Project Gutenberg's Influence morale des sports athletiques, by Henri Didon This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: Influence morale des sports athletiques Author: Henri Didon Release Date: August 25, 2004 [EBook #13284] Language: French Character set encoding: ASCII *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK INFLUENCE MORALE DES SPORTS *** Produced by Miranda van de Heijning, Renald Levesque and the Online Distributed Proofreading Team. This file was produced from images generously made available by the Bibliotheque nationale de France (BnF/Gallica) LE P. DIDON Influence morale des Sports athletiques. DISCOURS PRONONCE _AU CONGRES OLYMPIQUE DU HAVRE_ LE 29 JUILLET 1897. [Illustration: image1.png (entete decorative)] Ce discours, recueilli par la stenographie, a ete prononce dans la reunion pleniere du Congres olympique international, dans l'hotel de ville du Havre. Siegent au bureau, a cote de M. de Coubertin, president, M. le docteur Tissie, representant M. le Ministre de l'Instruction publique, et M. Cathala, sous-prefet du Havre, etc., etc. _M. le President_.--Mesdames, Messieurs, le sujet qui doit etre traite dans cette seance est celui-ci: De l'action morale des exercices physiques sur l'enfant, sur l'adolescent et de l'influence de l'effort sur la formation du caractere et le developpement de la personnalite. C'est le R.P. Didon qui veut bien traiter ce sujet. Je lui donne la parole. (_Vifs applaudissements.--Mouvement d'attention._) MESDAMES, MESSIEURS, C'est un grand honneur pour moi d'avoir ete convie a ce Congres olympique international et de prendre la parole dans une assemblee aussi distinguee, en presence des autorites de ce pays, du representant officiel de M. le Ministre de l'Instruction publique, des hommes eminents qui s'occupent de l'education physique de la jeunesse, et des savants etrangers venus de divers pays, je puis dire de tous les pays, pour apporter a la cause des sports athletiques le temoignage de leur experience, de leur science parfaite et la consecration de leur autorite. Il ne m'appartient pas de vous remercier, Messieurs, c'est la oeuvre presidentielle,--et je ne suis ici qu'un humble membre de cette reunion. Mais il m'appartient de me rejouir de me trouver pour la premiere fois, je le crois, a cote de l'autorite officielle du pays et a cote des representants francais et etrangers de la science de l'education physique dont les progres sont inherents a la civilisation meme; car la plus haute tache de la civilisation ne consiste-t-elle pas a former l'homme tout entier, intellectuel et physique et moral? (_Applaudissements._) Je dois dire que c'est l'amitie de M. de Coubertin qui est l'explication de ma presence ici. Il a pense qu'ayant ete, depuis plusieurs annees, administrateur delegue de la Societe anonyme Albert-le-Grand et, en cette qualite, appele a gouverner plusieurs ecoles, a leur inspirer le mouvement, je pourrais donner, moi aussi, par mon temoignage, un concours utile a l'oeuvre a laquelle il s'est applique si vaillamment, si intelligemment, et avec une perseverance digne de tout eloge. Et vous ne me dementirez pas, Mesdames et Messieurs, quand je dirai qu'il faut reconnaitre en M. de Coubertin le renovateur, le promoteur vigoureux, infatigable, des exercices de plein air et des sports athletiques, en France. (_Vifs applaudissements_.) En repondant a votre appel, mon cher President et ami, j'ai cru accomplir un devoir de haute reconnaissance. N'est-ce pas vous qui, il y a sept ans, etes venu me trouver dans mon petit cabinet de l'Ecole Lacordaire, et qui m'avez glisse, par votre parole insinuante et persuasive, la pensee d'introduire dans mes ecoles des exercices de sport? C'est ce que j'ai fait, et j'ai obtenu des succes qui ne rivalisent certainement pas avec les merveilles de la Ligue de Bordeaux dont nous entretenait hier M. le docteur Tissie, mais qui attestent du moins l'excellence de l'oeuvre des sports athletiques, chere a M. de Coubertin. J'acquitte donc ma dette de reconnaissance, en rendant temoignage a cette oeuvre et venant parler ici de la puissance