quel trésor de gloire
80Pour celui qui, cherchant la plus noble victoire,
D'un si grand labyrinthe affrontant les hasards,
Saura guider sa muse aux immenses regards,
De mille longs détours à la fois occupée,
Dans les sentiers confus d'une vaste épopée;
85Lui dire d'être libre, et qu'elle n'aille pas
De Virgile et d'Homère épier tous les pas,
Par leur secours à peine à leurs pieds élevée;
Mais, qu'auprès de leurs chars, dans un char enlevée,
Sur leurs sentiers marqués de vestiges si beaux,
90Sa roue ose imprimer des vestiges nouveaux!
Quoi! faut-il, ne s'armant que de timides voiles,
N'avoir que ces grands noms pour nord et pour étoiles,
Les côtoyer sans cesse, et n'oser un instant,
Seul et loin de tout bord, intrépide et flottant,
95Aller sonder les flancs du plus lointain Nérée
Et du premier sillon fendre une onde ignorée?
Les coutumes d'alors, les sciences, les moeurs
Respirent dans les vers des antiques auteurs.
Leur siècle est en dépôt dans leurs nobles volumes.
100Tout a changé pour nous, moeurs, sciences, coutumes.
Pourquoi donc nous faut-il, par un pénible soin,
Sans rien voir près de nous, voyant toujours bien loin,
Vivant dans le passé, laissant ceux qui commencent,
Sans penser, écrivant d'après d'autres qui pensent,
105Retraçant un tableau que nos yeux n'ont point vu,
Dire et dire cent fois ce que nous avons lu?
De la Grèce héroïque et naissante et sauvage
Dans Homère à nos yeux vit la parfaite image.
Démocrite, Platon, Epicure, Thalès,
110Ont de loin à Virgile indiqué les secrets
D'une nature encore à leurs yeux trop voilée.
Torricelli, Newton, Kepler et Galilée,
Plus doctes, plus heureux dans leurs puissants efforts,
A tout nouveau Virgile ont ouvert des trésors.
115Tous les arts sont unis: les sciences humaines
N'ont pu de leur empire étendre les domaines,
Sans agrandir aussi la carrière des vers.
Quel long travail pour eux a conquis l'univers!
Aux regards de Buffon, sans voile, sans obstacles,
120La terre ouvrant son sein, ses ressorts, ses miracles,
Ses germes, ses coteaux, dépouille de Téthys;
Les nuages épais, sur elle appesantis,
De ses noires vapeurs nourrissant leur tonnerre;
Et l'hiver ennemi, pour envahir la terre,
125Roi des antres du Nord, et, de glaces armés,5
Ses pas usurpateurs sur nos monts imprimés;
Et l'oeil perçant du verre, en la vaste étendue,
Allant chercher ces feux qui fuyaient notre vue,
Aux changements prédits, immuables, fixés,
130Que d'une plume d'or Bailly nous a tracés;
Aux lois de Cassini les comètes fidèles;
L'aimant, de nos vaisseaux seul dirigeant les ailes;
Une Cybèle neuve et cent mondes divers
Aux yeux de nos Jasons sortis du sein des mers;
135Quel amas de tableaux, de sublimes images,
Naît de ces grands objets réservés à nos âges!
Sous ces bois étrangers qui couronnent ces monts,
Aux vallons de Cusco, dans ces antres profonds,
Si chers à la fortune et plus chers au génie,
140Germent des mines d'or, de gloire et d'harmonie.
Pensez-vous, si Virgile ou l'Aveugle divin
Renaissaient aujourd'hui, que leur savante main
Négligeât de saisir ces fécondes richesses,
De notre Pinde auguste éclatantes largesses?
145Nous en verrions briller leurs sublimes écrits;
Et ces mêmes objets, que vos doctes mépris
Accueillent aujourd'hui d'un front dur et sévère,
Alors à vos regards auraient seuls droit de plaire.
Alors, dans l'avenir, votre inflexible humeur
150Aurait soin de défendre à tout jeune rimeur
D'oser sortir jamais de ce cercle d'images
Que vos yeux auraient vu tracé dans leurs ouvrages.
Mais qui jamais a su, dans des vers séduisants,
Sous des dehors plus vrais peindre l'esprit aux sens?
155Mais quelle voix jamais d'une plus pure flamme
Et chatouilla l'oreille et pénétra dans l'âme?
Mais leurs moeurs et leurs lois, et mille autres hasards,
Rendaient leur siècle heureux plus propice aux beaux-arts.
Eh bien! l'âme est partout; la pensée a des ailes.
160Volons, volons chez eux retrouver leurs modèles;
Voyageons dans leur âge, où, libre, sans détour,
Chaque homme ose être un homme et penser au grand jour.
Au tribunal de Mars, sur la pourpre romaine,
Là du grand Cicéron la vertueuse haine
165Écrase Céthégus, Catilina, Verrès;
Là tonne Démosthène; ici de Périclès
La voix; l'ardente voix, de tous les coeurs maîtresse,
Frappe, foudroie, agite, épouvante la Grèce.
Allons voir la grandeur et l'éclat de leurs jeux.
170Ciel! la mer appelée en un bassin pompeux!
Deux flottes parcourant cette enceinte profonde,
Combattant sous les yeux du conquérant du monde!
O terre de Pélops! avec le monde entier
Allons voir d'Épidaure un agile coursier,
175Couronné dans les champs de Némée et d'Élide;
Allons voir au théâtre, aux accents d'Euripide,
D'une sainte folie un peuple furieux
Chanter: Amour, tyran des hommes et des dieux;
Puis, ivres des transports qui nous viennent surprendre,
180Parmi nous, dans nos vers, revenons les répandre;
Changeons en notre miel leurs plus antiques fleurs;
Pour peindre notre idée empruntons leurs couleurs;
Allumons nos flambeaux à leurs feux poétiques;
Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques.
185Direz-vous qu'un objet né sur leur Hélicon
A seul de nous charmer pu recevoir le don?
Que leurs fables, leurs dieux, ces mensonges futiles,
Des Muses noble ouvrage, aux Muses sont utiles?
Que nos travaux savants, nos calculs studieux,
190Qui subjuguent l'esprit et répugnent aux yeux,
Que l'on croit malgré soi, sont pénibles, austères,
Et moins grands, moins pompeux que leurs belles chimères?
Ces objets, hérissés, dans leurs détours nombreux,
Des ronces d'un langage obscur et ténébreux,
95Pour l'âme, pour les sens offrent-ils rien à peindre?
Le langage des vers y pourrait-il atteindre?
Voilà ce que traités, préfaces, longs discours,
Prose, rime, partout nous disent tous les jours.
Mais enfin, dites-moi, si d'une oeuvre immortelle
200La nature est en nous la source et le modèle,
Pouvez-vous le penser que tout cet univers,
Et cet ordre éternel, ces mouvements divers,
L'immense vérité, la nature elle-même,
Soit moins grande en effet que ce brillant système
205Qu'ils nommaient la nature, et dont d'heureux efforts
Disposaient avec art les fragiles ressorts?
Mais quoi! ces vérités sont au loin reculées,
Dans un langage obscur saintement recélées:
Le peuple les ignore. O Muses, ô Phoebus!
210C'est là, c'est là sans doute un aiguillon de plus.
L'auguste poésie, éclatante interprète,
Se couvrira de gloire en forçant leur retraite.
Cette reine des coeurs, à la touchante voix,
A le droit, en tous lieux, de nous dicter son choix,
215Sûre de voir partout, introduite par elle,
Applaudir à grands cris une beauté nouvelle,
Et les objets nouveaux que sa voix a tentés
Partout, de bouche en bouche, après elle chantés.
Elle porte, à travers leurs nuages plus sombres,
220Des rayons lumineux qui dissipent leurs ombres,
Et rit quand dans son vide un auteur oppressé
Se plaint qu'on a tout dit et que tout est pensé.
Seule, et la lyre en main, et de fleurs couronnée,
De doux ravissements partout accompagnée,
225Aux lieux les plus déserts, ses pas, ses jeunes pas,
Trouvent mille trésors qu'on ne soupçonnait pas.
Sur l'aride buisson que son regard se pose,
Le buisson à ses yeux rit et jette une rose.
Elle sait ne point voir, dans son juste dédain,
230Les fleurs qui trop souvent, courant de main en main,
Ont perdu tout l'éclat de leurs fraîcheurs vermeilles;
Elle sait même encore, ô charmantes merveilles!
Sous ses doigts délicats réparer et cueillir
Celles qu'une autre main n'avait su que flétrir.
235Elle seule connaît ces extases choisies,
D'un, esprit tout de feu mobiles fantaisies,
Ces rêves d'un moment, belles illusions,
D'un monde imaginaire aimables visions,
Qui ne frappent jamais, trop subtile lumière,
240Des terrestres esprits l'oeil épais et vulgaire.
Seule, de mots heureux, faciles, transparents,
Elle sait revêtir ces fantômes errants:
Ainsi des hauts sapins de la Finlande humide,
De l'ambre, enfant du ciel, distille l'or fluide,
245Et sa chute souvent rencontre dans les airs
Quelque insecte volant qu'il porte au fond des mers;
De la Baltique enfin les vagues orageuses
Roulent et vont jeter ces larmes précieuses
Où la fière Vistule, en de nobles coteaux,
250Et le froid Niémen expirent dans ses eaux.
Là, les arts vont cueillir cette merveille utile,
Tombe odorante où vit l'insecte volatile:
Dans cet or diaphane il est lui-même encor;
On dirait qu'il respire et va prendre l'essor.
255Qui que tu sois enfin, ô toi, jeune poète,
Travaille, ose achever cette illustre conquête.
De preuves, de raisons, qu'est-il encor besoin?
Travaille. Un grand exemple est un puissant témoin.
Montre ce qu'on peut faire en le faisant toi-même.
260Si pour toi la retraite est un bonheur suprême;
Si chaque jour les vers de ces maîtres fameux
Font bouillonner ton sang et dressent tes cheveux;
Si tu sens chaque jour, animé de leur âme,
Ce besoin de créer, ces transports, cette flamme,
265Travaille. A nos censeurs c'est à toi de montrer
Tous ces trésors nouveaux qu'ils veulent ignorer.
Il faudra bien les voir, il faudra bien se taire
Quand ils verront enfin, cette gloire étrangère
De rayons inconnus ceindre ton front brillant.
270Aux antres de Paros, le bloc étincelant
N'est aux vulgaires yeux qu'une pierre insensible.
Mais le docte ciseau, dans son sein invisible,
Voit, suit, trouve la vie, et l'âme, et tous ses traits.
Tout l'Olympe respire en ses détours secrets.
275Là vivent de Vénus les beautés souveraines;
Là des muscles nerveux, là de sanglantes veines
Serpentent; là des flancs invaincus aux travaux,
Pour soulager Atlas des célestes fardeaux,
Aux volontés du fer leur enveloppe énorme
280Cède, s'amollit, tombe; et de ce bloc informe
Jaillissent, éclatants, des dieux pour nos autels:
C'est Apollon lui-même, honneur des immortels;
C'est Alcide vainqueur des monstres de Némée;
C'est du vieillard troyen la mort envenimée;
285C'est des Hébreux errants le chef, le défenseur:
Dieu tout entier habite en ce marbre penseur.
Ciel! n'entendez-vous pas de sa bouche profonde
Éclater cette voix créatrice du monde?
Oh! qu'ainsi parmi nous des esprits inventeurs
290De Virgile et d'Homère atteignent les hauteurs,
Sachent dans la mémoire avoir comme eux un temple,
Et sans suivre leurs pas imiter leur exemple;
Faire, en s'éloignant d'eux avec un soin jaloux,
Ce qu'eux-mêmes ils feraient s'ils vivaient parmi nous!
295Que la nature seule, en ses vastes miracles,
Soit leur fable et leurs dieux, et ses lois leurs oracles;
Que leurs vers, de Téthys respectant le sommeil,
N'aillent plus dans ses flots rallumer le soleil;
De la cour d'Apollon que l'erreur soit bannie,
300Et qu'enfin Calliope, élève d'Uranie,
Montant sa lyre d'or sur un plus noble ton,
En langage des dieux fasse parler Newton!
Oh! si je puis un jour!... Mais quel est ce murmure?
Quelle nouvelle attaque et plus forte et plus dure?
305O langue des Français! est-il vrai que ton sort
Est de ramper toujours, et que toi seule as tort?
Ou si d'un faible esprit l'indolente paresse
Veut rejeter sur toi sa honte et sa faiblesse?
Il n'est sot traducteur, de sa richesse enflé,
310Sot auteur d'un poème ou d'un discours sifflé,
Ou d'un recueil ambré de chansons à la glace,
Qui ne vous avertisse, en sa fière préface,
Que, si son style épais vous fatigue d'abord,
Si sa prose vous pèse et bientôt vous endort,
315Si son vers est gêné, sans feu, sans harmonie,
Il n'en est point coupable: il n'est pas sans génie;
Il a tous les talents qui font les grands succès;
Mais enfin, malgré lui, ce langage français,
Si faible en ses couleurs, si froid et si timide,
320L'a contraint d'être lourd, gauche, plat, insipide,
Mais serait-ce Le Brun, Racine, Despréaux
Qui l'accusent ainsi d'abuser leurs travaux?
Est-ce à Rousseau, Buffon, qu'il résiste infidèle?
Est-ce pour Montesquieu, qu'impuissant et rebelle,
325Il fuit? Ne sait-il pas, se reposant sur eux,
Doux, rapide, abondant, magnifique, nerveux,
Creusant dans les détours de ces âmes profondes,
S'y teindre, s'y tremper de leurs couleurs fécondes?
Un rimeur voit partout un nuage, et jamais
330D'un coup d'oeil ferme et grand n'a saisi les objets;
La langue se refuse à ses demi-pensées,
De sang-froid, pas à pas, avec peine amassées;
Il se dépite alors, et, restant en chemin,
Il se plaint qu'elle échappe et glisse de sa main.
335Celui qu'un vrai démon presse, enflamme, domine,
Ignore un tel supplice: il pense, il imagine;
Un langage imprévu, dans son âme produit,
Naît avec sa pensée, et l'embrasse et la suit;
Les images, les mots que le génie inspire,
340Où l'univers entier vit, se meut et respire,
Source vaste et sublime et qu'on ne peut tarir,
En foule en son cerveau se hâtent de courir.
D'eux-mêmes ils vont chercher un noeud qui les rassemble;
Tout s'allie et se forme, et tout va naître ensemble.
345Sous l'insecte vengeur envoyé par Junon,
Telle Io tourmentée, en l'ardente saison,
Traverse en vain les bois et la longue campagne,
Et le fleuve bruyant qui presse la montagne;
Tel le bouillant poète, en ses transports brûlants,
350Le front échevelé, les yeux étincelants,
S'agite, se débat, cherche en d'épais bocages
S'il pourra de sa tête apaiser les orages
Et secouer le dieu qui fatigue son sein.
De sa bouche à grands flots ce dieu dont il est plein
355Bientôt en vers nombreux s'exhale et se déchaîne;
Leur sublime torrent roule, saisit, entraîne.
Les tours impétueux, inattendus, nouveaux,
L'expression de flamme aux magiques tableaux
Qu'a trempés la nature en ses couleurs fertiles,
360Les nombres tour à tour turbulents ou faciles,
Tout porte au fond des coeurs le tumulte ou la paix;
Dans la mémoire au loin tout s'imprime à jamais.
C'est ainsi que Minerve, en un instant formée,
Du front de Jupiter s'élance tout armée,
365Secouant et le glaive et le casque guerrier,5
Et l'horrible Gorgone à l'aspect meurtrier.
Des Toscans, je le sais, la langue est séduisante:
Cire molle, à tout peindre habile et complaisante,
Qui prend d'heureux contours sous les plus faibles mains
370Quand le Nord, s'épuisant de barbares essaims,
Vint par une conquête en malheurs plus féconde
Venger sur les Romains l'esclavage du monde,
De leurs affreux accents la farouche âpreté
Du Latin en tous lieux souilla la pureté.
375On vit de ce mélange étranger et sauvage
Naître des langues soeurs, que le temps et l'usage,
Par des sentiers divers guidant diversement,
D'une lime insensible ont poli lentement,
Sans pouvoir en entier, malgré tous leurs prodiges,
380De la rouille barbare effacer les vestiges.
De là du Castillan la pompe et la fierté,
Teint encor des couleurs du langage indompté
Qu'au Tage transplantaient les fureurs musulmanes.
La grâce et la douceur sur les lèvres toscanes
385Fixèrent leur empire; et la Seine à la fois
De grâce et de fierté sut composer sa voix.
Mais ce langage, armé d'obstacles indociles,
Lutte et ne veut plier que sons des mains habiles.
Est-ce un mal? Eh! plutôt rendons grâces aux dieux.
390Un faux éclat longtemps ne peut tromper nos yeux;
Et notre langue même, à tout esprit vulgaire
De nos vers dédaigneux fermant le sanctuaire,
Avertit dès l'abord quiconque y veut monter
Qu'il faut savoir tout craindre et savoir tout tenter,
395Et, recueillant affronts ou gloire sans mélange,
S'élever jusqu'au faîte ou ramper dans la fange.
Dans nos vastes cités, par le sort partagés,
Sous deux injustes lois les hommes sont rangés:
Les uns, princes et grands, d'une avide opulence
Étalent sans pudeur la barbare insolence;
5Les autres, sans pudeur, vils clients de ces grands,
Vont ramper sous les murs qui cachent leurs tyrans.
Admirer ces palais aux colonnes hautaines
Dont eux-mêmes ont payé les splendeurs inhumaines,
Qu'eux-mêmes ont arrachés aux entrailles des monts,
10Et tout trempés encor des sueurs de leurs fronts.
Moi, je me plus toujours, client de la nature,
A voir son opulence et bienfaisante et pure,
Cherchant loin de nos murs les temples, les palais
Où la Divinité me révèle ses traits,
15Ces monts, vainqueurs sacrés des fureurs du tonnerre,
Ces chênes, ces sapins, premiers-nés de la terre.
Les pleurs des malheureux n'ont point teint ces lambris.
D'un feu religieux le saint poète épris
Cherche leur pur éther et plane sur leur cime.
20Mer bruyante, la voix du poète sublime
Lutte contre les vents; et tes flots agités
Sont moins forts, moins puissants que ses vers indomptés.
A l'aspect du volcan, aux astres élancée,
Luit, vole avec l'Etna, la bouillante pensée.
25Heureux qui sait aimer ce trouble auguste et grand!
Seul, il rêve en silence à la voix du torrent
Qui le long des rochers se précipite et tonne;
Son esprit en torrent et s'élance et bouillonne.
Là, je vais dans mon sein méditant à loisir
30Des chants à faire entendre aux siècles à venir;
Là, dans la nuit des coeurs qu'osa sonder Homère,
Cet aveugle divin et me guide et m'éclaire.
Souvent mon vol, armé des ailes de Buffon,
Franchit avec Lucrèce, au flambeau de Newton,
35La ceinture d'azur sur le globe étendue.
Je vois l'être et la vie et leur source inconnue,
Dans les fleuves d'éther tous les mondes roulants.
Je poursuis la comète aux crins étincelants,
Les astres et leurs poids, leurs formes, leurs distances;
40Je voyage avec eux dans leurs cercles immenses.
Comme eux, astre, soudain je m'entoure de feux;
Dans l'éternel concert je me place avec eux:
En moi leurs doubles lois agissent et respirent:
Je sens tendre vers eux mon globe qu'ils attirent;
45Sur moi qui les attire ils pèsent à leur tour.
Les éléments divers, leur haine, leur amour,
Les causes, l'infini s'ouvre à mon oeil avide.
Bientôt redescendu sur notre fange humide,
J'y rapporte des vers de nature enflammés,
50Aux purs rayons des dieux dans ma course allumés.
Écoutez donc ces chants d'Hermès dépositaires,
Où l'homme antique, errant dans ses routes premières,
Fait revivre à vos yeux l'empreinte de ses pas.
Mais dans peu, m'élançant aux armes, aux combats,
55Je dirai l'Amérique à l'Europe montrée;
J'irai dans cette riche et sauvage contrée
Soumettre au Mançanar le vaste Maragnon.
Plus loin dans l'avenir je porterai mon nom,
Celui de cette Europe en grands exploits féconde,
60Que nos jours ne sont loin des premiers jours du monde.
Chassez de vos autels, juges vains et frivoles,
Ces héros conquérants, meurtrières idoles;
Tous ces grands noms, enfants des crimes, des malheurs,
De massacres fumants, teints de sang et de pleurs.
65Venez tomber aux pieds de plus nobles images:
Voyez ces hommes saints, ces sublimes courages,
Héros dont les vertus, les travaux bienfaisants,
Ont éclairé la terre et mérité l'encens;
Qui, dépouillés d'eux-mêmes et vivant pour leurs frères,
70Les ont soumis au frein des règles salutaires,
Au joug de leur bonheur; les ont faits citoyens;
En leur donnant des lois leur ont donné des biens,
Des forces, des parents, la liberté, la vie;
Enfin qui d'un pays ont fait une patrie.
75Et que de fois pourtant leurs frères envieux
Ont d'affronts insensés, de mépris odieux,
Accueilli les bienfaits de ces illustres guides,
Comme dans leurs maisons ces animaux stupides
Dont la dent méfiante ose outrager la main
80Qui se tendait vers eux pour apaiser leur faim!
Mais n'importe; un grand homme au milieu des supplices
Goûte de la vertu les augustes délices.
Il le sait: les humains sont injustes, ingrats.
Que leurs yeux un moment ne le connaissent pas;
85Qu'un jour entre eux et lui s'élève avec murmure
D'insectes ennemis une nuée obscure;
N'importe, il les instruit, il les aime pour eux.
Même ingrats, il est doux d'avoir fait des heureux.
Il sait que leur vertu, leur bonté, leur prudence,
90Doit être son ouvrage et non sa récompense,
Et que leur repentir, pleurant sur son tombeau,
De ses soins, de sa vie, est un prix assez beau,
An loin dans l'avenir sa grande âme contemple
Les sages opprimés que soutient son exemple;
95Des méchants dans soi-même il brave la noirceur:
C'est là qu'il sait les fuir; son asile est son coeur.
De ce faîte serein, son Olympe sublime,
Il voit, juge, connaît. Un démon magnanime
Agite ses pensers, vit dans son coeur brûlant,
100Travaille son sommeil actif et vigilant,
Arrache au long repos sa nuit laborieuse,
Allume avant le jour sa lampe studieuse,
Lui montre un peuple entier, par ses nobles bienfaits,
Indompté dans la guerre, opulent dans la paix,
105Son beau nom remplissant leur coeur et leur histoire,
Les siècles prosternés au pied de sa mémoire.