educatrice et de l'action morale des exercices physiques de plein air sur la jeunesse, sur la formation du caractere et le developpement de la personnalite. Ce sujet interesse tout le monde; il interesse les meres, il interesse les peres, il interesse les fils, il interesse les pouvoirs publics, il interesse le Ministre de l'Instruction publique dont nous avons ici l'honorable representant, il interesse enfin tous ceux qui ont souci de l'avenir de ce pays, et j'estime, Mesdames et Messieurs, que j'aurais rendu quelque service, s'il m'etait donne de prouver avec une evidence irresistible pour les plus refractaires, que cette puissance educatrice, que cette force morale contenue dans les exercices physiques de plein air est une puissance certaine et douee d'une penetrante action sur la jeunesse. J'espere y arriver, car je vois que vous etes tres ouverts a la verite, et par consequent tres disposes a m'aider dans cette demonstration qui est tout a fait digne de l'attention la plus serieuse. (_Applaudissements_.) Les resultats obtenus par la pratique constante et habituelle des exercices de plein air et des sports athletiques sont nombreux: je vous signalerai les principaux. Le premier, c'est le developpement, la multiplication de l'activite physique. Mais, direz-vous, ce n'est pas la une vertu morale! Comment, Messieurs, l'activite physique n'est pas une vertu morale? Convenez du moins qu'elle est la condition de grandes vertus morales? N'a-t-on pas dit spirituellement et en toute verite que la proprete et l'hygiene etaient des vertus? Pourquoi, alors, n'en pourrait-on pas dire autant de l'activite physique? Quand vous verrez des enfants inertes, paresseux physiquement, soyez certains qu'ils le sont moralement, et quand vous voyez des enfants actifs jusqu'a la turbulence, soyez surs qu'il y a en eux des vertus en germe. Eh bien! cette mise en activite des vertus physiques par les exercices de plein air, voila le premier resultat obtenu par les sports athletiques. Le second, c'est l'esprit de combativite et de lutte. De meme que dans la plupart des enfants, Mesdames, vous observez une paresse native qu'il faut vaincre a tout prix, parce que cette paresse native se repand dans toutes les facultes et les endort, de meme vous surprenez en eux une lachete originelle. L'enfant commence par avoir peur: l'humanite est d'abord craintive et timide. Il faut qu'elle fasse preuve de vaillance, et pour cela il est necessaire de developper l'esprit de combativite. (_Vifs applaudissements_.) Ne vous effrayez pas de cet esprit. Peut-etre, direz-vous, nous ne pourrons plus tenir nos enfants, ils seront toujours ivres de luttes, toujours revant plaies et bosses. N'oubliez donc jamais que les combatifs sont les forts, que les forts sont les bons, mais que les paresseux sont les ruses et les faibles, et que les faibles sont dangereux, parce qu'ils sont traitres. (_Applaudissements._) Developpons donc l'esprit de combativite, c'est-a-dire l'amour de la lutte: tel est le but. Il y a un obstacle, renversons-le! Mais si nous le tournions, ne pouvant le renverser? Soit! Mais si, en le tournant, nous sommes poursuivis, ne craignons pas d'attaquer. Voila l'esprit combatif, voila une des plus belles vertus physico-morales de l'homme, car si l'homme contient en germe une lachete native, il possede egalement en germe une bravoure native. Et il s'agit de savoir qui l'emportera, de la lachete ou de la bravoure. Les sports font predominer l'esprit de combativite, c'est-a-dire l'esprit de vaillance et de bravoure originelles qui dorment chez l'enfant. Les sports font de l'enfant un adolescent vaillant, qui ne sait pas se detourner devant l'obstacle et qui n'a de tranquillite qu'apres l'avoir brise, dompte, vaincu. Le troisieme resultat consiste a donner la force ou l'endurance. L'etre fort, c'est celui qui sait endurer, ce n'est pas toujours celui qui attaque,--l'etre fort se revele bien plus par l'endurance et la patience,--c'est celui qui ne recule jamais. Voila l'adolescent qu'il faut fabriquer, et, certes, il n'est pas difficile d'en fabriquer de semblables dans le pays des Gaulois. Ce ne sont pas les Gaulois qui sont des paresseux, ils sont trop gais, trop expansifs. Ce sont toujours ceux qui ne craignaient rien qu'une chose: "que le ciel ne tombat sur leurs tetes." Ils poussaient la force jusqu'a la presomption. Eh bien, je le declare hautement, je prefere les presomptueux aux timides. (_Applaudissements._) Je vais dire quelque chose qui va plaire aux meres francaises, que je crois bien connaitre. Elles ont toujours peur, les meres francaises, elles ont le genie de la preservation. Permettez-moi donc de vous donner, Mesdames, un moyen de preserver vos fils, c'est-a-dire d'en faire des temperants qui n'aiment ni le vin ni l'alcool, qui ne commencent pas a fumer a douze ans, qui savent mettre le plaisir a sa place. J'ai observe et j'observe tous les jours que, dans le milieu ou il nous a ete donne a M. de Coubertin et moi d'organiser ces associations athletiques, ces jeunes gens ne fument presque pas, ne vont pas sur les champs de courses pour parier; qu'ils sont tres moderes et qu'en fait de plaisirs, ils pourraient arriver a donner des lecons, non seulement a Epicure qui etait un raffine de moderation, mais a l'autre, le chef des stoiques, qui etait un austere, et j'ai observe aussi qu'ils savaient se priver, se condamner meme a une dure hygiene dans un but superieur. Pour completer ces resultats d'ordre moral et psychique, je vous en signalerai un autre d'ordre civique. Les sports, en groupant la jeunesse pour un but qui repond a sa nature, a son besoin de mouvement, font les natures unies et preparent le bon groupement de l'ecole. S'il m'est permis de parler de l'Ecole Albert-le-Grand, j'avais remarque qu'il s'y formait des petites coteries provoquees par des sympathies naturelles, par des rapports de famille, par diverses convenances qu'il est difficile d'analyser, et je voyais les eleves se grouper six par six, quatre par quatre, deux par deux. Oh! je n'aime pas cela, parce que l'esprit de coterie est une cause de division et de faiblesse, et comme je n'ai pas l'habitude de couper le mal autrement que dans la racine j'ai laisse les choses aller, mais je me suis dit: Voici une plaie que j'extirperai; or, Messieurs, je l'ai extirpee sans rien dire, en organisant les sports, en melant tous les groupes. J'ai vu que cette grande jeunesse est arrivee a faire de la fraternite. Elle s'est rapprochee dans la lutte autour du drapeau blanc et noir, celui d'Albert-le-Grand, le notre, avec ses quatre lettres A-A-A-G, de sorte que tous ces combattants ne connaissaient plus que le capitaine qui tenait le drapeau, les officiers qui le secondaient et les braves soldats qui enfoncaient l'ennemi. (_Applaudissements._) Si j'osais, je pourrais m'adresser a M. le sous-prefet et lui dire: Vous qui menez des hommes, qui avez a les gouverner, vous savez quelle puissance on a quand on peut faire l'unite dans un milieu, quand on peut couper les sectes et ramasser les combattants autour d'une idee forte. La est le genie politique et, tandis que le genie de l'impolitique--passez-moi le mot barbare--est de diviser, celui de la politique est de reunir. (_Applaudissements prolonges_.) J'ai enumere quelques-uns des resultats obtenus experimentalement par les associations sportives et athletiques, par les exercices en plein air. En presence de ces resultats physiques, psychiques, moraux et civiques, les peres et les meres, les educateurs comprennent-ils maintenant qu'ils ont le devoir de pousser leurs fils et leurs disciples dans cette voie? Mais ici, une question pratique se pose d'elle-meme: comment ces associations sportives doivent-elles etre organisees pour donner tous leurs fruits? Je vais y repondre. J'ai eu l'honneur hier de prendre part a la discussion intime de la Commission pedagogique relative a cette question. J'avoue que j'y ai appris beaucoup de choses des professeurs de gymnastique scientifique, de M. le docteur Tissie surtout, qui est un maitre, non seulement dans la science medicale, mais dans la science pedagogique, et qui a sa science speculative ajoute une experience consommee. Pour mon compte--et