Par ses sueurs bientôt l'édifice s'accroît.
En vain l'esprit du peuple est rampant, est étroit,
En vain le seul présent les frappe et les entraîne,
110En vain leur raison faible et leur vue incertaine 110
Ne peut de ses regards suivre les profondeurs,
De sa raison céleste atteindre les hauteurs;
Il appelle les dieux à son conseil suprême.
Ses décrets, confiés à la voix des dieux même,
115Entraînent sans convaincre, et le monde ébloui
Pense adorer les dieux en n'adorant que lui.
Il fait honneur aux dieux de son divin ouvrage.
C'est alors qu'il a vu tantôt à son passage
Un buisson enflammé recéler l'Éternel;
120C'est alors qu'il rapporte, en un jour solennel,
De la montagne ardente et du sein du tonnerre,
La voix de Dieu lui-même écrite sur la pierre;
Ou c'est alors qu'au fond de ses augustes bois
Une nymphe l'appelle et lui trace des lois,
125Et qu'un oiseau divin, messager de miracles,
A son oreille vient lui dicter des oracles.
Tout agit pour lui seul, et la tempête et l'air,
Et le cri des forêts, et la foudre et l'éclair;
Tout. Il prend à témoin le monde et la nature.
130Mensonge grand et saint! glorieuse imposture,
Quand au peuple trompé ce piège généreux
Lui rend sacré le joug qui doit le rendre heureux!
(Troisième chant.)
Du temps et du besoin l'inévitable empire
Dut avoir aux humains enseigné l'art d'écrire.
135D'autres arts l'ont poli; mais aux arts, le premier,
Lui seul des vrais succès put ouvrir le sentier,
Sur la feuille d'Égypte ou sur la peau ductile,
Même un jour sur le dos d'un albâtre docile,
Au fond des eaux formé des dépouilles du lin,
140Une main éloquente, avec cet art divin,
Tient, fait voir l'invisible et rapide pensée,
L'abstraite intelligence et palpable et tracée;
Peint des sons à nos yeux, et transmet à la fois
Une voix aux couleurs, des couleurs à la voix.
145Quand des premiers traités la fraternelle chaîne
Commença d'approcher, d'unir la race humaine,
La terre et de hauts monts, des fleuves, des forêts,
Des contrats attestés garants sûrs et muets,
Furent le livre auguste et les lettres sacrées
150Qui faisaient lire aux yeux les promesses jurées.
Dans la suite peut-être ils voulurent sur soi
L'un de l'autre emporter la parole et la foi;
Ils surent donc, broyant de liquides matières,
L'un sur l'autre imprimer leurs images grossières,
155Ou celle du témoin, homme, plante ou rocher,
Qui vit jurer leur bouche et leurs mains se toucher.
De là dans l'Orient ces colonnes savantes,
Rois, prêtres, animaux peints en scènes vivantes,
De la religion ténébreux monuments,
160Pour les sages futurs laborieux tourments, 160
Archives de l'État, où les mains politiques
Traçaient en longs tableaux les annales publiques.
De là, dans un amas d'emblèmes captieux,
Pour le peuple ignorant monstre religieux,
165Des membres ennemis vont composer ensemble
Un seul tout, étonné du noeud qui les rassemble:
Un corps de femme au front d'un aigle enfant des airs
Joint l'écaille et les flancs d'un habitant des mers.
Cet art simple et grossier nous a suffi peut-être
1700Tant que tous nos discours n'ont su voir ni connaître
Que les objets présents dans la nature épars,
Et que tout notre esprit était dans nos regards.
Mais on vit, quand vers l'homme on apprit à descendre,
Quand il fallut fixer, nommer, écrire, entendre,
175Du coeur, des passions les plus secrets détours,
Les espaces du temps ou plus longs ou plus courts,
Quel cercle étroit bornait cette antique écriture.
Plus on y mit de soins, plus incertaine, obscure,
Du sens confus et vague elle épaissit la nuit.
180Quelque peuple à la fin, par le travail instruit,
Compte combien de mots l'héréditaire usage
A transmis jusqu'à lui pour former un langage.
Pour chacun de ces mots un signe est inventé,
Et la main qui l'entend des lèvres répété
185Se souvient d'en tracer cette image fidèle;
Et sitôt qu'une idée inconnue et nouvelle
Grossit d'un mot nouveau ces mots déjà nombreux,
Un nouveau signe accourt s'enrôler avec eux.
C'est alors, sur des pas si faciles à suivre,
190Que l'esprit des humains est assuré de vivre.
C'est alors que le fer à la pierre, aux métaux,
Livre, en dépôt sacré pour les âges nouveaux,
Nos âmes et nos moeurs fidèlement gardées;
Et l'oeil sait reconnaître une forme aux idées.
195Dès lors des grands aïeux les travaux, les vertus
Ne sont point pour leurs fils des exemples perdus.
Le passé du présent est l'arbitre et le père,
Le conduit par la main, l'encourage, l'éclaire.
Les aïeux, les enfants, les arrière-neveux,
200Tous sont du même temps, ils ont les mêmes voeux,
La patrie, au milieu des embûches, des traîtres,
Remonte en sa mémoire, a recours aux ancêtres,
Cherche ce qu'ils feraient en un danger pareil,
Et des siècles vieillis assemble le conseil.
(Troisième chant.)
Il faut mettre ceci dans la bouche du poète (qui n'est pas moi):
Le poète divin, tout esprit, tout pensée,
Ne sent point dans un corps son âme embarrassée;
Il va percer le ciel aux murailles d'azur;
De la terre, des mers, le labyrinthe obscur.
5Ses vars ont revêtu, prompts et légers Protées,
Les formes tour à tour à ses yeux présentées.
Les torrents, dans ses vers, du droit sommet des monts
Tonnent précipités en des gouffres profonds.
Là, des flancs sulfureux d'une ardente montagne,
10Ses vers cherchent les cieux et brûlent les campagnes;
Et là, dans la mêlée aux reflux meurtriers,
Leur clameur sanguinaire échauffe les guerriers,
Puis, d'une aile glacée assemblant les nuages,
Ils volent, troublent l'onde et soufflent les naufrages,
15Et répètent au loin et les longs sifflements,
Et la tempête sombre aux noirs mugissements,
Et le feu des éclairs et les cris du tonnerre.
Puis, d'un oeil doux et pur souriant à la terre,
Ils la couvrent de fleurs; ils rassérènent l'air.
20Le calme suit leurs pas et s'étend sur la mer.
Le poète Alonzo d'Ercilla, à la fin d'un repas nocturne en plein air, prié de chanter, chantera un morceau, astronomique.
'Salut, ô belle nuit, étincelante et sombre,
Consacrée au repos. O silence de l'ombre,
Qui n'entends que la voix de mes vers, et les cris
De la rive aréneuse où se brise Téthys.
25Muse, muse nocturne, apporte-moi ma lyre.
Lance-toi dans l'espace; et, pour franchir les airs,
Prends les ailes des vents, les ailes des éclairs,
Les bonds de la comète aux longs cheveux de flamme.
30Mes vers impatients, élancés de mon âme,
Veulent parler aux dieux, et volent où reluit
L'enthousiasme errant, fils de la belle nuit.
Accours, grande nature, ô mère du génie;
Accours, reine du monde, éternelle Uranie.
35Soit que tes pas divins sur l'astre du Lion
Ou sur les triples feux du superbe Orion
Marchent, ou soit qu'au loin, fugitive, emportée,
Tu suives les détours de la voie argentée,
Soleils amoncelés dans le céleste azur,
40Où le peuple a cru voir les traces d'un lait pur,
Descends; non, porte-moi sur ta route brûlante,
Que je m'élève au ciel comme une flamme ardente.
Déjà ce corps pesant se détache de moi.
Adieu, tombeau de chair, je ne suis plus à toi.
45Terre, fuis sous mes pas. L'éther où le ciel nage
M'aspire. Je parcours l'océan sans rivage.
Plus de nuit. Je n'ai plus d'un globe opaque et dur
Entre le jour et moi l'impénétrable mur.
Plus de nuit, et mon oeil et se perd et se mêle
50Dans les torrents profonds de lumière éternelle.
Me voici sur les feux que le langage humain
Nomme Cassiopée et l'Ourse et le Dauphin.
Maintenant la Couronne autour de moi s'embrase.
Ici l'Aigle et le Cygne et la Lyre et Pégase.
55Et voici que plus loin le Serpent tortueux
Noue autour de mes pas ses anneaux lumineux.
Féconde immensité, les esprits magnanimes
Aiment à se plonger dans tes vivants abîmes,
Abîmes de clartés, où, libre de ses fers,
60L'homme siège au conseil qui créa l'univers;
Où l'âme, remontant à sa grande origine,
Sent qu'elle est une part de l'essence divine...'
Ah! tremble que ton âme à la sienne livrée
Ne s'en puisse arracher sans être déchirée.
Même au sein du bonheur, toujours dans ton esprit
Garde ce qu'autrefois les sages ont écrit:
5'Une femme est toujours inconstante et futile,
Et qui pense fixer leur caprice mobile,
Il pense, avec sa main, retenir l'aquilon,
Ou graver sur les flots un durable sillon.'
Que sert des tours d'airain tout l'appareil horrible?
10Que servit à Juno cet Argus si terrible,
Ce front, de jalousie armé de toutes parts,
Où veillaient à la fois cent farouches regards?
Mais quoi que l'on oppose et d'adresse et de force,
Quand nul don, nul appât, nulle mielleuse amorce
15Ne pourraient au dragon ravir l'or de ses bois,
Et du Triple Cerbère assoupir les abois;
On t'aime, garde-toi d'abandonner la place.
Il faut oser. L'amour favorise l'audace.
Si l'envie à te nuire aiguise tous ses soins,
20Toi, pour te rendre heureux, tenterais-tu donc moins?
Il faut savoir contre eux tourner leurs propres armes;
Attacher leurs soupçons à de fausses alarmes;
Semer toi-même un bruit d'attaque, de danger;
Leur montrer sur ta route un flambeau mensonger.
25Et tandis que par toi leur prudence égarée
Rit, s'applaudit de voir ton attente frustrée,
Aveugles, auprès d'eux ils laissent échapper
Tes pas, qu'ils défiaient de les pouvoir tromper.
Tel, car ainsi que toi c'est l'amour qui le guide,
30Un fleuve, à pas secrets, des campagnes d'Élide,
Seul, au milieu des mers, se fraye un sentier sûr,
Parmi les flots salés garde un flot doux et pur,
Invisible, d'Enna va chercher le rivage,
Et l'amer Téthys ignore son passage.
Aux bords où l'on voit naître et l'Euphrate et le jour,
Plus d'obstacle et de crainte environne l'amour.
Aussi.................................................
......................................................
... Sans se pouvoir parler même des yeux,
40On se parle, on se voit. Leur coeur ingénieux
Donne à tout une voix entendue et muette.
Tout de leurs doux pensers est le doux interprète.
Désirs, crainte, serments, caresse, injure, pleurs,
Leurs dons savent tout dire; ils s'écrivent des fleurs.
45Par la tulipe ardente une flamme est jurée;5
L'amarante immortelle atteste sa durée;
L'oeillet gronde une belle; un lis vient l'apaiser.
L'iris est un soupir; la rose est un baiser.
C'est ainsi chaque jour qu'une sultane heureuse
50Lit en bouquet la lettre odorante, amoureuse.
Elle pare son sein de soupirs et de voeux;
Et des billets d'amour embaument ses cheveux.
Il n'est que d'être roi pour être heureux au monde.
Bénis soient tes décrets, ô sagesse profonde!
Qui me voulus heureux, et, prodigue envers moi,
M'as fait dans mon asile et mon maître et mon roi.
5Mon Louvre est sous le toit, sur ma tête il s'abaisse;
De ses premiers regards l'orient le caresse.
Lits, sièges, table y sont portant de toutes parts
Livres, dessins, crayons, confusément épars.
Là, je dors, chante, lis, pleure, étudie et pense.
10Là, dans un calme pur, je médite en silence
Ce qu'un jour je veux être; et, seul à m'applaudir,
Je sème la moisson que je veux recueillir.
Là, je reviens toujours, et toujours les mains pleines,
Amasser le butin de mes courses lointaines:
15Soit qu'en un livre antique à loisir engagé,
Dans ses doctes feuillets j'aie au loin voyagé;
Soit plutôt que, passant et vallons et rivières,
J'aie au loin parcouru les terres étrangères.
D'un vaste champ de fleurs je tire un peu de miel.
20Tout m'enrichit et tout m'appelle; et, chaque ciel
M'offrant quelque dépouille utile et précieuse,
Je remplis lentement ma ruche industrieuse.
France! ô belle contrée, ô terre généreuse,
Que les dieux complaisants formaient pour être heureuse,
Tu ne sens point du nord les glaçantes horreurs,
Le midi de ses feux t'épargne les fureurs.
5Tes arbres innocents n'ont point d'ombres mortelles;
Ni des poisons épars dans tes herbes nouvelles
Ne trompent une main crédule; ni tes bois
Des tigres frémissants ne redoutent la voix;
Ni les vastes serpents ne traînent sur tes plantes
10En longs cercles hideux leurs écailles sonnantes.
Les chênes, les sapins et les ormes épais
En utiles rameaux ombragent tes sommets,
Et de Beaune et d'Aï les rives fortunées,
Et la riche Aquitaine, et les hauts Pyrénées,
15Sous leurs bruyants pressoirs font couler en ruisseaux
Des vins délicieux mûris sur leurs coteaux.
La Provence odorante et de Zéphire aimée
Respire sur les mers une haleine embaumée,
Au bord des flots couvrant, délicieux trésor,
20L'orange et le citron de leur tunique d'or,
Et plus loin, au penchant des collines pierreuses,
Forme la grasse olive aux liqueurs savoureuses,
Et ces réseaux légers, diaphanes habits,
Où la fraîche grenade enferme ses rubis.
25Sur tes rochers touffus la chèvre se hérisse,
Tes prés enflent de lait la féconde génisse,
Et tu vois tes brebis, sur le jeune gazon,
Épaissir le tissu de leur blanche toison.
Dans les fertiles champs voisins de la Touraine,
30Dans ceux où l'Océan boit l'urne de la Seine,
S'élèvent pour le frein des coursiers belliqueux.
Ajoutez cet amas de fleuves tortueux:
L'indomptable Garonne aux vagues insensées,
Le Rhône impétueux, fils des Alpes glacées,
35La Seine au flot royal, la Loire dans son sein
Incertaine, et la Saône, et mille autres enfin
Qui, nourrissant partout, sur tes nobles rivages,
Fleurs, moissons et vergers, et bois et pâturages,
Rampent au pied des murs d'opulentes cités
40Sous les arches de pierre à grand bruit emportés.
Dirai-je ces travaux, source de l'abondance,
Ces ports où des deux mers l'active bienfaisance
Amène les tributs du rivage lointain
Que visite Phoebus le soir ou le matin?
45Dirai-je ces canaux, ces montagnes percées,
De bassins en bassins ces ondes amassées
Pour joindre au pied des monts l'une et l'autre Téthys,
Et ces vastes chemins en tous lieux départis,
Où l'étranger, à l'aise achevant son voyage,
50Pense au nom des Trudaine et bénit leur ouvrage?
Ton peuple industrieux est né pour les combats.
Le glaive, le mousquet n'accablent point ses bras.
Il s'élance aux assauts, et son fer intrépide
Chassa l'impie Anglais, usurpateur avide.
55Le ciel les fit humains, hospitaliers et bons,
Amis des doux plaisirs, des festins, des chansons;
Mais, faibles, opprimés, la tristesse inquiète
Glace ces chants joyeux sur leur bouche muette,
Pour les jeux, pour la danse appesantit leurs pas,
60Renverse devant eux les tables des repas,
Flétrit de longs soucis, empreinte douloureuse,
Et leur front et leur âme. O France! trop heureuse
Si tu voyais tes biens, si tu profitais mieux
Des dons que tu reçus de la bonté des cieux!
65Vois le superbe Anglais, l'Anglais dont le courage
Ne s'est sentais qu'aux lois d'un sénat libre et sage,
Qui t'épie, et, dans l'Inde éclipsant ta splendeur,
Sur tes fautes sans nombre élève sa grandeur.
Il triomphe, il t'insulte. Oh! combien tes collines
70Tressailliraient de voir réparer tes ruines,
Et pour la liberté donneraient sans regrets
Et leur vin, et leur huile, et leurs belles forêts!
J'ai vu dans tes hameaux la plaintive misère,
La mendicité blême et la douleur amère.
75Je t'ai vu dans tes biens, indigent laboureur,
D'un fisc avare et dur maudissant la rigueur,
Versant aux pieds des grands des larmes inutiles,
Tout trempé de sueurs pour toi-même infertiles,
Découragé de vivre, et plein d'un juste effroi
80De mettre au jour des fils malheureux comme toi.
Tu vois sous les soldats les villes gémissantes;
Corvée, impôts rongeurs, tributs, taxes pesantes,
Le sel, fils de la terre, ou même l'eau des mers,
Sources d'oppression et de fléaux divers;
85Mille brigands, couverts du nom sacré du prince,
S'unir à déchirer une triste province,
Et courir à l'envi, de son sang altérés,
Se partager entre eux ses membres déchirés!
O sainte Égalité! dissipe nos ténèbres,
90Renverse les verrous, les bastilles funèbres.
Le riche indifférent, dans un char promené,
De ces gouffres secrets partout environné,
Rit avec les bourreaux, s'il n'est bourreau lui-même,
Près de ces noirs réduits de la misère extrême,
95D'une maîtresse impure achète les transports,
Chante sur des tombeaux, et boit parmi des morts.
Malesherbes, Turgot, ô vous en qui la France
Vit luire, hélas! en vain, sa dernière espérance;
Ministres dont le coeur a connu la pitié,
100Ministres dont le nom ne s'est point oublié,
Ah! si de telles mains, justement souveraines,
Toujours de cet empire avaient tenu les rênes!
L'équité clairvoyante aurait régné sur nous;
Le faible aurait osé respirer près de vous;
105L'oppresseur, évitant d'armer d'injustes plaintes,
Sinon quelque pudeur, aurait ou quelques craintes;
Le délateur impie, opprimé par la faim,
Serait mort dans l'opprobre, et tant d'hommes enfin,
A l'insu de nos lois, à l'insu, du vulgaire,
110Foudroyés sons les coups d'un pouvoir arbitraire,
De cris non entendus, de funèbres sanglots,
Ne feraient point gémir les voûtes des cachots.
Non, je ne veux plus vivre en ce séjour servile!
J'irai, j'irai bien loin me chercher un asile,
115Un asile à ma vie en son paisible cours,
Une tombe à ma cendre à la fin de mes jours,
Où d'un grand au coeur dur l'opulence homicide
Du sang d'un peuple entier ne sera point avide,
Et ne me dira point, avec un rire affreux,
120Qu'ils se plaignent sans cesse et qu'ils sont trop heureux;
Où, loin des ravisseurs, la main cultivatrice
Recueille les dons d'une terre propice;
Où mon coeur, respirant sous un ciel étranger,
Ne verra plus des maux qu'il ne peut soulager;
125Où mes yeux, éloignés des publiques misères,
Ne verront plus partout les larmes de mes frères,
Et la pâle indigence à la mourante voix,
Et les crimes puissants qui font trembler les lois.
Toi donc, Équité sainte, ô toi, vierge adorée,
130De nos tristes climats pour longtemps ignorée,
Daigne du haut des cieux goûter le libre encens
D'une lyre au coeur chaste, aux transports innocents,
Qui ne saura jamais, par des voeux mercenaires,
Flatter, à prix d'argent, des faveurs arbitraires,
135Mais qui rendra toujours, par amour et par choix,
Un noble et pur hommage aux appuis de tes lois.
De voeux pour les humains tous ses chants retentissent:
La vérité l'enflamme, et ses cordes frémissent
Quand l'air qui l'environne auprès d'elle a porté
140Le doux nom des vertus et de la liberté.
...Terre, terre chérie
Que la liberté sainte appelle sa patrie;
Père du grand sénat, ô sénat de Romans,
Qui de la liberté jetas les fondements;
5Romans, berceau des lois, vous, Grenoble et Valence,
Vienne; toutes enfin! monts sacrés d'où la France
Vit naître le soleil avec la liberté!
Un jour le voyageur par le Rhône emporté,
Arrêtant l'aviron dans la main de son guide,
10En silence, debout sur sa barque rapide,
Fixant vers l'Orient un oeil religieux,
Contemplera longtemps ces sommets glorieux;
Car son vieux père, ému de transports magnanimes,
Lui dira: 'Vois, mon fils, vois ces augustes cimes.'
Au bord du Rhône, le 7 juillet 1790.
Un jour le rat des champs, ami du rat de ville,
Invita son ami dans son rustique asile.
Il était économe et soigneux de son bien;
Mais l'hospitalité, leur antique lien,
5Fit les frais de ce jour comme d'un jour de fête.
Tout fut prêt: lard, raisin, et fromage, et noisette.
Il cherchait par le luxe et la variété
A vaincre les dégoûts d'un hôte rebuté,
Qui, parcourant de l'oeil sa table officieuse,
10Jetait sur tout à peine une dent dédaigneuse.
Et lui, d'orge et de blé faisant tout son repas,
Laissait au citadin les mets plus délicats.
'Ami, dit celui-ci, veux-tu dans la misère
Vivre au dos escarpé de ce mont solitaire,
15Ou préférer le monde à tes tristes forêts?
Viens; crois-moi, suis mes pas; la ville est ici près:
Festins, fêtes, plaisirs y sont en abondance,
L'heure s'écoule, ami; tout fuit, la mort s'avance:
Les grands ni les petits n'échappent à ses lois;
20Jouis, et te souviens qu'on ne vit qu'une fois.'
Le villageois écoute, accepte la partie:
On se lève, et d'aller. Tous deux de compagnie,
Nocturnes voyageurs, dans des sentiers obscurs
Se glissent vers la ville et rampent sous les murs.
25La nuit quittait les cieux quand notre couple avide
Arrive en un palais opulent et splendide,
Et voit fumer encor dans des plats de vermeil
Des restes d'un souper le brillant appareil.
L'un s'écrie, et, riant de sa frayeur naïve,
30L'autre sur le duvet fait placer son convive,
S'empresse de servir, ordonner, disposer,
Va, vient, fait les honneurs, le priant d'excuser.
Le campagnard bénit sa nouvelle fortune;
Sa vie en ses déserts était âpre, importune:
35La tristesse, l'ennui, le travail et la faim.
Ici l'on y peut vivre; et de rire. Et soudain
Des valets à grand bruit interrompent la fête;
On court, on vole, on fuit; nul coin, nulle retraite.
Les dogues réveillés les glacent par leur voix;
40Toute la maison tremble au bruit de leurs abois.
Alors le campagnard, honteux de son délire:
'Soyez heureux, dit-il; adieu, je me retire,
Et je vais dans mon trou rejoindre en sûreté
Le sommeil, un peu d'orge et la tranquillité.'
(Trad. d'Horace.)
Mère du vain caprice et du léger prestige,
La fantaisie ailée autour d'elle voltige,
Nymphe au corps ondoyant, né de lumière et d'air,
Qui, mieux que l'onde agile ou le rapide éclair,
5Ou la glace inquiète au soleil présentée,
S'allume en un instant, purpurine, argentée,
Ou s'enflamme de rose, ou pétille d'azur.
Un vol la précipite, inégal et peu sûr.
La déesse jamais ne connut d'autre guide.
10Les Rêves transparents, troupe vaine et fluide,
D'un vol étincelant caressent ses lambris.
Auprès d'elle à toute heure elle occupe les Ris.
L'un pétrit les baisers des bouches embaumées;
L'autre, le jeune éclat des lèvres enflammées;
15L'autre, inutile et seul, au bout d'un chalumeau
En globe aérien souffle une goutte d'eau.
La reine, en cette cour qu'anime la folie,
Va, vient, chante, se tait, regarde, écoute, oublie,
Et, dans mille cristaux qui portent son palais,
20Rit de voir mille fois étinceler ses traits.
... Pour lui
L'ombre du cabinet en délices abonde.
S'il fuit les graves riens, noble ennui du beau monde,
5Ou si, chez la beauté qui l'admit en secret,
Las de parler, enfin il demeure muet,
Il regagne à grands pas son asile et l'étude:
Il y trouve la paix, la douce solitude,
Ses livres, et sa plume au bec noir et malin,
10Et la sage folie, et le rire à l'oeil fin.
O Versaille, ô bois, ô portiques,
Marbres vivants, berceaux antiques,
Par les dieux et les rois Élysée embelli,
A ton aspect, dans ma pensée,
5Comme sur l'herbe aride une fraîche rosée,
Coule un peu de calme et d'oubli.
Paris me semble un autre empire,
Dès que chez toi je vois sourire
Mes pénates secrets couronnés de rameaux,
10D'où souvent les monts et les plaines
Vont dirigeant mes pas aux campagnes prochaines,
Sous de triples cintres d'ormeaux.
Les chars, les royales merveilles,
Des gardes les nocturnes veilles,
15Tout a fui; des grandeurs tu n'es plus le séjour:
Mais le sommeil, la solitude,
Dieux jadis inconnus, et les arts, et l'étude,
Composent aujourd'hui ta cour.
Ah! malheureux! à ma jeunesse
20Une oisive et morne paresse
Ne laisse plus goûter les studieux loisirs.
Mon âme, d'ennui consumée,
S'endort dans les langueurs. Louange et renommée
N'inquiètent plus mes désirs.
L'abandon, l'obscurité, l'ombre,
Une paix taciturne et sombre,
Voilà tous mes souhaits: cache mes tristes jours,
Et nourris, s'il faut que je vive,
De mon pâle flambeau la clarté fugitive
30Aux douces chimères d'amours.
L'âme n'est point encor flétrie,
La vie encor n'est point tarie,
Quand un regard nous trouble et le coeur et la voix
Qui cherche les pas d'une belle,
35Qui peut ou s'égayer ou gémir auprès d'elle,
De ses jours peut porter le poids.
J'aime; je vis. Heureux rivage!
Tu conserves sa noble image,
Son nom, qu'à tes forêts j'ose apprendre le soir,
40Quand, l'âme doucement émue,
J'y reviens méditer l'instant où je l'ai vue,
Et l'instant où je dois la voir.
Pour elle seule encore abonde
Cette source, jadis féconde,
45Qui coulait de ma bouche en sons harmonieux.
Sur mes lèvres tes bosquets sombres
Forment pour elle encor ces poétiques nombres,
Langage d'amour et des dieux.
Ah! témoin des succès du crime,
50Si l'homme juste et magnanime
Pouvait ouvrir son coeur à la félicité,
Versailles, tes routes fleuries,
Ton silence, fertile en belles rêveries,
N'auraient que joie et volupté.
Mais souvent tes vallons tranquilles,
Tes sommets verts, tes frais asiles,
Tout à coup à mes yeux s'enveloppent de deuil.
J'y vois errer l'ombre livide
D'un peuple d'innocents qu'un tribunal perfide
60Précipite dans le cercueil.
Quoi! tandis que partout, ou sincères ou feintes,
Des lâches, des pervers, les larmes et les plaintes
Consacrent leur Marat parmi les immortels,
Et que, prêtre orgueilleux de cette idole vile,
5Des fanges du Parnasse un impudent reptile
Vomit un hymne infâme au pied de ses autels.
La vérité se tait! dans sa bouche glacée,
Des liens de la peur sa langue embarrassée
Dérobe un juste hommage aux exploits glorieux!
10Vivre est-il donc si doux? De quel prix est la vie,
Quand, sous un joug honteux, la pensée asservie,
Tremblante, au fond du coeur, se cache à tous les yeux?
Non, non, je ne veux point t'honorer en silence,
Toi qui crus par ta mort ressusciter la France
15Et dévouas tes jours à punir des forfaits.
Le glaive arma ton bras, fille grande et sublime,
Pour faire honte aux dieux, pour réparer leur crime,
Quand d'un homme à ce monstre ils donnèrent les traits.
Le noir serpent, sorti de sa caverne impure,
20A donc vu rompre enfin sous ta main ferme et sûre
Le venimeux tissu de ses jours abhorrés!
Aux entrailles du tigre, à ses dents homicides,
Tu vins redemander et les membres livides
Et le sang des humains qu'il avait dévorés!
Son oeil mourant t'a vue, en ta superbe joie,
Féliciter ton bras et contempler ta proie.
Ton regard lui disait: 'Va, tyran furieux,
Va, cours frayer la route aux tyrans tes complices.
Te baigner dans le sang fut tes seules délices,
30Baigne-toi dans le tien et reconnais des dieux.'
La Grèce, ô fille illustre! admirant ton courage,
Épuiserait Paros pour placer ton image
Auprès d'Harmodius, auprès de son ami;
Et des choeurs sur ta tombe, en une sainte ivresse,
35Chanteraient Némésis, la tardive déesse,
Qui frappe le méchant sur son trône endormi.
Mais la France à la hache abandonne ta tête.
C'est au monstre égorgé qu'on prépare une fête
Parmi ses compagnons, tous dignes de son sort.
40Oh! quel noble dédain fit sourire ta bouche,
Quand un brigand, vengeur de ce brigand farouche,
Crut te faire pâlir aux menaces de mort!
C'est lui qui dut pâlir, et tes juges sinistres,
Et notre affreux sénat et ses affreux ministres,
45Quand, à leur tribunal, sans crainte et sans appui,
Ta douceur, ton langage et simple et magnanime
Leur apprit qu'en effet, tout puissant qu'est le crime,
Qui renonce à la vie est plus puissant que lui.
Longtemps, sous les dehors d'une allégresse aimable,
50Dans ses détours profonds ton âme impénétrable
Avait tenu cachés les destins du pervers.
Ainsi, dans le secret amassant la tempête,
Rit un beau ciel d'azur, qui cependant s'apprête
A foudroyer les monts et soulever les mers.
Belle, jeune, brillante, aux bourreaux amenée,
Tu semblais t'avancer sur le char d'hyménée;
Ton front resta paisible et ton regard serein.
Calme sur l'échafaud, tu méprisas la rage
D'un peuple abject, servile, et fécond en outrage,
60Et qui se croit alors et libre et souverain.
La vertu seule est libre. Honneur de notre histoire,
Notre immortel opprobre y vit avec ta gloire;
Seule, tu fus un homme, et vengeas les humains!
Et nous, eunuques vils, troupeau lâche et sans âme,
65Nous savons répéter quelques plaintes de femme;
Mais le fer pèserait à nos débiles mains.
'L'épi naissant mûrit de la faux respecté;
Sans crainte du pressoir, le pampre tout l'été
Boit les doux présents de l'aurore;
Et moi, comme lui belle, et jeune comme lui,
5Quoi que l'heure présente ait de trouble et d'ennui,
Je ne veux point mourir encore.
'Qu'un stoïque aux yeux secs vole embrasser la mort,
Moi je pleure et j'espère; au noir souffle du nord
Je plie et relève ma tête.
10S'il est des jours amers, il en est de si doux!
Hélas! quel miel jamais n'a laissé de dégoûts?
Quelle mer n'a point de tempête?
'L'illusion féconde habite dans mon sein.
D'une prison sur moi les murs pèsent en vain,
15J'ai les ailes de l'espérance;
Échappée aux réseaux de l'oiseleur cruel,
Plus vive, plus heureuse, aux campagnes du ciel
Philomèle chante et s'élance.
'Est-ce à moi de mourir? Tranquille je m'endors,
20Et tranquille je veille, et ma veille aux remords
Ni mon sommeil ne sont en proie.
Ma bienvenue au jour me rit dans tous les yeux;
Sur des fronts abattus mon aspect dans ces lieux
Ranime presque de la joie.
'Mon beau voyage encore est si loin de sa fin!
Je pars, et des ormeaux qui bordent le chemin
J'ai passé les premiers à peine.
Au banquet de la vie à peine commencé,
Un instant seulement mes lèvres ont pressé
30La coupe en mes mains encor pleine.
'Je ne suis qu'au printemps, je veux voir la moisson;
Et comme le soleil, de saison en saison,
Je veux achever mon année.
Brillante sur ma tige et l'honneur du jardin,
35Je n'ai vu luire encor que les feux du matin:
Je veux achever ma journée.
'O mort! tu peux attendre; éloigne, éloigne-toi;
Va consoler les coeurs que la honte, l'effroi,
Le pâle désespoir dévore.
40Pour moi Palès encore a des asiles verts,
Les Amours des baisers, les Muses des concerts;
Je ne veux point mourir encore!'
Saint-Lazare.
Salut, divin triomphe! entre dans nos murailles;
Rends-nous ces guerriers illustrés
Par le sang de Désille et par les funérailles
De tant de Français massacrés.
5Jamais rien de si grand n'embellit ton entrée;
Ni quand l'ombre de Mirabeau
S'achemina jadis vers la voûte sacrée
Où la gloire donne un tombeau;
Ni quand Voltaire mort et sa cendre bannie
10Rentrèrent aux murs de Paris,
Vainqueurs du fanatisme et de la calomnie
Prosternés devant ses écrits.
Un seul jour peut atteindre à tant de renommée,
Et ce beau jour luira bientôt:
15C'est quand tu conduiras Jourdan à notre armée,
Et Lafayette à l'échafaud.
Quelle rage à Coblentz! quel deuil pour tous ces princes,
Qui, partout diffamant nos lois,
Excitent contre nous et contre nos provinces
20Et les esclaves et les rois!
Ils voulaient nous voir tous à la folie en proie.
Que leur front doit être abattu!
Tandis que parmi nous quel orgueil, quelle joie
Pour les amis de la vertu,
25Pour vous tous, ô mortels, qui rougissez encore
Et qui savez baisser les yeux,
De voir des échevins que la Râpée honore
Asseoir sur un char radieux
Ces héros que jadis sur les bancs des galères
30Assit un arrêt outrageant,
Et qui n'out égorgé que très peu de nos frères
Et volé que très peu d'argent!
Eh bien, que tardez-vous, harmonieux Orphées?
Si sur la tombe des Persans
35Jadis Pindare, Eschyle, ont dressé des trophées,
Il faut de plus nobles accents.
Quarante meurtriers, chéris de Robespierre,
Vont s'élever sur nos autels.
Beaux-arts, qui faites vivre et la toile et la pierre,
40Hâtez-vous, rendez immortels
Le grand Collot d'Herbois, ses clients helvétiques,
Ce front que donne à des héros
La vertu, la taverne et le secours des piques.
Peuplez le ciel d'astres nouveaux,
45O vous, enfants d'Eudoxe et d'Hipparque et d'Euclide,
C'est par vous que les blonds cheveux
Qui tombèrent du front d'une reine timide
Sont tressés en célestes feux;
Par vous l'heureux vaisseau des premiers Argonautes
50Flotte encor dans l'azur des airs.
Faites gémir Atlas sous de plus nobles hôtes,
Comme eux dominateurs des mers.
Que la nuit de leurs noms embellisse ses voiles,
Et que le nocher aux abois
55Invoque en leur galère, ornement des étoiles,5
Les Suisses de Collot d'Herbois.
(Journal de Paris, 15 avril 1792.)
Quand au mouton bêlant la sombre boucherie
Ouvre ses cavernes de mort,
Pâtres, chiens et moutons, toute la bergerie
Ne s'informe plus de son sort.
5Les enfants qui suivaient ses ébats dans la plaine,
Les vierges aux belles couleurs
Qui le baisaient en foule, et sur sa blanche laine
Entrelaçaient rubans et fleurs,
Sans plus penser à lui, le mangent s'il est tendre.
10Dans cet abîme enseveli
J'ai le même destin. Je m'y devais attendre.
Accoutumons-nous à l'oubli.
Oubliés comme moi dans cet affreux repaire,
Mille autres moutons, comme moi,
15Pendus aux crocs sanglants du charnier populaire,
Seront servis au peuple-roi.
Que pouvaient mes amis? Oui, de leur main chérie
Un mot à travers ces barreaux
Eût versé quelque baume en mon âme flétrie;
20De l'or peut-être à mes bourreaux...
Mais tout est précipice. Ils ont eu droit de vivre.
Vivez, amis; vivez contents.
En dépit de [——] soyez lents à me suivre.
Peut-être en de plus heureux temps
25J'ai moi-même, à l'aspect des pleurs de l'infortune,
Détourné mes regards distraits;
A mon tour, aujourd'hui; mon malheur importune:
Vivez, amis, vivez en paix.
Saint-Lazare.
Comme un dernier rayon, comme un dernier zéphyre
Animent la fin d'un beau jour,
Au pied de l'échafaud j'essaye encor ma lyre.
Peut-être est-ce bientôt mon tour;
5Peut-être avant que l'heure en cercle promenée
Ait posé sur l'émail brillant,
Dans les soixante pas où sa route est bornée,
Son pied sonore et vigilant,
Le sommeil du tombeau pressera ma paupière.
10Avant que de ses deux moitiés
Ce vers que je commence ait atteint la dernière,
Peut-être en ces murs effrayés
Le messager de mort, noir recruteur des ombres,
Escorté d'infâmes soldats,
15Ébranlant de mon nom ces longs corridors sombres,
Où seul, dans la foule à grands pas
J'erre, aiguisant ces dards persécuteurs du crime,
Du juste trop faibles soutiens,
Sur mes lèvres soudain va suspendre la rime;
20Et chargeant mes bras de liens,
Me traîner, amassant en foule à mon passage
Mes tristes compagnons reclus,
Qui me connaissaient tous avant l'affreux message,
Mais qui ne me connaissent plus.
25Eh bien! j'ai trop vécu. Quelle franchise auguste,
De mâle constance et d'honneur
Quels exemples sacrés doux à l'âme du juste,
Pour lui quelle ombre de bonheur,
Quelle Thémis terrible aux têtes criminelles,
30Quels pleurs d'une noble pitié,
Des antiques bienfaits quels souvenirs fidèles,
Quels beaux échanges d'amitié,
Font digne de regrets l'habitacle des hommes?
La peur blême et louche est leur Dieu,
35La bassesse, la honte. Ah! lâches que nous sommes!
Tous, oui, tous. Adieu, terre, adieu.
Vienne, vienne la mort! que la mort me délivre!...
Ainsi donc, mon coeur abattu
Cède au poids de ses maux!—Non, non, puisse-je vivre!
40Ma vie importe à la vertu.
Car l'honnête homme enfin, victime de l'outrage,
Dans les cachots, près du cercueil,
Relève plus altiers son front et son langage,
Brillant d'un généreux orgueil.
45S'il est écrit aux cieux que jamais une épée
N'étincellera dans mes mains,
Dans l'encre et l'amertume une autre arme trempée
Peut encor servir les humains.
Justice, vérité, si ma main, si ma bouche,
50Si mes pensers les plus secrets
Ne froncèrent jamais votre sourcil farouche,
Et si les infâmes progrès,
Si la risée atroce, ou plus atroce injure,
L'encens de hideux scélérats,
55Ont pénétré vos coeurs d'une large blessure,
Sauvez-moi. Conservez un bras
Qui lance votre foudre, un amant qui vous venge.
Mourir sans vider mon carquois!
Sans percer, sans fouler, sans pétrir dans leur fange
60Ces bourreaux barbouilleurs de lois!
Ces vers cadavéreux de la France asservie,
Égorgée! ô mon cher trésor,
O ma plume, fiel, bile, horreur, dieux de ma vie!
Par vous seuls je respire encor:
65Comme la poix brûlante agitée en ses veines
Ressuscite un flambeau mourant.
Je souffre; mais je vis. Par vous, loin de mes peines,
D'espérance un vaste torrent
Me transporte. Sans vous, comme un poison livide,
70L'invisible dent du chagrin,
Mes amis opprimés, du menteur homicide
Les succès, le sceptre d'airain,
Des bons proscrits par lui la mort ou la ruine,
L'opprobre de subir sa loi,
75Tout eût tari ma vie, ou contre ma poitrine
Dirigé mon poignard. Mais quoi!
Nul ne resterait donc pour attendrir l'histoire
Sur tant de justes massacrés!
Pour consoler leurs fils, leurs veuves, leur mémoire!
80Pour que des brigands abhorrés
Frémissent aux portraits noirs de leur ressemblance!
Pour descendre jusqu'aux enfers
Nouer le triple fouet, le fouet de la vengeance
Déjà levé sur ces pervers!
85Pour cracher sur leurs noms, pour chanter leur supplice!
Allons, étouffe tes clameurs;
Souffre, ô coeur gros de haine, affamé de justice.
Toi, vertu, pleure si je meurs.
Saint-Lazare.
Footnote 50: (return)N.B.—In the notes the student is occasionally referred to the following works:—
AYER (C.). Grammaire comparée de la Langue française, quatrième édition, Paris, G. Fischbacher, 1885.
DARMESTETER (A.). Cours de grammaire historique de la Langue française, ive partie: Syntaxe, pub. par les soins de M. Léopold Sudre, 2e édition, Paris, Delagrave, n.d.
HAASE (A.). Syntaxe française du XVIIe siècle, traduite par M. Obéit, Paris, Alph. Picard, 1898.
MEYER-LÜBKE (W.). Grammaire des Langues romanes, traduction française par A. Doutrepont et G. Doutrepont, t. iii: Syntaxe, Paris, H. Welter, 1900.
L. 1.Iliad, i. 37: 'Hear, thou god that bear'st the silver bow, O Smintheus.'—CHAPMAN.
L. 3. cet aveugle, meaning 'himself,' is a Greek, and also Latin, idiom. Seneca, writing of himself, uses the phrase in hoc sene, which Montaigne (Ess. II. XXXV. translates en ce vieillard, followed by his own translator, Cotton, with: 'in this old fellow.' Corneille, Polyeucte, V. iii: 'C'en est assez: Félix, reprenez ce courroux Et sur cet insolent (i.e. me) vengez vos dieux et vous.'
L. 4. C'est ainsi qu'achevait l'aveugle... Et près des bois marchait. The inversion is quite usual, but what is less so is the absence of a subject before marchait. Here is, however, another instance of the same construction from Racine, Idylle de la Paix: 'Déjà marchait devant les étendards Bellone, les cheveux épars et se flattait d'éterniser les guerres'...
L. 6. S'asseyait. A very happy enjambement. The rhythm also stops as if for very weariness.
L. 18. à la prière. Is this a Latinism, a translation of the Latin ad preces, or an extension of the use of à=pour so common in French? See note to p. 3, l. 88.
L. 26. pures, i.e. sans mélange, 'unmixed, unalloyed.'
Ll. 27, 28. Cf. in the Odyssey (viii. 64): Demodocus, 'the blind singer, to whom, in recompense of his lost sight, the Muses had given an inward discernment, a soul and a voice to excite the hearts of men and gods to delight.'—Lamb, Advent. of Ulys., vii.
Ll. 31, 32. Menander in Stobaeus, Florilegium, xcvi.
Ll. 33-38. Od. vii. 208.
L. 39. Thamyris. The story is told in the Iliad (ii. 594): 'the muses.... Because he proudly durst affirm he could more sweetly sing than that Pierian race of Jove.... Bereft his eyesight, and his song that did the ear enchant, and of his skill to touch his harp disfurnished his hand.'—CHAPMAN.
L. 45. puisse... changer ta destinée, for puisse ta destinée changer. The same construction may be seen in: 'Puisse périr comme eux quiconque leur ressemble.'—Racine, Athalie, IV. ii.
Ll. 46, 47. ce que... tient la peau. For the inversion of the subject in relative clauses see Meyer-Lübke, iii. § 751, and A. Darmesteter-Sudre, Syntaxe, § 492.
L. 48. Ils versent... The verb verser, 'to cause a liquid to flow out of a vessel,' is extended to solids, e.g. 'verser du blé dans un sac' (LITTRÉ).
Ll. 49, 50. les olives huileuses,... et les figues mielleuses. 'The honied fig and unctuous olive smooth.'—Cowper, Od. vii. 139.
L. 56. venus de Jupiter. In the sense in which Nausicaa, Od. vi. 207, says: 'From Jove come all strangers, and the needy of a home.'—CHAPMAN.
Ll. 57-67. Od. vi. 154.
L. 62. ce palmier de Latone. In Lamb's Adventures of Ulysses, the hero says to Nausicaa: 'Lately at Delos (where I touched) I saw a young palm which grew beside Apollo's temple; it exceeded all the trees which ever I beheld for straightness and beauty: I can compare you only to that.' Under this palm-tree Latona gave birth to Apollo and Diana. See also Solomon's Song, vii. 7: 'This thy stature is like to a palm-tree.'
L. 69. aura vu... The future is here used in order to express an hypothesis, as in this: 'Comment se fait-il qu'il ne soit pas encore arrivé?—Il aura oublié.' See Ayer, Gram. comp. de la langue française, § 203. For another similar use of the future see p. 25, l. 95.
Ll. 73-5. Od. i. 169-73. But Telemachus addresses Athene in more naïve words, saying: 'I do not think thou couldst come to this island on foot.'
l. 74. Comment, et d'où viens-tu? Boldly elliptical for 'comment es-tu venu ici et d'où viens-tu?' l'onde maritime. A rare use of the adj. maritime. La Fontaine has an instance of it: Ce maritime empire, VIII, ix; cf. 'la vague marine,' p. 29, l. 16.