j'ai ete tres heureux de rencontrer la collaboration de M. le sous-prefet du Havre, M. Cathala--j'ai exprime mes idees liberales relatives a l'organisation des sports dans les lycees, colleges et etablissements libres. Quelles sont ces idees? Je vous en dois l'expose public et tres detaille. Je reponds que le caractere de l'organisation de ces associations (je mets de cote les lecons de gymnase qui font partie du programme de l'enseignement classique) dans toutes les maisons ou l'on eleve la jeunesse francaise doit etre la liberte: liberte dans la fondation meme des associations, parce qu'il faut que les jeunes gens organisent leurs petites societes eux-memes. Ils doivent nommer leurs presidents, leurs secretaires, leurs tresoriers, constituer leurs bureaux. Etant ainsi constitues par eux, ils les acceptent comme une autorite librement reconnue. Et vous apercevez tout de suite que cette liberte dans l'organisation des societes presente un phenomene tres nouveau dans nos etablissements scolaires francais. J'ai ete frappe de ce fait que partout il y avait une centralisation absolue dans les lycees, dans les colleges, dans les ecoles libres, congreganistes, j'ai observe ce fait particulier que les eleves etaient toujours groupes au gre de l'autorite qui les domine. La centralisation est partout et c'est ce que je ne puis accepter. Aussi me suis-je promis que, quand j'aurais un ensemble a manier, je ferais un trou, par lequel je ferais entrer la liberte dans les associations et dans les etablissements d'education. Or, Messieurs, la liberte, intronisee la et pratiquee la, finira, soyez-en surs, par s'etablir dans le pays en maitresse souveraine. Ce que je m'etais promis de faire je l'ai fait. Et les associations se sont constituees, et j'admirais l'importance que se donnaient ces presidents, ces secretaires, tous ces membres du bureau, a cause de la dignite dont ils se voyaient tout d'un coup revetus. J'ai meme remarque que les dignitaires scolaires, institues par l'autorite, avaient moins d'influence que ceux choisis par les camarades. Pourquoi? Parce que ces derniers sont revetus seuls de l'autorite que l'opinion peut donner, car, dans les ecoles comme dans le pays, dans la nation comme dans les petits groupes, il y a une autorite souveraine,--l'opinion. Le chef qui ne la represente pas ne peut rien, celui qui la represente peut tout, surtout quand il poursuit un but eleve. (_Applaudissements prolonges._) De meme que ces associations scolaires naissent librement, de meme elles doivent s'administrer librement, meme en ce qui regarde leur budget, et c'est la ou je differerai peut-etre d'avis avec M. le docteur Tissie. Elles doivent apprendre a se gouverner pour connaitre la responsabilite, et je laisserai au besoin la faute s'accomplir parce qu'elle permet de donner une lecon. Je n'aime pas les eleves impeccables, je prefere ceux qu'on peut corriger et instruire a l'occasion d'une faute, de meme qu'on corrige le bon cheval a l'occasion d'un faux pas. Il faut donc laisser a ces associations le soin de leur bourse pour leur apprendre a s'en servir, a bien choisir quand elles achetent, et a payer le moins cher possible les objets dont elles ont besoin. Elles doivent s'administrer librement, sans entrave de la part de l'autorite. Il y a toujours, dans les etablissements d'enseignement, des censeurs austeres, severes, qui rappellent que telle chose ne doit etre faite qu'a 2 heures et demie.--Mais la bataille est a 2 heures!--La bataille, je ne connais pas cela. Je ne connais que l'heure fixee: 2 heures et demie. _(Rires.)_ Il faut faire disparaitre ces entraves et dire aux jeunes gens: Allez au combat, battez bien l'adversaire et, quand vous reviendrez, ayant remporte la victoire, avec un rayon de gloire sur le front, vous travaillerez mieux. _(Applaudissements.)_ Voici donc comment je comprends le role, l'attitude des directeurs d'etablissements vis-a-vis de ces associations sportives et athletiques d'apres la reserve que j'ai faite hier. Ce role se resume en un patronage bienveillant, encourageant, fortifiant, prevoyant. C'est tout ce qu'on peut se permettre vis-a-vis d'etres libres. L'etre libre, a moins d'un ordre qui lui est donne, est un etre affranchi, a qui l'on doit laisser la liberte. On ne doit lui parler que comme a un etre souverain, voila la formule. _(Nouveaux applaudissements.)_ Je vais encore faire une reserve; il faut que ces associations soient absolument respectueuses des heures d'etudes. Il est evident que, si une association athletique passe toute la journee a faire des sports, le latin, le grec, l'histoire, les mathematiques ne tomberont pas par une infusion superieure dans ces jeunes tetes. Il faut donc faire une part equitable du travail et des jeux, et je serais bien de l'avis de M. Godart, dont l'expression nette et sage a ete si bien resumee dans le _Velo_ par son envoye special, M. Frantz Reichel, ici present. C'est-a-dire je voudrais voir donner le temps qui lui est du a l'activite physique et meme l'augmenter, mais je n'irais pas jusqu'a la superstition des trois-huit. _(On rit.)_ Il est certain que huit heures d'etudes intensives donneraient un meilleur resultat qu'un plus grand nombre d'heures d'etude consacrees a un travail relache. Il est bien sur, toutefois, qu'en developpant les muscles, en les faisant solides, on obtiendrait une circulation cerebrale plus active. On arriverait, comme l'a si bien demontre M. Tissie, a des produits litteraires et scientifiques superieurs. Et j'estime que les vainqueurs du football ont bien des chances d'etre les laureats de demain dans les concours intellectuels. Et pour que les associations sportives produisent tous leurs effets, je voudrais qu'elles fussent absolument intransigeantes sur le point d'honneur et sur la dignite de l'athlete. Pas de compromis.--Monsieur, vous avez viole la loi, vous etes disqualifie.--Monsieur, vous avez menti, vous etes disqualifie.--Monsieur, vous avez maltraite votre adversaire, vous etes disqualifie. Un point, c'est tout. Avec des moeurs pareilles, nous irons peut-etre avec succes a l'encontre de ces consciences de caoutchouc que la politique a malheureusement tendu a developper, parce que la politique etant faite d'interets pousse au compromis, et que le compromis est toujours une entorse faite a la conscience. _(Vive approbation.)_ Que les associations sportives arborent donc le drapeau de l'intransigeance sur les questions d'honneur et lorsqu'elles entreront sur un terrain ou les compromis sont pratiques, qu'on les voie gagner la bataille avec une conscience irreductible contre les consciences souples, car les premieres gagnent aussi les batailles politiques beaucoup mieux que les consciences habiles. _(Vifs applaudissements.)_ Il est un point d'ordre civique sur lequel je dois m'expliquer. Quel que soit l'habit que je porte, l'habit n'est rien, et si l'habit ne fait pas le moine, il n'empeche pas de faire L'homme. _(Nouveaux applaudissements.)_ Nous ne pouvons pas oublier que nous vivons dans une vaste democratie, non pas seulement francaise, mais universelle. Qu'on vive sous un monarque ou un president de Republique, on n'en est pas moins un citoyen libre. Mais l'avantage d'une democratie comme la notre, c'est que l'individu participe a la direction generale. Il faut donc, dans une democratie, former des hommes eclaires et capables d'initiative. Si vous formez des etres passifs, n'agissant que par la seule impulsion du pouvoir, comment constituerez-vous une democratie serieuse? Vous n'aurez que des gens en tutelle, qui seront battus a tous les coups, comme sera battu par l'athlete celui qui n'aura recu aucune education athletique. Dans une democratie, les citoyens devraient donner a tous l'exemple du respect de l'autorite de celui qu'ils ont elu, de celui qu'ils ont consacre par leur vote. Je n'ai jamais vu des sportifs battre en breche l'autorite du president librement choisi par eux. Au contraire, ils font prevaloir cette autorite et ils savent la defendre quand on l'attaque. Ces moeurs, transportees dans une democratie, en assureront la fortune et la prosperite. _(Vifs applaudissements.)