Ll. 81, 82. Mais pauvre... Ils m'ont... jeté: a bold ellipsis as in 'Je t'aimais inconstant, qu'aurais-je fait fidèle!'—RACINE.
L. 88. âme ouverte à sentir. There are numerous instances in Chénier of the use of à in the sense of pour, a somewhat archaic feature which, no doubt, was one of the grounds on which his early critics based their reproach of incorrectness. But this is really racy French. The employment of à = pour may be traced throughout French literature: thirteenth century, 'Les dismes furent establies et donées anciennement a sainte église soustenir'; fourteenth century, 'Amis leur sont nécessaires a leurs bonnes actions acomplir'; sixteenth century, 'Il le somma de partir à parlementer'; seventeenth century, 'La couronne n'a rien à me rendre content,' Molière, D. Garc. V. vi; 'A lui rendre service elle m'ouvre la voie,' Corneille, Sertorius, II. v.; eighteenth century, 'A faire d'un tel gentilhomme un Achille au pied léger, l'adresse de Chiron même eût eu de la peine à suffire,' J.-J. Rousseau, Émile, ii.; nineteenth century, 'Que cette place est bonne à le bien poignarder,' V. Hugo, Cromwell, V. iii; 'Il en faudrait un monde à faire un grain de sable,' Lamartine, Jocelyn, quatrième époque (see the Jocelyn of this series, p. 75, l. 308). It is not strange that this should have been thought incorrect, when we see the French Academy, in their judgement on the Cid, and Voltaire, in his notes to Corneille, make the same mistake. See Haase, § 124, 2°, and F. Godefroy, Lexique comparé de la Langue de Corneille. For a similar instance see p. 6, l. 183.
L. 93. mobiles. The epithet will be more easily understood if we think of its contrary, 'inert'.
L. 98. j'étais misérable... Misérable is here used in the sense 'to be pitied,' a sense frequent in the seventeenth century. j'étais, the imperfect of the indicative for the conditional past, as in 'Hercule, ce dit-il, tu devois bien purger La terre de cette hydre,' La Fontaine, Fables, VIII. v, or in 'Sans vous, j'étais noyé.'
L. 100. N'eussiez. The more usual French construction would be, with repetition of the subject, 'vous n'eussiez.' armé... les pierres et les cris. A favourite phrase with Chénier (see p. 112, l. 105, and in Le Jeu de Paume, 'La tyrannie... arme... ses cent yeux...'). Racine, Les Frères Ennemis, I. iii, speaks of 'armer et le fer et la faim' against someone. An old translation of the Bible has 'J'armerai contre eux les dents des bêtes farouches,' Deut. xxxii. 24. Thus in the Odyssey, when the 'mastiffs' fly at Ulysses, the herdsman runs up, and 'his cry (with frequent stones flung at the dogs) repell'd this way and that their eager course they held.'—Chapman, Odyss. xiv. ll. 49-51.
L. 110. Ma bouche ne s'est point ouverte à leur répondre. See note to p. 3, l. 88.
L. 119. place is, of course, a subjunctive. The omission of que before subjunctives expressing a wish was the rule in Old French. The practice was still prevalent in seventeenth-century French. It is exceptional now, as in: Fasse le ciel! Puissiez-vous réussir! Vive la France!
Ll. 119-121. Un siège... sous la colonne. Cf. Odyss. (Chapman's transl., viii. p. 365): 'His place was given him in a chair all graced With silver studs, and 'gainst a pillar placed;... The herald on a pin above his head His soundful harp hung.'
L. 123. Ingénieux, here, seems to be used, not in its French sense of 'clever, having an aptitude for invention,' which would be but a poor compliment paid to the great Homer, but with its Latin meaning of 'gifted with genius.'
L. 135. vaillant. I take it to mean, not 'courageous,' but 'vigorous in body, robust, able-bodied,' a sense not recorded in Littré, though well known in everyday French, the sense of English valiant in 'the sturdy and valiant beggars' of the statute-book.
L. 140. douleurs, rheumatic pains.
Ll. 149-156. E. Faguet, in his Chénier, observes how like a picture this is composed. In the foreground the blind man sitting under a tree, with the shepherds and wayfarers pressing around him, while the background displays the deserted flocks and roads, and the intervening space is crowded with the attentive nymphs and sylvans enticed out of their abodes.
Ll. 149, 150. Virgil, Ecl. vi. 28 'tum rigidas motare cacumina quercus (videres).'
L. 157. Car en de longs détours... A long line. Its twelve syllables certainly take more time in the delivery than any other twelve. Hence the better adapted the line is to convey the poet's meaning.
L. 158. Il enchaînait. The meaning is that he gave a connected account of....
L. 162. Les amours immortelles for les amours des immortels. Virgil, Georg. iv. 347.
L. 164. Iliad, i. 528: 'He said; and his black eyebrows bent;... great heaven shook.'—CHAPMAN.
L. 166. The war of the Titans.
L. 167. The Trojan war is here entered upon.
L. 168. Cf, Homer, Iliad, iii. 13; xiii. 336; Virgil, Aeneid, ix, 63, 64.
L. 170. Iliad, ii, 455: 'And as a fire upon a huge wood, on the heights of hills; that far off hurls his light; so the divine brass shined on these.'—CHAPMAN.
L. 172. Iliad, xix. 405, Xanthus, one of Achilles' horses ('twas Juno's will to make vocal the palate of the one,' to use Chapman's words), answers his master's charge to acquit himself well with a prediction that 'not far hence the fatal minutes are Of his grave ruin.'
L. 177. mortels aux épouses... This must be an instance of those 'régimes inusités donnés aux adjectifs' which Raynouard censured in 1819. This is once more à in the sense of pour. 'Rechercher un trépas si mortel à ma gloire,' Corneille, Cid, I. ii. But compare the (perhaps) more modern construction: 'Cette mode durera peu; elle est mortelle pour les dents.'—Madame de Sévigné, 4 avril 1671 (in LITTRÉ).
L. 179. Laetas segetes. Virgil, Georg. i. I.
L. 182. Homer. Iliad, xviii. 491; Hesiodus, The Shield of Hercules, 274.
L. 183. à soulever les mers. à=pour. See note to p. 3, l. 88.
Ll. 185, 186. Il. xviii. 35-70.
L. 189. Ulysses' descent to Hades, Od. xi.
L. 190. les champs d'asphodèle. Od. xi, 539.
Ll. 191-194. Od. xi. 36. Aeneid, vi. 305. l. 192, and Dryden's translation of the corresponding line of Virgil may be compared: 'And youths entombed before their father's eyes.'
Ll. 197-200. Od. viii. 274. Ovid, Metam. iv. 175. Inconnus, here, for invisibles. The stricture of the first critic of A. Chénier, Népomucène Lemercier, that the poet 'dénature le sens des mots,' if generally unjust, may apply to this instance.
L. 201. il revêtait d'une pierre soudaine is very happily said for il revêtait soudainement de pierre.
L. 202. Il. xxiv. 602.
L. 203. Accents de douleurs would, in prose, be accents de douleur, without the s, which is here put that, as douleurs rhymes with pleurs, the eye may be satisfied.
L. 204. Od. xix. 518; Virgil, Ecl. vi. 78.
L. 208. Od. iv. 220.
L. 209. Od. x. 304.
Ll. 210-212. Od. ix. 94. See Tennyson's Lotos Eaters.
L. 211. à ce philtre charmés, an instance of à denoting a relation of cause—'Qui demeure surprise à l'éclat de ces lieux,' Molière, Psyché, III. i. 988. See Haase, § 123.
L. 212 Od. ix. 54.
L. 214. Od. xxi. 295; Il. i. 266, ii. 742; Ovid, Met. xii. 210. Chénier follows Ovid.
L. 217. enfants de la nue. The Centaurs were descended from Ixion and Nephele, the cloud.
L. 221. mon affront, i.e. the affront offered me. This is a frequent use. Thus Racine makes Athalie say: 'que je ne cherche point à venger mes injures,' i.e. the wrongs suffered by me.
L. 224. Ovid, Met. xii. 247.
L. 226. Aen. x. 730; Od. xviii. 99.
Ll. 241-252. E. Faguet in his Chénier quotes this passage as an instance of energetic precision. 'The problem, he writes, is to depict this: A centaur (bear in mind that a centaur is a creature half-beast, half-man, with the body of a horse, the bust and head of a man, four feet, two arms, all this you must bear in mind), a centaur, with his two fore-feet, is trying to bear down a man, while, with his right arm, armed with a club, he seeks to brain another man. A third man leaps on to the back of the centaur, whence, pulling back his enemy's head with one hand, he thrusts a burning brand down his throat. The problem is to put all this in clear, precise, energetic, picturesque lines, and in few lines too. Chénier has succeeded in putting it in twelve times twelve syllables, with the result that, as it is, it stands in sharp outline as in a piece of sculpture.'
L. 246. D'un érable noueux, a club of maple. Dryden, Aen. '[Hercules] tossed about his head his knotted oak.'
L. 250. chevelure horrible, in the Latin sense of 'horrid, bristling.'
Ll. 254-256. Et le bois porte au loin des hurlements... l'ongle frappant.... Of course, what the wood conveys far away are such sounds as the trample of hoofs, the cries of the wounded warriors, the crash of the broken vessels, &c.
L. 255. l'ongle, Lat. ungula, stands for le sabot. Cf. Aen. viii. 596 'quatit ungula campum.'
Ll. 260, 261. Admiraient... abonder les paroles. This use of admirer followed by a pure infinitive, though, so far as we know, unprecedented, has nothing shocking in it and tends to make the line more concise. The construction is on the analogy of that which is customary with such verbs as voir, entendre, and 'admiraient abonder' is here said for 'voyaient avec admiration abonder.' Everything here is striking in the matter of language. Admirer is somewhat archaic and means 'to wonder.' 'Abonder de sa bouche' is anything but a hackneyed phrase. The etymological meaning of abonder, Lat. abundare, to overflow, was surely in the mind of Chénier when he wrote this. Such novelties as these make his style exquisite. Some pains should be taken to make something pass into English of the felicitous phrasing. Shall we presume to submit this suggestion; 'they admired the divine words, how they flowed from his lips'?
L. 262. Comme en hiver la neige... Il. iii. 221, 'And words that flew about our ears, like drifts of winter's snow.'—CHAPMAN.
Ll. 263-265. Cf. Homer, Hymn to Apollo, 514.
L. 268. Convive du nectar (table-companion of the gods—Horace's 'Conviva Deorom,' Od. i. 28—at their nectar) is a novel collocation of words, and, though of difficult analysis, grammatically speaking, is perfectly satisfactory as being easily understood, 'Partaker of nectar' would be an easy English rendering.
L. 269. prospère renders the laetus of Virgil, Aen. i. 732. The English equivalent might be 'blest.' Chénier liked the word, as appears from his Commentary on Malherbe.
L. 270. Homère. The name of the blind bard, which, ever since the first lines of the poem, has been a mystery for no reader, has been kept for the last word of the poem.
In this piece, illustrative of the rites of hospitality in ancient Greece, Chénier has drawn much of his inspiration from the arrival of Ulysses in Phaeacia; as it is described in the sixth book of the Odyssey. The reader will also notice, from the gaps in the text and unfinished lines, that the poem had not reached the stage of completion. Chénier, who himself published none but two of his poems, was prevented by death from giving the finishing touch to this and many other pieces.
L. 8. Od. 127, 137; Aen. iii. 590.
L. 15. Aspect, in the sense of 'apparition, ghost,' is a Latinism. Yet it is quite an allowable concretisation of the word, as in French and English 'apparition, vision,' in English 'sight' and in English 'aspect' itself, which we find used with the meaning of 'a thing seen' in the N.E.D.
L. 21. Od. vi. 150.
Ll. 23, 24. les voeux des... humains Ouvrent des immortels les bienfaisantes mains. If the maid is a goddess indeed, the beggar entertains some hopes of her mercy, for, says he, 'oftentimes have the prayers of the unfortunate opened the bountiful hands of the immortals—obtained of those hands that they should "open their bounty" (Henry VIII, iii. 2. 184) to them.'
Ll. 25, 26. quelque front... qui te nomme, one of those incoherent metaphors which our (in this respect) delicate taste demurs at, but which the old writers—Shakespeare being among the greatest sinners—indulged in freely.
These two lines display imperfect rimes, the o in couronne being short, whilst the o in trône is long.
L. 34. Tremblante. The 'rejet' helps the meaning. The reader's voice, arrested by the unavoidable pause at the end of the preceding line, is forced into imitating the hesitation that he is told was discernible in the maid's utterance. But perhaps this is more perceptible to a Frenchman used to more rigidity in the rimed versification of his great classics than to an Englishman with the freedom of blank verse in his ear.
L. 35. quand la nuit descend, the present for the future. See Haase, § 67, Remark I; Ayer, p. 466.
L. 42. il pleure aux pleurs... This is neatly said. Notice the use of the preposition à expressing a relation of cause, as in 'A l'orgueil de ce traître, De mes ressentiments je n'ai pas été maître' (Molière, Tartufe, v. 3. 1709). See Haase, § 123. Cf. p. 7, l. 211.
Ll. 51, 52. au devoir... Rangent... Ranger à = soumettre à, réduire à.
L. 54. ses mains sur ce visage. This was one of the rites observed by suppliants. See Euripides, Hecuba, 344.
L. 55. Indulgente. Becq de Fouquières remarks that the adjective is used in its Latin sense of complaisant. This is the English meaning: 'disposed to gratify by compliance with desire or humour,' whilst the French meaning is restricted to that of being 'ready to overlook or forgive faults or failings.'
L. 58. sur l'autre bord. Across the bridge.
L. 62. n'insulte à sa misère. Insulter à, still in use by the side of transitive insulter, is the equivalent of obsolete English 'insult over, on, at.'
L. 66. mon élève, not my 'pupil,' but my 'foster-child.' A farmer or a nurseryman speaking of the cattle he breeds or the plants he raises will say mes élèves. But the term is here exceptionally applied to a human being.
L. 74. Le toit s'égaye et rit. This line, criticized by Ponsard (Études antiques) as non-Homeric, is a translation of Catullus, lxiv. 285 'queis permulsa domus iocundo risit odore.' In fact, the attribution of feelings to inanimate things is as old as poetry itself. Countless instances in all languages might be adduced. For this use of laugh in English see N.E.D., s.v. laugh 1 c., and notice that Pope, in translating the Odyssey, has made Homer say, 'In the dazzling goblet laughs the wine,' iii. 601.
L. 75. au loin circule, i.e. forms a long circle.
L. 77. animées, appearing alive, of course, like the 'animated marble' of Pope, Temple of Fame, 73.
Ll. 77, 78. Od. vii. 100, 'Youths forged of gold, at every table there, Stood holding flaming torches.'—CHAPMAN. Cf. Lucretius, ii. 24.
L. 84. lits teints. Aen. i. 708, which Dryden translates 'The painted couches.'
L. 86. Est admise: exceptionally, for women, as a rule, did not sit at the same table with the men.
L. 89. Et déjà vins, &c. The ellipsis of the verb imparts greater vivacity to the narrative. The unexpected interruption is therefore made more abrupt.
L. 93. s'assied parmi la cendre. Od., vii. 153: '[Ulysses] went to the hearth, and in the ashes sat,' CHAPMAN; 'as the custom was in those days when any would make a petition to the throne,' adds Lamb by way of commentary, Adventures of Ulysses, vi.
L. 94. Od. vii, 144, 145. '...His view With silence and with admiration strook The court quite through.'—CHAPMAN.
Ll. 97-100. Hesiod, Theog. 84. De l'Olympe envoyé, ibid. 97.
L. 98. Semblent d'un roi. Elliptical for semblent être d'un roi. Être de itself is elliptical for de être celui, ceux. The French idiom has its English equivalent in 'My kingdom is not of this world.'
L. 100. Od. xiv. 205; Hesiod, Theog. 97.
L. 102. la main hospitalière, with the definite article, not 'ta main...,' as has sometimes been printed, nor, as the more current phrase runs, 'une main.' The beggar is then made to use, as it were, a technical phrase, to name a well-known rite. In the same way we say 'the kiss of peace,' 'the stirrup-cup.'
L. 104. Od. xvii 347: 'Bashful behaviour fits no needy man.'—CHAPMAN.
L. 110. Theognis, 649.
Ll. 111, 112. This seems to owe something to an extract from Menander in the Florilegium of Stobaeus, xcvi, which, together with a line of Theognis, quoted under the same heading, has partly inspired the following lines of Chénier, ll. 113, 114.
L. 115. plus que l'enfer, more than the gates of hell, is the phrase, Il. ix. 312; Od. xiv. 156.
L. 116. Le public ennemi, i.e. l'ennemi public. The inversion is awkward, as the collocation of the words is precisely that which would express 'the hostile public.'
Ll. 122-4. Od. xvii. 485.
L. 123. traînés, of course, goes with haillons.
L. 125. Il. l. 22.
L. 127. et que puissent. The more modern phrase would be puissent tes voeux. Malherbe: 'que puisses-tu, grand soleil de nos jours, Faire sans fin le même cours.' See Haase, 73 B.
Ll. 127, 128. Od. xvii. 354.
L. 134. For these details see Od. iv. 290.
L. 139. nourrit un long amour: a very happy phrase, recalling La Fontaine's 'quittez le long espoir et les vastes pensées,' Fables, XL viii. In Shakespeare's 'A long farewell to all my greatness.' Henry VIII, iii. 2. 351, we have a similar use of 'long'. Such epithets stand in lieu of a whole phrase.
L. 143. Od. vii. 174, 175: 'And there was spread A table, which the butler set with bread,'—CHAPMAN.
L. 144. Sieds-toi. Se seoir, for instances of which we must go to the seventeenth century, its uses being confined to the present of the indicative, the imperative, and the infinitive, is an archaism. Such archaisms, like que puissent above, give more solemnity to the tone, make the scene recede, as it were, into the past.
L. 150. l'éponge. Od. i. 111: 'Some... With porous sponges cleansing tables.'—CHAPMAN.
L. 151. S'approche, i.e. 'is brought by the servants.' The stranger does not sit at the common table, but, as when Ulysses is entertained by Alcinous, a table is spread for him.
L. 152. le disque: discus, platter for meat, whence O.E. 'disc,' E. 'dish,' and German Tisch, a table. d'airain; cf. Il. xi. 630: 'a brass fruit-dish.'—CHAPMAN.
L. 153. l'amphore vineuse. An epithet of nature. Chénier, it will be noticed, used them freely, as the ancients did.
L. 155. leur lendemain... A thought akin to that in Homer, Od. xv. 400: 'Betwixt his sorrows every humane joys.'—CHAPMAN.
Ll. 156-159. Od. vii. 178: '... command That instantly your heralds fill in wine, That to the god that doth in lightnings shine We may do sacrifice: for he is there Where these his reverend suppliants appear.'—CHAPMAN.
L. 158. Pour boire. An unexpected passage from indirect to direct speech, as in Homer, Il. xv. 348. The abrupt break in construction is more telling in French than in English, where it is a more common device.
L. 160. For this rite see Od. iii. 45.
L. 163, 164. Od. vii. 192.
L. 169. De sourire et de plainte would be de sourires et de plaintes in prose. But the two s's of the plural would prevent the two e's from being elided and so give two syllables more.
L. 170. tes nobles toits. The plural for the singular, that the form of the word, riming with abois, may satisfy the eye. A Latinism besides.
Ll. 174-179. Od. xiv. 462. I cannot refrain from giving here Chapman's quaint equivalent for ce que... il eût mieux valu taire: 'strong wine,' he makes Ulysses say, 'moves the wise to... prefer a speech to that were better in.'
L. 184. See Od. viii. 136.
L. 185. n'ai point passé l'âge 'où l'on est robuste' is understood.
L. 186. La force et le travail, que je n'ai point perdus, a hendyadis for 'la force de travailler.'
Ll. 188 ff. In the same way Ulysses (Od. xv. 317) declares to Eumaeus that he is ready to do all kind of menial work to earn a livelihood.
L. 194. diriger, train.
L. 195. Et le cep et la treille. The low vine-plant, such as is seen in the vine-growing parts of France, and the espalier or trellis vine.
L. 196. la faux recourbée. One of those descriptive epithets so frequent in primitive poetry.
Ll. 199-201. Hesiod, Op. et Dies, 307, 303-5.
L. 201. à rien faire. Some purists censure the use of rien without ne on the ground that rien of itself means quelque chose (Lat. rem), as in: 'Pourquoi consentez-vous à rien prendre de lui?'—Molière, Tartufe, V. vii; but the abuse, if it is really to be considered as one, is authorized by the best writers, Molière, Racine, &c. In answers rien is used by itself with the sense of 'nothing.' Add to this the phrases pour rien, réduire à rien, venir à rien, un homme de rien, rien que cela, si peu que rien, moins que rien, where rien actually means 'nothing'. Also the substantive: un rien, des riens. Also un vaurien (='un homme qui ne vaut rien'). The objection to rien in the present sentence would be just if the omission of the negation ne entailed the least ambiguity, but such is not the case.
L. 202. Od. xix. 253 and 322.
L. 203. élever sa langue for élever la voix is decidedly indefensible. But Chénier carefully avoids obvious alliances of words. See note to p. 64, l. 4.
L. 205. Sans craindre qu'un affront ne trouble. The second negative ne had better have been left out. The strict rule is to omit it after sans. Yet several instances of sans que... ne and even sans que... ne... point occur in the seventeenth century, namely in Mme de Sévigné. See Haase, § 103 B.
L. 206. L'indigent se méfie. Menander in Stobaeus, Florilegium, xcvi. Od. vii. 307.
L. 209. A reminiscence of Horace, Od. ii. 9. The same thought occurs again at p. 66, l. 4.
L. 210. Propertius, ii. 28. 31; Theocritus, Idyll. iv. 4.
L. 211. Et tel pleure. Cf. 'Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera.'—Racine, Plaideurs, i. I. Observe the fitness of those two forms of the same proverb to their several contexts. The vendredi and dimanche, humorous precisions, would never do here.
L. 212. en tes discours préside—not 'à tes discours.' Chénier means, not 'wisdom presides over thy discourses,' but 'wisdom rules, bears sway, prevails, is paramount in thy discourses,' Cf. Od. xix. 352; xx. 37.
Ll. 228-231. Aen. i. 628.
Ll. 229, 230. n'a point à l'indigence fait..., 'has not caused indigence to envy the destiny of the wealthy Lycus,' The object of faire, which is at the same time the subject of the infinitive envier, is in the dative. See Littré, Dict., s. v. 'Faire,' Remarques 1-5; also Haase, 390.