_ Je le dis tres haut, voila les eleves que j'essaie de former. Monsieur le representant du Ministre de l'Instruction publique, voulez-vous me permettre de dire que je ne comprends pas que, lorsque vous voyez un etablissement qui travaille dans cet ordre d'idees, il ne soit pas considere comme un etablissement luttant pour le bien de la France et l'avenir de la democratie. Nous pouvons etre des concurrents, nous devons etre des concurrents, parce qu'il est excellent que, dans un pays de liberte, la centralisation soit entamee par des hommes libres et chevaleresques. Mais c'est tout. Nous livrons le combat comme nous croyons devoir le livrer, mais nous luttons pour la meme cause. Nous presentons notre epee en signe d'amitie, comme le fait un chevalier. Jamais il ne faut attaquer un chevalier, un ami du droit et de l'independance: on entre en pourparlers avec lui, mais on ne s'expose pas a lui faire la guerre, car l'attaquer, c'est entrer en lutte contre la justice et la liberte. _(Tres bien! tres bien!)_ Je ne puis pas, Mesdames et Messieurs, meconnaitre que l'oeuvre des sports a des adversaires. M. de Coubertin traiterait cette question beaucoup mieux que moi, parce qu'il a ete de toutes les batailles que les associations sportives ont soutenues, et il le ferait avec d'autant plus d'eloquence qu'ayant ete de toutes les batailles, il les a toutes gagnees. En ce qui me concerne, j'aime beaucoup la bataille, surtout si je la gagne. _(Rires et applaudissements.)_ Mais je ne livre le combat que quand je crois etre sur du succes, sinon j'attends--mais je n'attends jamais longtemps. _(On rit.)_ Des que mes troupes sont bien pretes, que les armes sont au complet, alors je donne le signal du combat. Je puis etre battu, mais j'ai toujours assure ma ligne de retraite. Quels sont donc, Messieurs, les adversaires des sports? Je les classe en trois categories: les passifs, les affectifs et les intellectuels. J'emprunte ces termes au docteur Tissie et je suis heureux de me servir de cette jolie etiquette. Mais je les definirai autrement: les affectifs, c'est vous, Mesdames. Le plus grand ennemi des sports, c'est la mere. Combien ai-je entendu de meres me dire: "Et surtout que mon fils ne joue pas au football! --Madame, votre fils vous appartient et il n'y jouera pas, si vous le defendez. Mais pourquoi le defendez-vous? Vous etes calme en ce moment, causons.--Vous voulez donc que mon fils se casse une jambe, un bras, qu'il meure?--Non, Madame, je veux qu'il vive; et si on lui casse une jambe, nous la lui raccommoderons. _(On rit.)_--Ah! vous voila bien!--Ne savez-vous pas qu'une jambe raccommodee est beaucoup plus solide qu'une neuve?" _(Hilarite. Vifs applaudissements.)_ Vous voyez quelle est la resistance du sentiment. Et, a ce propos, je me rappelle un mot de Claude Bernard, dont j'ai suivi les cours autrefois. Il s'agissait alors de la vivisection et les affectifs etaient en mouvement. Toujours les sentimentaux! Les Anglaises avaient fonde une Ligue contre la vivisection, et Claude Bernard faisait remarquer qu'on ne pouvait pas discuter avec les sentimentaux, parce qu'une raison, meme la meilleure, ne peut pas mordre sur un sentimental. Le sentiment ne se laisse jamais persuader. "Comment! vous allez dissequer vivants mon chat, mon chien, mon petit lapin", disaient les membres de la Ligue contre la vivisection! Et Claude-Bernard faisait cette reflexion dans sa raison superieure: J'admire comment ces etres de sentiment, si pleins de compassion pour les betes, en ont si peu pour la pauvre humanite! "Comment apprendre a la guerir, si ce n'est en taillant les betes, en les examinant a l'interieur pour y chercher l'enigme de la maladie et surprendre le secret de la guerison." _(Applaudissements repetes.)