L. 235. et te souviens. This peculiar form of the imperative is used only when another imperative goes before. Whereas in the ordinary form, souviens-toi, the stressed form of the pronoun is used (as is the rule when the pronoun is the object of an imperative or a prepositional object: écris-moi, nous avons songé à lui), in this construction the pronoun preceding the verb follows the rule of all pronouns placed before verbs and is in the unstressed form.
Ll. 250, 251. Hesiod, Op. et Dies, 285.
L. 260. qu'avait tissus l'Euphrate. Tissu is the past participle of the obsolete verb tistre, now replaced by tisser.
L. 264. Seul maintenant—a sort of ablative absolute.
L. 275. Et sans que nul mortel. Nul, though of itself a negative, occurs after sans: 'Sans nuls égards pour les petits.'—La Bruyère, xiv. True it is that La Bruyère might have said, with Malherbe and La Fontaine, 'sans point d'égards...,' which nobody would think of using at the present day. 'Sans qu'aucun mortel'—aucun=aliquis unus, and so is no negative—would have been more logical, but harsh.
L. 282. By the device of concluding the long period with these three sad syllables, the pathos of the statement is heightened.
L. 284. a tombé. Tomber, generally used with the auxiliary être, also admits of the auxiliary avoir. Littré, Dict., s.v. 'Tomber,' 61°.
L. 287. je ne revois. The present used instead of the future tense imparts more emphasis to the asseveration. See Ayer, p. 466.
L. 289. vapeurs, fumes.
L. 291. Od. xiv. 42.
L. 308. au même précipice. In Old French ou (=en le) got confused with au (=à le), whence a constant substitution of au for ou in the masculine, and, by extension, of à la for en la in the feminine. See Meyer-Lübke, § 417, and Haase, § 120, and cf. p. 33, l. 4.
L. 317. je revoi. The Old French spelling (voi from video) has been retained in versification for rhyming purposes.
L. 323. J'ai honte à ma fortune, instead of: 'J'ai honte de ma fortune'; as Molière writes: 'J'aurais honte à la prendre.'—Le Dépit amoureux, I. ii.
L. 331. So Nausicaa does to Ulysses (Od. viii. 461).
L. 1. qui t'agite? Qui here is a neuter and means 'what.' See Darmesteter, § 416.
L. 8. parmi l'herbe. Delicately archaic. Thus Corneille has 'parmi l'air,' Mel. IV. vi. and La Fontaine 'Parmi la plaine,' Fables, XI. i. 4. See Haase, § 131 A.
Ll. 12, 13. Notice the fine effect of imitative harmony in these lines. They are as rough as the landscape they describe. Much of their harshness is due to the predominance of the sound of r.
Ll. 36, 37. Euripides, Hec. 332.
L. 38. rien à soi. Soi, which is now more especially used when the subject of the sentence is on, was formerly indiscriminately used with lui put for lui-même. See note to p. 29, VII, l. 10.
L. 49. Aen. iv. 487.
L. 54. les maux qu'on me fait. The plural of mal is not common with the verb faire. There is an instance of it in Régnier: 'sa barbe... où certains animaux... luy faisoient mille maux,' Satire x, 171-4.
L. 66. De qui les blés. This use of de qui, when the antecedent is an inanimate thing, was condemned by Vaugelas, whose rule has prevailed. Yet there is a tendency with many modern writers to return to the older practice.
L. 72. The horn of plenty, or cornucopia, or Amalthaea's horn.
L. 73. Sans doute que. How are we to account for this que? The phrase is the result of an ellipsis, and stands for 'il est sans doute que.'
L. 75. Je n'y vois. Y refers to la terre, l. 55.
L. 80. Elle est pour moi marâtre. Marâtre is an adjective here=inexorable.
L. 87. Je m'occupe à leurs jeux. For a distinction between s'occuper à and s'occuper de see Littré, Dict., s.v. 'occuper,' Remarque. The meaning here is: I occupy my mind in seeing them play.
L. 88. sur la rosée et sur l'herbe brillante, a hendiadys for sur l'herbe brillante de rosée.
L. 93. Deux fois... promenés. An ablative absolute. Promener, of course, is not the proper word for 'driving' a flock, but an expression of angry contempt for the tedious and, as it were, unprofitable work.
L. 101. injure, in the singular, for the sake of the metre.
L. 107. Du chaume. Calpurnius, Aegl. viii. 66.
L. 117. la mienne. This syntactical incorrectness—for la mienne cannot mean ma vierge—is in fact an elegance. The shepherd is full of the idea of his love, and most naturally says la mienne, meaning ma bien-aimée. This neglect of strict logic is most natural.
Ll. 151, 152. Some writers have printed si j'étais plus sage..., as if the sentence were unfinished, and explain that 'I should not take them' is understood. But the thought rather seems to be expressed elliptically: Were I wiser, these gifts forebode no good to me (and I should listen to these misgivings).
L. 156. j'aurai pu. The future expressing what is likely to have taken place. See Ayer, § 203.
M. Dezeimeris (Leçons nouvelles et remarques sur le texte de divers auteurs, Bordeaux, 1879) has shown how much this poem owed to a Greek versified romance by Theodoras Prodromus, entitled The Adventures of Rhodanthe and Dosicles. To this very indifferent and cold production he has traced both the scheme and most characteristic details of Chénier's Malade. We have deemed it unadvisable to crowd our notes with the numerous passages of the Byzantine writer which have inspired our poet.
Ll. 1-3. This invocation, a litany in form, may have been suggested by the Orphic hymn to Apollo.
L. 6. qui meurt abandonnée, i.e. qui meurt si elle est abandonnée.
L. 7. Qui n'a pas dû rester..., 'who surely has not been spared by death that she might see her own son die.'
Ll. 8, 9. Assoupis, assoupis... Frequent repetitions occur throughout this piece, all with a most natural and pathetic effect. M. Dezeimeris that Chénier took the hint from Prodromus, in whose poem, however, the repetitions, for the most part irrelevant, are mere mannerism.
L. 15. un jeune taureau blanc. 'Iuvencum candentem,' Aen. ix. 627.
L. 22. Aen. x. 557.
Ll. 24, 25. Il. i. 362. Thetis says to Achilles; 'Why weeps my son? what grieves thee? Speak, conceal not what hath laid such hard hand on thee, let both know.'—CHAPMAN.
L. 34. See tapes in A. Rich's Dict. of Roman and Greek Antiq.
L. 36. ô douleurs! The s is required by the rhyme rather than by the sense.
L. 43. Euripides, Hipp. 135.
L. 44. Sans connaître Cérès. 'Non Cereris placuere dapes, non pocula Bacchi' is Gaulmin's paraphrase of Prodromus (Paris, 1625). For a similar use of 'Ceres,' see Ovid, Met. iii. 437. Milton has: 'A field Of Ceres ripe for harvest waving bends' (Paradise Lost, iv. 980, 981); and Byron: 'Beneath his ears of Ceres groan the roads' (Don Juan, XII. ix).
L. 46. ta vieille inconsolable mère, not ton inconsolable vieille mère, which would be the more usual, but less forcible, order.
L. 48. T'asseyait sur son sein. Sein (bosom) here stands for giron (lap). This is the Latin phrase in sinu. The English Bible reads (Luke xvi. 23): 'He (the rich man) seeth Abraham... and Lazarus in his bosom,' whereas Langland, more explicit and accurate, says, 'Ich sauh hym [Lazarus] sitte... in Abraham's lappe' (P. Pl., C. ix, 283).
L. 53. presse de ta lèvre. She says this holding out the cup to him, so that there is no need for her to express the word 'cup,' which is therefore understood. Yet it appears that Chénier did not mean ll. 53, 54 to stand thus, as they are struck out in the MS. (Dezeimeris, p. 69).
Ll. 59, 60. sur leur jeune sein... leur robe. He says leur, as if everybody ought to understand him, because his own thought is full of them—those dancing fair ones mentioned in the following line. This, as well as the preceding 'presse' and 'la mienne' higher up, is of those true touches that carry us into the atmosphere of life.
L. 65. Reminiscences of Virgil, Ecl. v. 58; Georg. ii. 151.
L. 70. cette vierge dansante. The first editor had altered this into 'cette vierge charmante,' either because the epithet recurs at ll. 61, 89, or because he objected to this declension, or rather adjectival use, of the past participle. For this syntactical feature see Darmesteter et Hatzfeld, Le seizième siècle en France, §210; Haase, §91. See also note to p. 62, l. 19.
L. 71. Pallas (Od. i. 58) represents Ulysses as longing to see 'His country's smoke leap from her chimney tops.'—CHAPMAN.
L. 74. enchante ta vieillesse. An easy correction would be enchantent, which would not spoil the metre, but, as a rule, Chénier makes the verb agree with the last subject. See Ayer, §217.
Ll. 76, 77. Tibullus, i. 3. 8.
L. 80. Viendras-tu point...? The omission of ne in direct interrogation, very frequent in the seventeenth century, is still to be met with in modern poetry, e.g.: 'Viendras-tu pas voir mes ondines?'—V. Hugo, Ballades, 4. (Haase, §101 A.)
L. 84. Racine, Phèdre, I. iii: 'Ariane, ma soeur, de quel amour blessée...'
L. 93. Virgil, Ecl. vi. 21 'Aegle naiadum pulcherrima...'
L. 95. ne sera-ce point. A future of doubt.
L. 103. Ovid, Met. i. 481.
L. 105. garde que jamais elle soit... Ne was generally omitted in the seventeenth century after expressions of fear and after garde, gardez, prenez garde (Haase, §104 B).
L. 109. va la trouver. Cf. the first scene of the third act of Racine's Phèdre. The entire poem is to some extent the counterpart of Racine's play.
L. 126. d'âge chancelante. Cf. Aen. iv. 641.
L. 132. L'insensé. In the sense, Becq de Fouquières remarks, not of demens, but of amens, as in Ovid, Am. iii II. 25.
The subject of the poem is taken from Theocritus, Id. xiii., and Virgil, Ecl. vi.
L. 1. Le navire éloquent. Argo, which Malherbe calls 'le navire qui parlait,' Lebrun 'la nef à voix humaine,' and Chénier himself in a fragment (XLIX., p. 118 of the first volume of the edition published in 1874 by G. de Chénier), 'le vaisseau parleur.'
L. 2. Colchos. This Colchos has never had any existence except in the imagination of French poets. It is, in fact, the accusative of Colchi, the Colchians, or inhabitants of Colchis, mistaken for the name of a town.
Ll. 12-14. Et leur onde... un... zéphire, un murmure... 'l'avertit. The verb is in the singular, agreeing with the last subject, as is the constant practice with Chénier. Cf. note to p. 25, l. 74.
L. 14. et soupire. The first editor has corrected this into et l'attire. But the nymph first attracts the attention of the boy and then sighs out her desire (as again on l. 19).
L. 15. jette des fleurs. Jeter is said of plants and trees (E. shoot), whence rejeton (E. shoot).
L. 20. il l'admire couler. See note to p. 8, l, 260.
L. 26. Sur leur sein, dans leurs bras, assis... Elliptical: 'he sitting on their knees,' For this sense of sein see note to p. 24, l. 48.
L. 29. Leurs mains vont caressant. Aller with the gerund of a verb was a periphrase much in vogue in the sixteenth and seventeenth centuries, and meaning nothing more than the verb itself. It is now of rare use, except in poetry (Haase, §70 A). Palsgrave says that 'que je vous yraye devisant' amounts to 'que vous deviseroye,' Littré, however, in his dictionary (s. v. 'aller,' 21), says that it expresses continuity.
L. 30. étamine. This is, Sainte-Beuve observes, the prima lanugine malas of the Latins. Cf. 'Flaventem prima lanngine malas... 'Clytium,' Aen. x. 324, 'downy-cheeked Clytius'; or 'Clytius in his beardless bloom,' as Dryden, not very accurately, renders it. For étamine see note to p. 50, l. 38.
Ll. 38, 39. Virgil, Ecl. vi. 43.
Ll. 46-52. The syntax of this sentence would incur the blame of a strict grammarian. He would first observe that in the wording, 'pour te paraître belle, l'eau pure...,' it is pure water that is represented as wanting to appear at its best, and that, in order to avoid this absurdity, the author should have written 'pour te paraître belle, elle (the idyll a...)—in short, the construction that reappears in the following clause, 'elle a pressé ses flancs....' Next he might perhaps object to 'Et des fleurs sur son sein ... et sa flûte à la main,' a clause in which he would miss the verb. But say 'elle met des fleurs sur son sein, etc., et elle prend sa flûte à la main,' and notice the loss in vivacity. As the young person bustles, so does the sentence.
L. 51. les pipeaux de Segrais. Segrais (1624-1701) wrote idylls praised by Boileau. He also had a hand in the composition of the two novels of Mme de la Fayette, Zaïde and La Princesse de Clèves, and gave a metrical translation of the Aeneid, now forgotten.
L. 52. connus... aux nymphes. Both connu à and connu de are said, though the latter is more common at the present day.
This touching elegy, Becq de Fouquières observes, was suggested to Chénier by the following funereal epigram of Xenocritus of Rhodes in the Greek Anthology: 'Thy locks are still dripping, unfortunate maid, O Lysidice, poor shipwrecked creature, dead in the salt flood. As the waves leapt wild, thou, dismayed by the violence of the sea, fellst out of the ship; and now on a tombstone are read thy name and that of Cyme, the place of thy birth, but thy remains have been washed to some chill shore; a bitter grief to thy father Aristomachus, who, accompanying thee to the house of thy husband, brought him neither a bride nor a corpse.'
L. 2. Oiseaux chers à Thétis. 'Dilectae Thetidi alcyones,' Virgil, Georg. i. 399.
L. 3. Elle a vécu. A euphemism, adopted from the Latin, for elle est morte, used in elevated style. Thus Corneille: 'Non, non; avant ce coup Sabine aura vécu.'—Horace, II. vi.
L. 4. Camarine, a town in Sicily.
L. 5. l'hymen, the hymeneal song.
L. 8. Dans le cèdre: an accurate detail. Cf. Euripides, Alc. 160.
L. 11. invoquant les étoiles. A reminiscence, happily adapted, of Virgil, Aen. vi. 338: 'Palinurus... who, while he steering viewed the stars,... Fell headlong down.'—DRYDEN.
L. 13. étonnée. Étonner, whence E. astun, stun, astony, astonish, astound, from L. extonare class. L. attonare, to strike with a thunderbolt, originally 'to strike senseless, powerless.' It is here nearer this sense than weakened sense of 'to surprise'.
L. 21. dans ce monument. We here find that we are reading a 'funerary epigram' or epitaph.
L. 22. cap du Zéphyr. Cape Zephyrium at the southern end of Brutium.
L. 25. traînant un long deuil. Chénier thus renews, with advantage to the meaning, the current phrase: 'mener (=carry on) un deuil,' to make dole, mourn. This use of mener (cf. L. ducere in same sense) may be paralleled in English by the archaic 'lead great joy' (Caxton, Sonnes of Aymon, xx. 446), 'lead sorrow,' Partenay, 3785 (N.E.D., s. v. lead, 11 and 12 b).
This piece, Becq de Fouquières remarks, is imitated from an idyll of Moschus (ii. 95 ff.).
L. 3. Anacreon, xxxv.
Ll. 5-7, Ovid, Met. ii. 874.
L. 7. les pleurs dans les yeux. The current phrase is les larmes aux yeux.
Ll. 9, 10. Ovid, Fast. v. 611.
L. 10. sous soi. In The Public School Elementary French Grammar by Brachet we read (par. 96): 'In modern French, soi is only used when the subject is on, tout le monde, chacun, etc., or after an impersonal verb.' But this is contradicted by the practice of the best authors. See Littré, Dict., s. v. 'Soi,' Remarque; Haase, §13. Cf. note to p. 19, l. 38.
L. 20. le flatte. This sense of F. flatter was adopted in English, but has long been obsolete. Under the date 1599 there is a curious instance of this use in the N. E. D.: 'Trout is a fish that loveth to be flattered and clawed in the water.'
L. 22. Ovid. Met. ii. 868.
Ll. 3-12. Virgil, Ecl. vi. 41 ff.
L. 4. Four lines are missing here, which, being omitted in most editions, had escaped us. We here give them:
Certe, aux antres d'Amnise, assez votre Lucine
Donnait de beaux neveux aux mères de Gortyne;
Certes, vous élevez, aux gymnases crétois,
D'autres jeunes troupeaux plus dignes de ton choix.
L. 6. son antique pâture. Antique here means 'former' as in: 'Dieu de Sion, rappelle, Rappelle en sa faveur tes antiques bontés,'—Racine, Athalie, III. vii. The same use of antique occurs in Chénier's prose.
Ll. 11. Si peut-être... Virgil's 'Si qua forte ferant oculis sese obvia nostris Errabunda bovis vestigia' (Ecl. vi. 57)—i.e., that we may see whether scattered traces will not meet our eyes.
Ll. 13-22. Ovid, De Arte Am. i. 313 ff.
L. 15. superbe amant. Virgil's 'superbos amantes,' Georg. iii. 217, 218.
L. 21. à la flamme lustrale. By the lustral or purificatory flame.
This idyll is imitated from Gessner's Clymene and Damon (or Daphne and Micon in some editions): 'Tell me, love, what wilt thou do with this little altar?... Dost thou not remember that in the days of our childhood it was our favourite resort? Then were we no taller than this young columbine. About the altar will I plant myrtle and rose bushes. If Pan protect them, their branches will soon overarch the altar and form a small temple of verdure.... Dost thou see these bushes? they still grow in the shape of an arbour, though untrimmed now; they were our bower. We built the vault as high as we could reach.... Had I not planted a little garden before the bower? Had we not hedged it in with rush? A sheep might have browsed off the hedge in a moment, it was so large.... Thou wast lucky to find a small mutilated image of Cupid. As a fond mother, thou wouldst lavish care and caresses on him; a nutshell was his cradle, where, lulled by thy songs, he would lie on rose leaves.' A cicada is also mentioned, which gets hurt in flying away. Then Damon: 'Thus passed the days of our childhood, when in our games thou wast my wife and I was thy husband.'
L. 5. As in Ovid, Met. xiii. 841, the giant Polyphemus compares himself to Jupiter, so here the child compares himself to his young goat.
Ll. 19-24. A translation of the fourteenth epigram of Anytus, p. 200, vol. i. [of the Anthology]. See also the twenty-ninth of Argentarius, vol. ii, p. 273. (Note of A. Chénier.) Anytus of Tegea lived 300 years before the Christian era.
L. 20. verte cigale. The cicada is brown. Chénier is here thinking of the large green grasshopper (Locusta viridissima).
L. 21. les honneurs. The honours of this tomb, that is, this tomb and its adjuncts destined to honour thy memory.
André Chénier had purposed to write sea-bucolics or idylls, which his notes, in which he indicates the genre of his poems by Greek abbreviations, designate as [Greek: Bouk. enal.] (that is, [Greek: Boukolika enalia]), [Greek: Eid. enal.] (i.e. [Greek: Eidullia enalia]). Dryas is one of them. It appeared for the first time in G. de Chénier's edition, 1874.
L. 4. aux mains. See note to p. 16, l. 308.
L. 6. tout se jette. Tout, i.e. tout le monde, as in 'Femmes, moines, vieillards, tout était descendu.'—La Fontaine, Fables, VIII. ix. 4. The verb agrees with tout, which sums up the enumeration. Ayer, §217, 3 b.
L. 8. Il remplit et couronne. Not of course in the sense in which Milton writes: 'Eve... their flowing cups With pleasant liquors crown'd' (Paradise Lost, v. 444). This sense is unknown in French. But see Rich, Dict. of Roman and Greek Antiq., s.v. 'coronatus.'
L. 19. dieux humides, water-gods. Thus Boileau: 'Il [le Rhin] voit fuir à grands pas ses naïades craintives Qui toutes accourant vers leur humide roi...'—Ep. iv. This invocation is taken from Propertius, III. vii. 57.
L. 23. les ondes avares. The greedy waves.
Ll. 29. et ses efforts nombreux... The sentence has been left unfinished.
L. 36. Virgil, Aen. iv. 304.
This piece is imitated from Ovid, Met. iv. II ff. It also contains reminiscences of Ovid, De Arte Am. i. 541; Catullus, lxiv. 225.
L. 1. Thyonée Thyoneus, i.e. son of Thyone, another name of Semele.
L. 2. Dionysius, Evan, Iacchus, Lenaeus, names of Bacchus. The origin of the first three is obscure, while Lenaeus is from [Greek: lêmos], a wine-press.
L. 9. étoilé. The fur of the lynx is spotted.
L. 11. aux axes de tes chars. Lat. axis (Fr. axe) is properly Fr. essieu (from Lat. axiculus), Eng. axle which has also been sometimes replaced by axis. (The O. E. word was ax (æx), related to Lat. axis.) But here axe is used, as in Latin, for roue, i.e. 'wheel.' See also note p. 65, XI, l. 2.
L. 17. Et le rauque tambour. Et does duty for ainsi que.
L. 18. Les hautbois tortueux—'tibia curva' Tibul, ii. I. 86.—les doubles crotales:, crotals, or crotala, are a sort of castanets. They are called doubles because they consisted of two little brass plates, or rods.
This short fragment is taken from Ovid, Met. viii. 743.
L. 3. porte un immense ombrage. I am under the impression that this happy use of porter has been suggested to Chénier by the term used in painting of ombre portée, defined by Littré (s.v. porté), 'ombre qu'un corps projette sur une surface.' Chénier frequented painters, and himself painted.
L. 5. bandeaux, fillets. See vittae in Rich, Dict. of Roman and Greek Antiq.
Ll. 2-4. Imprudent in being too credulous, Dejanira became the innocent cause of Hercules' death; for, fearing his infidelity, she sent her husband a robe or shirt that the Centaur Nessas had given her, and which he had said would preserve her husband's love to her. No sooner had Hercules put on the garment his wife gave him than he suffered terrible agony, under which he ordered a funeral pile to be kindled, and placed himself in its flames, thus falling a victim to the Centaur, Nessus, whom he had slain. Hercules killed Nessus because, carrying Dejanira over a river, he attempted to run away with her.
Ll. 5, 6. ta cime... amoncelle. Literally, 'thy top heaps up,' for 'thy top is heaped up with.'
L. 9. du vieux lion, the Nemean lion.
L. 2. Érichthon. Erichtonius, fourth king of Athens, son of Vulcan and the Earth, was a cripple, invented chariots, and, after his death, became the constellation of Auriga, or the Waggoner.
L. 5. axe, for char. See note to p. 65, XI, l. 2. For this line and the following see Virgil, Georg. iii. 113 ff.
Ll. 11-14. Virgil, Georg. iii. 191, 192.
L. 14. Agiter... leurs pas. Hurry (cf. agitato, in music=hurried) their pace, in opposition to mesurer, 'compose, moderate.'
L. 1.... Mais... This beginning shows that the piece is only a fragment. For this comparison see Ovid, Heroid. vii. 1, 2.
L. 7. Sébéthus. The river Sebetus runs through Campania. It is often mentioned by Sannazaro in his elegies, from which Chénier has borrowed the idea.
Ll. 9, 10. moi, celle qui te plus, moi, celle qui t'aimai. In this instance the agreement of the verbs with moi is condemned by modern grammarians. It would occur in the older language, and Bossuet himself has said, speaking of God, 'Je suis celui qui suis' (Lat. sum qui sum, Eng. 'I am that am,' Wyclif, Ex. iii. 14). See Littré, s.v. 'celui,' Rem. 4.
L. 16. A reminiscence of Catullus, lxiv. 117 ff.
L. 19. l'astre pur des deux frères d'Hélène. It is the 'fratres Helenae, lucida sidera' of Horace (Od. i. 3), namely Castor and Pollux. The constellation was said to be propitious to seafarers.
L. 21. Pæstum. A town in Lucania famous for its roses. See Virgil, Georg. iv. 118, 119.
L. 29. du sein de la mer. Il. i. 359-361. Thetis 'instantly appeared up from the grey sea like a cloud.'—CHAPMAN.
L. 30. comme un songe. In the Odyssey (xi. 207) the soul of Ulysses' mother vanishes (like a dream). Also Aen. vi. 702.
L. 1. Song of Solomon, i. 6.
Ll. 7-10. Song of Solomon, i. 7.
L. 8. le mol et doux coton. Cf., in N.E.D., Cotton. 'Down or soft hair growing on the body.' Obs. rare [so F. coton=poil, 1615, Crooke, Body of man, 65: 'Pubes doeth more properly signifie the Downe or cotton when it ariseth about those parts.'
L. 11. Ovid, Heroid. xv. 93-95.
L. 22. ce jeune Troyen, Ganymede.
L. 23. Adonis, whose mother, Myrrha, had before his birth been turned into a tree that distilled myrrh.
Ll. 1-8. Shakespeare, I Henry IV. iii. l. 214-222. That Chénier was sensible to the magic of this passage argues that, in spite of prejudices, he would recognize beauty wherever he found it.
L. 11. Car le... Becq de Fouquières conjectures that the poet would have written 'car le bel Endymion...,' or rather 'car le dieu d'amour...,' but was prevented by the metre.
L. 13. The song at the beginning of the fourth act of Measure for Measure gave Chénier the idea of these lines.
Ll. 11-20. An imitation of Bion, Idyll iv.
L. 15. et sa voix... Et here introduces a consequence, as in: 'Plus je vous envisage, Et moins je me remets, monsieur, votre visage,' Racine, Plaideurs, II, iv; or in 'give him an inch, and he take an ell.' Cf. p. 63, IX, l. 1.
L. 20. tu fais mes amours. Faire here is synonymous with être as in 'faire l'admiration de tous.'
L. 28. Te bêler mes amours. For another instance of this transitive use of bêler see p. 46, XXXIII, l. 10.
L. 32, Plutôt que te laisser. After que following a comparative, modern visage prefers de before the infinitive. See Haase, § 88.
L. 1. Toi, de Mopsus ami! Ironical. 'That thou never wast!' This beginning shows that these lines were meant as part of an eclogue: the subject to be two shepherds disputing the prize of singing. Mopsus is an excellent singer and poet mentioned in Virgil, Ecl. v. Berecynthus is a mountain in Phrygia on which the mysteries of Cybele were celebrated.
L. 3. Hyagnis. According to Apuleius, Flor. iii, Hyagnis was the father and teacher of Marsyas, the flute-player.
L. 4. énervé, emasculate. 'Semiviro Cybeles cum grege iunxit iter,' Martial, iii. 91.
L. 7. dans ce bui. Bui is spelt thus in order to rhyme for the eye with lui. 'Buis' for 'flute'; a metonymy.
L. 15. des chiens même. In poetry the adjective même often remains uninflected. 'Les immortels eux-même en sont persécutés,' Malherbe, i. 279, 26, Éd. des Grands Écrivains. 'Un éclat qui le rend respectable aux dieux même,' Racine, Esther, II. vii. 678, same edition. Haase, § 53, C.
This fragment is taken from the twenty-third idyll of Gessner.
L. 1. errante à travers. This inflected present participle is an archaism. See Haase, § 91. See also note to p. 25, l. 70, as well as p. 24, l. 61; p. 56, l. 8; p. 62, l. 19.
L. 4. Le pied-de-chèvre. The poets of the Pléiade used the compound chèvre-pied.
L. 6. leur risée. But only one nymph has been mentioned. It is understood that she meant to provide sport for her companions.
L. 1. L'impur et fier époux. Becq de Fouquières remarks that the he-goat is frequently designated by a periphrasis in Greek and Latin literature.
L. 3. averti de, aware of.
This fragment is a translation of the first idyll of Gessner.
L. 6. La source aux pieds d'argent. Cf. 'La nymphe aux pieds d'argent,' p. 59, l. 47. Cf. also Milton's 'silver-buskined Nymphs,' Arcades, 33.
These lines are imitated from an epigram of Evenus of Paras.
L. 1. Fille de Pandion. Pandion, son of and king of Athens, had two daughters, Procne and Philomela. Procne was ultimately turned into a swallow and Philomela into a nightingale. See Ovid, Met. vi. 412 ff.
L. 10. A ton nid. Nid for nichée: 'Et portant à son bec son modeste butin, De son nid babillard revient calmer la faim.'—Delille, En. xii (in LITTRÉ). In the same way 'nest,' in English, is used for 'brood.' Cf. Virgil, Georg. iv. 17, and La Font., Fables, X. vii. 17.
These lines are imitated from Thomson, Autumn, 167-174.
Becq de Fouquières observes that when André Chénier composed this short bucolic fragment the revolutionary storm was raging. Chénier, a suspect, threatened with arrest, was sick in body and mind, and had gone to the waters at Forges for a few days' rest.
L. 8. lent. Lent, in the sense of 'supple, flexible,' is a Latinism twice or thrice used by Chénier, and perhaps nowhere else to be found in French literature. The second instance occurs in his Art d'aimer, the third (doubtful) on p. 75, l. 17. 'Un cuir souple et lent thus forms a pleonasm which mars this piece otherwise so neat.
L. 10. The subject might tempt a sculptor.
A translation of the ninety-eighth epitaph of Leonidas of Tarentum, Anal. t. i, p. 246 (note of André Chénier). The abbreviation means: Analecta veterum poetarum, published by Brunck, in three vols.
L. 4. rendez, grant. E. render once had this sense. N.E.D., s.v. 7.
L. 5. Par Cérès. Only women swore by Ceres. Spanheim in Callimachus,p. 655 (note of André Chénier).
L. 6. légère, slight.
L. 10. Me bêler les accents.... Cf. note to p. 41, l. 28.
L. 16. le sein. Sein is said of a woman, mamelle of an animal. The word pis (Lat. pectus, E. dug) would be the proper word here.
L. 17. Et sera.... This inversion following the conjunction et was very frequent in the older language. In the seventeenth century it is to be met with only, and but seldom, in Malherbe and La Fontaine. See Haase, § 153 B. André Chénier is right in reviving old forms of expression when they come in handy. And here it cannot be denied that there is a gain in solemnity. Cf. note to p. 64, IX, l. 17.
L. 1. Secrets observateurs. Prying into the secrets of nature.
L. 7. les plaintives dryades. Is this mere poetic diction, as when Byron writes: 'the palm, the loftiest dryad of the woods,' Island, II, xi. 17. Though the garden described is one seen by a Frenchman of the eighteenth century, yet it is viewed with the eyes of a Greek pantheist.
L. 11. fidèle. True to nature.
L. 12. Loin du bois, comme si.... The uninverted order would be: 'Comme si Philomèle allait, loin du bois, chercher.'
l. 15. dont le printemps s'honore, which Spring boasts.
L. 5. Où te faut-il chercher? Understand 'Où faut-il te chercher?' The construction is ambiguous, and the sentence might be misunderstood as: 'where is it necessary for thee to seek?'
L. 5. la saison nouvelle. The renouveau, as our Old poets used to say, i. e. 'Spring.' So, in English, the 'new moon' (= F. la nouvelle lune), and Tennyson speaks of 'the new sun' (Geraint, 70).
Ll. 6-10. Petrarch, The Return of Spring, cclxix.
L. 11. gracieux. Not 'graceful' but 'gracious'—in my opini on at least.
L. 14. liquides. A very felicitous qualificative, apposite to both water and verse. Was Chénier the first of French poets to employ the phrase 'vers liquides'? Littré at least does not exemplify the use. It will hardly seem a novelty to the English student who has read of 'liquid notes, cadences,' &c.
Ll. 15, 16. Des vers... sont ce peuple de fleurs. An inversion in which the verb agrees with the predicate. See Ayer, § 212, 2.
Ll. 1-3. Compare these opening lines with the envoy or concluding part of Hylas, p. 28, l. 43.
L. 9. jeunesse prudente. In the sense of Latin prudens, 'wise.' Prudence is generally considered as an attribute of old age. 'La prudence est le fruit de la longue vie,' says the French (Sacy's) translation of the Bible, where the English Bible has: 'In length of days (is) understanding,' Job xii. 12.
L. 10. Pâlit. Pâlir sur des livres is a French idiom whose English equivalent would be 'to pore over books.'
L. 23. caresses d'amours. The s in amours is for the rime.
Ll. 1-4. Horace, Od. iii, 12.
Ll. 7, 8. Tibulius, I. viii. 7.
L. 20. Le suit encor. This hyperbole, frequent in poetry, Chénier seems to have been particularly fond of. Cf. note to p. 62, l. 39.
L. 22. nymphes. Nymphe, as well as coursier (l. 24), belonging to the poetic diction of those days, strike us as blemishes. But if we were to demur at such details we could hardly read anything written in the now accepted style.
Ll. 1-8. Imitated from Horace, Od. iii. 4.
L. 13. Seul Elliptical: 'when I am alone.'
L. 19. distraits, diverted from their uneasy, anxious thoughts.
Ll. 21-28. Imitated from Horace, Od. III. iv.
Ll. 23. Catile. Catilus and Tibur are one and the same place, now Tivoli (l. 26): Moenia Catile in Horace.
L. 24. Blandusie. Horace, Od. iii. 13, celebrates its fountain.
L. 26. Tivoli, i.e. Tibur, where Horace's villa stood.
L. 27. Horace, Od. II. xix.
L. 35. Theocritus, Id. iii. 12. Bruyante abeille is of course a nominative in apposition to Je. So with rose, &c.
L. 36. les délices, the sweets.
Ll. 37. Anthol. v. 84.
L. 38. étamine. A. Chénier seems to have used étamine, properly the stamen or male organ of flowers, for the pollen or fecundating dust which is secreted by the stamen. Cf. note to p. 27, l. 30.
L. 47. Anacreon, Od. xx. The thought, as a lover's wish, is hackneyed.
L. 61. périsse l'amant que satisfait la crainte! The meaning, not very obvious, but explained by the following lines, is: Beshrew that lover who is content to frighten his mistress into fidelity.
The following desponding lines were written by Chénier just before undertaking a journey to Switzerland and Italy. His friends, finding him in a very bad state of health, prevailed upon him to accompany them. His spirits seem to have been very low at that time, as appears from the thoughts of death he gives expression to, and numerous are the passages in which the melancholy mind of Chénier gloats upon death.
L. 1. je suis prêt à descendre. Grammarians have long distinguished between près de and prêt à, but writers never did, until lately, when prêt à was restricted to expressing 'ready to' and près de 'on the point of.'
L. 3. linceul. In the Dictionnaire des rimes françaises, by Jean Le Febvre, Paris, 1587, linceuil and linceul are given. Littré observes that both pronunciations are heard.
L. 13. reliques. The English student is likely to overlook this word, as English 'relics' means both (1) what remains as a memorial of a departed saint, martyr, or other holy person, and (2) the remains of a person, the body of one deceased. But this latter sense is of very rare occurrence in French, and Chénier uses it because, being seldom used, it is still all but novel. He thinks it 'fine and sonorous,' and proceeds to observe that Racine has it twice. Alfred de Musset, after him, employed reliques figuratively in; 'Les morts dorment en paix dans le sein de la terre; Ainsi doivent dormir nos sentiments éteints; Ces reliques du coeur ont aussi leur poussière; Sur leurs restes sacrés ne portons pas les mains.' Yet it is easy to see that in this instance both senses are implied.
L. 24. qu'il dut vivre longtemps. All editions, and our present selection after them, print dut without a circumflex accent. Dût is in fact the imperfect of the subjunctive used, as was usual in the older language and is still occasional in seventeenth-century French, for the pluperfect of the subjunctive, as in: 'Mais puisque son dédain, au lieu de le guérir, Ranime ton amour qu'il dût faire mourir. Sers-toi de mon pouvoir,' Corneille, Clit. II. iv. 484. So here dût stands for eût dû = aurait dû. See Haase, § 66 B.
L. 25. le meurtre jamais n'a souillé mon courage. Tibullus, iii. 5. 5 ff. When Chénier speaks of murder he has duelling in his mind, which he deprecated in his prose works. He also takes courage in its older sense, frequent in the great French classics, and the oldest sense, recorded in English, of 'the heart as the seat of feeling, thought, &c.; spirit, mind, disposition, nature.'—N.E.D.
L. 44. et voilà que je meurs, and behold I die: a Biblical term.
L. 49. mes feux. An instance of the conventional language of love, now exploded, like F. flamme and E. flame.
L. 52. L'ennui. Ennui here says something more than its adoption into English would suggest. The English student, in order to realize its force, should refer to its earlier adoption represented by the form annoy. The word originated, according to Diez, in the Latin phrase est mihi in odio. For the weakened sense of ennui, see p. 57, l. 41.
L. 53. à, for.
L. 56. N'allument... un... trépas. A bold phrase. The passage is from 'allumer une fièvre,' through 'allumer une fièvre mortelle,' to 'allumer une mort.'
L. 61. amour... mutuelle. Amour in the feminine is an archaism. Amour, Lat. amor, was feminine in Old French, as all such derivatives were and still are: douleur, peur, &c. Littré, s.v., Rem. 2; cf. p. 61, l. 18.
L. 27. Tibullus, ii. 1. 67.
L. 28. Becq de Fouquières, in his notes, gives an epigram of Julianus (with the reference Anth., Pl. 588), which he observes has inspired this thought.
L. 35. Tout, mais surtout les champs sont restés. Tout and les champs really belong to different propositions and the verb agrees with les champs. Cf. 'Somewhat, and in many cases a great deal, is put upon us.'—Butler, Analogy, Part I.
L. 44. L'astre, the sun, or Phoebus Apollo.
L. 92. De leur voix argentine. 'The silvery voice of glasses' is pretty. André Chénier is depicting a true heathenish paradise.
L. 98. ingrat à. We should rather say now ingrat envers. Many adjectives, Haase observes (§ 125 B), now followed by envers, pour, avec, de, &c., were constructed with à, e.g. 'A moins que d'être ingrate à mon libérateur.'—Corneille, Andr. v. 2, 1573.
L. 97. Qu'à ton tour... May, in return for thy ingratitude, the fair one...
L. 102. Ne t'ait vu de sa vie. May she pretend that she never saw you before.
M. Dezeimeris (Leçons diverses et remarques sur le texte de divers auteurs) has shown that Chénier, in this elegy, had borrowed not a few hints from Ausonius, Epistola X.
L. 1. solitaires divines. Which is the noun, which the adjective? Solitaire must be the noun (though certain critics have expressed the opinion that it is divine which is the noun). Firstly, there is the masculine noun 'un solitaire,' and it is hard to see why there should not be a feminine, 'une solitaire.' Secondly, the subsequent lines show that Chénier addresses the Muses as lovers of solitude, and it is more logical that the predominant idea should be embodied in the noun, not in the epithet.
L. 3. Nîme. Nîmes (earlier Nismes), in the dep. Gard. The final s has been dropped to admit the elision of the e. 'Nîmes égare' would have sounded most unnatural.
L. 5. aux bords de Loire. The omission of the definite article before Loire and Garonne is archaic. It was the current practice in the sixteenth century, and still occurs occasionally in the seventeenth.—Haase, § 3 B. It is to be noticed that in the next line Chénier writes 'ces nymphes du Rhône,' and, in fact, the omission of le before Rhône seems hardly possible. It is difficult to account for such anomalies. A few individual relics of former usage have thus survived. One of these is the phrase 'entre Sambre et Meuse.'
L. 7. son flambeau vous luit. Such constructions, where à followed by an indirect object, or implicitly contained in the dative of the unstressed personal pronoun, where the present language uses pour, were quite current formerly, and, though uncommon, may still be used.—Haase, § 125 B.
L. 8. Dansantes. The predilection of Chénier for the inflected present participle has now been illustrated by many instances. See p. 24, l. 61; p. 25, ll. 70, 89; p. 42, XXIV, l. 1.
Ll. 9-12. Cf. Cowley (Essays: Of Agriculture): 'One might as well undertake to dance in a crowd, as to make good verses in the midst of noise and tumult.'
'As well might corn as verse in cities grow;
In vain the thankless glebe we plough and sow,
Against th' unnatural soil in vain we strive,
'Tis not a ground in which these plants will thrive.'
L. 15. les rapides chars. Conventionally poetical for carrosses, which, in those days, would have been the proper word. In the same way airain should have been fer (cercles = tires).
L. 17. ne me soient point avares. See note to p. 56, l. 7.
L. 21. Dormir. The more modern construction would be de dormir. See Hasse, § 87. An echo of La Fontaine, who divided his life into two parts, spent 'L'une à dormir, et l'autre à ne rien faire.'
L. 22. le doux oubli d'une vie. Horace's Oblivia vitae.
L. 31. dans Sichem. This is the wording of the older translation of the Bible. Ostervald's translation has 'à Sichem.'
L. 33. un amoureux courage. We here touch the point where courage = 'l'ensemble des passions qu'on rapporte au coeur' merges into courage = 'fermeté qui fait supporter ou braver le péril, la souffrance,' as Littré defines the two meanings.
L. 35. Horace's well-known wish (Sat. II. vi).
L. 42. aux champs. For the substitution of à for dans see note to p. 16, l. 308.
L. 45. Avoir amis, enfants, épouse. The omission of the indefinite article before épouse is quite normal in an enumeration. It is a feature of the old language. Besides 'avoir femme et enfant,' which is also an enumeration, we still say 'prendre femme.'
L. 49. aimable mensongère. Chénier avails himself of a source of derivation always open. He turns the adjective mensonger into a noun. This had already been done by Marot: 'De moi n'aura mensonger ne buveur Bien ne faveur,' iv. 308, in Littré, Hist.
Ll. 49-62. In this passage, a critic observes, we have, as it were, an earnest of the Lamartinian melancholy reverie.
L. 66. Julie. The heroine of Rousseau's Nouvelle Héloïse.
L. 67. Clarisse. Clarissa Harlowe in Richardson's novel of this name.
L. 70. Clémentine. The Lady Clementina in Richardson's novel, Sir Charles Grandison.
L. 1. couronnés de rose; rose for roses, for the sake of the rhyme.
L. 16. Montigny. An estate belonging to the brothers Trudaine, situated in Brie, eighteen leagues from Paris.
L. 17. où la Marne. At Maroeuil, where the family of his friend de Pange had an estate.
Ll. 19, 20. A reminiscence of an epigram in the Greek Anthology (Analecta, t. ii. p. 429, C. viii).
L. 22. Qu'il... les ménage. Let him humour them.
Ll. 23, 24. Qu'il plie... sa tête à la prière, et son âme aux affronts, is slovenly written, the preposition à having a different meaning in à la prière (for which see note to p. 1, l. 18) and in aux affronts.
Ll. 41-44. Amphis in Stobaeus, Florilegium, lx.
4L. 42. On pleure. This on where we should expect je must have been attracted by the on in the sentence immediately preceding, and there is a fine effect in its use instead of the invidious I. The avowal, in this generalized shape, gains in discretion.
L. 51. mon pinceau. Chénier tried his hand at painting.
L. 57. à, by. See note to p. 7, l. 211. Here is a thirteenth-century instance of à in the sense of by: 'Me gardez que ne soie prise à beste cuiverte,' Berte (in LITTRÉ). Also this: 'à tous se fit aimer,' Berte, where we find à constructed with a passive infinitive connected with se laisser or se faire, a feature still extant in the seventeenth century: 'Je me laissai conduire à cet aimable guide,' Racine, Iphig. II. i. 501. See Haase, § 125, Rem. ii. à = par has lived on in such phrases as: faire faire un habit à un tailleur, voir dire, voir faire, entendre dire à quelqu'un.
L. 71. lecteur. It was, in fact, with difficulty that Chénier was prevailed upon to read out his poems. See below, l. 80, and p. 85, ll. 64-74.
L. 73. Abel. Abel-Louis-François de Malartic, Chevalier de Fondat, 1760-1804.
L. 76. nous présentions la main. Juvenal, Sat. i. 15.
L. 77. Et mon frère et Lebrun. Marie-Joseph Chénier, 1764-1811, adopted, like André, the military career, which he left after two years, and wrote tragedies, lyrical poems, epistles and satires, and also a few prose works, the most esteemed of which is his Tableau de la littérature française depuis 1789, a posthumous work, published in 1815. He was but an indifferent poet.
Pierre-Denis-Écouchard Lebrun, called the French Pindar by his admirers, 1729-1807, a versifier of talent, wrote odes (in which he successively sang Louis XVI, the Republic, and the Empire), elegies, epistles, epigrams (in which he really excelled), and a poem on Nature.
L. 78. fugitif de. Becq de Fouquières sees a Latinism here, while quoting two instances from Rousseau and Lebrun. But as Descartes, Bossuet, and Voltaire might be adduced too (see LITTRÉ), it is difficult to accept his statement.
L. 2. Cf. Boileau: 'C'est peu d'être poète; il faut être amoureux'; and Musset: 'Tu te frappais le front en lisant Lamartine. Ah! frappe-toi le coeur; c'est là qu'est le génie.' Cf. also Milton: 'Poetry should be simple, sensuous, and passionate.'
L. 18. une amour. See note to p. 53, l. 61.
L. 19. De sables douloureux... Chénier suffered from gravel. Cf. p. 66, l. 34.
Ll. 21, 22. Theognis in Stobaeus, Florilegium, cxx.
This elegy is imitated from Tibullus, III. vi, with perhaps a few reminiscences of Propertius, III. xvii.