_ Malgre l'opposition tenace des sentimentaux, la vivisection a continue a etre pratiquee et vous savez de quelles heureuses decouvertes elle a ete le point de depart. Avec toute votre sentimentalite, Meres, vous n'empecherez pas votre enfant de jouer. C'est l'enfant lui-meme qui vous persuadera. Quand il voudra se donner du mouvement, l'attacherez-vous, le ligoterez-vous pour qu'il n'exerce pas sa force avec ses camarades? Il veut etre plus fort qu'eux et vous ne l'en defendrez pas; si bien que, malgre l'objection des affectifs, les associations sportives continueront a se developper. Une autre objection est celle des eternels reactionnaires: les passifs, les partisans de ce qui fut; les ennemis nes et acharnes de ce qui doit etre. Une nouveaute! Pourquoi faire? Cela n'existait pas autrefois. Vous connaissez le theme. Le mouvement nouveau les effraye et, malgre tous nos efforts, vous voyez encore dans les etablissements d'instruction s'entasser eleves sur eleves. Vous voyez des centaines d'enfants dans des dortoirs, dans des cours, ou ils ne respirent pas, ou ils peuvent a peine courir, a peine marcher. Et c'est cela qu'ils appellent, les passifs, conserver les belles et bonnes traditions. Non, non et non! Pour gagner des victoires dans la vie, il faut des forces vraies, des forces pratiques, et on ne les acquiert que par les exercices de plein air, les sports athletiques qui trempent le corps, qui trempent l'ame. Nous voulons des hommes d'action; les associations sportives nous aideront a les creer parce qu'elles developpent les qualites pratiques sans lesquelles on ne peut rien faire d'utile en ce monde. Mais, mon fils ira au concours general, dit une mere. Il sera officier, il aura un plumet.--Est-ce le plumet qui fait gagner les batailles? Il est souvent genant. Les hommes qui veulent remporter des victoires ont besoin de forces pratiques. Ce que je prefere, c'est le jeune homme capable de conduire une de ces grandes affaires commerciales comme il y en a dans cette puissante ville du Havre. Je le prefere celui-la au Monsieur qui fera de la litterature, qui publiera des articles a 300, 400 ou 500 francs dans un journal en vogue, et qui, ayant le gousset bien garni, pourra mener une vie luxueuse. Celui qui conduira une usine de 1.000 ouvriers gagnera des batailles, les batailles de l'industrie et du commerce, il fera vivre des familles et il enrichira son pays, la France. _(Nombreux applaudissements.)_ Il y a une troisieme objection: celle des intellectuels. J'appelle intellectuel le Monsieur qui croit n'avoir plus d'estomac, qui ne peut pas souffrir un courant d'air. Il y a un courant d'air ici, fermez les fenetres. _(On rit.)_ Il est tellement affine, qu'il n'appartient plus a la race humaine. Nous sommes profondement meprises par lui, parce qu'il a fait des livres delicats, quintessencies, ayant la derniere forme et dans lesquels on trouve des choses qu'on n'a vues nulle part. Eh bien! que m'apprenez-vous, vous, les intellectuels? Je le declare, je suis peut-etre un barbare, mais tous ces romans je ne les lis pas. Je me suis toujours demande comment les femmes intelligentes pouvaient se nourrir ou plutot s'intoxiquer de ces livres, car il faut bien le reconnaitre, quand ils tirent a 100.000, il y en a 60.000 qui sont achetes par les femmes. _(Applaudissements repetes.)_ Que les intellectuels me pardonnent: au fond je suis un brave homme! _(Nouveaux applaudissements et rires.)_ En parlant comme je le fais, j'exprime des idees qui me sont cheres, en bon chevalier, mais je puis faire bon menage avec un intellectuel et passer de bonnes heures avec lui; je ne sais pas si elles sont, pour lui, aussi agreables! L'intellectuel dit: Developpez donc les cerveaux et non les muscles. Et moi je dis--et M. le docteur Tissie m'approuvera, je crois--: Pour developper le cerveau, il faut fortifier le muscle. Quand nous aurons battu les intellectuels--l'heure approche, car le muscle triomphe--nous verrons disparaitre des boulevards ces romans dont on s'empoisonne. Quelle belle victoire! _(Assentiment general.)_ Oui, ne serait-ce pas une grande victoire que de pouvoir reduire ainsi les intellectuels qui croient tenir le sommet de la pyramide humaine! Nous y arriverons, je l'espere bien. Je fais des voeux pour que ces idees penetrent et soient appliquees dans les lycees, colleges, dans les etablissements libres, dans les maisons de congreganistes, comme les appellent volontiers nos adversaires. Congreganistes, je n'aime pas ce mot-la, je prefere le mot libre. Je suis ce que je suis: j'ai mes idees, j'ai le courage de les dire et je cherche a les faire triompher. _(Vifs applaudissements.)