L. 15. ne trouve plus des armes. Why des armes instead of ne... plus d'armes? Because, says Ayer (p. 407), the negation does not bear on the verb, while Haase (§ 119 B., Rem. 1) will have it that it is in order to mark that the negation falls more on the verb than on the object. The latter explanation seems to us to be the correct one. The idea here is: Camille no longer finds in my heart what she was wont to find there, namely, 'des armes.'
L. 19. Pleurante. One of those inflected present participles for using which Chénier was censured by his early critics. Were they aware that this particular one occurs twice in Racine? 'Pleurante, après son char voulez-vous qu'on me voie,' Androm. IV. v. 54; 'Que la veuve d'Hector pleurante à vos genoux,' ibid. III. iv. 3. Cf. p. 24, l. 61; p. 25, ll. 70, 89;p. 42, XXIV, l. 1; p. 56, l. 8.
L. 26. le liège tenace. One of those periphrases so much in vogue in the eighteenth century. Yet, here, there might be an excuse in the playful tone adopted by the poet. And certainly what follows is in the same humorously dignified diction.
L. 30. aux pressoirs. See note to p. 16, l. 308.
L. 37. je la voi. See note to p. 17, l. 317.
L. 39. Son nom, sa voix absente errent dans mon oreille. Chénier had put the verb in the singular, as is his constant practice (see note to p. 25, l. 74), and the correction was not necessary. This metaphor Chénier seems to have delighted in. He repeats it in Hermès: 'Autour du demi-dieu, les princes immobiles Aux accents de sa voix demeuraient suspendus, Et l'écoutaient encore quand il ne chantait plus.' Cf. Milton, Par. Lost, viii, 1-3.
L. 48, à ses lèvres saisie, snatched from her lips.
L. 58. longtemps. Longuement would be clearer, or lentement, as below, l. 74.
L. 66. n'aimer plus. With an infinitive, the expletives pas, point, and plus come immediately after ne: ne plus aimer. Yet the construction we find here is also to be met with, though not so frequent: 'ils s'enveloppaient là-dedans, bien décidés à ne penser plus.'—MICHELET. Ayer, p. 563; Haase, § 156, Rem, ii.
L. 71. en riant, deriding me.
L. 1. et tel... See note to p. 40, l. 15.
L. 2. Quand ma main... A quaint periphrasis for 'When I am out of cash.'
L. 4. m'a fermé le seuil. Chénier had first written, 'Je vois qu'on m'a fermé la porte inexorable.' On reconsidering it, he must have thought fermer le seuil a more novel alliance of words, giving more force to the whole group fermer le seuil inexorable. Cf. élever sa langue for élever la voix, p. 14, l. 203.
L. 7. O soins... Persius, Sat. i. 'O curas hominum! O quantum est in rebus inane.'
Ll. 11-14. Persius, Sat. iii. 109-111; Horace, Od. i. 9. 21.
L. 15. les grands discours. Big words.
L. 16. Et le sage Lycée, et l'auguste Portique: the Lyceum, i.e. the Aristotelian philosophy; the Porticus, i.e. the Stoic school.
L. 17. Et reviennent... See note to p. 46, l. 17.
L. 17. et soupirs et billets... This departure from current usage in omitting the definite article, which gives more rapidity to an enumeration, cannot be imitated in English. It is a feature of the older syntax which has been most fortunately preserved. The use of the definite article in Old and Middle French was much the same as in modern English. It was often omitted (as also the indefinite article) before homme, chose, femme, before nouns taken in a general sense and abstract nouns. The English student knows that Old English said se mann for man (in general), tha godan menn for good men (in general), seo gesceadwisnes for wisdom (even when personified). Is it not likely that the present usage in English, established in the Middle English period, was much influenced by contemporary French usage?
'The idea of this long fragment,' Chénier says, 'has been supplied me by a fine piece of Propertius, book iv, elegy 3;' and he proceeds to state that he has not servilely copied it, but, 'according to his wont,' mixed in it passages from Virgil, Horace, and Ovid, and everything that came to his hand, and frequently, too, 'following only himself.' He then criticizes his own achievement, and we shall, in our notes, avail ourselves of some of his remarks.
The first sketch of this piece was written on April 23, 1782, as appears from a mention in the MS.
L. 3. Reine de mes banquets... Chénier had first ended this line thus, 'que ma déesse y vienne.' He observes, 'I know not whether the arrangement of this line will be approved. To me it appears precise, natural, and full of freedom.'
L. 4. Que des fleurs de sa tête elle pare la mienne. 'The pleasant image offered by this line, Chénier observes, is drawn from a distich of Propertius in an... elegy which is the third of the first book.' Here it is: 'Et modo solvebam nostra de fronte corollas, Ponebamque tuis, Cynthia, temporibus.'
L. 9. l'heure fuit, 'hora fugit.' No thought has been more hackneyed. Chénier himself observes: 'The meaning of this piece is that of a thousand passages in Ovid and Horace.'
L. 11. Un jour, tel est... This line and the following, Chénier observes, are perhaps not, altogether, equal to the two lines of Propertius: 'Atque ubi iam Venerem gravis interceperit aetas, Sparserit et nigras alba senecta comas.'
Ll. 15, 16. Chénier says on these two lines: 'Voluptueux is not good. There was needed an epithet to depict that fine palpitation which causes a youthful breast to heave. Des lèvres demi-closes is scarcely better. Unfortunately it is almost the only rhyme. The second line I think happy on account of the breath ascribed to the palpitations of the breast. The second hemistich of the first line makes this pass, for in poetry one word will pass under favour of another.'
L. 17. Phryné. A Greek courtesan who sat to Praxiteles for his statues of Venus.
Ll. 31, 32. 'I have,' Chénier observes, 'imitated as best I could these divine lines of Ovid: "... nee brachia longo... margine terrarum porrexerat Amphitrite" ' (Met. lib. i).
L. 31. sur soi. See note to p. 19, l. 38.
Ll. 37-42. Virgil, Georg. i. 204-207, 252, Chénier, mentioning these sources, exclaims, 'What verses! and how does one dare write any after these! Mine, so petty and so inferior, have yet perhaps the advantage of mentioning Euripus and Malea, places celebrated for shipwrecks.'
L. 40. Euripe... Malée. Euripus separates Euboea from the mainland; Malea is a promontory in Laconia.
L. 46. jeune homme. It is the Latin puer (cf. obs. Eng. boy), a servant.
L. 2. L'axe, the wheel. Thus Homer, Il. xvi. 378, uses [Greek: axôn] for [Greek: trochos], Chénier was particularly fond of this word, and a note of his lets us into the secret of his affection for it. Having written, in a sketch of another piece, 'Si d'un axe brûlant le soleil nous éclaire,' he observes, 'I like axe better than char. It is less trivial. The Latins say it everywhere: "Volat vi fervidus axis," Virg. (Georg. iii. 107); "Spoliis onerato Caesaris axe" Propert. (ii. 3. 13).' Anacreon, Od. iv, compares human life to a wheel. Cf. BUCOLICS, XIV, p. 35, l. 5.
L. 4. Horace, Od. ii. 9: a reminiscence already met with, see p. 14, l. 209.
Ll. 17, 18. Moi qui...mon réveil. Cf. this other instance occurring in Chénier, 'Moi, l'espérance amie est bien loin de mon coeur.' As we say, 'mon coeur à moi,' for the sake of emphasis, we can also, somewhat more disconnectedly; say 'moi, mon coeur est sans espoir,' 'elle, son coeur est libre.' The thought expressed here is a reminiscence of La Fontaine, Fabl. VII. xii.
L. 20. Le nocher... Nocher (from Lat. nauclerus, Greek [Greek: nauklêros]), formerly a master's mate or a skipper, is, with nautonier, a poetic word for pilote.
L. 21. d'esclaves abondant. Abondant en esclaves would be more accordant with modern usage. La Bruyère writes, 'Si les hommes abondent de biens' (in LITTRÉ), and Haase, § 114, illustrates the construction with a quotation from a letter of La Fontaine.
L. 23. du Potose. Cerro de Potosi, a mountain of Bolivia, rich in metallic ores.
L. 28. libre de chaîne. Chaîne ought to have taken an s. But then it would not have rhymed for the eye.
L. 34, les sables brûlants. See note to p. 61 l. 19.
L. 37. nonchalant du terme. This use of nonchalant de shows Chénier to have been familiar with Montaigne, in whose writings it occurs frequently, e.g. 'Je veux... que la mort me trouve plantant mes choulx, mais nonchalant d'elle,' I. xix. Nonchalant = non + chalant, pres. part. of chaloir (Lat. calere, to be hot, hence, desire ardently), an obsolescent verb now only used impersonally in the third person singular of the present indicative: 'Il ne me chaut de cela.'
Ll. 5-8. Tibullus, II. iv. 13 ff.
L. 9. Voilà donc comme on aime! This use of the indefinite on, at the same time familiar and poetical, occurs in Corneille, Pol. II. i: 'Est-ce là comme on aime?' And in Molière, Tart. II. iv: 'C'est donc ainsi qu'on aime?' The nuance cannot pass into English.
L. 13. Tibullus, I. v. 21.
Ll. 14, 15. Ignorés et contents... notre asile.... This abridged construction, with the past participle or the adjective before which étant is understood, is neat when not equivocal, that is, when the past participle or the adjective are clearly connected with a noun or pronoun in the principal clause (notre, in the present case). Ayer, § 278, 3.
L. 30. Le vent.... Tibul. I. v. 36. A frequent image in Latin writers. In French many are the variations on this original theme: 'Autant en emporte le vent' (= so much breath is wasted). 'Ses paroles miellées S'en étant aux vents envolées,' writes La Fontaine, Fab. X. xi, and Bertin, Am. II. i, imitating the passage of Tibullus, has 'Les vents, hélas! en tourbillons fougueux Sur l'océan ont emporté mes voeux' (a sentence, by the bye, in which it is difficult to see the logic of 'en tourbillons fougueux' and 'sur l'océan').
Ll. 33-54. Tibullus, i. 9. 17.
L. 33. Garde d'être. For garde-toi d'être. In the older language the pronoun object of reflexive verbs was frequently omitted. A trace of this ellipsis is still extant with faire followed by a reflexive verb in the infinitive (faire taire = faire se taire). Haase, § 61. We still say dépêchons, arrêtez, for dépêchons-nous, arrêtez-vous.
L. 38. J'allais couvrant. See note to p. 27, l. 29.
L. 42. Qui font jeu de..., a simplification of the phrase 'se faire un jeu de.'
L. 48. avec le lin. Mouchoir would have appeared too prosaic in those days.
Ll. 52. a monté ma lyre avec ma voix. Another instance of 'one word passing under favour of another,' for a voice can hardly be said to be strung. See note to p. 64, X, ll. 15, 16.
Ll. 53, 54. Vulcan, the god of fire, for 'fire'. L'onde où tout s'oublie is misleading as suggesting Lethe. Consumer, though representing chiefly the action of fire, originally means 'to use up destructively,' and so can apply to the action of water. (Cf. this English instance: 'The horses were partly (the ships being broken) consumed in the sea.'—Usher, Aun. vi. 424, in N.E.D.) The verb is moreover in the singular according to Chénier's practice (see note to p. 25, l. 74).
L. 3. tissus. See note to p. 15, l. 260.
L. 7. Voltaire, Mérope, II. ii: 'Il souffre le mépris qui suit la pauvreté.'
Ll. 14, 15. Mes parents,... Mes écrits imparfaits. Elliptically expressed, the thought understood being obviously: 'such are the objections raised by my heart.' Imparfaits, of course, means unfinished.'
Ll. 21. aveugle d'espérance, blinded by hope.
Ll. 7, 8. Autant que l'univers... autant il a.... Autant que... autant... was displaced by autant... autant... only lately. See Haase, § 139, 4°, and Littré. s.v., 4°.
L. 9. sais-je voir. Sais-je is here more expressive than puis-je would be.
Ll. 15, 16. Qu'une bouche... peut cacher un serpent à l'ombre d'un sourire. An incoherent metaphor.
L. 26. vague. Vague, in the sense of Lat. vagus, 'wandering,' seems to have been of rare occurrence in French. There is only one instance of it in Littré: '[Moïse] qui, sage, commanda au vague peuple hébreu.'—RONSARD.
Ll. 37. ce lac enchanté. The Lake of Lucerne or the Vierwaldstättersee (the lake of the four forest cantons).
L. 38. trois pâtres—Stauffacher, Walther Fürst, and Arnold von Melchthal.
L. 39. leurs neveux. Their descendants a sense which the English 'nephew' retained till the end of the seventeenth century.
L. 43. Hasly. A valley in Switzerland, to the S.E. of the canton of Berne, through which the Aar runs.
L. 49. ce trésor indulgent, i.e. which she indulges them with: a Latinism.
L. 52. presser l'herbe. One would vainly look for another instance of the phrase in Littré, whereas the English 'press a couch, a bed,' is very common (cf. bed-presser), which illustrates the difficulty of realizing what is novel and invented in a foreign writer.
L. 53. Virgil, Ecl. i. 83.
L. 54. Ma conque. A wrong extension of the sense of 'conch,' the shell given by mythology to the Tritons as a trumpet, to that of 'horn.'
L. 55. cet air, the Ranz-des-Vaches.
L. 62 ff. Cf. Horace, Epod. ii. 39 ff.
l. 73. aux lieux amers. England; where Chénier made a stay as Secretary to the French Embassy. For aux = en les see note to p. 16, l. 308.
L. 79. Arve. The Arve (noisy water), a river in Haute-Savoie, waters the valley of Chamouni and falls into the Rhône near Geneva. For the omission of the article see note to p. 56, l. 5.
L. 80. la cime. Engelberg; in Unterwalden.
L. 85. monts chevelus. Dubellay has 'forêts chevelues' and J.-B. Rousseau 'monts chevelus,' Cf. Virgil, Ecl. v. 63.
Ll. 86. Qui contenez. In the sense which E. contain formerly had, of 'to confine.'
L. 93. grotte.... The Trou de Saint Béat or Saint Bat by the Lake of Thun, famous for its stalactites, where an English gentleman is said to have ended his days in abstinence.
In the editions by G. de Chénier and Moland this piece appears among the Élégies italiennes, under the title Éloge de la vieillesse. A. Chénier had marked it [Greek: Eleg. ital]. His design is here, as we are told in one of his notes, to 'contredire pied à pied l'élégie contre la vieillesse.' The poem has been left unfinished.
L. 5. Rome d'amours.... If we are to take this as a genuine confession, A. Chénier would have been as sensible to the charms of the Roman beauties as he is known to have been to those of the Parisian belles.
L. 3. L'Allobroge, the country of the Allobroges, now Savoy.
This fragment Becq de Fouquières thought was meant as part of the Art d'aimer, but G. de Chénier says that it is, in the MS., marked with the sign El. (elegy).
L. 6. qui ne font qu'un. These words are struck out in the MS. No doubt Chénier thought the phrase too hackneyed.
L. 14. infidèles. Not to be trusted, treacherous, perfidious, as in this line: 'Je n'ai que trop connu leurs larmes infidèles,' Voltaire, Orph. III. i.
L. 3. ennui. See note to p. 52, l. 52.
L. 10 ff. Cf. La Fontaine, Fables, VI. xi.
L. 1. Ainsi.... This beginning shows that the fragment was meant as a comparison to be used in some future piece.
Ll. 2. Douvre. Dover is, in French, Douvres, with an s, which has been left out for the requirements of the metre.
L. 3. noir, dark.
L. 12. This periphrastic line is a blemish amidst the precision of the rest. Tapis did very well as a Latinism in the BUCOLICS. It is quite out of place here.
L. 17. sa main faible et lente.... I should take lente here as meaning 'limp' in the same Latin sense in which we found it before. See note to p. 45, XXXI, l. 8.
L. 4. sur ma bouche.... The current phrase is à la bouche, sometimes dans la bouche. Sur is used in sur les lèvres, sur la langue, and in avoir le sourire sur la bouche.
L. 5. noir, dark, melancholy.
L. 1. L'innocente victime. A child of Mme Laurent Lecoulteux, who, living at Lucienne, was often visited by André Chénier during his stay at Versailles in 1793, and sung by him under the name of Fanny; only a fragment of the elegy is here given.
L. 6. Adieu, dans la maison d'où l'on ne revient pas. There is here a bold ellipsis: 'Adieu, toi qui es dans la maison....' Maison is Biblical; John xiv. 2. D'où l'on ne revient pas, cf. Job vii, 9.
L. 13. L'axe de l'humble char. For axe see note to p. 65, xi, l. 2. The phrasing now seems very old-fashioned indeed.
L. 22. Où ta mère... She died, in fact, an untimely death, after having lost her children.
Becq de Fouquières' edition places this piece in the Art d'aimer.
This fragment, given by G. de Chénier and Moland under the heading Élégie italienne, was meant for the concluding lines of a poem.
L. 1. je me confie en vous. Se confier is constructed with en, dans, à, sur.
L. 4. vous admette... à sa présence. En sa présence is generally said.
L. 6. Hier, a dissyllable. It was a monosyllable in the older language, as indeed, etymologically, it should be.
L. 3. Brazais. André Chénier, at the time he wrote this epistle, was serving as cadet gentilhomme in a regiment of infantry quartered at Strasbourg, and the Marquis de Brazais was a cavalry officer in the same garrison. The piece, elegant and delicate as it is, is therefore to be ranked among the poet's juvenilia.
L. 5. Pandore. The fable of Pandora's box is too well known to need relating.
L. 6. trésor de misère. A Biblical expression. Cf. Prov. x. 2 and Jas. v. 3. In the latter passage the French translation by de Saci has: 'C'est là le trésor de colère que vous amassez pour les derniers jours,' where the English Bible has: 'Ye have heaped treasure together.'
L. 13 ff. Imitated from Horace, Od. I. v.
L. 15. d'un pouvoir... dominé, i.e. dominé par un pouvoir. Haase, § 113.
L. 18. A cette mer trompeuse et se livre et s'engage. The preposition à required by se livrer, is an archaism after s'engager. For à=sur see Haase, § 130 B, and cf. note to p. 97, l. 383. It would seem, at first sight, that s'engager sur says less than se livrer à, but it makes the step more irretrievable.
Ll. 25 ff. heureux dont le zèle... Elliptical for 'heureux celui dont le zèle,' on the analogy of 'heureux qui...'
L. 27. ses flancs. The shipwrecked man's sides.
Ll. 28. Réchauffer dans son sein. The rescuer's bosom.
L. 29. Et de soit fol amour. The shipwrecked man's love. There is throughout these lines a sad confusion due to a loose use of the possessive, besides which le zèle (l. 25) is awkwardly made the subject of the whole sentence.—Étouffer la semence. The same metaphor occurs in La Fontaine, Ode pour la paix: 'Étouffe tous ces travaux et leurs semences mortelles,' and in Racine, Alexandre, VI. iii: 'Étouffe dans mon sang ces semences de guerre.'
L. 33. Plaindre... l'occasion ravie. Plaindre = 'to lament, regret,' as in 'Ce triste et fier honneur m'émeut sans m'ébranler; J'aime ce qu'il me donne et je plains ce qu'il m'ôte,' Corneille, Hor. II. iii.
Ll. 35 ff. Tibullus, III. iii.
L. 38. l'or du Pactole. The river Pactolus, in Lydia, was famed for its golden sands.
L. 40. mon coeur... prosterné. An incoherent metaphor.
L. 60. See Horace, Od. I. xxxiii.
Ll. 61. Lesbie, Lesbia, Catullus' mistress.
L. 62. Cynthie, Cynthia, Propertius' mistress.
L. 64. See Virgil, Ecl. x.
L. 66. Ovid was an exile at Tomi, in Scythia, whence he addressed much base flattery to the emperor, and where he wrote his Tristia.
L. 73. un tel foudre. According to French grammars, foudre is generally feminine in its proper sense and masculine in its figurative sense, when it designates a man: La foudre a éclaté. C'est un foudre de guerre. Ayer, § 69. But see LITTRÉ, where foudre, poetic for 'catastrophe, destruction,' appears as a masculine noun in two quotations from Corneille (Hor. IV. v. and Héracl. I. iv.), and as a feminine noun in Bossuet, Mar.-Thér.
L. 93. Castor, son of Jupiter, was immortal. When his brother Pollux died, Castor prayed Jupiter that Pollux might be made immortal. As the prayer could not be granted entirely, immortality was divided among the two, so that they lived and died alternately.
Ll. 95, 96. Virgil has celebrated them in his Églogues. For the episode of Nisus see Aen. ix.
L. 99. Le Brun. 'Son of the author of the poem La Religion, and grandson of the great Racine; he died at Cadiz, at the time of the disaster which destroyed Lisbon and shook all the coast of Portugal and Spain.' (Note of A. Chénier.)
L. 102. leçons d'Ascra, Ascraean lessons. Hesiod was born at Ascra in Boeotia. Hence Virgil calls his poem Ascraeum carmen, Georg. ii. 176.
L. 103. Accompagnant l'année en ses douze palais. Chénier, in another epistle, has written 'Si je vis, le soleil aura passé deux fois Dans les douze palais où résident les mois.' The twelve mansions or houses into which astrologers divided the sky. Chaucer uses 'palace' in the same sense: 'Mars shal entre as fast as he may glyde In-to his next paleys to abyde,' Compl. Mars, 53. See N.E.D. Brazais had written a poem, L'Année, which never appeared in print.
L. 105. A paraphrase of a line of Brazais' unpublished poem: 'Vierge, qui t'embellis par les rides du temps.' Friendship, of course, is meant.
L. 111. tableaux fardés. Counterfeit, spurious. See the obs. verb fard in N.E.D.
L. 128. L'ami religieux. The following quotation (from the N.E.D.) may serve for an explanation: 'A man devoted to a man, Loyal, religious in love's hallowed vows.' Porter, Angry wom. Abingd. (Percy Soc.), 37.
L. 130. Bavius, a Latin poetaster; see Virgil, Ecl. iii, 90. Zoilus, the detractor of Homer. Gacou, a French satiric poet of the seventeenth century, the libellous detractor of Boileau and J.-B. Rousseau. Linière, another French satiric poet of the seventeenth century, the declared enemy of Chapelain. (See Boileau, Sat. ix. 237.)
L. 147. Plutarch relates that Scipio would always take Lelius' advice, which made him say that Lelius was the poet and Scipio the actor. Plutarch, An seni sit ger. resp. xxvii.
L. 148. When Phocion, sentenced to death, was on the point of drinking the hemlock, Nicocles besought the favour of drinking first, which request his friend granted. Plutarch, Phoc. xxxvi.
L. 168. faisceaux, the fasces.
L. 201. âme mutuelle. A new alliance of words, on the analogy of affection mutuelle.
L. 202. Cf. Theocritus, Idyll. xii. 18.
Ll. 207, 208. ils s'attendent... d'être. S'attendre de is now of rarer occurrence than s'attendre à, but it was not so formerly. 'On ne s'attendait guère De voir Ulysse en cette affaire.' La Fontaine, Fab. X. iii. See LITTRÉ.
L. 16. Sans aller refers to me, the object in the principal clause. Sans que j'aille would be better syntax. But the prepositional infinitive was used in older French in a still more disconnected manner. 'Rends-le-moi sans te fouiller,' writes Molière, L'Avare I. iii., could easily be more explicit, with: 'without me or my searching you,' See Haase, § 85 D.
Ll. 16-19. See Boileau, Sat. ix. 221-5, who is here excellently satirized.
L. 28. An allusion to the fable of the Fox and the Grapes. La Fontaine, Fab. III. xi.
L. 41. Non d'aller. An abrupt change in the construction. The meaning is: 'But it is not useful to go...'
Ll. 47-60. The germ of all this development is in a letter of Chénier to his friend de Pange: 'Tu sais combien mes muses sont vagabondes. Elles ne peuvent achever promptement un seul projet; elles en font marcher cent à la fois (a general marshalling his troops, ll. 49, 50). Elles font un pied à ce poème et une épaule à celui-là. Ils boitent tous et ils seront sur pieds tous ensemble (The image of the sculptor, ll. 51-6). Elles les couvent tous à la fois; ils sortiront tous à la fois' (the simile of incubation, ll. 57-60).
L. 59. Sauront. This use of savoir, as also that of pouvoir, so frequent in French, in sentences where the English translation is fain to omit them, is a French idiom, especially noticeable in the language of the seventeenth century. An Englishman cannot help being made aware of this feature when reading Molière, for instance.
L. 71. des traits. Whatever there is that is salient, striking, brilliant, in a literary composition, LITTRÉ says, s.v. 31°: fine touches.
Ll. 73. inspire. For the verb in the singular see note to p. 25, l. 74.
Ll. 79-92. Here the simile of the founder has displaced that of the potter in the letter quoted above: 'L'argile que j'avais amollie et humectée pour en faire un pot à l'eau, sous mon doigt capricieux, devient une tasse ou une théière.'
L. 94. Cf. La Fontaine, Épître à Mgr de Soissons.
L. 96. et je crée avec eux. Thus happily does Chénier characterize his attempt at original imitation. Another important declaration will be found at ll. 117-9.
L. 105. une pourpre.... The purpureus pannus or purple patch of Horace, Ars Poet. 15.
L. 109. brave, bold.
L. 124. fuit mes poétiques doigts. Once transformed by the poet's hand, prose goes and dances and sings. An easy improvement would be to delete the ';' after doigts and the ',' after dansante.
L. 130. Les attache, i.e. les greffe, grafts them.
L. 140. Montaigne.... 'Je veulx qu'ils donnent une nazarde à Plutarque sur mon nez,' Ess. I. x. 'I will have them wound Plutarch through my sides,' Cotton's translation.
L. 1. fis du Mincius: Virgil, born at Mantua, on the banks of the river Mincius (now Mincio).
L. 2. peuple-roi, Latin populus-rex, people-king.
L. 4. l'onde Égée. Tibullus' Aegeas undas, i. 3.
L. 7. A most happy line. Cf. Horace, Ep. ad Pis., 323.
L. 9. Pope, Essay on Criticism, 181.
Ll. 20, 21. Pope, Essay on Criticism, 715.
Ll. 25-34. Horace, Ep. ad Pis., 1 ff.
L. 37. D'Ormus et d'Ariman. Ahriman, the spirit of darkness or evil genius; Ormuzd, the spirit of light or good demon in Persian mythology.
L. 46. Cf. Boileau: 'Une pensée neuve est une pensée qui a dû venir à tout le monde et que quelqu'un s'avise le premier d'exprimer.'
L. 56. Xénophon, Memorab. iii. 10, makes Socrates set forth the same theory.
L. 62. Marot. Clément Marot, a French poet of the sixteenth century, who excelled in badinage.
Ll. 69. Sophocle et Eschyle—and Euripides, whom Chénier forgets.
L. 71. Des hommes immortels, Corneille and Racine.
L. 73. instruits. The s of instruits should be deleted.
L. 92. pour nord. Nord here stands for étoile du nord or étoile polaire. 'Perdre la tramontane (the Mediterranean name of the Pole Star), la boussole, le nord,' are familiar expressions, meaning 'to be puzzled, not to know which way to turn, to lose one's head.'
L. 95. du plus lointain Nérée. Poetical for Océan. Nereus, an ancient sea-god. Cf. une Cybèle neuve below, p. 91, l. 133.
L. 100. Horace, Ep. ad Pis., 156.
L. 130. Bailly, a French astronomer (1736-1793). He wrote an Histoire de l'Astronomie.
Ll. 133. Une Cybèle. Poetical for the earth, like Nérèe the sea, p. 90, l. 95.
L. 138. Cusco was once the capital of Peru. This shows that Chénier was then meditating the poem L'Amérique, of which he wrote only fragments.
L. 143. Négligeât. In colloquial French this would be, 'Pensez-vous que leur main négligerait...?' In the same way, 'je ne pense pas qu'il vienne' or 'pensez-vous qu'il vienne' would be '... qu'il viendra.'
L. 163. All the following passage is imitated from Petronius, Satyr, v.
L. 170. bassin pompeux. See A. Rich, Dict. of Roman and Greek Antiq., under Naumachia.
L. 178. Lucian, Quomod. hist. conser. sit, i, speaks of a kind of summer-madness which seized the inhabitants of Abdera. After witnessing the exciting performance of an actor, named Archelaüs, in Euripides' Andromede, they went about shouting out this line from the play, 'O Love, thou tyrant both of men and gods.'
L. 184. Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques, i.e. let us express modern, personal thoughts in a form worthy of antiquity.
L. 221. son vide, his empty mind.
L. 223. jette une rose. See note to p. 27, l. 15.
L. 243. Cf. Martial, VI. xv.
L. 248. ces larmes... Ovid, Met. ii. 584, explains the formation of amber by the tears the sisters of Phaeton shed.
L. 262. et dressent tes cheveux. G. de Chénier, in his edition, prints et dresser tes cheveux. But the correction is unnecessary, as the same transitive employment of the verb occurs in a fragment of Chénier: '[Il] verse une sueur froide et dresse ses cheveux.'
L. 272. le docte ciseau. Docte, meaning 'scholarly,' rather than 'skilful,' is, in my opinion at least, not very apposite here.
L. 277. flanes invaincus aux travaux, i.e. dans les travaux. See note to p. 16, l. 308. An allusion to Hercules.
L. 282. Apollo Belvedere.
L. 283. The Farnese Hercules.
L. 284. The Laocoon group.
L. 285. Michael Angelo's Moses.
L. 294. Ce qu'eux-même. See note to p. 42, l. 15.
L. 298. Bailly, Hist. de l'Astronomie: 'On ajoute qu'Épicure croyait que le soleil s'allumait le matin et s'éteignait le soir dans les eaux de l'Océan.'
Ll. 302. Bailly, Hist. de l'Astronomie: 'La poésie, que nous appelons le langage des Dieux, était jadis la langue consacrée aux merveilles de la nature.'
Is it not illustrative of the force of habit that Chénier should denounce the exploitation of Fable and gods by poets in the very conventional language he might be expected to object to? In reading l. 297 one would think that he purposed to drop Tethys for ever, but then come Apollo, Calliope, Urania!
L. 307. Ou si. A very quaint interrogative turn which one is surprised to see Voltaire condemn in this line of Corneille: 'Tombé-je dans l'erreur, ou si j'en vais sortir?' Heracl. IV. iv. See LITTRÉ Si, 17°.
L. 309. Il n'est sot traducteur... This is a feature of old syntax still extant in modern French. La Fontaine, in the seventeenth century, still writes, in accordance with older usage, 'Fille se coiffe volontiers,' Fabl. IV. i. 39. We still omit the definite article after jamais: 'Jamais homme ne reçut plus d'hommages.' Haase, § 57.
L. 311. ambré. Perfumed with ambergris—in a figurative sense, of course.... à la glace... 'Être à la glace, LITTRÉ (s.v. 5°), is said of such productions of the mind as the spectator or the reader, fail to move him.' 'Si Corneille avait dans le Cid le plan de l'Académie, le Cid était à la glace.' Voltaire, Lettre d'Argental, 4 oct. 1760.
L. 313. d'abord. Synonyms: au premier abord, de prime abord, dès l'abord. The original meaning is, 'as soon as you accost him or it, at the first contact.' D'abordée is thus explained by Cotgrave: 'At first, at first sight; as soon as they touched, incountred, or came, together.' A synonymous expression d'arrivée, somewhat archaic.
L. 320. contraint d'être. See note to p. 102, l. 146.
L. 322. abuser. Deceive, disappoint, baffle.
L. 323. infidèle, an unfaithful interpreter of their meaning.
L. 327. Creusant dans les détours. In a figurative sense, as in 'Les Anglais pensent profondément; Leur esprit, en cela, suit leur tempérament; Creusant dans les sujets et forts d'expériences, Ils étendent partout l'empire des sciences.' La Fontaine, Fabl. xii. 23.
L. 329. Cf. Horace, Ep. ad Pis., 40, 311; Boileau, Art poét., i. 147-154. voit partout un nuage. So Montaigne: 'Mes conceptions et mon jugement ne marchent qu'à tastons...; je veois encores du païs au delà, mais d'une veue trouble et en nuage, que je ne puis desmesler.'—Essais, I. xxv.
L. 338. l'embrasse. The whole thought is wrapped or clasped by the adequate expression.
L. 343. D'eux-même. See note to p. 42, l. 15.
L. 346. Io. The daughter of the river Inachus. Zeus, having fallen in no French reader of to-day would notice the word. It is a good old French word. We are thus made aware that it had been falling into disuse in the seventeenth century (when it occurs several times in La Fontaine and others), and especially in the eighteenth. E. reserene occurs in Temple.
This was to be an episode. Alonzo d'Ercilla was a Spanish poet of the sixteenth century who, in a poem entitled Araucania, sang the conquest, achieved by the Spaniards, of the country south of Chili.
Ll. 24. aréneuse, an old, somewhat out-of-the-way word. It occurs in Rabelais.
L. 28. A climax inspired by Virgil, Aen. v. 319.
L. 52. le Dauphin. The Dolphin, a northern constellation, Delphinius.
L. 53. la Couronne. The crown, Corona borealis.
Ll. 6, 7. Et qui pense... Il pense... This is a feature of old syntax. Instances of the construction occur in the seventeenth century: 'Qui dit prude, il dit laide,' LA FONTAINE. Sometimes the repetition may be made with a demonstrative pronoun: 'Qui ne mourrait pour conserver son honneur, celui-là serait infâme, PASCAL.
L. 8. un durable sillon. Cf. '... having driven his plough through a morass which must close again behind it.' Froude, Oceana, iii.
Ll. 29-34. Alpheus, in Elis (Peloponnesus), 'that renowned flood, so often sung, Divine Alpheus, who, by secret sluice, Stole under seas to meet his Arethuse.'—Milton, Arcades, 29 ff. The nymph Arethusa, one of Diana's nymphs, was by the goddess changed into a fountain, to save her from the pursuit of Alpheus, a hunter, while Alpheus himself became a river. Enna is a town in Sicily. The fact that the river Alpheus ran in a subterranean channel at several points in its course probably gave rise to the myth.
L. 34. amer, an obvious misprint for amère. Besides, with amer the line is deficient by one foot.
L. 44. ils s'écrivent des fleurs. This is as happy as it is bold. As much may be said of: 'Lit en bouquet la lettre...,' l. 50. All this fragment is gracefully ingenious.
L. 46. sa durée. The duration of the 'flame,' of course.
L. 1. Il n'est que de = le mieux est de... 'Il n'est que de jouer d'adresse en ce monde,' Molière, Mal. Imag., interm, l. sc. vi. être roi, king over oneself... as is explained at l. 4. Cf. Horace, Sat. 1. iii. 132, and Epist. I. i. 106.
L. 5. Mon Louvre. Racan, Stances: 'Roy de passions,... Sa cabane est son Louvre...'
L. 15. engagé, having engaged in (as Thackeray writes: 'Mr. B.,... engaging in a labyrinth of stables,' Newcomes, i. 127), i.e. having penetrated into.
L. 5. Virgil, Georg. ii. 150 ff.
L. 14. les hauts Pyrénées, generally feminine, e.g. 'Pyrénées Orientales.' But Chénier thinks of them as 'les Monts Pyrénées.'
L. 18. Respire, breathes (forth).
L. 19. couvrant, goes with la Provence.
L. 36. Incertaine. Because it shifts its channel.
L. 44. Que visite Phoebus le soir ou le matin. A poetic translation of Orient and Occident.
L. 47. l'une et l'autre Téthys. Catullus, 'Uterque Neptunus,' xxxi. 3. Cf. notes to Nérée, p. 90, l. 95, and Cybèle, p. 91, l. 133.
L. 50. Trudaine. The grandfather of Chénier's friend, who was Director of Public Works under Louis XV, and laid out the fine roads of France.
L. 54. impie. Not, of course, irreligious, but sacrilegious, as invading the (to a Frenchman) sacred territory of France—in the course of what Charles Lamb ironically calls 'the long, steady, deep-rooted, rational antipathies of the great French and English nations.'—Mrs. Battle's Opinions on Whist. See another use of impie, p. 112, l. 107.
L. 83. Le sel. An allusion to the gabelle or salt-tax imposed before the Revolution. This was written before 1789.
L. 85. Mille brigands, the partisans or men who constituted partis or societies for the levy of certain taxes.
L. 97. Malesherbes, Turgot. These Ministers retired in 1776, but Malesherbes resumed office, only for a few months, in 1787.
L. 105. armer d'injustes plaintes. Cf. note to p. 4, l. 100.
Ll. 107. impie. Offending honour, considered as a religion. Cf. p. 110, l. 54.
Ll. 131, 132. le libre encens d'une lyre au coeur chaste. An incoherent metaphor.
L. 3. Romans, a town in the department of Drôme where the States General of Dauphiné were held in 1788 as a prelude to the Revolution.
Translated from Horace, Sat. II. vi. 80. Compare the much freer imitation or rather adaptation of Pope, p. 444 of Globe edition.
L. 10. une dent dédaigneuse. Horace's 'Dente superbo.'
L. 16. ici près, a feature of colloquialism very much in place. In the same way does Molière use 'ici dessous, L'Êt., I. iv., 'ici dedans,' Pré. vii., 'ici autour,' D. Juan, III. ii.
L. 19. Les grands ni les petits. Grammarians find fault with sentences in which ni is not repeated before each of the subjects or objects, but usage is against them. Haase, § 140, Rem. iii. Ayer, § 263, 3. LITTRÉ, ni, 1°, observes that the instances he quotes are in verse, but that they might be imitated in prose.
L. 22. et d'aller. For the French historic infinitive see Meyer-Lübke, t, iii. p. 592, who does not think it a continuance of the Latin historic infinitive, but a new thing, as the various Romance languages follow in this sensibly different ways. Italian, Spanish, Portuguese using the infinitive with the preposition à (which occurs in quite isolated cases in French: 'et bon prestre à soy-retirer,' Cent Nouvelles nouvelles) Is the verb 'to begin' understood? Meyer-Lübke thinks that the infinitive with de is used only because it was more generally employed, at the time when this turn of phrase originated, than the simple infinitive.
L. 31. S'empresse de servir, ordonner, disposer. Observe the rapidity imparted to the sentence by the omission of de before the last two infinitives, a departure from the more common and regular practice.
L. 32. excuser. Used absolutely = 'be indulgent.'
L. 35. La tristesse.... This rapid review of the Country Rat's grievances—all nouns and no verb—reminds one of a similar turn in La Fontaine's La Mort et le Bûcheron, when the poor wood-cutter sees at a glance all his past life: 'Point de pain quelquefois, et jamais de repos.'
L. 38. et de rire. See note to l. 22.
L. 5. la glace inquiète. The restless looking-glass, whose reflection flits about.
L. 10. fluide, evanescent.
This short fragment was first published in the edition of G. de Chénier, 1874, among a few others under the general heading of 'Satires.'
L. 9. Mes pénates secrets. Chénier, in 1792, after the death of the king, in whose defence he had written, almost despairing of the future of his country, fallen into the hands of Robespierre, Collot d'Herbois and Saint-Just, left Paris for Versailles, where his grief was somewhat alleviated by his love for Fanny, Mme Laurent Lecoulteux. See note to p. 75, Sur la mort d'un enfant, l. 1.
L. 11. Vont dirigeant. See note to p. 27, l. 29.
L. 13. Les chars. See note to p. 56, l. 15.
L. 37. rivage. Not in the precise sense 'shore,' but, more vaguely, 'country,' 'place.' Thus F. climat and E. climate (or clime) have had their meaning extended to that of 'region.'
L. 48. Langage d'amour si des dieux. Expressed archaically for langage de l'amour.
L. 60. An allusion to the massacres of prisoners at Versailles in September, 1792.
L. 6. hymne infâme. Many poems were written on the occasion of Marat's death, among which one by Audouin, a deputy.
L. 9. Dérobe... Robs, frustrates, glorious deeds of their due praise.
Ll. 27-30. Aristophanes, Thesmophoriazusae, 667.
L. 32. Paros. One of the Cyclades, famed for its white marble (Parian marble).
L. 33. Harmodius... son ami. Harmodius and Aristogiton, who conspired with a few others to murder Hipparchus, younger brother of the tyrant Hippias, and Hipparchus himself, but succeeded in slaying Hipparchus alone. Harmodius was cut down on the spot by the guards, and Aristogiton was soon captured and tortured to death. When Hippias was expelled, Harmodius and Aristogiton became the most popular of Athenian heroes (Encyclopaedia Britannica).
L. 57. Like Dido, when she has resolved to die. Virgil, Aen. iv. 475.
This celebrated poem was written in the prison de Saint-Lazare. La Jeune Captive was a Mademoiselle de Coigny. She had, at the age of fifteen, married the Marquis de Rosset, later on Duc de Fleury. She was twenty-five at the time of her imprisonment. She was set free after the 9th of Thermidor. This poem first appeared in the Décade philosophique, hardly six months after the death of Chénier.
L. 11. Pindar, Nem. vii. 77.
Ll. 28-30. Cf. p. 52, ll. 43, 44.
Ll. 34, 35. Cf. p. 52, l. 42.
L. 36. Cf. p. 52, l. 41.
L. 39. dévore. For the verb in the singular see note to p. 25, l. 74.
L. 40. Palès. The goddess of shepherds. This mythological allusion strangely mars this fine poem.
L. 43. triste et captif. A kind of ablative absolute.
Ll. 53, 54. This madrigal winding up this pathetic lyric is in poor taste indeed.
This poem first appeared in the Journal de Paris, on April 15, 1792, the day of the festival. In 1790 the Swiss Regiment of Chateauvieux at Nancy had mutinied, seized the military chest, and killed heroic young Desilles, captain of the Régiment du Roi, who was attempting to prevent fratricide bloodshed. For these misdeeds they were condemned to the galleys. In 1792 they were amnestied by a decree of the National Assembly, and Collot d'Herbois, at the Club des Jacobins, carried a motion that they should make a triumphal entry into Paris. See Carlyle, French Revol., pt. ii, bk. ii, ch. vi, and bk. vi, ch. x.
Against this disgraceful resolution Chénier rose indignantly in several letters to the editors of the Journal de Paris, in an address to the National Assembly, and in the present poem.
L. 3. Désille. See the above introductory notice.
L. 6. The body of Mirabeau was transferred to the Pantheon on April 5, 1791.
L. 10. Voltaire died in Paris in 1778, but as the clergy had not been called upon to assist him at his last moments his body was denied sepulture in Paris, and was buried at the Abbey of Scellières, of which a nephew of his was commendator. His remains, however, re-entered Paris solemnly on July 11 of the same year, where they lie in the crypt of the Pantheon.
L. 15. tu conduiras Jourdan. Tu refers to divin triomphe. Jourdan, nicknamed Coupe-tête, was at the head of the brigands of Vaucluse during the disturbances in the South of France in October, 1791.
L. 17. Coblentz. The general quarters of the Émigrés.
L. 27. An allusion to a meal taken in common by Pétion and his colleagues of the Commune of Paris at a tavern, at La Râpée-Bercy, which they had caused to be mentioned in newspapers belonging to their party as something to be proud of.
L. 34. Persans. The appellation Persans is generally reserved for the Persians of to-day, the ancient Persians being designated as les Perses.
L. 45. Eudoxus and Hipparchus, two celebrated ancient astronomers.
Ll. 46-8. Berenice's hair, a small northern constellation near the tail of Leo. Berenice was the wife of Ptolemy Energetes, king of Egypt, c. 248 B. C.
L. 49. Argo, a constellation in the Southern Hemisphere.
L. 55. en leur galère. 'The forty Swiss,' writes Carlyle, 'were mounted into a triumphal car resembling a ship,' Fr. Rev. II. iii, x.
The two following pieces, dated from St.-Lazare, were written in the prison in a minute handwriting on small slips of paper concealed by Chénier in the linen that was fetched home to wash.
L. 23. Fouquier. A blank in the MS. Fouquier-Tinville, the president of the Revolutionary Tribunal.
Ll. 5-8. 'L'habitude est une seconde nature,' says a French proverb. This elaborate periphrasis verifies it. And no doubt but Chénier composed these lines in terrible earnest when he was daily expecting death. How can we say after this that the far-fetched conceits of Richard II in his prison (K. Rich. II, V. v.) are not what it was likely he should indulge in, in his desperate situation?
L. 15. In the first edition the poem here came to an abrupt end. In that of 1826 the fifteen lines were given as having been written by Chénier but few moments before being taken to execution. The following nine lines were altogether omitted, and the rest of the piece given as a separate poem.
L. 35. Var.: La bassesse, la feinte—le désespoir, la honte.
L. 58. Mourir...! The infinitive used absolutely as an exclamation (or interrogation) in order to express surprise or indignation: 'Moi, me taire!' 'A qui se fier à présent?' 'Offenser de la sorte une sainte personne!'—MOLIÈRE. See Ayer, § 209, 4: Mever-Lübke, § 528.
L. 81. noirs de leur ressemblance. Black with their likeness energetically expressed.
L. 83. fouet. A monosyllable, pronounced fouè, and not foi, as some will do.—LITTRÉ.
L. 85. cracher sur leurs noms. Chénier does not mince it in these ïambes.
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