_ Et pour terminer par un mot de concorde, je voudrais, Monsieur le Sous-Prefet,--et, pour ma part, mes efforts sont tournes vers ce but,--que les sports fussent un terrain ou toute la jeunesse francaise put se reunir, qu'on y travaillat a ruiner dans ce pays l'esprit qui nous divise, pour former une France comme nous la revons tous, nous les liberaux, non pas une France dans laquelle nous penserons tous de la meme maniere, c'est impossible, mais une France ou tous nous aurons la pratique austere, loyale et chevaleresque du respect des autres et de la tolerance. _(Applaudissements frenetiques et prolonges.)_ End of the Project Gutenberg EBook of Influence morale des sports athletiques by Henri Didon *** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK INFLUENCE MORALE DES SPORTS *** ***** This file should be named 13284.txt or 13284.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: https://www.gutenberg.org/1/3/2/8/13284/ Produced by Miranda van de Heijning, Renald Levesque and the Online Distributed Proofreading Team. 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There are a few things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works even without complying with the full terms of this agreement. See paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic works. See paragraph 1.E below. 1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation" or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the collection are in the public domain in the United States. If an individual work is in the public domain in the United States and you are located in the United States, we do not claim a right to prevent you from copying, distributing, performing, displaying or creating derivative works based on the work as long as all references to Project Gutenberg are removed. 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It exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from people in all walks of life. Volunteers and financial support to provide volunteers with the assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will remain freely available for generations to come. In 2001, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 and the Foundation web page at https://www.pglaf.org. Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit 501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at https://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by U.S. federal laws and your state's laws. The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered throughout numerous locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact information can be found at the Foundation's web site and official page at https://pglaf.org For additional contact information: Dr. Gregory B. Newby Chief Executive and Director gbnewby@pglaf.org Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide spread public support and donations to carry out its mission of increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine readable form accessible by the widest array of equipment including outdated equipment. Many small donations ($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt status with the IRS. The Foundation is committed to complying with the laws regulating charities and charitable donations in all 50 states of the United States. Compliance requirements are not uniform and it takes a considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up with these requirements. We do not solicit donations in locations where we have not received written confirmation of compliance. 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Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be freely shared with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper edition. Most people start at our Web site which has the main PG search facility: https://www.gutenberg.org This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, including how to make donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.